« Cette victoire, nous sommes allés la chercher » - Lettre ouverte à Emmanuel Macron

vendredi 26 juillet 2024.
 

Le miracle s’est produit. Nous avons vaincu l’ennemi. Les chiffres se sont dévoilés dans la plus grande des surprises. Ce n’est que temporaire, je le sais très bien. Il n’empêche. L’extrême droite reste en troisième position, elle que tous les sondages plaçaient sur la plus haute marche du podium. Elle qui, malgré tout, remporte cette élection au regard du nombre de votants et non de sièges.

https://blogs.mediapart.fr/williamd...

Ma fille avait accouru, sanglée dans son peignoir, les cheveux mouillés en désordre, en souriant à la vue de son père qui avait levé les bras en l’air. Elle s’était jointe à nous et le soulagement s’était dessiné sur son visage.

Cette victoire, nous sommes allés la chercher. Nous l’avons arrachée au nom de la Liberté, de l’Egalité et de la Fraternité. Au nom des valeurs républicaines. Et que cela fait du bien.

Puis nous nous sommes réveillés avec la gueule de bois.

Nous avons naïvement cru que la majorité l’emporterait. Nous avons cru en la démocratie. Nous avons candidement espéré qu’enfin les valeurs humaines prévaleraient sur celles de l’argent, idiots que nous sommes. Un autre danger se cachait derrière le RN. Un ennemi qui occupe le terrain depuis sept ans.

Monsieur Macron, vous vous êtes fendu d’une lettre aux Français le 10 juillet. Une question me vient aussitôt à l’esprit. A quels Français ? A ceux dont vous bafouez les droits depuis votre accession sur le trône de la Présidence ? A ceux dont vous serrez les mains, amis républicains devenus si précieux depuis les élections ?

Par curiosité, j’ai lu cette fameuse lettre. Après tout, elle me concerne. Je cite : « Aucune force politique n’obtient seule une majorité suffisante et les blocs ou coalitions qui ressortent de ces élections sont tous minoritaires. Divisées au premier tour, unies par les désistements réciproques au second, élues grâce aux voix des électeurs de leurs anciens adversaires, seules les forces républicaines représentent une majorité absolue.”

Ainsi, aucune force politique n’ayant obtenu une majorité suffisante ne peut prétendre à la victoire ? Dans le fond, vous n’avez pas tort. C’est traditionnellement le plus fort qui l’emporte. Nous avons bel et bien un vainqueur ne vous en déplaise. Un vainqueur dont vous refusez la légitimité. De même, sans les tractations des désistements, le Nouveau Front Populaire n’aurait pu bénéficier d’autant de sièges ?

Cher Emmanuel, soyons un peu honnête et un peu moins ridicule. L’heure est bien trop grave. Vous ne devez votre nomination qu’au peuple de gauche qui, grâce à vos manipulations pour que le Rassemblement National soit votre adversaire de toujours au deuxième tour des présidentielles, nous contraint, nous, représentants d’une gauche que vous avez cherché à détruire, à faire barrage en votre faveur. Et vous osez encore revendiquer la majorité absolue, vous qui, justement, n’avez pas été élu majoritairement par le peuple.

Vous ne souhaitez en aucun cas une cohabitation alors que vous l’avez décidée lorsque vous avez opté pour une dissolution de l’Assemblée.

Je poursuis ma lecture car je vous soupçonne d’être allé encore plus loin. Je cite : « Les idées et les programmes avant les postes et les personnalités : ce rassemblement devra se construire autour de quelques grands principes pour le pays, de valeurs républicaines claires et partagées, d’un projet pragmatique et lisible et prendre en compte les préoccupations que vous avez exprimées au moment des élections […] Ce que les Français ont choisi par les urnes – le front républicain, les forces politiques doivent le concrétiser par leurs actes. »

Enfin un premier point sur lequel nous pourrions marquer notre accord. Bon, certes, le phrasé est consensuel. Quelle drôle d’idée cette histoire de programmes avant les personnalités. Décidemment, vous étiez d’humeur badine !

Je me suis interrogée sur « le projet pragmatique ». Est-ce celui que vous avez mis en œuvre depuis toutes ces années ? Celui qui consiste à détruire le pays à coup de 49.3 ? Humm… Cela mérite réflexion.

Tout à coup, mes yeux se posent sur le groupe nominal « Le front républicain ». Serait-ce un nouveau parti non présent aux élections ? Ainsi, c’est lui qui en sort vainqueur ? J’avais cru comprendre qu’il s’agissait du Nouveau Front Populaire. Serait-ce alors une nouvelle alliance qui vous permettrait de vous unir à une droite républicaine, vieille garde conservatrice dont plus personne ne veut ? Il ne s’agit ni plus ni moins que d’une France qui s’accroche à ses privilèges, jetant en pâture ses véritables citoyens. Celle qui a peur de ne plus profiter d’un système qui lui a permis, grâce à vous, de s’enrichir.

C’est bel et bien le Nouveau Front Populaire que les français ont choisi par les urnes au cas où vous en douteriez encore.

Rassurez vous, personne n’est dupe et cette erreur lexicale est bien entendu voulue, pensée.

Vous marquez une nouvelle fois votre mépris pour le peuple français qui a voté dimanche dernier au nom de la protection du socle républicain, celui qui existe aussi à gauche. Vous bafouez notre pays jusqu’à renier le choix de vos sujets, préférant nous expliquer que le mieux serait d’attendre avant de nommer un Premier Ministre. Ah si cette attente pouvait durer encore trois ans... Vous poursuivez votre politique qui consiste à ouvrir la porte à l’extrême droite. Ne nous leurrons pas. Sa montée est inéluctable. Il ne s’agit que d’un sursis.

Vous avez libéré une parole qui ne devait en aucun cas être portée ; l’argument : « Nous n’avons encore jamais essayé le Rassemblement National, alors pourquoi pas ? » Mais oui, pourquoi pas ? Peut-être parce que nous l’avons déjà expérimenté en 1933 en Allemagne avec un certain Adolf Hitler et que l’expérience fut loin d’être concluante.

Alors, nous sommes des millions à ne pas vouloir essayer. Ou plutôt si.

Nous voulons essayer une juste répartition des richesses.

Nous voulons essayer un modèle social et non libéral.

Nous voulons essayer un monde en paix.

Nous voulons tenter un monde ensemble.

La pression qui repose sur les épaules du Nouveau Front Populaire ne laisse que très peu de place à un quelconque faux pas. Les conséquences en seraient terribles. Ce serait ouvrir définitivement la porte à une France anti démocratique. Une France qui se perdrait hors des Droits de L’Homme qui pourtant en font sa singularité.

Ne reste qu’une France ingouvernable au sien de laquelle chaque projet de loi sera débattu, contré et réduit en cendres à moins d’engager la responsabilité du gouvernement. A moins que vous nous imposiez vos sbires.

Vous portez la responsabilité de cette France ingouvernable. Mais qu’importe.

Vous êtes prêt à toutes les alliances pour ne pas partir.

Nous sommes prêts à tout pour que vous partiez.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message