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Je vous écris du front du Midi Rouge devenu brun. Que s’est-il passé ? Dans le moment politique où nous sommes, la première question à se poser est : « que faire ? » Que faire pour et avec les habitants de ces territoires de France qui ont placé le RN en tête ? Mais avant cela, nous dresserons un rapide portrait social et politique de la France.
Le système d’élection par circonscription a cela de remarquable qu’il montre comment la France est socialement et politiquement clivée en trois blocs. Par des découpages étranges, il peut décider du sort d’une population plutôt à gauche qui verra gagner un candidat à droite…
Il y a ainsi les circonscriptions favorables au vote centre-droit/centre-gauche où les CSP+ sont majoritaires, comme dans l’ouest parisien ou celles qui ont une tradition de modération dans l’ouest de la France, dans la vallée de Loire, en Normandie, en Bretagne. Ce sont les territoires qui connaissent une bonne dynamique économique et dont les perspectives d’avenir sont celles d’une France stable et apaisée. Les bons scores de Renaissance chez les retraités en attestent. D’aucuns pourraient dire qu’il s’agit d’une France qui ne veut que rien ne change, voire, comme aime à le mettre en œuvre le Président de la République depuis son livre Révolution, que « si tout doit rester pareil, alors il faut que tout change ».
Les électeurs de Renaissance, en recherche d’apaisement, supportent de moins en moins l’instabilité constante de la crise politique qui découle de cette logique de « Guépard ».
Et il y a les territoires qui ont voté pour le Nouveau Front Populaire largement. Ce sont essentiellement les grandes villes et de plus en plus, les villes moyennes. Avignon a vu la victoire de Raphaël Arnaud, Albi, celle de Karen Erodi, Nancy pour Estelle Mercier, Tours pour Charles Fournier, Le Mans et Sablé-sur-Sarthe pour Élise Leboucher, Valence pour Paul Christophe, Limoges pour Manon Meunier, Amiens pour Zahia Hamdane et François Ruffin, et bien d’autres encore.
Cette répartition géographique des victoires du NFP, et particulièrement de la Fi, ressemble à la manière dont se diffusent les innovations dans l’histoire de l’humanité. Une innovation part d’un centre, actif et créatif, pour se développer dans d’autres centres urbains puis de ces centres vers encore des centres plus petits. C’est la logique du réseau urbain qui constitue nos sociétés et que l’on retrouve dans le déploiement de la 4G, de la fibre, mais qui a débuté avec l’invention de l’écriture.
Moins visibles (car le découpage électoral favorise parfois la droite) sont les nombreux territoires ruraux avec un passé de gauche où la résistance à la monté du RN demeure : ce sont les Cévennes, les piémonts de la Drôme, l’Ariège, le Plateau des Milles Vaches, le centre Bretagne… des terres entre deux, des refuges ou des maquis peut-on dire.
La Lozère est assez emblématique de cette évolution mêlant hausse de la gauche dans les centres plus « urbains » et maintien dans des zones anciennement protestantes où la gauche a été forte dans le passé. Dans ces territoires ruraux, la gauche (socialiste) l’emporte grâce à ses « villes » (Mende 12 000 hab, Marvejols 4 700 hab, Saint Chély d’Apcher 4 000 hab, la Canourgue 2 000 hab) et l’implantation de la gauche issue de son passé lié au protestantisme, au républicanisme, à la résistance dans la partie sud-est du département.
Illustration 1Agrandir l’image : Illustration 1 rapports de forces NFP/RN Lozère 2nd tour législatives 2024 © les 577 Il y a enfin les circonscriptions acquises au RN qui se superposent à la carte de la concentration de la pauvreté : le Nord, le Nord-Est et l’arc méditerranéen. Ce sont les zones de la désindustrialisation ou celles qui n’ont pas réellement connu l’industrie. La carte des résultats voit le brun s’étaler de proche en proche comme une tache d’huile, suivant les couloirs de circulation, le long de l’A6, A7, A9, A61 et A62. Quand on descend à une échelle plus fine, comme chez moi dans l’Hérault, on s’aperçoit que les petites villes, bourgs centres (Lodève, Ganges, Bédarieux, Clermont-l’Hérault, Pézenas… moins de 10 000 hab) mettent la gauche en tête (avec cependant un RN bien plus haut qu’à Montpellier) mais qu’elles sont entourées de villages où le vote RN est très fort. Le brassage social des villes, même petites, réduit l’impact du RN, là où il n’y a pas de présence d’immigration. Je ne suis pas certain qu’à Saint-Pierre-de-la-Fage, sur le plateau du Larzac, l’immigration et la délinquance soient un problème. La démonstration d’Hervé Le Bras est bien plus solide que celle de François Ruffin sur la séparation des tours et des bourgs.
