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Le succès populaire des marches antiracistes du 22 mars semble avoir fait peur aux tenants du seul antiracisme autorisé, celui qui ne voit dans le racisme que des actes individuels, isolés, un problème moral en somme. Or la réalité du racisme est le contraire de cette vision « libérale » du racisme : ces discriminations sont soutenues par un appareil idéologique, médiatique, politique.
Et le discours médiatico-politique dominant se frotte les mains à l’idée de mettre le racisme (pourtant le fruit selon eux de comportements individuels) sur le dos d’un camp politique, la gauche, et un mouvement en particulier : La France Insoumise. En oubliant en conscience que la discrimination raciale est avant tout l’apanage de la droite et de l’extrême droite.
L’histoire profonde et ancienne de ces familles politiques, mais aussi l’actualité récente le démontrent. Ceux qui provoquent et bénéficient du racisme sont surtout et avant tout à l’extrême droite. Un petit rappel des faits s’impose face aux discours confus qui étouffent le débat public.
Chaque fois que l’extrême droite se retrouve devant un tribunal, c’est soit pour de sombres affaires d’escroquerie et d’emplois fictifs, soit pour avoir attisé la haine, des femmes, des personnes LGBT+… et des minorités racisées.
Ce 26 mars, le maître à penser de tous les racistes de ce pays, Eric Zemmour, a été condamné pour injure raciale. Comme d’autres fascistes de son type, il avait instrumentalisé le meurtre du jeune Thomas à Crépol, opposant « la France des Thomas [des blancs] et des Chahid [des non-blancs] ».
En 2021, le groupuscule néonazi « La famille Gallicane », soutien du même Zemmour, était affiché en train de s’entraîner au tir sur des caricatures de personnes noires, musulmanes, juives.
Il ne faut pas oublier le Rassemblement National (RN), qui depuis quelques semaines, tente de se faire passer pour le « bouclier » des juifs en France, et de pointer LFI comme le seul parti raciste et antisémite, soi-disant. Ces mensonges sont loin de la réalité : LFI a au contraire pleinement intégré les questions antiracistes dans son programme, comme en témoigne son livret thématique sur le sujet. D’un autre côté, le RN compte de nombreux antisémites assumés dans ses rangs, et les met même souvent en avant.
Comme Frédéric Boccaletti, député du Var, qui avant son élection tenait une librairie aux ouvrages antisémites et négationnistes. Ou bien Ludivine Daoudi, candidate aux législatives face à l’eurodéputée LFI Emma Fourreau. La candidate RN trouvait amusant de prendre la pose avec une casquette nazie.
D’une manière générale, chaque élection locale (départementale…) est l’occasion de débusquer des candidats RN aux convictions racistes et antisémites bien ancrées : les élections de 2024 avaient été un beau musée des horreurs. La défense du parti est toujours la même : il ne s’agit que de « brebis galeuses », d’erreurs de casting, selon les mots de Jordan Badella.
Pourtant, de nombreux articles mettent en cause de nombreux cadres du RN, responsables de sections ou assistants de députés, au racisme assumé et théorisé. Ces parcours individuels illustrent une tendance de fond du RN, car son programme et son idéologie reflètent les aspirations de ses militants et électeurs, même les plus violentes.
Les votes des députés RN contre les minorités racisées sont nombreuses. On pense notamment à l’ignoble « loi immigration » de décembre 2023, votée avec les troupes macronistes en pleine radicalisation. Mais d’autres votes sont éloquents : discussions sur la suppression du droit du sol (qui renforce une vision ethno-raciale, et non politique, de la citoyenneté), stigmatisation des français de confession musulmane, plus particulièrement les femmes voilées…
Et loin des sourires des plateaux TV et des cravates, le programme du RN reste extrêmement violent vis-à-vis des immigrés, clandestins, personnes de couleur… Tout y passe, de la suppression de l’Aide Médicale d’État (AME), à la « priorité nationale », qui réserve les aides sociales aux seuls « français de souche ». Le but est clair : faire comprendre aux immigrés et aux non-blancs qu’ils ne sont pas les bienvenus. Aux antipodes du programme humaniste porté par les Insoumis.
