Le président de la République a annoncé refuser de la nommer au poste de première ministre le lundi 26 août. La candidate plébiscitée par le Nouveau Front populaire ne renonce pas pour autant à Matignon et se donne pour mission de préserver l’union des gauches.
Lucie Castets est née le 3 mars 1987 à Caen (Calvados). Haute fonctionnaire spécialiste de la lutte contre la fraude fiscale, l’énarque passée par la Direction générale du Trésor est actuellement directrice des finances de la mairie de Paris. En 2021, elle contribue à la création du collectif Nos Services publics. Après dix jours de négociations, elle a été choisie par le Nouveau Front populaire (NFP) pour être prétendante à Matignon.
Êtes-vous toujours candidate au poste de première ministre ?
Lucie Castets : Le président de la République semble avoir fermé une porte. Je ne suis pas dans une posture d’attente, ça n’est pas mon tempérament. En revanche, j’ai été amenée à jouer un rôle de trait d’union du Nouveau Front populaire (NFP). Et pour l’instant je souhaite continuer à contribuer comme je peux à l’union de la gauche. Je suis convaincue que cette union, c’est ce qu’attendaient vraiment les Français. Et pas seulement les électeurs de gauche car le NFP n’était pas qu’une alliance entre le Parti socialiste, La France insoumise, les Écologistes et le Parti communiste. Le Nouveau Front populaire portait, et il porte toujours, des ambitions populaires.
Comment avez-vous réagi après la publication du communiqué de l’Élysée affirmant qu’Emmanuel Macron excluait la possibilité d’un gouvernement du Nouveau Front populaire ?
Ce communiqué me met très en colère. Il ne faut pas oublier le déroulé de l’histoire. Dans un premier temps, Emmanuel Macron annonce une dissolution après une victoire du Rassemblement national (RN) aux européennes et à la veille de l’été sans consulter personne. Ensuite, le premier tour des législatives donne des résultats inquiétants en faveur du RN. Une campagne extrêmement intense menée par la gauche et la société civile pour faire barrage à l’extrême droite s’organise. Le deuxième tour est un échec pour le camp présidentiel et pour le RN mais, surtout, une victoire du Nouveau Front populaire. Eh oui, c’était une victoire. S’il n’a pas obtenu de majorité absolue, un bloc politique s’est toutefois placé en tête. Il faut aussi que le président le reconnaisse clairement.
Après un mois d’attente, Emmanuel Macron annonce des consultations avec toutes les forces politiques. Et finalement, il publie ce communiqué où il exclut un gouvernement du NFP et explique, au fond, que le résultat des élections ne lui convient pas. Tout ça pour ça ! Emmanuel Macron veut être à la fois président, premier ministre et chef des partis. Il veut être arbitre, joueur et sélectionneur. Sa pratique du pouvoir est un problème. Peut-être avait-il déjà en tête qu’il ne voulait pas accorder le pouvoir à la gauche ? Quel message envoie-t-il aux personnes qui se sont mobilisées ? Est-ce que, selon lui, voter ne sert à rien ? Peut-être que les Français ne se mobiliseront pas dix fois pour combattre l’extrême droite. Sa vision de la démocratie est délétère.
Le président n’a rien souhaité entendre de tout ce qu’a dit le Nouveau Front populaire.
Qu’aurait dû faire Emmanuel Macron ?
Nommer une première ministre issue du bloc politique arrivé en tête et laisser la démocratie parlementaire fonctionner pour construire des coalitions.
Dans ce communiqué, la présidence explique qu’un gouvernement du NFP « disposerait donc immédiatement d’une majorité de plus de 350 députés contre lui ». Selon vous, Emmanuel Macron est-il en train de s’allier implicitement avec l’extrême droite ?
C’est ce qu’on peut déduire de ce communiqué. Emmanuel Macron fait une forme de front antirépublicain. Il n’a rien souhaité entendre de tout ce qu’a dit le Nouveau Front populaire. Les macronistes ont expliqué que nous étions incapables de faire des compromis, que nous voulions appliquer tout notre programme, rien que notre programme. J’ai toujours affirmé que le programme était construit dans une perspective de majorité absolue mais que nous irions chercher des accords au Parlement. Nous l’avons écrit aux parlementaires, et dans une lettre aux Français. Je l’ai dit en personne au président de la République.
Le camp présidentiel a ensuite avancé que le problème était la présence de ministres de La France insoumise dans un gouvernement. Jean-Luc Mélenchon a fait une proposition permettant de débloquer la situation en évoquant un soutien sans participation. Le camp présidentiel a ensuite répliqué en expliquant que le problème, c’était notre programme. En fait, Emmanuel Macron et son camp ne veulent pas changer la vie des gens. Le président de la République refuse qu’une politique alternative soit mise en œuvre.
Emmanuel Macron justifie son choix au nom de la « stabilité » des institutions. Que lui répondez-vous ?
C’est lui qui incarne l’instabilité. Ce mardi 27 août, Nicole Belloubet, la ministre démissionnaire de l’Éducation nationale, tenait sa conférence de presse sur la rentrée scolaire. Le gouvernement publie des décrets et construit un budget sans aucune légitimité démocratique. Si je suis nommée première ministre, je ne compte pas installer de l’instabilité. J’ai commencé à travailler avec des députés du groupe Liot et du Modem. J’ai essayé d’échanger avec Gabriel Attal (premier ministre démissionnaire et chef du groupe Ensemble pour la République, N.D.L.R.), il a décliné. Je ne sais pas qui est sectaire… J’ai tenté d’avoir une attitude constructive. Emmanuel Macron refuse tout simplement que la gauche gouverne car il rejette son programme, en désaccord avec le sien.
Nous n’avons aucune leçon de sérieux budgétaire à recevoir du camp présidentiel.
Vous affirmez que vous comptiez travailler avec les autres groupes parlementaires pour faire adopter des textes. Lesquels et sur quels sujets ?
Un très grand nombre de parlementaires seraient d’accord pour travailler avec nous sur certains sujets fiscaux comme la taxe sur les transactions financières, l’ISF vert ou encore la réduction des exonérations patronales. Mais aussi sur la question de la restauration des services publics, et en particulier l’éducation et la santé. Si des députés ne veulent pas voter un texte qui lutte contre les déserts médicaux par sectarisme, ils en seront comptables devant leurs électeurs. Les forces politiques sont aujourd’hui figées dans leur posture. Et le camp présidentiel en premier lieu.
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