Illustration 2Agrandir l’image : Illustration 2 Rapport de forces NFP/RN Hérault 2nd tour 2024 © les 577 Comme le décrit justement Félicien Faury dans son livre Les électeurs ordinaires, le racisme, qui n’est pas seulement à l’extrême droite, est devenu aujourd’hui un signe de reconnaissance sociale. Lorsqu’on vit avec les gens et que l’on parle avec celles et ceux qui votent RN, on s’aperçoit, chose invisible depuis Paris ou une métropole, que les propos racistes surviennent rapidement au début des conversations avec des personnes que l’on rencontre pour la première fois. Il s’agit pour ces auteurs d’une « vérification » que celui que l’on a en face est bien « comme nous ». La race remplace la classe. On défend un même intérêt, un « déjà nous », comme Benoît Coquart l’analyse si justement. De là, on comprend aisément la répartition géographique du vote RN :
peu d’activité économique implique plus de concurrence sur les emplois (souvent uniquement publics, en mairie par exemple) ; un monde ouvrier exerçant dans des petites entreprises, souvent artisanales, où le mode de vie (football, chasse, motocross…) et les intérêts ressemblent à ceux du patron (« je ne peux pas t’augmenter à cause des charges sociales et même moi, je ne me suis pas payé le mois dernier… »). Le travail au noir, pour compléter les revenus, est fréquent chez ces ouvriers ; la volonté de se distinguer de l’infamie sociale d’être un « cas-sos » (chômeur longue durée, bénéficiaire d’allocation…), figure plus large que celle de l’immigré ; des modes de sociabilité plus enclins à être en cercle restreint du fait de la forme urbaine en étalement (lotissements) qui favorise l’invitation chez les uns et chez les autres plutôt que dans les lieux publics tels que les cafés où l’on retrouve… les « cas-sos ». L’étalement urbain a pour conséquence de rendre obligatoire la voiture pour faire ses courses dans un centre commercial (autre lieu de rencontres), pour aller au travail, pour aller à l’école et aux clubs des enfants… bref, où la rencontre fortuite de la ville et du transport en commun n’est pas possible ; La possibilité d’avoir des amis « immigrés » (c’est-à-dire des Français) n’est pas écartée. Ils peuvent être intégrés dans les groupes selon le mot d’ordre connu du « mais lui, c’est pas pareil ». Une chose est certaine, c’est que si nous n’acceptons pas que des personnes soient assignées à une identité unique (noir, arabe, homosexuel, femme…), nous ne pouvons pas nous permettre d’assigner un électeur du RN au racisme qu’il exprime. Nous devons marquer notre désaccord et arrêter ces paroles, ce discours ? Mais si le racisme est devenu un signe de reconnaissance pour certains Français, il n’en reste pas moins que « l’individu reste un infini » comme le disait Durkheim. Chaque individu à la potentialité de changer de vote à partir du moment où nous changeons les rapports sociaux qui les placent à tel ou tel lieu de l’espace social. Les discours et les propositions doivent donc transformer ces rapports sociaux.
Sans être exhaustif, cette cartographie des votes en France marque d’abord des clivages sociaux forts qui ont tendance à s’accentuer d’autant plus que les territoires se « spécialisent » : les mêmes territoires ont tendance à accueillir les mêmes catégories sociales, ce qui renforce les clivages sociaux et politiques.
Toutefois, la description ne serait pas juste si nous n’y ajoutions pas des éléments de fluidité. Tout d’abord, il y a des tours (habitat social) dans les bourgs. Il y a même des villages qui se fixent des objectifs importants en logements communaux pour permettre l’installation de « leurs jeunes » mais aussi pour accueillir des familles aux revenus faibles. Les petites villes, elles, ont des parcs de logements sociaux importants et très fréquemment leurs centres-villes anciens dégradés font fonction de logements sociaux de fait. Ces logements dégradés, voire insalubres, dans des villes où (presque) tous les services (publics et privés) existent à quelques pas de chez soi (ce qui permet de ne pas porter l’insupportable poids financier d’une voiture) sont une solution peu chère en attendant un logement social. On observe dans ces centres-villes anciens un turnover important des habitants qui quittent rapidement des logements trop chauds en été et trop froids en hiver. Paradoxalement, ces habitants sans voiture sont extrêmement mobiles ou plutôt radicalement mobiles par leurs déménagements fréquents. Il existe alors un mouvement des bourgs vers les tours comme recherche d’une stabilité dans la vie.
