Le Panama est aujourd’hui le cœur de la lutte ouvrière et populaire en Amérique latine

lundi 9 juin 2025.
 

La résistance du peuple panaméen s’intensifie et se radicalise contre les pressions impérialistes de Trump

Le Panama est le point le plus brûlant de la lutte des classes sur le continent, et la manière dont celle-ci évoluera et se terminera conditionnera fortement le rapport entre l’Amérique latine et la politique impérialiste de Trump. Au Panama, il y a aujourd’hui une nouvelle révolte des travailleurs ; les enseignant.e.s sont en grève illimitée depuis deux mois, rejoints par les travailleurs du secteur de la construction, des plantations de bananes, de la santé, et la grève s’étend à d’autres secteurs. Les étudiant.e.s et les parents soutiennent la grève et se joignent au mouvement. Des barrages routiers sont érigés par les populations indigènes avec le soutien de la population, et des mobilisations étudiantes se développent.

Pourtant, cette grande mobilisation ne s’est pas transformée en une rébellion populaire comme ce fut le cas lors des journées historiques de 2023, où une insurrection ouvrière et populaire a renversé le gouvernement et obtenu la fermeture de la mine de cuivre à ciel ouvert exploitée par First Quantum. Mais cela pourrait se produire si la grève illimitée se poursuit et s’étend, ce qui provoquerait un affrontement ouvert avec le gouvernement et pourrait entraîner sa chute. Depuis la rétrocession du canal au Panama en 1999, le pays a connu une croissance ininterrompue mais sans redistribution des richesses : il est le troisième pays le plus inégalitaire de la région. L’intérieur du pays est le plus touché, ce qui explique pourquoi c’est là que se produisent les plus importantes révoltes populaires.

Trois mesures de ce gouvernement ont ravivé les tensions au Panama. La réduction de 40 % des prestations de retraite et leur privatisation ; la tentative du gouvernement de rouvrir la mine de cuivre dont la fermeture avait mis fin à obilisation populaire de 2023 ; les accords avec Trump (construction de trois bases militaires dans le pays) dans le cadre de son offensive pour reprendre le contrôle du canal.

Ces mesures signifient que le gouvernement Mulino est en train de capituler devant l’offensive de Trump contre le pays, dont l’objectif final est de récupérer le canal, et que la victoire de la lutte en cours peut l’empêcher. Il s’agit d’un gouvernement impopulaire, discrédité par les affaires de corruption et sa politique néolibérale au service de la grande bourgeoisie panaméenne, discrédité dans tous les secteurs populaires.

L’importance de ce qui est en jeu dans ce pays est soulignée par le New York Times dans un article dans lequel il met en garde : « Une tentative sérieuse de faire pression sur le gouvernement panaméen – par des sanctions, des droits de douane ou d’autres mesures coercitives – pourrait embraser le pays. Pour le Panama, les États-Unis et le monde, cela pourrait être le risque le plus important de tous ». Cette mise en garde lancée par un journal de l’impérialisme doit également servir à mieux faire comprendre la nécessité de la solidarité internationale avec cette lutte importante au centre du continent.

La lutte, historique,entre le peuple panaméen et l’impérialisme, est est revenue sur le devant de la scène. Le canal de Panama achemine 40 % des marchandises des États-Unis et une grande partie du commerce mondial. En cas de conflit militaire avec la Chine, une grande partie de la flotte américaine devrait passer par là. D’où la politique de Trump visant à récupérer le canal et à réduire l’influence chinoise dans les ports situés aux sorties du canal.

Historiquement, l’impérialisme américain a exercé sa domination sur le canal. Pour le construire, il a intrigué et manipulé pour obtenir l’indépendance du Panama, qui faisait partie de la Colombie jusqu’au XIXe siècle. C’est à partir de là qu’une bande séparant le canal du reste du pays a été créée, où flottait le drapeau yankee gardé par ses forces armées, séparé du reste du pays par une clôture. La lutte pour la récupération du canal a commencé en 1964 avec la mobilisation des étudiants qui ont envahi le canal pour hisser le drapeau panaméen. La répression et les morts ont provoqué l’indignation populaire, qui a contraint l’impérialisme et le gouvernement à hisser le drapeau panaméen.

Ce fut un premier pas. Le gouvernement nationaliste du colonel Torrijos a obtenu en 1977, dans le contexte de la montée en puissance de l’Amérique centrale, un accord avec le gouvernement Carter pour ouvrir une période qui a abouti à la restitution du canal au gouvernement panaméen en 1999. Avec le recul de l’influence des États-Unis, le néo-impérialisme chinois a commencé à investir dans la construction de deux grands ports et à intégrer le Panama dans la route de la soie dans le cadre de sa politique pour l’Amérique latine. Mulino s’est retiré sous la pression du gouvernement Trump.

En réponse à la mobilisation populaire, le gouvernement Mulino a systématiquement réprimé brutalement les manifestations par des charges policières avec matraques, balles en caoutchouc, gaz lacrymogènes et l’arrestation d’activistes. L’un des principaux dirigeants du SUNTRACS, le syndicat de la construction civile, est emprisonné et son secrétaire général se trouve à l’ambassade de Bolivie dans l’attente d’une réponse à sa demande d’asile politique ; la police a envahi deux sièges syndicaux et gelé les comptes bancaires du syndicat sur ordre du gouvernement, et la coopérative liée au syndicat a été déclarée illégale. Pour l’instant, cela n’a pas fait diminuer la mobilisation et le gouvernement en a été affaibli , provoquant le mécontentement des secteurs bourgeois qui sont enclins à poursuivre les négociations afin de trouver une issue.

Si la grève s’étend à d’autres secteurs et que la mobilisation populaire s’intensifie, il y aura une victoire écrasante et la suppression des mesures gouvernementales. Si cela ne se produit pas, comme dans toute grève longue, des éléments d’usure et de lassitude apparaîtront, qui pourraient conduire à une négociation avec des concessions partielles ou à la défaite du mouvement. La situation est ouverte et, pour cette raison même, la solidarité latino-américaine et internationale est fondamentale. Les organisations syndicales, les partis politiques, les mouvements populaires et les membres de la IVe Internationale doivent être en première ligne de cette solidarité.

Pedro Fuentes

Traduit pour ESSF par Pierre Vandevoorde

https://movimentorevista.com.br/202...


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