La tempête Boris continue lundi 16 septembre de ravager plusieurs pays d’Europe centrale. Au moins quinze personnes sont mortes et de très nombreuses infrastructures ont été détruites. Entretien avec Lena Schilling, eurodéputée verte autrichienne.
Au moins quinze morts, des milliers de personnes sans logis, des routes coupées, d’immenses dégâts… Depuis vendredi, les pluies incessantes qui s’abattent sur l’Europe centrale donnent à voir des paysages dévastés et des communes envahies par les flots. Après le passage de la tempête Boris en Pologne, en République tchèque, en Roumanie et en Autriche, des états de catastrophe naturelle ont été déclarés.
Ce n’est pas la première fois que cette partie de l’Europe fait face à de fortes pluies. L’été dernier, c’est la Slovénie qui était touchée par des inondations dévastatrices. Que faire face à ce type d’événement extrême, que la hausse des températures pourrait multiplier à l’avenir ?
Entretien avec Lena Schilling, eurodéputée verte autrichienne. À 23 ans, cette activiste climat a été élue en juin dernier au Parlement européen.
Les inondations ont fait trois morts en Autriche. Un pont et des barrages sont détruits, le métro de Vienne est à l’arrêt. Que peut-on dire aujourd’hui des dégâts causés par la tempête Boris dans votre pays ?
La dévastation causée par les inondations est bouleversante. Des communautés entières sont submergées, des maisons et des magasins sont détruits, les infrastructures sont fortement endommagées. Aujourd’hui, beaucoup de personnes ne peuvent se rendre à leur travail, les élèves sont privés d’école… C’est une situation d’urgence.
Ce qui est particulièrement préoccupant, c’est que les scientifiques avertissent depuis des décennies que nous n’allons pas seulement vivre une hausse des températures, comme celle que nous avons vécue cette année, durant laquelle nous avons battu des records mois après mois, ils nous ont également avertis que chaque degré supplémentaire de ce réchauffement mondial allait précisément conduire à ce que nous voyons aujourd’hui. Plus de dérèglements et de destructions. Et voilà qu’on en arrive à un point où les gens doivent se battre pour sauver leur vie, pour sauver leur maison.
De manière générale, plus le climat se réchauffe, plus l’air est chargé en eau. Températures extrêmes et précipitations extrêmes sont dues à la crise climatique.
Nous avons besoin d’une stratégie européenne, ce n’est jamais un seul pays qui est concerné.
Dans le cas d’un événement précis comme ce qui se passe depuis vendredi en Europe centrale, il y a bien sûr différentes causes.
Mais on peut être certains que ce genre de catastrophe va se reproduire de plus en plus. L’Europe, de par sa position géographique, est l’endroit de la planète où le réchauffement est le plus marqué.
Les médias autrichiens parlent en tout cas de l’inondation du siècle. La population n’est pas seulement concernée, elle est effrayée. De nombreuses personnes sont portées disparues. C’est très inquiétant car dans deux semaines, le 29 septembre, se tiennent les élections législatives. Or l’extrême droite [le FPÖ, Parti de la liberté d’Autriche – ndlr] domine dans les sondages ; un parti qui nie l’origine humaine du changement climatique et parle d’hystérie climatique.
Mon cœur est avec les familles des victimes, les gens qui ont vécu ce week-end des choses horribles et les services d’urgence qui se démènent. Mais dans le même temps, il faut que nous ayons conscience que cela va se reproduire. Or nous avons en tête des sondages un parti qui nous dit : « Oh, le changement climatique, ce n’est pas si important, ne soyez pas si hystériques. » Si ces gens-là, qui ne veulent rien faire contre le changement climatique, arrivent au pouvoir, nous sommes vraiment perdus.
Pendant que je vous parle, il continue de pleuvoir, nous n’avons pas encore le tableau complet des dégâts. D’importantes surfaces agricoles en Basse-Autriche sont touchées : ces inondations sont aussi une catastrophe pour l’agriculture autrichienne.
Pour le moment, il est évident qu’il faut aider de toutes les manières possibles là où c’est nécessaire. Mais ce n’est absolument pas suffisant.
Il se trouve qu’il y a cinq jours – juste avant que l’inondation commence ! –, on a eu une discussion au sein de la commission Envi [environnement, santé publique et sécurité alimentaire – ndlr] du Parlement européen précisément sur ce sujet : faut-il une solution européenne en cas d’urgence liée à la crise climatique ?
Les ministres conservateurs se sont par ailleurs opposés à la loi sur la restauration de la nature.
Espérons que les travaux de cette commission, dont je fais partie, vont permettre d’avancer. Nous avons besoin d’une stratégie européenne, ce n’est jamais un seul pays qui est concerné. Les fleuves et la pluie ne s’arrêtent pas aux frontières nationales. La solidarité européenne doit fonctionner, et sur le long terme.
Les eurodéputés d’extrême droite et les conservateurs se sont montrés très sceptiques au cours de cette discussion. Pour eux, l’argent doit aller ailleurs, on a déjà vu des catastrophes, tout est normal. Mais il n’y a rien de normal ! On le voit tous : il y a un changement, et ce changement va modifier la manière dont nous vivons ensemble.
L’Autriche est un État fédéral, donc c’est localement que se gère la situation de crise. De nombreux maires sont conservateurs, il font de leur mieux pour aider dans le moment actuel. Mais il faut dire que le parti conservateur [ÖVP, Parti populaire autrichien – ndlr] a été de quasiment tous les gouvernements depuis une quarantaine d’années, et il n’a rien fait pour la lutte contre le changement climatique.
Dernièrement, les ministres conservateurs se sont par ailleurs opposés à la loi sur la restauration de la nature, une nouvelle réglementation européenne votée l’an dernier à Strasbourg pour protéger les espaces naturels. Notre ministre du climat, l’écologiste Leonore Gewessler, est d’ailleurs allée à l’encontre de ses partenaires de coalition au sujet de cette loi, afin de défendre une position favorable au sein des Vingt-Sept.
Beaucoup de choses. Tout d’abord restaurer la nature et sauver les écosystèmes. Nous avons une végétation et un sol qui peuvent aider contre les inondations, il faut les préserver.
Ensuite, il faut avoir des politiques climatiques plus ambitieuses pour un avenir sûr et durable. Nous devons arrêter le réchauffement mondial, et cela signifie une transition dès maintenant dans les transports, l’industrie et le secteur énergétique. Nous vivons déjà dans cette crise climatique. Voulons-nous que cela empire ? Non, il faut agir. Il faut faire avancer le Pacte vert.
Enfin, nous avons besoin de politiques d’adaptation : un urbanisme plus adapté en cas d’inondation, de meilleures protections, de bons services d’urgence.
Je me bats précisément pour ça. C’est pour cela que je me suis présentée aux élections européennes, avec en tête les millions de jeunes qui sont descendus dans la rue dans 150 pays pour lutter contre le changement climatique. C’est dur, il y a beaucoup de pouvoirs et de partis qui bloquent, de gens qui ont intérêt au statu quo. Certes, ce n’est pas confortable de changer de politique. Mais nous en avons besoin.
Amélie Poinssot
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