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Le Conseil international du CADTM (Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde) qui se réunit une fois par an nous permet de faire un état des lieux sur la situation politique mondiale et d’évaluer l’avancement des travaux du réseau.
La première journée a été consacrée à une présentation et des discussions autour des multicrises auxquelles le capitalisme fait face, ainsi qu’à l’examen des résistances sociales et politiques émergentes à travers le monde.
1) Les multicrises du capitalisme actuel
Voici un aperçu des principales crises abordées :
• Crise écologique : Les effets du changement climatique frappent de plus en plus durement les populations du Sud, accentuant les vulnérabilités et les injustices.
• Crise alimentaire : L’augmentation alarmante du nombre de personnes souffrant de la faim témoigne d’une situation de plus en plus critique.
• Crise économique mondiale : Une chute du taux de croissance global, particulièrement marquée dans les pays du Nord. L’économie mondiale en berne reste principalement tirée par des pays comme l’Inde et la Chine.
• Crise financière : Depuis la crise de 2007-2008, le secteur financier n’a ni été réformé ni assaini. On assiste à une hypertrophie de la finance, laissant l’économie mondiale fragilisée, avec une croissance fondée sur des bulles spéculatives, tandis que la production reste à la traîne.
• Crise commerciale : Après une forte expansion dans les années 1990 et 2000, le commerce mondial connaît une croissance très lente. Les tensions commerciales entre les États-Unis et l’UE, d’une part et la Chine d’autre part se sont intensifiées, et des politiques protectionnistes font leur retour car l’UE et les Etats-Unis ne sont pas capables de faire face à la concurrence de la Chine qui a acquis une supériorité notamment dans le domaine des panneaux solaires et des véhicules électriques.
• Crise des institutions multilatérales : L’OMC est paralysée par l’absence de nomination de juges sous l’administration Trump, et l’ONU, ignorée sur les questions environnementales et géopolitiques, voit son influence décliner.
• Crise géopolitique : Des conflits majeurs perdurent, notamment en Palestine et au Liban, en Ukraine, en RDC, au Soudan ou encore au Yémen.
• Crise sociale : Les inégalités, qui s’étaient réduites dans certaines régions du monde, explosent à nouveau. Tandis que les plus riches accumulent des fortunes sans précédent, les couches les plus précaires s’enfoncent dans la pauvreté. Cette précarisation s’accompagne d’une érosion continue des droits des travailleurs-ses.
• Dépossession par la dette : L’augmentation des crédits à la consommation, visant à maintenir le modèle consumériste, piège de plus en plus de personnes dans l’endettement et aboutit à des saisies ou des expulsions de logement pour dettes impayées.
• Crise de la dette : L’endettement des pays du Sud et du Nord a atteint des sommets. Avec la hausse des taux d’intérêt, ces pays se retrouvent dans une spirale infernale de remboursement, favorisant une nouvelle vague de politiques austéritaires et le grand retour du FMI. La Chine est aussi très présente dans le Sud global et attribue des crédits d’urgence pour éviter d’être confontée à des suspensions de paiements.
• Crise démocratique et montée de l’extrême droite : Face aux contestations grandissantes de la part des populations subissant un durcissement de leurs conditions de vie, les gouvernements emploient de manière toujours plus décomplexée des mesures autoritaires pour imposer leur autorité. En parallèle, une partie des populations du monde sont de plus en plus séduites par les discours xénophobes d’extrême droite ciblant les personnes migrantes et les plus précarisé-es.
nous constatons aujourd’hui un renforcement inquiétant du capitalisme. Après les victoires capitalistes des années 1990, marquées par la chute de l’URSS ou la naissance de l’OMC, des initiatives socialistes et progressistes ont émergé dans les années 2000 et au début des années 2010, portées par des figures comme Hugo Chavez au Venezuela, Lula au Brésil, ou Rafael Correa en Équateur, ces mouvements ont aujourd’hui perdu de leur vigueur. Nous avons assisté à la capitulation de Syriza en Grèce en 2015, au tournant modéré de Rafael Correa en Equateur à partir de 2011-2012, et à l’essoufflement des dynamiques portées par le Forum social mondial, Occupy Wall Street ou encore les Indignés en Espagne.
Ces dernières années ont vu la montée en puissance de l’extrême droite : Duterte aux Philippines, Bolsonaro au Brésil, Milei en Argentine, Trump aux États-Unis, Salvini puis Meloni en Italie, Geert Wilders en Hollande… pour ne citer qu’eux. Parallèlement, bien que des mouvements féministes (MeToo), climatiques (Youth for Climate) et antiracistes (Black Lives Matter) aient émergé dans la fin des années 2010, leurs avancées concrètes restent limitées. En Afrique de l’Ouest, plusieurs gouvernements arrivés au pouvoir suite à des coups d’état ont tenté de rompre avec les anciennes métropoles coloniales, mais restent dépendants des institutions internationales telles que le FMI et la Banque mondiale.
Face à ce panorama de crises et à l’essor des mouvements autoritaires, ultralibéraux et xénophobes, il est plus que nécessaire de recréer un espace international de coordination des luttes afin de regagner du terrain et défendre des alternatives émancipatrices. C’est pourquoi le CADTM international soutient activement la convocation d’une première conférence mondiale anti fasciste qui se tiendra à Porto Alegre au Brésil du 15 au 18 mai 2025.
Cette première journée du Conseil international s’est conclue par des discussions animées, qui ont permis de dégager plusieurs constats majeurs :
• Les capitalistes parviennent à détourner les discours de remise en cause du système économique en les réorientant contre les minorités et les populations les plus précaires. Cela contribue à alimenter la montée des discours d’extrême droite, tout en favorisant un recul de l’État social et des protections associées.
• Cette instrumentalisation passe notamment par une prise de contrôle des espaces médiatiques et des réseaux sociaux par des mouvements réactionnaires, souvent soutenus par de grands capitaux. La France de Bolloré, comme l’Italie de Berlusconi, sont des exemples flagrants de conquêtes de l’espace d’expression.
• Dans plusieurs pays, tels que les Philippines, le Salvador ou les États-Unis, les discours stigmatisant les populations pauvres, souvent assimilées à la criminalité ou comparées à des insectes nuisibles, prennent de l’ampleur. Ces rhétoriques justifient des politiques sécuritaires répressives et évoquent des méthodes ayant précédé des massacres ou génocides, comme cela fut le cas au Rwanda entre 1992 et le génocide de 1994.
• Les mouvements sociaux, y compris le CADTM, subissent les effets de cette offensive capitaliste et peinent à maintenir leur influence. Ce recul s’explique en partie par le fait qu’une frange de la gauche a opté pour des politiques néolibérales, ou a simplement renoncé à occuper le débat public.
• Dans ce contexte, il est impératif de rester attentif à la qualité et à la véracité des informations que nous partageons, en s’assurant que nos sources sont solides et crédibles.
• Concernant le continent africain, il apparaît clairement que ni les puissances impérialistes traditionnelles (Etats-Unis, Europe occidentale et Japon) ni les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) n’ont véritablement intérêt à favoriser son industrialisation et la construction de sa souveraineté. Pour les grandes puissances, l’Afrique représente avant tout un vaste réservoir de matières premières et de main-d’œuvre bon marché, perpétuant ainsi des dynamiques d’exploitation.
Ces échanges ont souligné la nécessité de renforcer notre vigilance, d’adopter des stratégies de résistance face à l’offensive néolibérale, et de continuer à défendre des perspectives émancipatrices face aux dynamiques d’oppression et de domination croissantes.
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