Déclaration sur le génocide à Gaza

dimanche 21 avril 2024.
 

Note : Depuis que nous avons écrit cette déclaration, un nouveau cycle de violence s’est ouvert au Moyen-Orient, déclenché par l’attaque israélienne contre le consulat iranien en Syrie et par l’attaque massive de drones et de missiles iraniens contre Israël, qui a été abattue avec l’aide des forces britanniques et américaines. Où cela se terminera-t-il ?

Le dimanche 7 avril 2024 a marqué exactement six mois depuis qu’Israël a déclenché sa guerre brutale contre le peuple palestinien à Gaza, une guerre qui ne semble pas près de s’arrêter.

À Feminist Dissent, nous avons du mal à trouver les mots pour décrire la douleur et la rage que nous ressentons face à la cruauté et à l’injustice qui se sont manifestées depuis le 7 octobre 2023. Ce jour-là, le Hamas et ses associés ont attaqué, torturé et assassiné de nombreux et nombreuses civils israéliens et ressortissant·es étranger·es, y compris des femmes et des enfants – 1200 personnes ont été tuées et 253 prises en otage, dont seulement 112 ont été libérées ou sauvées et 12 corps ont été retrouvés. Parmi les personnes agressées et tuées figuraient des militant·es pacifistes, dont certains·e étaient elleux-mêmes des survivant·es·de l’Holocauste, qui s’étaient engagé·es depuis longtemps à vivre au service de l’humanisme, de la compassion et de la réconciliation entre les deux peuples. Le Hamas ne faisait pas de distinction entre la population civile et l’État israélien.

Israël ne l’a pas fait non plus lorsqu’il a entamé sa campagne de vengeance – ostensiblement contre le Hamas – qui s’est avérée être une guerre brutale et totale contre la population de Gaza qui continue d’être diabolisée, déshumanisée, disloquée et tuée en masse. Au cours des six derniers mois, 33 494 Palestiniens·ne sont mort·es, dont plus de 13 000 enfants et 8 400 femmes. Huit mille autres personnes sont portées disparues. Ces chiffres ne tiennent pas compte des blessé·es et des mort·es en Cisjordanie.

Il est évident qu’il ne s’agit pas d’une guerre symétrique ou d’une guerre sans contexte. Si le Hamas et l’État israélien représentent tous deux des forces fondamentalistes et antidémocratiques de terreur et de répression qui se nourrissent l’une de l’autre, ils le font dans une dynamique profondément inégale dans laquelle Israël est la force dominante, en raison de sa puissance militaire et du soutien occidental. Depuis des années, Gaza est pratiquement une prison à ciel ouvert et Israël a longtemps cru que sa politique de division et de domination des différentes factions palestiniennes lui permettrait de continuer à dominer les Palestinien·nes sans être inquiété. Il aspire à une « normalisation » avec d’autres pays du Moyen-Orient tout en ignorant la question palestinienne. L’attaque du Hamas montre les limites de ces politiques, en particulier dans un Israël néolibéralisé et religieux qui a abandonné la plupart de ses citoyen·nes au profit d’intérêts économiques spécifiques et surtout d’intérêts religieux et nationalistes.

La relation entre Israélien·nes et Palestinien·nes doit être comprise à travers une histoire de colonialisme de peuplement, d’occupation et d’apartheid racialisé, alimentée par le projet sioniste de peuplement et, de plus en plus, par la politique juive de droite et fondamentaliste. La tragédie de cette guerre est que l’attaque du Hamas a renforcé l’angoisse existentielle des Israélien nes et ajouté la soif de vengeance à la déshumanisation croissante de « l’autre », qui s’est accrue dans les politiques d’occupation israéliennes. En conséquence, l’objectif de la guerre visant à « en finir avec le Hamas » – une organisation qu’Israël a cultivée pendant des années en tant que pouvoir politique intra-palestinien s’opposant à l’OLP laïque puis plus progressiste – est devenu dans la pratique une guerre visant à l’anéantissement total de la Palestine. En bloquant l’aide humanitaire et en détruisant l’infrastructure juridique, sociale, culturelle, religieuse et économique palestinienne nécessaire à la vie, Israël est passé du domicide à des politiques génocidaires permanentes qui utilisent la famine comme arme contre la population de Gaza. La campagne militaire d’Israël, pilotée par l’intelligence artificielle, lui a permis d’étendre la guerre dans toutes les directions pour englober toutes les parties de la société palestinienne, y compris les journalistes, les éducateurs et les éducatrices, les travailleurs et les travailleuses de la santé et de l’aide humanitaire, les personnes âgées et les malades. Les mort·es, les déplacements et la dévastation généralisés qui ont suivi ont conduit les Nations unies et de nombreuses agences humanitaires à mettre en garde contre le « danger imminent de famine », qui est en fait déjà une réalité pour un nombre croissant d’habitant·es de Gaza, en particulier dans le nord.

