De l’UMP aux prétendus Républicains : le marketing comme credo

samedi 10 octobre 2020.
 

Depuis six mois, la Commission nationale de l’UMP chargée du programme a travaillé sous la direction de François Fillon (responsable du projet législatif du parti) et d’Emmanuelle Mignon (chargée de la Direction des Etudes et de la rédaction du projet).

Ce texte a été publié dans la presse ce 15 novembre 2006. Qu’en penser ?

Sur le fond, la candidature Sarkozy résulte de la « connivence » entre l’UMP et les « puissances d’argent » comme l’a justement dit François Bayrou. Cependant, une élection présidentielle ne se gagne pas par le seul vote des milliardaires. Il faut donc tromper les autres électeurs, des millions d’autres par une bonne pub.

Conscient de la difficulté de ce travail, Nicolas Sarkozy et François Fillon ont embauché des spécialistes de la communication d’entreprise, les animateurs du cabinet international Boston Consulting Group.

La pub « Programme législatif 2007 2012 de l’UMP » repose sur cinq valeurs, dix engagements et un slogan : la rupture.

A) Les cinq valeurs de l’UMP

Première valeur : le mérite des chefs d’entreprise et investisseurs, ceux « qui prennent des initiatives et des risques ».

Deuxième valeur : la justice. Elle est citée pour gagner les suffrages des précaires au candidat des milliardaires

Troisième valeur : la responsabilité. L’UMP entend par responsabilité la dénonciation des bénéficiaires de régimes spéciaux de retraite. But : attaquer des salariés qui touchent 1500 euros mensuels pour faire oublier les vrais profiteurs, ceux des retraites chapeaux, des stocks-options…

Quatrième valeur : le respect. Fonction de cette valeur : relayer la campagne sécuritaire du candidat aux présidentielles ; cet axe de communication est tellement habituel à droite qu’il a produit Mussolini puis Hitler.

Cinquième valeur : la confiance par les dix engagements du candidat.

Cette partie sur les valeurs est fade, faiblarde, asthénique. Il est vrai que la droite peut difficilement défendre des valeurs. Elle a toujours exécré la liberté pour tous, l’égalité pour tous, la fraternité pour tous, la justice pour tous. La droite française n’a jamais été « nationale » (1792, 1815, 1871, 1940…). La droite française n’a jamais été démocrate. La droite française s’est convertie du bout des lèvres à la « république ». Reste donc, une fois encore, à réussir une bonne pub.

B) Le premier engagement de l’UMP

Il vaut son pesant d’or : "la France acteur d’une autre mondialisation."

Les sondages signalent une large sympathie des citoyens français sur ce thème. Voilà donc Nicolas Sarkozy, libéral assumé, laudateur de l’impérialisme américain (« démocratie qui combine harmonieusement alternance et stabilité politique » ; « l’American way of life fait rêver les Français »…) chevauchant le slogan de l’altermondialisme le temps d’une campagne.

L’introduction sur ce point pue l’arnaque électoraliste « Les pouvoirs de l’OMC doivent être contrebalancés par une Organisation Mondiale de l’Environnement datée d’un pouvoir de contrainte et chargée de veiller à ce que le développement du commerce mondial ne se fasse pas aux dépens de la préservation de l’environnement ». Bigre ! ATTAC pourrait signer cet acte de foi ! En fait, l’UMP n’a aucunement l’intention de mettre en pratique cet objectif ; ce n’est pas en plantant des pâquerettes que Bolloré a fait fortune en Afrique et que Total exploite le pétrole en Birmanie.

Le premier engagement précis de l’UMP confirme bien la fonction publicitaire mensongère de tout le passage sur l’altermondialisation : « Mise en place d’une taxe sur le carbone importé appliquée aux biens des pays qui ne respectent pas de normes environnementales dans le domaine agricole ou industriel ». Si la France ou l’Union européenne appliquait un jour une telle taxe, les multinationales US seraient particulièrement touchés ; mais là n’est pas le problème tant qu’il s’agit seulement de pub.

