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Dès le début de l’agression israélienne contre la bande de Gaza, nous avions dit que Netanyahou avait fait table rase de l’idée sioniste selon laquelle l’Etat israélien avait été construit pour que les Juifs puissent vivre à l’abri des pogroms et du racisme dont ils avaient fait l’objet pendant des siècles, notamment en Europe.
Au contraire, la droite fasciste-sioniste au pouvoir dans ce pays en a fait depuis longtemps un endroit où les Juifs courent plus de risques que partout ailleurs sur la planète. De plus, Netanyahou et ses partisans (mais soutenus par une grande partie du monde occidental), avec leur politique criminelle, avec l’identification entre l’État israélien et les « Juifs » (considérés comme un tout), ont fait en sorte que l’antisémitisme connaisse un retour de flamme funeste.
Aujourd’hui, les gouvernements israélien et américain, avec leur agression injustifiée contre l’Iran, plongent le monde dans un chaos de plus en plus grand. Nous assistons à une nouvelle avalanche de fausses justifications, car toutes les vérifications indépendantes attestent qu’aucune menace, et encore moins une menace imminente, n’est venue de l’Iran. Les réponses de l’Iran aux bombardements de l’armée de l’air israélienne au cours des derniers mois ont été faibles et, dans une certaine mesure, symboliques, notamment parce que le réseau des organisations islamistes pro-iraniennes a déjà été extraordinairement affaibli au cours des dernières années.
Quant aux menaces d’un Iran doté de la bombe atomique, tout indique qu’il s’agit d’hypothèses éloignées, en tout cas maîtrisables par des négociations et des accords, comme celui qui a été rompu non pas par Téhéran mais par Washington au cours du premier mandat de Trump. Et même la perspective d’un nouvel accord dans le cadre des réunions entre les Etats-Unis et l’Iran qui s’étaient ouvertes à Oman a été délibérément et ouvertement balayée par Netanyahou. Bien évidemment, quiconque souhaiterait consulter l’ensemble des articles que ce site a publiés sur l’Iran vérifierait très facilement notre jugement radicalement négatif sur le régime iranien, sa politique, sa répression sanglante contre la population iranienne, contre les femmes, contre les démocrates, contre les droits élémentaires de ses citoyens. Mais aucune répression politique et antidémocratique, aussi terrible soit-elle, ne peut justifier une agression militaire destructrice et meurtrière, qui plus est sur des sites nucléaires et donc avec d’horribles conséquences humaines et des effets environnementaux imprévisibles.
Bien que très timidement et très tardivement, en Occident, il y a quelques semaines, des voix se sont élevées pour critiquer le terrible prix du sang que la guerre déclenchée par Netanyahou à Gaza (puis étendue à la Cisjordanie, au Liban et à la Syrie) fait payer au peuple palestinien (et aux peuples libanais et syrien) depuis plus d’un an et demi. Il s’agit d’une sorte de critique de « l’excès de légitime défense », car le « droit d’Israël à se défendre » reste un dogme, un principe « sacré », plus que tout autre élément du droit international.
Le droit de se rebeller contre une occupation illégitime et brutale (formellement établi dans les conventions internationales), qui plus est contre une occupation qui dure illégalement depuis des décennies, a par contre été honteusement refusé.
Mais cette brève et éphémère prise de distance avec le gouvernement criminel israélien, de toute façon totalement inopérant à exercer la moindre pression pour arrêter ou même ralentir le nettoyage ethnique en cours à Gaza, a été de très courte durée, et aujourd’hui une grande partie des gouvernements européens appuie la nouvelle agression israélienne. Tous, donnant crédit avec une parfaite mauvaise foi aux « motivations » avancées par Netanyahou et Trump pour justifier leur terrorisme, s’alignent sur les arguments suprématistes de ceux qui, après avoir tué des dizaines et des dizaines de milliers de Palestiniens à Gaza, visent, comme le dit le premier ministre sioniste lui-même, à donner au Moyen-Orient un « avenir de prospérité », c’est-à-dire à le transformer en une région où l’on peut faire des affaires sans difficulté, même si cela se fait au prix de la destruction du sens de la vie humaine, à Gaza comme à Téhéran et dans bien d’autres villes et pays. Et cette « motivation » est reprise par toutes les chaînes de télévision qui, après un bref intermède « humanitaire », ont été ramenées dans le droit chemin par Netanyahou.
Le sens de tout cela est clair mais il a été évacué de tous côtés. Lorsque, tragiquement, à Tel-Aviv ou dans toute autre ville occidentale, un terroriste islamique tue, il envoie un message glaçant : « Vos vies comptent pour aussi peu que ce que les nôtres représentent pour vous ». Le terroriste méprise les vies humaines de l’Occident comme l’Occident méprise les leurs.
Il convient toutefois d’ajouter quelques considérations supplémentaires. Cette politique de mépris total du droit international, autrefois typique des États colonialistes et impérialistes, n’a pas été sortie du placard par Netanyahou et Trump. Il y a quelques années seulement (exactement à la fin du mois de février 2022), la Russie de Poutine avait attaqué l’Ukraine, invoquant des raisons d’« autodéfense » contre une prétendue « attitude hostile » de cette dernière, et son hypothétique « politique de réarmement », des motivations d’« exportation de la démocratie » (la « dénazification »). Ainsi, Poutine, comme le fait aujourd’hui Netanyahou contre l’Iran, a déclaré que la guerre (pardon, l’« opération militaire spéciale ») visait à écarter le « risque existentiel » que constituait l’Ukraine pour la Russie.
Les arguments de Poutine ont été repris par la quasi-totalité de la gauche italienne, qui s’est unie pour demander le désarmement de la résistance ukrainienne et la fin des sanctions contre la Russie.
Pourtant, même dans les manifestations d’hier à Rome contre la guerre, la question de l’Ukraine et de la résistance du peuple ukrainien, le problème d’une guerre qui a fait jusqu’à présent plus d’un million de morts et de blessés, étaient presque absents, écartés d’un cortège, celui de la Pyramide, explicitement opposé à l’autre, celui de la Piazza Vittorio qui même fait savoir que toute présence de « pro-ukrainiens » serait considérée comme « une provocation ».
Cette gauche n’est donc pas aujourd’hui dans la meilleure position pour revendiquer le respect du droit international, pour un droit qui n’a certainement jamais joui d’une bonne santé, mais qui, depuis plus de trois ans, a été mis de côté par pratiquement toute la gauche (du moins en Italie). Un droit que déjà Poutine, et maintenant Netanyahou et Trump déclarent définitivement enterré.
Ce n’est pas un hasard si Poutine a pris ses distances avec la guerre contre l’Iran de Trump et de Netanyahou, mais à travers des déclarations symboliques, parce qu’il sait bien que cette dernière guerre constitue une nouvelle reconnaissance internationale de son « opération spéciale » en Ukraine. Ce qui est en train de se passer, depuis un certain temps, ne marque pas seulement la fin du droit international et de la « démocratie », certes pleine de contradictions, que le mouvement ouvrier avait imposée au XXe siècle, mais vise à initier une nouvelle consécration “moderne” de la domination des différents empires qui ont émergé, dans un nouveau « système mondial » et un nouvel « équilibre », assurément instable, mais façonné à leur convenance.
Ceux et celles qui le souhaitent peuvent choisir l’empire qui leur convient le mieux, mais qu’ils ne se disent pas « de gauche ».
Andrea Martini
Source - site « Rifrattario e contracorrente » 22 juin 2025 :
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