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Depuis l’attaque du 7 octobre, je vis dans un tiraillement constant. En tant que femme juive, la douleur est immense. En tant que militante insoumise, engagée pour la justice en Palestine, je me retrouve sommée de choisir un camp. Mais je refuse les injonctions, les amalgames, les silences imposés. Voici mon témoignage, entre deuil, colère et espoir.
Le 7 octobre 2023 a marqué une rupture. Comme beaucoup, j’ai été frappée de plein fouet par les images des attaques en Israël, par la violence, par la peur.
En tant que femme juive, ces événements ont réactivé des angoisses profondes, familiales, historiques. Mais je suis aussi militante insoumise, engagée pour la paix, pour la justice, pour la liberté des peuples.
Depuis ce jour, je vis dans un entre-deux intenable, tiraillée entre le deuil et la colère, la solidarité et la suspicion.
Il semble devenu impossible de dire que l’on est à la fois juive et favorable à la cause palestinienne, à la solution à deux États, sans être accusée de trahison ou pire, de complaisance avec le terrorisme. Cette note est une tentative de tenir bon dans cette complexité, de refuser le chantage identitaire et politique, et de défendre une position de paix radicale, sans reniement.
Le 7 octobre : choc, douleur et instrumentalisation Comme pour beaucoup de juifs dans le monde, le 7 octobre a été un traumatisme. L’attaque du Hamas en Israël a fait resurgir des peurs viscérales, une mémoire transmise, celle des pogroms, des attentats, de la Shoah. J’ai pleuré pour les victimes, pour les familles, pour les enfants. J’ai eu peur pour les miens, là-bas, ici. Mais très vite, une autre douleur est venue : celle de voir cette tragédie transformée en instrument de guerre, de division et d’aveuglement.
Et puis il y a eu cette perte qui m’a brisée. Un ami très proche est parti au front comme réserviste dans l’armée israélienne, dans les jours qui ont suivi l’attaque. Il ne voulait pas la guerre, il voulait protéger, faire sa part dans le chaos. Il n’est jamais revenu. Pendant des semaines, je n’ai pas voulu y croire, je me suis accrochée à l’espoir fou d’une erreur, d’un malentendu, d’un miracle. Son nom m’est resté dans la gorge, figé dans l’attente. Aujourd’hui, j’entre dans ce travail de deuil, lentement, douloureusement. Il me manque chaque jour. Ce chagrin-là n’efface rien de mes convictions. Mais il les rend plus urgentes encore, plus ancrées. Je milite pour que plus aucun jeune homme, israélien ou palestinien, ne meure ainsi, arraché à la vie par une guerre qui broie tout sur son passage.
En France, dans les heures qui ont suivi, toute parole appelant à la nuance ou au contexte était immédiatement rejetée. Toute dénonciation de la colonisation, du blocus de Gaza, de l’occupation, devenait suspecte. Il fallait choisir un camp, et vite. Mais comment choisir entre la défense d’un peuple sous occupation et la reconnaissance du droit d’un autre à vivre en sécurité ? Le débat s’est crispé, et les médias, dans leur majorité, ont adopté une lecture binaire, étouffant les voix qui, comme la mienne, appelaient à refuser cette simplification dangereuse.
Entre deux feux : être juive et militante insoumise Je milite à La France Insoumise depuis plusieurs années, par conviction, parce que je crois en une gauche populaire, antiraciste, pacifiste. Depuis le 7 octobre, j’ai vu ce mouvement être attaqué de toutes parts, accusé d’antisémitisme pour avoir refusé de reprendre mécaniquement les éléments de langage imposés par l’exécutif israélien ou le gouvernement français. Il y a eu des maladresses, peut-être. Mais surtout, il y a eu une volonté farouche de ne pas céder à l’émotion brutale, de rester fidèle à des principes de droit international et de justice.
Je me suis retrouvée dans une position insupportable : sommée de me justifier à la fois comme militante de gauche et comme juive. Pour certains, je trahissais "mon peuple" en refusant de soutenir inconditionnellement l’État d’Israël. Pour d’autres, ma judéité faisait de moi une alliée suspecte, à convaincre ou à exclure. Cette injonction au "choix de camp" m’a confrontée à une solitude politique et identitaire que je ne souhaite à personne.
Et pourtant, je refuse de céder. Je ne renierai ni mon identité juive, ni mon engagement pour une paix juste, ni ma solidarité avec le peuple palestinien.
La solution à deux États : une voie de paix étouffée Je reste convaincue qu’il n’y aura de paix durable qu’avec deux États vivant côte à côte dans la sécurité, la dignité et le droit. Cette position, que l’on présentait naguère comme "équilibrée", est aujourd’hui perçue comme radicale. Pourtant, elle est le seul horizon de justice.
Depuis des années, la colonisation grignote le territoire palestinien. Le gouvernement israélien actuel, d’extrême droite, ne cache même plus son refus de tout compromis. À Gaza, les bombardements massifs et le blocus maintiennent une population entière dans l’horreur. En Cisjordanie, les violences de colons sont en hausse constante. Mais rien ne semble faire bouger la communauté internationale, tétanisée ou complice.
Face à cela, il faut une parole politique forte. Dire que le Hamas ne représente pas le peuple palestinien. Dire que critiquer le gouvernement israélien, ce n’est pas être antisémite. Dire que la paix n’est possible qu’en reconnaissant pleinement les droits des deux peuples, y compris celui des Palestinien·ne·s à un État viable, libre, souverain.
Depuis le 7 octobre, je vis une lutte intérieure et extérieure. Mais je refuse de céder à la peur, au repli, à la haine.
Mon engagement reste intact : pour la justice, contre toutes les formes d’oppression, pour un avenir où être juive et défendre les droits des Palestinien·ne·s ne sera plus perçu comme une contradiction.
Il faut tenir bon, parler malgré tout, refuser les silences imposés. Car c’est justement dans ces moments de crise que la parole libre est la plus précieuse.
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