Le deuxième engagement précis correspond beaucoup plus à l’intérêt sonnant et trébuchant des « puissances d’argent » qui soutiennent Nicolas Sarkozy « Il est impératif d’orienter notre épargne vers des investissements en actions d’entreprises multinationales, françaises et étrangères ». Et oui, vas-y Sarko ! Tu as raison, l’avant-garde de l’altermondialisation et de la révolution écologique, ce sont le CAC 40, Wal-Mart, Shell, Exon, BP, Chevron… Vas-y Sarko ! Réduisons le rôle de la Sécu, vive l’assurance privée ! Réduisons le rôle des retraites par répartition, vive la retraite par capitalisation ! Réduisons la rémunération du livret A, vive le portefeuille d’actions !

Les six engagements suivants portent sur l’immigration. Cela permet à la droite de dévier la colère des milieux populaires en stigmatisant les personnes nées hors de France, surtout en Afrique. Ne doutons pas de la volonté répressive de l’UMP. Par contre, le baratin sur l’immigration choisie n’a aucune chance d’entrer en application, au moins pour la bonne raison que les Etats africains sont trop faibles pour assumer les contreparties demandées.

Le neuvième engagement relève encore de la pub pour imbéciles « Nous ne soutiendrons ni les dictatures ni les pays dirigés par des régimes corrompus ». Ben Ali, Bongo, Khadafi, Mohamed 6 et les autres peuvent dormir tranquilles ; c’est seulement de la pub !

C) Deuxième grand engagement de l’UMP : RETROUVER l’EUROPE

Summum de la pub mensongère.

- « Une Europe fondée sur le principe de la préférence communautaire ». A l’heure où la droite française pousse activement à un grand marché transatlantique avec les USA et le Canada, quelle rigolade ! A l’heure où les multinationales si prisées de l’UMP présentent toutes de plus en plus l’aspect de transnationales, quelle jubilation a dû s’emparer des rédacteurs du programme ! A l’heure où la concurrence libre et non faussée à l’échelle mondiale constitue le fondement des politiques de l’Union européenne, quelle palinodie !

- « Un gouvernement économique européen » A l’heure où les libéraux hurlent contre l’intervention économique de l’Etat, préférant laisser jouer la « main invisible » et bienfaitrice du marché, qui peut croire que Sarkozy, Bolloré, Arnault et Margerie vont se battre pour un gouvernement économique européen d’ici 2012 !

- « Suspension de l’attribution de fonds structurels aux pays qui pratiquent le dumping social, fiscal ou environnemental » Ouaf ! Ouaf ! L’Union européenne, telle qu’elle a été construite par les libéraux et le grand patronat, est fondée sur le dumping afin de défaire les régulations nationales bloquant l’expansion du capital.

D) Troisième engagement UN ETAT QUI MARCHE BIEN

Incroyable ! L’UMP a mené bataille et va continuer à mener bataille si elle revient au pouvoir pour diminuer les moyens de l’Etat, particulièrement des services publics, mais dans son programme, elle titre Un Etat qui marche bien ! Oui, incroyable ! Quel toupet !

La plupart des engagements précis placés sous ce titre ne peuvent évidemment que relever de la propagande n’engageant que ceux qui y croient :

-  « Deux conseils stratégiques entourent le président de la république : l’un relatif aux affaires étrangères, à la défense et à la sécurité intérieure (celui-ci n’est que l’héritier du Conseil supérieur de défense mentionné à l’article 15 de la constitution et d’un conseil de la sécurité intérieure existant depuis 1986) ; l’autre relatif au développement durable et à la lutte contre le réchauffement climatique ».

-  « Introduction d’une dose de proportionnelle au Sénat ». Le but de cette phrase, c’est probablement de gagner des voix parmi les électeurs du FN. Dans la réalité, je doute que cette "dose de proportionnelle" voir le jour.

