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N’ayez pas peur ! On surveille tout !
Dans une société où les politiques néolibérales ont créé une instabilité et une insécurité permanente, la peur se diffuse dans tous les esprits. Dans ce des gouvernants qui craignent une révolte sociale et dans l’esprit des dominés qui craignent de sombrer dans le chômage, la pauvreté ou encore d’être agressé par des délinquants ou des terroristes.
Un fichage toujours plus étendu des citoyens vise à conjurer ces peurs.
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Nous partageons ici un article intéressant sur la question du fichageS et nous le compléterons par un exposé de ses ressorts juridiques.
Source : Cerveaux non disponibles
https://cerveauxnondisponibles.net/...
FICHE S. De l’invention de la charge à l’inversion de la charge
Le candidat auquel il est fait allusion dans l’article suivant était Raphaël Arnault , membre de LFI, qui s’était présenté aux élections législatives de 2024 comme candidat NFP à Avignon.
Il est connu comme militant antifasciste. Il a été élu devant la candidature du RN avec environ 54 % des voix exprimées.
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La récente séquence médiatique et politique concernant des candidats aux législatives fichés S illustre tristement la capacité de la population française à vivre sous un régime autoritaire, qui pourrait sans trop de difficulté basculer vers un régime totalitaire.
En effet, nous avons vu un candidat (devenu député) devoir se justifier auprès de presque tous les médias d’être fiché S. Pire encore, plusieurs médias ont lancé des sondages pour interroger l’idée de rendre les fichés S inéligibles. Le journal d’extrême droite Le JDD a annoncé fièrement que 80 % de ses lecteurs y étaient favorables.
Dans une société en bonne santé, c’est le pouvoir qui devrait se justifier d’avoir fiché ce candidat/député alors qu’il ne représente en rien une menace terroriste. Dans notre société malade, c’est à ce député antiraciste de se justifier devant les médias d’avoir une fiche S !
Les fiches S (car il y e en n a plusieurs) existent depuis longtemps. Elles sont utilisées par l’État pour « procéder à la surveillance de ceux sur lesquels ne repose aucune incrimination pénale, mais qui peuvent, par leur activité, représenter à un moment ou à un autre un risque de trouble à l’ordre public ou une atteinte à la sûreté de l’État ». En d’autres termes, et il faut le marteler : une personne fichée S n’a commis aucune infraction à la loi. Mais les services de renseignement estiment qu’elle pourrait être amenée à en commettre dans le cours de sa vie. C’est donc une présomption de culpabilité future et hypothétique !
Historiquement, ce fichage était destiné à la lutte contre le terrorisme. Cependant, année après année, le spectre des fichés S s’est largement étendu, tout comme le nombre de fichés. Il n’existe pas de chiffres officiels sur le nombre de fichés S. Les dernières déclarations des autorités évoquaient, en 2018, 30 000 fichés S, soit 50 % de plus que trois ans plus tôt ! Parmi ces 30 000, seuls 17 000 étaient suivis pour un lien potentiel avec « la mouvance islamiste ».
Il n’est sûrement pas anodin que nous ne disposions pas de chiffres plus récents, depuis 2018, l’année du début des Gilets Jaunes ! Mais à n’en pas douter, ce nombre doit osciller entre 50 000 et 100 000 personnes, dont la plupart se retrouvent fichées parce qu’elles sont Gilets Jaunes, écologistes, syndicalistes ou antiracistes. On voit ici le piège se refermer : offrir des outils de contrôle quasi total des vies de certains citoyens, officiellement pour la « sécurité de l’État », mais très vite utilisés à des fins politiques pour « combattre » des adversaires politiques. Et quand on voit les dérives déjà en cours avec ce fichage, on n’ose imaginer le carnage que cela serait si (ou plutôt quand) l’extrême droite arrivait au pouvoir.