Illustration 3Agrandir l’image : Illustration 3 quartier HLM Ganges © google maps À contrario, il y a chez les habitants des tours la volonté de sortir du quartier et de s’installer « près de la nature », dans les bourgs, les villages. J’ai observé des rues entières de lotissements composées d’habitants travaillant tous, venant tous « des quartiers ». Souvent, la sociabilité se fait encore avec les amis de la ville d’origine tant il est parfois difficile de rencontrer l’autre dans ces villages.
Illustration 4Agrandir l’image : Illustration 4 extrait livret ruralité Fi © députés "ruraux" de la France Insoumise Cette dernière description laissera comprendre pourquoi j’ai de grandes difficultés à adopter le discours de François Ruffin : « Il faut réconcilier, pas opposer, montrer l’immense commun entre la France des bourgs et des tours. » Ce que j’affirme, c’est qu’en adoptant le discours de deux France, celle des tours et celle des bourgs, on valide la vision du RN. Pourtant, inspirées de Christophe Guilluy, ces théories de la "France périphérique" sont invalidées par la recherche universitaire (ici aussi). Même si François Ruffin souhaite réconcilier les campagnes populaires et les quartiers populaires, il pose la même lecture, en miroir, que le RN, qui les oppose...
Je crois au contraire que le politique non seulement doit faire rencontrer sa connaissance du terrain avec la recherche pour dire la réalité du monde, mais aussi ne pas oublier que sa parole est performative. Nous nous devons d’ouvrir de nouveaux imaginaires qui rendent possibles ce qui ne l’était plus.
La séparation entre la France des bourgs et la France des tours a une conséquence majeure depuis plusieurs années. Les discours publics accentuent ce qui sépare bourgs et tours ; et de fait, ce qui les éloigne. Ils valident qu’il existerait une séparation des populations entre « races » [sic] et non une continuité entre classes. Ainsi, les représentations sociales utilisées dans le débat public creusent les écarts et augmentent les concurrences « victimaires ». Qui est le plus maltraité par l’État ? La campagne ? Les quartiers ? Le débat public se fixe alors sur la question de la soi-disant injuste répartition de l’argent public entre les campagnes et les quartiers. On donnerait plus aux uns qu’aux autres, l’abandon des campagnes étant le miroir de « l’entretien » des assistés. Nous devons d’abord sortir de ce discours de la séparation et regarder ce qui fait lien entre ces espaces sociaux, comme par exemple l’accès à la santé.
« La réalité de la dépense publique dans les territoires fragiles » était le titre du rapport que je m’apprêtais à rendre en octobre pour la Commission des finances de l’Assemblée nationale. Les données, témoignages et recherches déployées allaient toutes dans le sens inverse de l’opposition entre tours et bourgs. Dans cette France fracturée et aux interactions complexes, il nous faut donc penser ce que serait une véritable politique de cohésion des territoires.
Toutefois, il serait léger de croire que le jeune mouvement qu’est la France Insoumise ait su trouver les mots et les mesures pour répondre à une attente qui existe hors des centres, aussi petits soient-ils. C’est un manque réel que la direction de la France Insoumise ne peut plus ignorer et qui fut trop longtemps un impensé.
Outre un impensé concernant les populations qui y vivent et que j’ai pu décrire plus haut, il y a avant tout, selon moi, un impensé culturel. On vote moins par intérêt que par identification. La France Insoumise est le seul mouvement (le PS ayant laissé ce champ en 2012) qui parle clairement à celles et ceux qui sont victimes de discriminations, qu’ils soient racisés, jeunes ou femmes. Faut-il abandonner le combat pour l’émancipation et contre les inégalités ? Ces discriminations sont une privation d’une partie de nos libertés (de se loger, de trouver un emploi, de choisir ses loisirs, de s’informer…) qui ne peuvent être acceptables dans une société républicaine comme la nôtre.