-  Vrai rôle législatif du Parlement « vraies possibilités d’amender les projets de loi du gouvernement et de proposer ses propres textes… Davantage associé à la détermination des politiques européennes, étrangères et de défense. » parole, parole, aurait chanté Dalida ! Vu ce que sont la 5ème république et l’Union européenne actuelle, je ne crois pas du tout en la volonté ou capacité de Nicolas Sarkozy de modifier significativement le rôle du Parlement français.

-  D’autres engagements, dilués dans les promesses qui ne coûtent pas cher, sont des menaces pour le salariat : service minimum garanti en cas de grève, favoriser le contrat négocié entre partenaires sociaux au détriment de la loi, règle d’or budgétaire, austérité des crédits publics, réduction d’effectifs et réorganisation de la fonction publique…

E) Quatrième engagement : UNE REVOLUTION ECOLOGIQUE

Que le lecteur me permette de citer l’intégralité du texte sur ce point tant il résume notre point de vue sur ce programme : d’une part le mensonge comme credo politique, d’autre part un programme n’est rien d’autre qu’une pub n’engageant que ceux qui y croient. L’élection n’est pas un moment clé de la démocratie mais un « marché » remporté par celui ou celle qui trouve les meilleures astuces conjoncturelles. Citons donc intégralement :

-  « Plan national, impliquant tous les Français et tous les secteurs de l’économie, destiné à résoudre en une génération les principaux problèmes écologiques de la France. »

-  « Transfert progressif de la fiscalité portant sur le travail à la fiscalité sur la pollution. »

-  « Création d’un crédit d’impôt environnement au profit des ménages, des entreprises et de tous les organismes qui investissent dans la recherche et les équipements pour réduire la consommation énergétique. Prêt à taux zéro pour les ménages pour l’isolation des habitations et l’acquisition d’équipements fonctionnant aux énergies renouvelables. »

-  « Détaxation de certaines énergies (biocarburants) et incitation au covoiturage et à la pratique du vélo ».

Continuer à analyser engagement après engagement serait fastidieux pour notre lecteur. Aussi, nous allons plutôt différencier les grandes techniques de publicité électorale utilisées.

F) Les engagements clientélistes de l’UMP

-  Vis-à-vis des militaires : Maintien de l’effort de défense au moins au niveau actuel. Ce point est évidemment contradictoire avec la « règle d’or budgétaire »

-  Vis-à-vis des médecins : « Alignement de la rémunération des généralistes sur celle des spécialistes. Espace de liberté tarifaire pour les médecins libéraux. »

-  Vis-à-vis des professions libérales de l’immobilier : « Prêt foncier à taux zéro dans les zones où la tension sur les prix est particulièrement vive »

-  Vis-à-vis de l’enseignement confessionnel « Liberté d’installation aux établissements sous contrat. »

-  Vis-à-vis des entreprises de formation professionnelle « Ecole de la 2ème chance »

-  Vis-à-vis du patronat « qui prend des initiatives et des risques et (qui) doivent être valorisés et récompensés. »

Les autres engagements clientélistes de l’UMP sont assez nombreux vis-à-vis des handicapés, des chercheurs, des bénévoles associatifs, des nouveaux parents, des jeunes, des étudiants… Pour la plupart, la seule chance qu’ils voient le jour, ce n’est pas que l’UMP gagne les élections présidentielle et législative mais au contraire qu’elle soit battue.

G) La réalité sous les mots

- Cinquième engagement « Une société du respect et de l’égalité des chances ». L’électeur pressé retient respect et égalité des chances, slogans qui ne mangent pas de pain. D’ailleurs la plupart des propositions contenues sous cet engagement ne risquent pas de voir le jour, par exemple « nomination d’un responsable de quartier doté de vrais pouvoirs, disposant directement de tous les crédits » ou « réduction de moitié du nombre d’élèves dans les établissements scolaires difficiles ». Les objectifs sécuritaires sont clairs quoique très démagogiques.

- Sixième engagement « Revaloriser le travail et augmenter le pouvoir d’achat ». L’électeur pressé et peu politique se dit « Juste, il faut augmenter les salaires pour revaloriser le travail ». Or, il n’en est pas question pour l’UMP ! Que ce soit sur les retraites, sur la fin programmée du Contrat à Durée Déterminé, sur la participation… les mesures prévues vont dans le sens d’une baisse du pouvoir d’achat du milieu salarié et populaire.

