Le monde à l’envers (JL Mélenchon)

mercredi 21 mai 2025.
 

Le génocide à Gaza provoque un retournement dans de nombreux secteurs de l’opinion en France, à l’image de ce qui se passe à une toute autre échelle de masse ailleurs dans le monde. À présent, des personnes nouvelles parlent contre l’assassinat des Palestiniens par Netanyahu.

C’est une bonne nouvelle. Cela brise l’équation absurde érigée par les fanatiques pour qui toute critique de la politique de Netanyahu est une « complicité avec le terrorisme ». L’agression contre la France et contre les paroles d’Emmanuel Macron par Netanyahu lui-même sont aussi un puissant révélateur de l’arrogance dominatrice de cette extrême droite-là. Mais elle aura aussi un effet dissuasif. Car ces propos sont la reprise des absurdités ordinaires des suprématistes et de tous leurs amis en France sur le sujet. Ceux qui persistent à reprendre à leur compte leur vocabulaire sont dans la situation du « parti de l’étranger » dont ils voulaient nous affubler, comme le fait la demande de commission d’enquête déposée par Wauquiez et les siens.

Bien des amis ont été choqués par ces ralliements qu’ils jugent trop tardifs. Ils les comparent au courage de la première heure des juifs qui se sont immédiatement alignés sur la loi morale commune contre le génocide. Je mets en garde. Ces méfiances, parfois assez vigoureusement exprimées comme on peut le comprendre, risquent d’être contre-productives. Elles vont épauler les campagnes internes dans la communauté contre toute critique. Des campagnes d’autant plus violentes quand elles s’opposent à d’autres membres de la communauté. Le mûrissement du jugement de ceux qui se mettent à protester maintenant est le résultat d’un processus douloureux pour eux et nous devons en tenir compte. En toute hypothèse, mieux vaut ceux qui réfléchissent et savent qu’ils s’exposent à de rudes réparties que ceux qui ne le font pas par peur ou par conformisme communautariste. Et peu importe qui ils sont et ce qu’ils sont d’un point de vue politique ou religieux. De notre point de vue, il est forcément bon d’isoler un gouvernement comme celui de Netanyahu qui hait la France à cause de sa laïcité et de tout ce qu’elle représente idéologiquement. Et il est important davantage encore d’avoir une opinion publique française unifiée dans le rejet d’un génocide plutôt que le contraire. Il s’agit là de notre peuple et de sa capacité à vivre dans une communauté morale commune en dépit de la diversité des points de vue. C’est cela « l’esprit d’une nation ».

En France nous vivons en politique un temps d’accélération foudroyant de la décomposition du régime macroniste. Le plus frappant est qu’il soit accéléré par ses deux têtes de file institutionnelles : le président et le premier ministre. Ce sont aussi celles de l’État ! Quelle doublette ! D’un côté un interminable bavardage sans objet de Macron avec des contradicteurs de confort, de l’autre le « flou furieux » du lendemain à l’Assemblée. Mais le système est à l’abri. Le PS a annoncé par la voix de François Hollande que la victime, c’était Bayrou. Et le RN en a fait de même en raison du caractère confessionnel des établissements concernés. Dans ces conditions, la macronie peut se croire hors de portée de la censure. Sur le terrain, il en va tout autrement. Cette salle comble partout où parlent les responsables insoumis. De Kanala en Calédonie-Kanaky à Aubenas dans l’Ardèche en passant par Lille où l’une quelconque des réunions sur les livres de l’Institut La Boétie ou de la campagne sur l’eau, où l’une quelconque des centaines de campagnes locales de nos amis, le mouvement est amplement déployé. Les messages de soutien de toutes sortes sont venus après l’épisode des chefs de rubrique LFI à Libération et au Monde. De même autour de Paul Vannier dans le cas de Bétharram. Ou de la perquisition de Sébastien Delogu (voir ensuite). Le sentiment de vivre dans un « monde à l’envers » se diffuse à mesure que les abus se multiplient et qu’ils sont rendus visibles soit par leurs auteurs, soit par nous. Le dégagisme frappera bientôt plus largement que d’aucuns le croient.

La France est prête à se rallier à l’objectif de 5 % du produit intérieur brut (PIB) en dépenses militaires et de sécurité, discuté au sein de l’Otan, a « laissé entendre » jeudi 15 mai 2025 le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot « en marge d’une réunion de l’Otan à Antalya, en Turquie », nous apprend Le Figaro. Voilà donc ce qu’il reste de la prétendue volonté d’indépendance de la France et de l’Europe à l’égard des USA après tant de beaux coups de mentons. L’alignement est désormais complet sur les exigences de Trump et de son répondeur automatique à la tête de l’Otan. Mais comme il faut voter le budget pour payer cela, on peut dire qu’on verra ce que disent les parlementaires à ce moment-là. Et si 49.3, il y aura motion de censure et les électeurs pourront voir la différence entre ceux qui s’opposent et ceux qui protègent un pouvoir capable de telles volte-faces.

