Point de vue de Craig MURRAY, ex-ambassadeur britannique en Asie centrale
Dans Meurtre à Samarcande, je raconte comment, en tant qu’ambassadeur britannique, lorsque j’ai découvert toute l’étendue de notre complicité dans la torture pendant la guerre contre le terrorisme, j’ai pensé qu’il s’agissait d’une opération malhonnête et qu’il me suffisait d’informer les ministres et les hauts fonctionnaires pour qu’ils y mettent un terme.
Lorsque j’ai été blâmé et qu’on m’a officiellement dit que la réception de renseignements obtenus sous la torture dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme » avait été approuvée par le Premier ministre et le ministre des Affaires étrangères, et qu’il m’est apparu clairement que l’on encourageait délibérément, par la torture, la production de faux renseignements qui exacerbaient la menace d’Al-Qaïda pour justifier la politique militaire en Afghanistan et en Asie centrale, ma vision du monde a été gravement ébranlée.
D’une manière ou d’une autre, j’ai mentalement considéré qu’il s’agissait d’une aberration, due à une réaction excessive au 11 septembre et au narcissisme et à la méchanceté sans pareils du Premier ministre de l’époque, Tony Blair.
Je n’ai pas perdu la foi en la démocratie occidentale ni l’idée que les puissances occidentales, dans l’ensemble, constituent une force positive par rapport à d’autres puissances.
Il est difficile de renoncer à l’ensemble du système de croyances dans lequel vous avez été élevé – en particulier si, comme moi, vous avez eu une vie très heureuse depuis votre enfance et que vous avez très bien réussi dans le cadre du système gouvernemental.
Cependant, j’ai enfin perdu mes dernières illusions et je dois reconnaître que le système dont je fais partie – appelez-le « Occident », « démocratie libérale », « capitalisme », « néolibéralisme », « néoconservatisme », « impérialisme », « nouvel ordre mondial » – appelez-le comme vous voulez : c’est en fait une force du mal.
Gaza a été un catalyseur important. Je ne manque pas d’empathie, mais ce que je sais de l’horrible boucherie perpétrée par les puissances occidentales en Irak, en Afghanistan ou en Libye est un savoir intellectuel, et non une expérience vécue.
Si la population de Mossoul et de Falloujah avait eu accès à la technologie moderne des téléphones portables, de quelles horreurs aurions-nous été témoins ?
J’ai d’ailleurs essayé de trouver des images de la destruction massive de Mossoul et de Falloujah par les États-Unis en 2002-2004, mais Google n’en propose aucune. En revanche, il propose des milliers d’images des combats contre l’État islamique en 2017. Ce qui confirme mon point de vue sur le manque flagrant d’images de la deuxième guerre d’Irak.
Je viens de regarder des sacs de 75 kg de viande humaine mélangée remis à des proches en lieu et place d’un cadavre identifiable, et je suis en état de choc.
https://x.com/FranceskAlbs/status/1...
En ce qui concerne le génocide actuel à Gaza, je me suis à nouveau surpris à penser naïvement qu’à un moment donné, cela s’arrêterait. Que les hommes politiques occidentaux ne cautionneraient pas l’anéantissement total de la bande de Gaza.
Qu’il y aurait une limite au nombre de morts civils palestiniens acceptable, au nombre d’installations de l’ONU, d’écoles et d’hôpitaux détruits, au nombre de petits enfants déchiquetés.
Je pensais qu’à un stade, la décence humaine ne pouvait que l’emporter sur l’argent des lobbies sionistes.
Mais je me suis trompé.
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