- Septième engagement : « Education, le devoir de réussite » L’électeur pressé retient Education Réussite. Or, rien dans les projets cités ne permet de penser que l’UMP souhaite vraiment une école de la réussite : « autonomie accrue des établissements », « évaluation rigoureuse et indépendante de leurs performances qui seront rendues publiques », « suppression de la carte scolaire »…

- Huitième engagement « Gagner la bataille mondiale de l’intelligence » L’électeur pressé retient intelligence ! Qui est contre ? En fait, les propositions envisagées favorisent plutôt les privilégiés que réellement l’intelligence « Indexation des bourses sur les résultats scolaires ».

- Neuvième engagement : « Justice et responsabilité pour préserver notre protection sociale »

L’électeur pressé retient Justice et Protection sociale. Or, les propositions sont contraires à ces objectifs :

-  La suppression des régimes spéciaux va seulement dans le sens de la baisse générale des retraites

-  La lutte contre les petits fraudeurs au RMI cache surtout l’absence de lutte contre les gros fraudeurs (évasion fiscale, exil fiscal, blanchiment…)

-  L’alignement de tous les médecins sur les honoraires des spécialistes n’améliorera pas le budget de la protection sociale.

-  L’augmentation des franchises n’améliorera pas les remboursements etc

- Dixième engagement : « Faire de chaque famille un foyer de sécurité et de liberté » Dans un programme de droite, ce refrain sur la famille est inéluctable. Cependant, quelle forfanterie grotesque ! Comment faire de chaque foyer un espace de sécurité et de liberté dans l’état actuel de nos banlieues ? vu le nombre considérable de familles vivant en dessous du seuil de pauvreté ? vu l’ampleur des questions de logement ??? En fait, l’objectif de l’UMP n’est pas aussi ambitieux. Dans sa vision sécuritaire, il suffit de « suspendre ou mettre sous tutelle les allocations familiales des familles ne remplissant pas leur rôle » pour que chaque parent, en bon adjudant, fasse respecter l’ordre dans sa famille.

H) Un slogan : la rupture contre les injustices

Le programme de l’UMP insiste sur les succès de la droite au gouvernement depuis 2002. Mais il est nécessaire d’aller plus vite, plus loin, d’opérer une rupture

Lisez bien ce qui suit, placé en introduction du programme :

« Depuis 25 ans, on n’a pas pu, pas voulu ou pas réussi à sortir des faux-semblants qui régissent le fonctionnement de l’Etat, de l’action administrative, de la vie publique… Ayons le courage de traiter les vrais problèmes. Au nom souvent d’une égalité de façade, l’immobilisme de la pensée a fait le lit de nouvelles injustices :

-  L’injustice de l’effort non récompensé et du travail dévalorisé…

-  L’injustice devant la santé, le logement ou l’école

-  L’injustice de l’inégalité des chances et de l’absence d’espérance

-  L’injustice des délocalisations subies ou prévisibles

-  L’injustice de l’exclusion durable

Ces injustices sont profondes. Elles minent la confiance dans les élites, la foi dans l’avenir et le désir de vivre ensemble. Elles donnent le sentiment d’une société bloquée… C’est pour cela que nous voulons la rupture avec la pensée unique, avec les conservatismes, avec les mauvaises politiques publiques… »

Attention ! Si ne se dégage pas un vrai candidat ou une vraie candidate unitaire antilibérale, je crains fort que Nicolas Sarkozy ne réussisse à se faire passer pour le candidat de la rupture contre les injustices auprès d’une part significative de l’électorat populaire.

Attention ! Si Ségolène Royal ne durcit pas la tonalité sociale de sa campagne, elle va apparaître pour les électeurs peu politisés comme la candidate du système et Nicolas Sarkozy celui de la rupture.

Décidément, ce mois de novembre 2006 ne nous a rien épargné !

Jacques Serieys le 29 novembre 2006


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