Le naufrage médiatique français déroule ses anneaux un jour après l’autre. Au lendemain de l’audition de Bayrou, l’Humanité, titre courageusement « le flou furieux » mais combien de chaînes reprennent les éléments de langage distribués par le Premier ministre. Comment on le sait ? Parce que « France info », qui ajoute toujours à sa servilité anti-LFI le manque de professionnalisme, reprend une fausse citation de Paul Vannier. Fausse ? Oui, et elle n’existe que dans les documents du premier ministre. CQFD. Libération avait fait le boulot avant avec son égout La Meute pour tenter de discréditer Paul Vannier dans la liste de son jeu de massacre alors même que l’enquête sur Bétharram est lancée depuis des mois. D’ailleurs Bayrou, reconnaissant, brandissait le livre qui le sert. L’éditorialiste de Libération Hamdam Mostafavi cite le geste sans commentaire pour ajouter à la publicité d’un ouvrage dont la finalité est dorénavant prouvée par l’exemple. Comme la plupart des dirigeants de LFI sont diffamés par Charlotte Belaïch et Olivier Pérou, cette mode pourra revenir à chaque occasion. C’est étudié pour. Bref, tous les tireurs dans le dos sont là, chacun à leur poste pour sauver le système. Hollande bat son record en dénonçant « une chasse à l’homme » contre Bayrou. Pas un de ces grands esprits ne s’inquiète d’une question pourtant essentielle. Paul Vannier se serait rendu coupable si, étant alerté, il n’avait rien fait. Car il était rapporteur d’une commission d’enquête sur le contrôle des établissements privés sous contrat. La peur de l’omerta médiatico-politique des trente dernières années l’aurait rendu coupable. Son devoir était de vérifier par une question publique à l’Assemblée comme il l’a fait. Puis en saisissant la présidente de la commission éducation devant le mensonge désormais reconnu par Bayrou lui-même. À son tour, celle-ci avait le devoir d’ouvrir la commission d’enquête pour les mêmes raisons. Et la co-rapporteuse, Violette Spillebout adversaire bien connue de LFI, est dans son devoir en ne se souciant que des faits et non de ses sympathies politiques.

C’est dur à comprendre pour des équipes de presse, en effet ! Elles respectent si peu leur propre déontologie professionnelle  ! La vérité psychologique est que ces commentateurs confondent le monde réel avec l’ambiance de leur salle de rédaction. Celles-ci sont accoutumées à une omerta hiérarchiquement maîtrisée dont on a pesé le poids par le nombre d’années avant la mise en cause de certains de leurs membres les plus visibles. Il existe donc aussi une certaine sympathie spontanée pour Bayrou dans certaines salles de rédaction. Je crois avoir repéré qu’elle est à l’inverse dans la très jeune génération de journalistes. Faire donc de LFI l’organisatrice d’un procès politique, ou d’une « chasse à l’homme » comme dit Hollande sert peut-être le plan de diabolisation. Car ils sont sur le pont ceux qui veulent nous faire payer nos positions sur des sujets qui leur cuisent comme l’imposition des riches, le génocide de Gaza, les pesticides en ce moment et ainsi de suite, c’est-à-dire contre le monde pourri dans lequel nous vivons. Il n’est pas certain que ce soit la stratégie la plus efficace…

La perquisition abusive chez le député Delogu à son domicile et à sa permanence sont un événement de la campagne des municipales locales. Car personne ne peut croire qu’elles aient un fondement juridique ou policier. Il s’agit de provoquer des articles de presse si possible commençant par la phrase « perquisitions chez Delogu, accusé de vol ». C’est le monde à l’envers. En effet, Delogu et Bompard avaient signalé au procureur de Marseille en septembre dernier des documents soulevant une suspicion de faits délictueux au sein de l’entreprise Laser Propreté à Marseille. Les « enquêteurs » se justifient en indiquant que cette perquisition aurait pour objectif de récupérer les documents qui ont conduit à cette saisine et donc trouver leur source. Pour ceux qui n’ont aucun respect pour les députés venus du peuple, il existe cependant en France une loi de protection des lanceurs d’alerte et elle met une limite à leur mépris de classe. Je parle de mépris de classe, car les lanceurs d’alerte étaient deux députés : Bompard et Delogu et seul Delogu fait l’objet d’une démarche d’intimidation. Il est vrai que seul des deux, Delogu est concerné par la candidature à la mairie de Marseille. En tout cas, la loi donne une protection légale aux personnes signalant des infractions au sein d’une entreprise. Dès lors, en France, et sans doute aussi pour la justice et la police de Marseille, on ne doit pas inquiéter ceux qui signalent un délit ni les perquisitionner, mais plutôt les suspects de délits. Quitte à punir ensuite, si c’est faux, les signaleurs, comme ce fut le cas pour cette femme qui avait dénoncé des tags et une fausse agression antisémite à Paris. Les suspects plutôt doivent donc faire l’objet d’une enquête. Huit mois après le signalement à Marseille, c’est un lanceur d’alerte qui est intimidé.

Évidemment, l’information sur cette perquisition a été aussitôt communiquée à la presse dans la foulée. Police, justice, presse : à Marseille, la meute, la voilà. Qui a décidé cette opération honteuse de république bananière  ? « Nous demandons des explications et nous exigeons que cessent immédiatement ces campagnes d’intimidations contre les députés insoumis qui font leur travail au service du peuple et de l’intérêt général » a déclaré le député marseillais Manuel Bompard. Mais il va de soi que dorénavant, nous devrons nous-mêmes porter à la connaissance du grand public les faits reprochés à cet homme, car sinon sur qui compter pour le faire  ? Car la presse nous apprend, de son fait, qu’il est l’ancien président du CRIF local et nous comprenons que les refrains habituels ne sont plus loin. Sa fille était d’ailleurs venue insulter nos députés à propos de Gaza à la terrasse d’un café, donnant lieu à une vidéo devenue virale ensuite. Mais ce qui nous intéresse, nous, ce n’est pas sa religion, mais les actes graves dont il est soupçonné. Les Marseillais doivent les connaître pour mieux comprendre les motivations de ceux qui le soutiendront en politique.


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