Cette violence raciale, même si les cadres du RN s’en défendent, est très bien comprise de l’opinion publique. D’abord par les électeurs du RN : les travaux de Félicien Faury, sociologue, ont par exemple démontré que le dénominateur commun à tous les électeurs RN, riche ou pauvre, d’Amiens ou de Toulon, reste le biais raciste. Cette conviction que stigmatiser les non-blancs permettrait à ces électeurs de tirer leur épingle du jeu néolibéral est le moteur de ces classes moyennes et populaires qui votent RN (sans être majoritaires).
Mais les personnes qui risquent de subir ces politiques racistes mortifères ont aussi bien compris le danger que représenterait l’arrivée du RN au pouvoir : binationaux, français musulmans, issus de l’immigration, tant de catégories prêtes à faire leurs valises pour se prémunir des politiques racistes de l’extrême droite.
Soutien du génocide à Gaza, Jordan Bardella s’est rendu en Israël sur invitation du criminel de guerre Benyamin Nétanyahou, Premier ministre israélien. Le vice-président du RN, Sébastien Chenu, a osé affirmer, à cette occasion que le RN était devenu le « bouclier de la communauté juive ». Curieuse prétention quand on pense aux multiples et unanimes hommages des membres du RN à la mort de Jean-Marie Le Pen, négationniste et antisémite convaincu et multicondamné pour cela.
Il y a quelques semaines encore, Bardella niait l’antisémitisme de son prédécesseur, et en dépit des six condamnations : on pense par exemple à l’affaire du « point de détail ». Dans un récent documentaire sur Le Pen-père, un de ses anciens proches et ex-membre du FN, à la question « était-il vraiment antisémite ? », a sans hésiter répondu par l’affirmative : « il voyait des juifs partout ».
Il faut dire que les origines du « bouclier » des français de confession ou d’origine juive sont sans équivoques. Entre un ancien milicien sous Vichy, un terroriste de l’OAS, et même un ancien Waffen-SS (la branche la plus fanatisée de l’armée nazie), sans compter les financements d’un parti néofasciste italien, la liste est longue. Et les idéologies qui ont motivé la création du FN sont les mêmes que celles qui ont propulsé le RN à 30 % des suffrages l’été dernier.
Pour aller plus loin : RN-FN, historique d’un parti fondé par des Waffen-SS que certains veulent réhabiliter
Le rapport de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH), sorti en juin 2024, apporte un éclairage sur le racisme et l’antisémitisme bien différent des inepties entendues sur les plateaux TV.
À la grande surprise des gens qui ignorent tout des mécanismes du racisme comme fait social, l’antisémitisme est et demeure l’apanage de… l’extrême droite. « De manière générale, les sympathisants d’extrême droite restent les plus enclins à se montrer d’accord avec ces préjugés antisémites traditionnels », nous apprend ce rapport (p.221).
Autre éclairage important de ce rapport : là où la droite et l’extrême droite attribuent à tort l’antisémitisme aux « musulmans » ou à « l’immigration extra-européenne », la CNCDH pointe « les opinions antisémites restent largement structurées par les vieux stéréotypes associant les Juifs au pouvoir et à l’argent ». Précisément les clichés véhiculés par l’extrême droite depuis le XXe siècle, et qui circulent encore sur des boucles de discussion néonazies.
La nécessité d’une lutte contre l’antisémitisme reste avant tout une valeur… de gauche ! Idem pour la lutte contre l’islamophobie et le racisme en général. Et plus on se décale vers la droite de l’échiquier politique, moins ces luttes sont considérées nécessaires.
Une mise au point s’imposait : le racisme est une réalité qui touche une large partie de la société française, et il prolifère sur la montée de l’extrême droite, et la banalisation de ses idées. Cette normalisation du racisme s’appuie aussi sur des discours médiatiques qui, non seulement rendent acceptables les discriminations raciales et religieuses, mais retournent aussi le stigmate. Qui n’a jamais entendu dans la bouche d’un éditocrate quelconque que « les antiracistes sont les vrais racistes » ?
Cet élément de langage fait son chemin jusqu’au RN qui tente de faire de LFI le moteur du racisme en France, aidé de ses complices macronistes. Jean-Marie Le Pen s’en retourne dans sa tombe.
Alexis Poyard
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