Les signes avant-coureurs d’un génocide imminent étaient là depuis le début. Suite au tollé international, en janvier 2024, l’Afrique du Sud a réussi à pousser la Cour internationale de justice à statuer provisoirement qu’Israël est engagé dans des actes plausibles de génocide et à appeler à un cessez-le-feu immédiat en conformité avec les obligations d’Israël en vertu de la Convention sur le génocide. Le rejet éhonté de la décision par Israël témoigne d’un stupéfiant sentiment d’impunité rendu possible par le soutien du Royaume-Uni et d’autres puissances occidentales. L’encouragement, le soutien militaire et financier d’Israël par les États-Unis, l’Allemagne, le Royaume-Uni et d’autres pays constituent un nouveau fiasco dans notre ordre mondial d’après-guerre fondé sur des règles. Il s’agit d’une démonstration flagrante de complicité opportuniste et de la dégradation d’un leadership mondial qui a atteint des niveaux dangereux de faillite juridique, morale et politique. C’est précisément cette collusion qui a conduit d’anciens juges et avocat·es de la Cour suprême du Royaume-Uni à prendre la mesure sans précédent de publier une lettre avertissant que le Royaume-Uni risque lui-même d’enfreindre gravement le droit humanitaire international par le biais de politiques telles que son commerce d’armes avec Israël.

Les violences sexuelles et les viols commis par le Hamas à l’encontre des femmes israéliennes constituent une dimension supplémentaire de la guerre. En ce qui concerne le 7 octobre 2023, des preuves crédibles montrent qu’il s’agit d’une attaque calculée contre des femmes israéliennes dont les corps ont été violés, mutilés et utilisés comme armes de guerre. Nous dénonçons ces actes de brutalité et de dépravation dans les termes les plus forts possibles et soutenons les enquêtes indépendantes sur ces événements en tant que crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Bien que les violences sexuelles n’aient pas atteint l’ampleur des guerres de Bosnie ou du Rwanda, il est clair que le Hamas avait l’intention de se venger en humiliant et en dégradant les femmes israéliennes.

Mais les actes de viol et de mutilation du Hamas proviennent de la même source idéologique qui se manifeste sur le corps des femmes palestiniennes. À l’instar de tous les mouvements fondamentalistes religieux, le Hamas a fait reculer les droits des femmes à Gaza en imposant des normes et des lois discriminatoires de la charia qui considèrent les femmes comme inférieures et justifient les restrictions de leurs mouvements, leur oppression et d’autres formes de violence à leur encontre. Par exemple, le nombre de femmes palestiniennes agressées ou tuées, y compris dans des crimes dits d’honneur, par des hommes violents a augmenté d’année en année à Gaza et dans d’autres territoires palestiniens.

Ce n’est là qu’une des nombreuses raisons pour lesquelles le Hamas ne symbolise pas une lutte héroïque pour la libération de la Palestine, comme l’ont prétendu de nombreux membres de la gauche. Il s’agit d’un groupe islamiste militant qui a été créé à partir des Frères musulmans fondamentalistes par l’État israélien à Gaza pour semer la division et affaiblir la lutte des Palestinien·nes pour la liberté. Il ne se préoccupe pas plus des droits humains des femmes que l’État israélien, qui n’a pas hésité à instrumentaliser le viol et la violence sexuelle des femmes israéliennes pour justifier le massacre des Palestinien·nes. Nous ne devons pas oublier qu’Israël a lui aussi une longue et sordide histoire d’utilisation de la violence sexuelle contre les femmes, voire les hommes et les garçons palestiniens, comme arme de torture. Dans le même temps, il apaise également les forces fondamentalistes juives et ultra-orthodoxes qui exigent un plus grand contrôle patriarcal des femmes au sein de la société israélienne.

Le recours au viol et à la violence contre les femmes dans n’importe quel contexte doit être condamné, mais il en va de même pour l’assujettissement du peuple palestinien par Israël, qui dépend non seulement d’une violence et d’une surveillance aveugles, mais aussi d’un génocide en soi.

Il est difficile d’avoir de l’espoir en ces temps très sombres. Mais nous ferions bien de nous rappeler qu’en Israël, la résistance au mépris de Netanyahou pour la vie des otages et de leurs familles et à sa politique belliciste se développe, même si c’est pour des raisons politiques différentes. Si l’existence d’Israël en tant qu’État ethno-nationaliste et d’apartheid n’est pas encore sérieusement menacée, sa prétention douteuse à la démocratie et à la recherche de la paix s’effiloche rapidement.

Alors que la plupart des hommes politiques continuent d’excuser ou de défendre les actions d’Israël, en dehors d’Israël, la résistance de tous les secteurs de la société civile prend de l’ampleur. Guidés par les notions de liberté, d’État de droit et de justice sociale, de plus en plus de personnes réclament non seulement la fin de la guerre ou même de l’occupation post-1967, mais aussi la transformation de la Palestine/Israël en un État où tous les résident·es, quelle que soit leur origine ethnique, nationale, leur sexe ou leur classe sociale, peuvent jouir de droits humains et civils individuels et collectifs égaux. Pour celles d’entre nous qui se considèrent comme des féministes laïques, antiracistes, anti-fondamentalistes et socialistes, la lutte pour la survie de notre humanité et des valeurs fondamentales qui devraient la sous-tendre est devenue une lutte politique urgente.

Feminist Dissent

• Entre les lignes entre les mots. 18 avril 2024 :

https://entreleslignesentrelesmots....

https://feministdissent.org/blog-po...


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