Le policier qui a tué Nahel sera jugé pour meurtre

dimanche 8 juin 2025.
 

Le procès du policier motocycliste Florian M., 40 ans, auteur du coup de feu qui a tué l’adolescent en 2023 à Nanterre, pourrait se tenir en 2026 devant la cour d’assises des Hauts-de-Seine.

mblématiqueEmblématique des homicides policiers, l’affaire avait provoqué plusieurs jours de révolte dans les quartiers populaires, et entraîné une répression sévère. Moins de deux ans après la mort du jeune Nahel Merzouk, 17 ans, tué par un policier le 27 juin 2023 après une course-poursuite à Nanterre (Hauts-de-Seine), les deux juges d’instruction chargés du dossier ont décidé de renvoyer l’auteur du coup de feu mortel devant la cour d’assises. Comme l’avait requis le parquet de Nanterre en mars, le policier motocycliste Florian M., 40 ans, sera jugé pour meurtre par la cour d’assises des Hauts-de-Seine. Son collègue, Julien L., 41 ans, qui était placé sous le statut de témoin assisté, bénéficie pour sa part d’un non-lieu. Le procès pourrait se tenir au 2e ou au 3e trimestre 2026.

Dans leur ordonnance de mise en accusation datée du mardi 3 juin, un document de 55 pages auquel Mediapart a eu accès, les juges d’instruction de Nanterre écartent les principaux arguments de défense du policier auteur du coup de feu. S’ils tiennent compte du fait que le jeune Nahel avait eu une conduite dangereuse au volant de la Mercedes qu’on lui avait prêtée ce matin-là, roulant excessivement vite et brûlant des feux rouges, ils notent que le véhicule était à l’arrêt, bloqué par d’autres voitures, quand les deux motards avaient mis le pied à terre et s’étaient approchés du conducteur l’arme à la main.

Les différentes expertises pratiquées pendant l’enquête judiciaire ainsi que la reconstitution des faits ont, par ailleurs, montré que les deux policiers n’étaient pas en danger au moment où le coup de feu a été tiré. Ils se trouvaient sur le côté de la voiture, qui a redémarré à petite vitesse quand le feu est passé au vert, ils ne risquaient pas d’être renversés, et le conducteur n’a pas donné de coup de volant vers la gauche pour les coincer contre un muret. En conséquence, estiment les juges d’instruction, Florian M. n’a pas fait feu en état de légitime défense, et ne peut pas non plus invoquer l’article 435-1 du Code de la sécurité intérieure, qui a étendu les possibilités d’ouvrir le feu pour les policiers confrontés à un refus d’obtempérer en 2017.

« Si les occupants du véhicule pouvaient être “susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celle d’autrui”, écrivent les magistrats, il apparaît néanmoins qu’il n’existait pas une impossibilité d’immobiliser le véhicule autrement que par l’usage des armes […]. En effet, il doit être rappelé que des renforts se trouvaient à proximité immédiate du lieu de contrôle, Florian M. ayant lui-même indiqué que, en annonçant le refus d’obtempérer sur les ondes, il avait implicitement fait appel à des renforts. » Les magistrats ne voient pas de « condition d’absolue nécessité » qui légitimerait le coup de feu, ni de « situation de danger objective pour les fonctionnaires ».

Trois décorations et neuf lettres de félicitations Enfin, alors que Florian M. a expliqué s’être senti en danger et avoir voulu protéger son collègue, et avoir eu l’intention de tirer vers le bas du corps du conducteur pour l’immobiliser, les juges d’instruction notent que dans sa position, il ne pouvait pas voir le bas du corps de Nahel, mais seulement son buste et sa tête.

L’adolescent a été tué d’une balle de 9 millimètres qui lui a traversé le poumon et le cœur. L’autopsie de Nahel n’a pas permis de découvrir de traces des coups de crosse ou des coups de poing qui avaient été décrits par plusieurs témoins, dont les deux passagers mineurs de la Mercedes, selon lesquels les policiers motocyclistes étaient très énervés au moment de l’intervention et avaient menacé le jeune conducteur de lui tirer une balle dans la tête.

Né en 1985, Florian M. a été militaire pendant cinq ans dans l’armée de terre, et a notamment été déployé en Opex en Afghanistan. Il a ensuite été cadet de la République, puis adjoint de sécurité, policier à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), policier motocycliste à la brigade de sécurisation et d’intervention (CSI) de Seine-Saint-Denis, puis à la Brav-M de Paris, et enfin à la compagnie territoriale de circulation et de sécurité routière (CTCSR) des Hauts-de-Seine. Il a été décoré à trois reprises et a reçu neuf lettres de félicitations depuis le début de sa carrière de policier. Son casier judiciaire est vierge.

Le brigadier a passé quatre mois et demi en détention provisoire dans cette affaire, avant d’être remis en liberté et placé sous contrôle judiciaire. Une cagnotte en sa faveur, lancée par une figure de l’extrême droite française, avait permis de récolter quelque 1,6 million d’euros.

Michel Deléan


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