Lactalis, Danone : ces géants de l’agro-industrie qui se gavent sur le dos des agriculteurs et des consommateurs

lundi 12 février 2024.
 

« Il n’a parlé ni des marges de l’agro-industrie qui nous écrasent, ni des traités de libre-échange qui nous tuent à petit feu », déclare Thomas, agriculteur dans les Bouches-du-Rhône. Après le discours de politique générale de Gabriel Attal, la colère des agriculteurs s’amplifie. « Rien de concret, on va donc continuer », déclare un autre agriculteur à côté de Thomas.

Pas un mot n’aura donc été prononcé par Gabriel Attal quant aux marges colossales de l’agro-industrie.

Leur nécessaire encadrement est pourtant l’une des revendications phares des agriculteurs. À raison lorsque l’on sait que la fortune des 3 propriétaires du géant du lait Lactalis s’élève à 43 milliards de dollars soit l’équivalent de 2,5 millions années de revenus pour un éleveur bovin comme l’a révélé l’ONG Oxfam le 26 janvier 2023. Pour Danone, même constat, même gavage. Les deux sont en tête du classement des groupes de l’industrie agro-alimentaire qui se gavent sur le dos des paysans et des consommateurs. Leurs marges ont augmenté de 71% en un an et demi.

Une situation qui fait que « les agriculteurs sont au bout du rouleau, mais surtout au bout du système », selon les mots de la secrétaire nationale de la Confédération paysanne, Sylvie Colas. Le constat est connu, mais trop peu souvent décrié : les prix pour le consommateur ont augmenté de 10 % quand la rémunération des agriculteurs a baissé de 10 %. Entre les deux, qui se gave ? L’industrie agro-alimentaire. Notre article.

Où va l’argent du secteur de l’alimentation ? Dans les poches de Lactalis

Côté consommateur, 9 millions de personnes n’ont pas assez à manger et doivent recourir à l’aide alimentaire en France. Quand ils peuvent s’acheter à manger, de nombreux ménages doivent sacrifier la qualité pour avoir des quantités suffisantes. Résultat, 49 % de la population est en surpoids, 17 % victime d’obésité. 80% des gens ne peuvent se payer 5 fruits et légumes par jour.

Côté producteur, 1 sur 5 vit sous le seuil de pauvreté. Chaque année, les chiffres de suicide des agriculteurs oscillent macabrement entre un par jour et un tous les trois jours.

Est-ce difficile pour tout le monde ? Ou bien y aurait-il un responsable de la misère à chaque bout de la chaîne ?

Le 11 avril 2023, l’Institut la Boétie répond à cette question. Entre le dernier trimestre 2021 et le premier trimestre 2023, le taux de marge des géants de l’agro-industrie a bondi de 28 % à 48 %, soit une augmentation de 71 %. Bien loin du simple « rattrapage », décrit par le gouvernement. La note démontre que les profits des entreprises ont contribué pour près de 49 % à l’envolée des prix alimentaires, devant le prix des intrants (moins de 48 %) et très loin devant les salaires et impôts nets des subventions (à peine 4 %).

L’enquête de ONG Oxfam vient préciser le nom des coupables de la catastrophe qui affame la population et tue les agriculteurs. Les responsables ont des noms. Le premier d’entre eux s’appelle Emmanuel Besnier, propriétaire et PDG de Lactalis.

C’est cet homme qui impose des prix d’achat du lait en dessous du coût de production. C’est à cause de lui que les éleveurs ne peuvent pas vivre de leur travail. C’est un choix. Assumé, pour maximiser la rentabilité de son entreprise. Et verser des dividendes toujours plus faramineux, à ses actionnaires, et au premier d’entre eux, lui-même. Le milliardaire possède en effet 51% du groupe.

Attal et Bardella : duel de mots creux, aucune solution efficace à la souffrance des agriculteurs Gabriel Attal a-t-il effleuré le sujet lors de son opération de communication totalement hors sol du vendredi 26 janvier ? Pas une seconde. Il tente de faire diversion. Ses annonces sont un bide total. Jordan Bardella, qui voudrait se racheter une virginité auprès des agriculteurs après avoir voté la Politique agricole commune, les traités de libre-échange et la hausse des importations, a-t-il une seule fois dénoncé ce système absurde où l’entreprise qui se contente de mettre le lait en rayon touche plus que la personne qui le produit ? Non. Jamais.

Ces deux faces d’une même pièce se paient de mots. Ils répètent, à longueur de plateau, de micro tendus par des journalistes énamourés, qu’ils comprennent les agriculteurs, qu’ils entendent leur colère. Mais jamais, jamais, ils ne remettront en cause le système agricole qui pousse au suicide un agriculteur tous les deux jours.

Ce n’est pas trois mesures cosmétiques qu’il faut. C’est d’ailleurs en réaction à cette déconnexion totale que tous les syndicats, même les moins anticapitalistes, ont été poussés par leur base à poursuivre le mouvement avec un blocage des grands axes autour de Paris. Le temps des mesurettes est terminé. Il faut une rupture.

Et cette rupture, seule la France insoumise la propose et la défend. Invariablement, constamment, les élus insoumis s’opposent au traité de libre échange qui n’enrichit que les industries agro-alimentaires qui profitent de la concurrence déloyale pour se gaver toujours plus.

Pour aller plus loin : Les traités de libre-échange tuent les agriculteurs

Prix rémunérateurs garantis : la proposition insoumise pour sortir de l’impasse

Dès le 30 novembre 2023, lors de la niche parlementaire de la France insoumise, Manuel Bompard, coordinateur du mouvement et Aurélie Trouvé, ancienne porte-parole d’Attac et figure de l’Union populaire, défendent une loi qui impose des prix planchers. C’est-à-dire des prix qui garantissent une rémunération décente à tous les agriculteurs.

Cette proposition résonne parfaitement avec la revendication principale, la plus partagée dans tout le mouvement : « Nous voulons vivre de notre travail ». Doublée d’un blocage des marges, cette loi permettrait à la fois aux personnes qui produisent la nourriture de sortir de la pauvreté. Et aux ménages modestes de se payer une nourriture de qualité. En prenant aux parasites de la grande distribution et de l’industrie agroalimentaire. Lactalis en tête.

Grâce à l’évidence morale d’une telle proposition, à la force argumentaire et au sens tactique des insoumis, tous les amendements ont d’abord été votés par une majorité de députés. Puis, Emmanuel Macron a appelé tous ses députés à venir s’opposer lors du vote final. Finalement, à 6 voix près, cette proposition a été rejetée.

Lorsque la France insoumise arrivera au pouvoir, cette loi de prix rémunérateurs garantis et de blocage des marges des industries agro-alimentaires, sera une des priorités essentielles pour remettre de l’ordre et de la justice dans ce pays.

Par Ulysse


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