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VioletteViolette Spillebout a découvert, à ses dépens, l’intensité des répercussions politiques de l’affaire Bétharram, dans laquelle François Bayrou est empêtré depuis quatre mois. Le premier ministre et le responsable de son groupe, celui du MoDem, à l’Assemblée nationale ont tous les deux exercé des pressions sur la députée du Nord, pourtant membre de leur même camp politique, à la veille de la rédaction du rapport parlementaire final sur ce dossier sensible.
Corapporteuse de la commission d’enquête parlementaire déclenchée après les révélations de Mediapart, Violette Spillebout, membre du groupe Ensemble pour la République (EPR) de l’ancien premier ministre Gabriel Attal, a formé pendant plusieurs semaines un duo aussi inattendu qu’efficace avec le député du Val-d’Oise Paul Vannier, représentant de La France insoumise (LFI).
Ce positionnement a déplu dans les rangs du « bloc central » – dans un premier temps réfractaire à la création de la commission d’enquête –, mais surtout à Matignon, les investigations des parlementaires ayant confirmé que le premier ministre a menti à plusieurs reprises devant la représentation nationale.
Auditionné le 14 mai, François Bayrou a publiquement dénoncé une « instrumentalisation » politique dans le travail de la commission, ciblant particulièrement Paul Vannier. Au même moment, son entourage a aussi violemment attaqué plusieurs des lanceurs d’alerte de l’affaire, ou même des victimes qui n’allaient pas dans son sens.
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Mais le premier ministre et ses partisans ne se sont pas contentés de ces mises en cause publiques. Ils ont aussi manœuvré en coulisses pour déstabiliser la corapporteuse Violette Spillebout, en menaçant d’entraver sa prochaine candidature aux élections municipales à Lille. Ancienne directrice de cabinet de l’édile socialiste Martine Aubry (2008-2012), la députée rêve de prendre le beffroi en 2026, après un premier échec lors du scrutin de 2020, où elle s’était classée en troisième position avec 20 % des voix.
Sitôt l’audition de François Bayrou devant la commission d’enquête le 14 mai achevée, l’entourage du premier ministre a fait savoir tout le mal qu’il pensait de la posture de Violette Spillebout, en tentant de la discréditer auprès de la presse. « Vous devriez vous pencher sur son deal avec LFI », murmurait-on à Matignon, où d’autres voix se faisaient même plus explicites dans la rumeur. « Elle fait savoir partout à l’Assemblée qu’elle a négocié avec les Insoumis pour les municipales à Lille une sorte de pacte de non-agression », glissait un proche de François Bayrou.
Le lendemain de l’audition, c’est la visite du président du groupe Ensemble pour la République (EPR), Gabriel Attal, à Lille aux côtés de Violette Spillebout qui a été vécue comme une « déclaration de guerre », selon les termes de Marc Fesneau, président du groupe MoDem à l’Assemblée nationale. Ce dernier avait tenté de dissuader le patron des députés EPR de se rendre dans le Nord pour soutenir sa collègue.
« Après l’audition, Marc Fesneau a signifié à son homologue que se déplacer à Lille était une erreur de calendrier et de communication, en termes de signal adressé à une formation alliée, quarante-huit heures à peine après une audition totalement dévoyée à l’endroit de François Bayrou », confirme auprès de Mediapart le responsable presse du groupe MoDem, considérant que cette intervention fait simplement « partie du débat politique ».
Elle ne gagnera pas Lille, croyez-moi. Le premier ministre en fera un sujet personnel.
Une source au sein de Matignon Interrogé, Marc Fesneau explique avoir agi seul, sans que François Bayrou lui demande de le faire, même si le premier ministre a formulé la même menace d’un retrait de son soutien à Violette Spillebout lors d’un échange avec Gabriel Attal, en marge d’une réunion du « bloc central ». Sollicités au sujet de cette pression, et de la curieuse conception de la séparation des pouvoirs qu’elle induit, les services de Matignon ne nous ont pas répondu.
François Bayrou s’est montré d’autant plus sévère, en privé, avec Violette Spillebout qu’il se savait aligné sur le sujet avec Gabriel Attal. Le patron du parti présidentiel a fait savoir qu’il ne comprenait pas non plus l’attitude de la députée du Nord, des réticences qu’il a vivement exprimées à l’intéressé à l’issue de l’audition du 14 mai. « Elle s’est fait pourrir », expliquait-on à l’époque dans l’entourage de François Bayrou. Quant au déplacement lillois du lendemain, Gabriel Attal l’a fait savoir à tous ceux qui s’en étonnaient : il était prévu de très longue date, sans lien avec l’affaire Bétharram.
Un mois plus tard, les répercussions politiques de l’affaire ne sont pas terminées pour la députée du Nord. La question de son investiture pour les élections municipales est au cœur des discussions au sein de la coalition au pouvoir. « On se réserve le droit de partir avec qui nous semblera porter le projet le plus adéquat [aux municipales à Lille] », glissait encore un « proche du premier ministre » mardi 17 juin dans le média Politico.
Façon de maintenir la pression sur la députée dans la dernière ligne droite de la rédaction du rapport, qui doit être présenté devant la commission le 25 juin. Depuis Matignon, une source se faisait même ouvertement menaçante après l’audition du 14 mai : « Elle ne gagnera pas Lille, croyez-moi. Le premier ministre en fera un sujet personnel. »
David Perrotin, Ilyes Ramdani et Antton Rouget
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