Le fait de ne pas considérer les manières de se nourrir, de s’habiller, de créer du lien social, de parler, d’avoir un imaginaire ou une spiritualité différente comme un frein à la citoyenneté française, bref à la fraternité, est un axe majeur de la pensée de Jean-Luc Mélenchon qui parle de créolisation et de « nouvelle France ». Toutefois, la première créolisation n’est-elle pas celle de ses régions, d’Outre-mer, de Bretagne, d’Alsace, de Camargue, des Cévennes, du Pays Basque… ? Il est bien possible que l’unité de la Nation vienne de la multiplication de la reconnaissance de ces identités qui sont par essence multiples à « l’intérieur » de chaque personne. Ces « petites patries », comme le disait Jaurès, avec leurs cultures, leurs langues, leurs habitudes ancrent le peuple dans la Nation au travers de l’expérience d’un socialisme (au sens du XIXe siècle) qui doit s’exprimer dans les municipalités. La gauche doit avoir un discours et une reconnaissance de toutes les « petites patries » de France et montrer qu’être Français se conjugue de manière plurielle dans l’intimité de chaque individu. Trop souvent la gauche s’est placée uniquement du côté de la « culture légitime », c’est-à-dire la culture bourgeoise qui lui sert à assoir sa domination culturelle comme légitime, sans faire de place aux cultures populaires composées de fêtes, jeux, sports, traditions et lieux publics. Il y a un lien social qui se forme dans ces évènements. La gauche ne peut ignorer plus longtemps ce qui fait lien dans nos sociétés car c’est dans ces interactions que le RN progresse, et c’est là que nous devons être ; c’est-à-dire simplement avec le peuple.
Nous devons aussi adopter un discours positif sur les campagnes afin de faire coïncider la fierté d’y vivre et la fierté nationale d’y investir pour l’avenir. Une part importante de la souveraineté de la France se joue pour beaucoup dans les territoires ruraux avec la souveraineté alimentaire, énergétique et industrielle. Les enjeux écologiques de biodiversité, de l’eau, des forêts se jouent dans la ruralité. Enfin, en lien avec la mobilité, les questions d’amélioration du logement, de reconquête de logements vacants, de commerces et d’activités de proximité dans les centres anciens des villages et des petites villes seront des solutions d’emplois et de vie pour de nombreux Français. Il y a des chaînes mentales dont il faut se débarrasser, un monde à reconquérir.
Si le programme du Nouveau Front Populaire est complet, chiffré et équilibré, il n’empêche que l’exercice du pouvoir doit nous permettre de penser et d’agir sur ce qui n’est pas encore pensé. Il doit avoir pour objectif de modifier les rapports sociaux, en augmentant le bien être, c’est une évidence mais en créant aussi les conditions d’une transformation profonde la société.
Sans reprendre l’ensemble des propositions du Nouveau Front Populaire qui sont favorables à l’ensemble du territoire comme l’abrogation de la réforme des retraites, l’investissement dans la transition écologique, la création de logements… ou des propositions plus rurales comme la garantie d’un revenu rémunérateur pour les agriculteurs ou le blocage du prix de l’énergie et des carburants, nous pouvons ici esquisser quelques propositions plus adaptées aux territoires où la gauche doit progresser.
De manière urgente, nous devons avoir un plan pour l’artisanat et le petit commerce de proximité. L’artisanat, c’est 650 000 établissements et 3 millions d’emplois dont la plupart des ouvriers. L’augmentation du SMIC à 1 600 € est nécessaire pour vivre mieux mais aussi pour stimuler la consommation et l’emploi, comme l’a expérimenté l’Espagne avec une hausse de 54 % du SMIC en 5 ans. Cependant cette mesure doit s’accompagner d’une caisse de solidarité entre les entreprises pour que les plus grandes contribuent plus largement que les petites. Ainsi, sur les 200 milliards d’euros de déductions fiscales et sociales, une partie non négligeable peut être fléchée vers les PME et les TPE pour le soutien à la création d’emploi. Nous devons aussi ouvrir une négociation avec les organisations professionnelles pour que les artisans, les commerçants de détail et les paysans puissent intégrer le régime général de la sécurité sociale. Propriétaires de leur moyen de production, si j’ose dire, ces travailleurs ont plus en commun avec l’employé qu’avec un patron du CAC 40. Il faut donc marquer ce rapprochement.
Nous devons aussi permettre aux habitants d’avoir accès à des commerces là où il n’y en a pas afin que ceux-ci soient des lieux de rencontre. La création de coopératives départementales d’appui à l’installation du commerce, sur l’initiative des habitants, doit faciliter des réouvertures par un accompagnement technique et financier. Mais aucun commerce en ruralité ou en quartier ne peut fonctionner si les habitants n’y prennent pas une part active. Nombreux sont les exemples qui ont prouvé l’efficacité de la démarche.
