Le préfet de l’Aveyron entre chien et loup

mardi 14 mai 2024.
 

L’arrêté préfectoral n’ira pas jusqu’à son terme. Le 10 avril dernier, le préfet de l’Aveyron signait l’autorisation d’abattre les chiens se baladant seuls la nuit sur le Larzac. Valable un mois, ce blanc-seing fit grand bruit. « Halte au feu », dit en substance le tribunal administratif de Toulouse, réuni d’urgence à la veille du pont du 8 mai. Saisi en référé par deux petites associations de défense des animaux, le magistrat toulousain de permanence a donné raison à leur avocat. Me Patrice Grillon, avocat parisien spécialisé dans le droit des animaux, s’est contenté de rappeler le droit : il est interdit de tuer un animal domestique à coup de fusil. Les lieutenants de louveterie de l’Office français de la biodiversité (OFB) ont donc été contraints de ranger prématurément leurs fusils équipés de lunettes à vision nocturne, trois nuits avant la fin de leur mission.

Les représentants du préfet ont vainement tenté d’expliquer devant le juge qu’il ne s’agissait pas d’envoyer la Légion Etrangère massacrer tous les chiens du causse au Famas. Un seul canidé était suspecté d’avoir tué 52 brebis lors d’une dizaine d’attaques de troupeaux depuis le début de l’année dans le secteur de La Cavalerie. Un loup ? Pas de problème, la brigade spéciale de l’OFB est stationnée depuis l’an dernier dans l’Aveyron pour éliminer le prédateur est là pour ça. Mais ces fins limiers ont eu comme un doute en apercevant furtivement l’animal : et si c’était un chien, chef ?

Pour ne pas braquer les éleveurs, déjà énervés par le retour des loups sur les causses, les experts ont mentionné sur chaque PV d’attaque de troupeaux : « loup possible ». Mais si c’est un chien, c’est à l’assurance du maître de régler la facture. Selon les louvetiers de l’OFB, le canidé suspect pourrait être en réalité un « berger de Saarlos ». Ces chiens ressemblent à s’y méprendre à un loup. Et pour cause : leur « inventeur » hollandais a croisé une louve sibérienne achetée au zoo de Rotterdam avec son berger allemand pour créer la race de toute pièce, au siècle dernier.

Chien-loup ou loup-chien, l’animal traqué toutes les nuits depuis presque un mois sur cinq communes est resté pratiquement invisible. Il n’aurait été aperçu qu’une seule fois, sans être tiré selon Marie-Amélie Viargues, présidente de la FDSEA de l’Aveyron. Les louvetiers de l’Aveyron, sachant très bien que la loi interdit de tirer sur un chien, avaient juste trouvé un parapluie commode à la préfecture en cas de « bavure ». Si le canidé tueur de brebis s’avérait être finalement un chien domestique, son maître inconnu aurait pu légalement réclamer des dommages et intérêts. Dura Lex, sed Lex.


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