D’autant plus que l’usage de ces fiches S semble s’élargir au fil des années. Ainsi, depuis janvier 2015, la liste des « fichés S » dans l’Éducation nationale est fournie aux rectorats en vue d’une exclusion définitive. On a donc des enseignants qui se voient exclus sans avoir commis la moindre infraction.
En 2016, des lycéens auraient même été fichés S suite à l’occupation de leur établissement lors du mouvement contre Parcoursup (source Lundi Matin).
Face à cette dynamique autoritaire, il ne suffit pas de défendre l’idée que des fichés S puissent être éligibles ou exercer la profession d’enseignants. Il faut exiger l’arrêt de ce fichage politique. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : l’État met en place un système de renseignement qui détruit le respect de la vie privée et les droits fondamentaux de tous ceux qui sont considérés, à l’instant T, comme des adversaires politiques du pouvoir. Ce n’est pas inédit dans l’histoire. Mais c’est inédit dans une démocratie. À moins que l’on considère que nous avons déjà basculé, depuis plusieurs années, dans un système autocratique et autoritaire qui n’a de démocratie que son vernis électoral.
Fin de l’article
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Les fondements juridiques du fichageS et ses liens avec un fichage plus étendu.
*Oui, il existe un lien juridique direct entre les décrets du 2 décembre 2020 relatifs au fichage (en France) et la législation existante sur les traitements de données à caractère personnel, en particulier lorsqu’il s’agit de données dites sensibles, telles que les opinions politiques, convictions religieuses, philosophiques ou l’appartenance syndicale.
Voici les principaux éléments de ce lien juridique :
1. Les décrets du 2 décembre 2020 Trois décrets ont été publiés au Journal officiel, modifiant les fichiers suivants :
PASPOL : Prévention des atteintes à la sécurité publique
GIPASP : Gestion de l’information et prévention des atteintes à la sécurité publique (police)
GESIP : Fichier équivalent tenu par la gendarmerie
Ils ont élargi la nature des données collectées, permettant l’enregistrement :
Des opinions politiques, philosophiques ou religieuses ;
De l’appartenance syndicale ;
De données de santé et comportementales (psychologiques, habitudes de vie, etc.).
2. Lien avec le RGPD et la loi Informatique et Libertés Ces décrets sont encadrés par le droit européen et français, en particulier :
a) RGPD (Règlement général sur la protection des données - UE) Les données sensibles (dont les opinions politiques, religieuses...) sont en principe interdites de traitement (article 9).
Exception : leur traitement est possible s’il est autorisé par une législation nationale pour des motifs d’intérêt public substantiel.
b) Loi Informatique et Libertés (France) Elle a été adaptée au RGPD par la loi du 20 juin 2018.
L’article 31 précise que les traitements mis en œuvre pour des finalités de police sont soumis à un régime spécifique (Directive 2016/680 dite « Police-Justice »).
Ces traitements doivent être proportionnés, nécessaires et prévus par un acte réglementaire, comme un décret.
3. Rôle de la CNIL La CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) a été saisie pour avis :
Elle a émis des réserves importantes sur ces décrets, notamment sur l’extension des finalités et la nature des données sensibles collectées.
Mais son avis n’est que consultatif.
4. Controverses et recours juridiques Plusieurs organisations de défense des droits humains et syndicats (Ligue des droits de l’Homme, CGT...) ont contesté la légalité de ces décrets devant le Conseil d’État.
Ces recours portent notamment sur une possible atteinte disproportionnée aux libertés fondamentales (liberté d’opinion, de religion, droit à la vie privée...).
Conclusion Oui, les décrets du 2 décembre 2020 sont juridiquement liés à la législation sur le fichage, en particulier au RGPD, à la loi Informatique et Libertés, et à la directive européenne « Police-Justice ». Ils s’inscrivent dans un cadre légal, mais sont juridiquement contestés pour des raisons de proportionnalité, de nécessité et de respect des droits fondamentaux.
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HD
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