Afin d’accompagner ce mouvement, il est nécessaire d’enclencher le processus de la création d’un droit universel à l’emploi. Cette mesure est prévue par les lois d’expérimentation de 2016 et 2020 dites de « Territoires zéro chômeur de longue durée ». Ces deux lois ont été votées à l’unanimité. Depuis 2020, la loi commande la généralisation à l’ensemble des territoires volontaires. Il est donc possible d’aboutir sur ce droit nouveau à l’Assemblée nationale. Comme j’ai pu l’observer à Lodève et ailleurs (dans des quartiers populaires comme des campagnes populaires), ces démarches sont une solution pour créer de l’emploi local utile au territoire et aux personnes souvent sans voiture.
Le retour physique des services publics (mobiles ou pérennes) est dans le programme du NFP et je suis certain que nous pouvons trouver une majorité pour la régulation de l’installation des médecins dans les déserts médicaux (hors contrainte).
Le manque de mobilité est un frein majeur pour trouver un emploi. Le contrôle technique des véhicules, à revoir, est une source d’angoisse pour de nombreux concitoyens et concitoyennes. Ils préfèrent rouler dans l’illégalité plutôt que de se voir priver de leur voiture et d’assumer des coûts des réparations plus élevées que le prix de la voiture elle-même. C’est pourquoi nous devons créer une aide à la réparation suite au contrôle technique afin que la peur de ne plus pouvoir se déplacer soit apaisée.
La mobilité doit aussi concerner les jeunes et il nous faut investir dans des subventions aux écoles rurales pour qu’elles puissent avoir accès à la culture, au sport... avec la prise en charge des transports scolaires pour les sorties. Pour les plus grands, les internats doivent être développés dans tous les établissements afin d’accéder à des formations dans un espace sécurisant et faciliter la mobilité d’étude.
Puisque dans la ruralité et les petites villes, le problème du logement est majeur mais invisible, il est urgent que l’État et les collectivités acquièrent, réquisitionnent et rénovent 1 million de logements vacants sur les 3 millions disponibles. Des dispositions peuvent être mises en place de manière transpartisane. J’étais en discussion avec plusieurs groupes sur ce point au moment de la dissolution. Enfin, pour les plus jeunes, en soutien aux familles monoparentales, il est nécessaire de renforcer l’aide aux modes de garde.
Les collectivités locales sont en première ligne. Une loi sur le statut de l’élu était en préparation. Elle doit aboutir de manière transpartisane afin que les premiers relais de la République soient soutenus. À leurs côtés, les associations doivent elles aussi être soutenues. Gagner un trimestre pour la retraite après avoir passé 10 ans dans un bureau d’association serait une vraie reconnaissance pour cet investissement.
La reconnaissance des cultures locales est le dernier point que je souhaite aborder. Cela passe par le soutien aux langues régionales mais aussi par la valorisation de traditions locales comme, par exemple chez moi, la reconnaissance de la course camarguaise et des traditions bouvines (hors corrida) par son inscription au patrimoine immatériel à l’UNESCO.
Ainsi, nous pouvons aller au-delà des réponses qui sont apportées habituellement et qui trouvent écho dans les centres urbains. Ce rapide répertoire de mesures s’efforce de répondre aux besoins des territoires les moins visibles de la République.
Car, aujourd’hui, pouvons-nous imaginer qu’un couple dont le mari est ouvrier chez un artisan et la femme aide-soignante, dont les revenus sont en dessous de 3 500 € par mois, avec une maison en lotissement, deux voitures à payer, trois crédits et, deux enfants dont on fait tout pour qu’ils « réussissent », que le programme du NFP finira par les convaincre qu’une vraie gauche de rupture avec les 40 dernières années de gouvernement sera plus utile que le vote RN ?
Ne pouvons-nous pas faire mieux ?
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Courte biblio
Hervé Le Bras, Tableau historique de la France La formation des courants politiques de 1789 à nos jours, Seuil, 2022
Benoît Coquard, Ceux qui restent : faire sa vie dans les campagnes en déclin, la Découverte 2019
Felicien Faury, Des électeurs ordinaires, enquête sur les électeurs d’extrême droite, Seuil, 2024
Laurent Davezies, L’Etat a toujours soutenu ses territoires, Seuil, 2021
Violaine Girard, Le vote FN au village. Trajectoires de ménages populaires du périurbain, Ed. du Croquant, 2017
Jean-Pierre Le Goff, La fin du village, Une histoire Française, Gallimard, 2017
Valérie Joussemeau, Plouc Pride, Nouveau Récit pour les campagnes, 2021 Vous pouvez lire avec intérêt, en retrouvant de nombreuses convergences d’analyses, la note écrite en parallèle d’Emilie Agnoux pour la Fondation Jean Jaurès "Je vous écris du maquis de la Corrèze"
Sebastien Rome
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