Éric Coquerel : « Macron veut rendre inéluctable l’adoption d’un budget austéritaire »

jeudi 26 septembre 2024.
 

Le président LFI de la commission des finances de l’Assemblée et son rapporteur, Charles de Courson, se sont heurtés mardi 17 septembre au refus de l’exécutif de leur donner les documents budgétaires auxquels ils ont le droit d’accéder. Entretien.

https://www.mediapart.fr/journal/ec...[HEBDO]-hebdo-20240920-182047&M_BT=1489664863989

Mardi 17 septembre, le président de la commission des finances de l’Assemblée, Éric Coquerel (La France insoumise – LFI), et son rapporteur général, Charles de Courson (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires – Liot), se sont rendus à Matignon pour obtenir les lettres plafonds des missions budgétaires pour 2025, comme ils en ont théoriquement le droit au titre de leur fonction.

Bien que techniques et incomplets, ces documents sont précieux pour comprendre ce sur quoi le gouvernement de Michel Barnier s’appuiera pour élaborer le projet de loi de finances 2025. Mais jouant sur la nature des documents demandés, Matignon s’est refusé à les communiquer aux deux députés. Ce qui a le don d’indigner Éric Coquerel.

Mediapart : Comment s’est passé votre rendez-vous à Matignon ce midi ?

Éric Coquerel : Nous avons été reçus par des membres du cabinet de Michel Barnier, qui nous ont expliqué pourquoi ils ne nous donneraient pas les documents demandés. Les relations étaient cordiales, mais nous leur avons fait savoir avec Charles de Courson que nous étions en total désaccord avec l’interprétation qui a motivé leur refus.

Quel était ce motif de refus ?

Que les lettres de plafonds budgétaires sont des documents préparatoires à la finalisation du budget, et non relatifs à un budget finalisé. Mais cela ne tient pas, car ces lettres sont des documents signés par Bercy et transmis au premier ministre. On n’est pas ici sur une simple note venant de telle ou telle direction d’administration.

Surtout, ces lettres plafonds sont en quelque sorte des résumés de rapports plus détaillés, appelés « tirés à part », que l’exécutif devait communiquer – c’est la loi qui le dit – au Parlement à la mi-juillet. Or, ces « tirés à part », nous ne savons toujours pas quand nous les aurons. En somme, peu importe ce que l’on demande, on prive le Parlement d’informations nécessaires et auxquelles il a le droit pour préparer les discussions budgétaires.

Ne pas nous communiquer ces documents est d’autant plus grave sur le principe que l’évaluation, le contrôle et l’adoption du budget sont des droits constitutionnels donnés au Parlement. On est ici sur un déni de l’exécutif vis-à-vis de l’Assemblée nationale.

Que comptez-vous faire désormais ?

Je vais aller formuler la même demande à Bercy, mercredi en début d’après-midi, à l’endroit où les lettres plafonds ont été envoyées, faute de pouvoir les obtenir à Matignon, là où elles ont été reçues…

Pourquoi un tel attachement à recueillir les lettres plafonds, qui sont dans l’absolu des documents incomplets comparés aux « tirés à part » ?

Ne serait-ce que parce que le premier ministre, Michel Barnier, dans une lettre qu’il nous a envoyée hier à Charles de Courson et moi-même, a explicitement dit que son projet de loi de finances 2025 aurait pour socle de travail ces lettres plafonds. C’est là-dessus qu’il va construire son projet de loi de finances.

Vous attendez-vous à des surprises, dans le cas où vous obtiendriez les lettres plafonds à Bercy ? Lorsque l’on sait déjà qu’elles contiendront au moins 15 milliards d’euros d’économies...

On pourrait être surpris par la répartition des économies proposées. Par exemple dans la mission « Cohésion des territoires », qui comprend la politique du logement, dont on connaît la situation catastrophique, il serait intéressant d’avoir les chiffres.

Comment analysez-vous cette réticence de l’exécutif à communiquer ces informations ?

À mon sens, étant donné qu’il n’a plus de majorité au Parlement, la stratégie d’Emmanuel Macron est de laisser le minimum de temps possible au Parlement pour se préparer à l’examen du texte, afin qu’il ne puisse le modifier qu’à la marge. Sa décision de geler les débats politiques pendant les Jeux olympiques et d’attendre septembre pour nommer un nouveau premier ministre va aussi dans ce sens. Tout cela est fait pour rendre quasi inéluctable l’adoption d’un budget qui sera l’un des plus austéritaires de ces dernières années.

Vous avez jusqu’à la fin de l’année pour adopter le projet de loi de finances 2025, projet qui devrait être présenté à l’Assemblée nationale le 9 octobre, avec huit jours de retard sur la date réglementaire. Pourquoi est-ce si grave ?

Cela change beaucoup de choses. Chaque année, les débats budgétaires se déroulent dans un timing extrêmement tendu. Différents textes se chevauchent en permanence et il arrive que l’on doive élaborer des amendements en quelques heures seulement. Pour être clair : oui, on est vraiment à une semaine près dans la tenue des débats budgétaires.

Du reste, soyons clairs : le rôle des parlementaires n’est pas de se débrouiller pour voter des textes à la va-vite. Ils doivent pouvoir prendre le temps pour examiner, amender, voire s’opposer à un texte s’ils le souhaitent. Le temps parlementaire, celui de la démocratie, n’est pas le même que celui de la start-up nation ! Le Parlement ne devrait pas avoir à répondre à des critères court-termistes.

Croyez-vous aux promesses de hausses d’impôts sur les plus riches et les superprofits des entreprises que la presse prête au prochain gouvernement Barnier ?

Pas du tout. En tout cas, je ne crois pas à des modifications en profondeur de la taxation du capital, qui seraient pourtant nécessaires.

Mathias Thépot


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