![]() |
À Tuam, en Irlande, une exhumation sans précédent a récemment débuté : 796 enfants morts dans un foyer religieux vont enfin sortir de l’anonymat après des décennies de silence.
Cela faisait onze ans que Catherine Corless, une historienne locale, attendait ce moment. À Tuam, dans le comté de Galway, les premières fouilles viennent de débuter sur le terrain d’un ancien foyer pour mères célibataires, explique La Dépêche. Sous une dalle de béton, non loin d’un lotissement résidentiel, reposent les corps de 796 enfants. Morts entre 1925 et 1961, ils avaient été inhumés sans nom, sans tombe, dans une ancienne fosse septique, comme de vulgaires déchets.
Le site appartenait autrefois au foyer St Mary, géré par les sœurs du Bon Secours. Pendant des décennies, des jeunes femmes y ont été envoyées pour accoucher dans le secret, loin des regards et du "déshonneur". Leurs bébés, nés hors mariage, étaient souvent considérés comme indésirables. Beaucoup sont morts dans l’indifférence générale. Pour l’Église comme pour l’État, ils étaient des enfants "illégitimes", et leur sort ne méritait alors ni mémoire, ni justice.
C’est en 2014 que Catherine Corless découvre la vérité, en recoupant des documents d’archives. À sa grande horreur, elle réalise que les 796 enfants n’avaient aucune trace de sépulture officielle. Pire encore : leurs restes auraient été entassés dans une fosse septique désaffectée. Son enquête déclenche un choc national. "Quand j’ai commencé, personne ne voulait écouter […], je suppliais : sortez ces bébés de ces égouts, offrez-leur l’enterrement chrétien digne qu’on leur a refusé", expliquait-elle alors.
L’Irlande découvre à ce moment-là l’ampleur du système des mother and baby homes, des institutions où plus de 56 000 enfants ont été placés entre 1922 et 1998, souvent dans des conditions précaires et indignes. En 2021, après des années de pression médiatique et citoyenne, le gouvernement irlandais présente des excuses officielles. Mais il faudra encore attendre une loi votée en 2022 pour que les exhumations soient rendues possibles.
Un chantier lancé pour redonner une dignité aux enfants oubliés Depuis le 16 juin dernier, les équipes de fouilles travaillent ainsi à sécuriser le site. La véritable excavation doit commencer le 14 juillet. Des prélèvements ADN seront réalisés dans l’espoir d’identifier les enfants et de les rendre à leurs familles. Le chantier est complexe : le terrain a également servi de lieu d’inhumation pendant la Grande Famine au XIXe siècle. Des restes sont mélangés, ce qui rend la tâche d’autant plus délicate.
Pour Catherine Corless, aujourd’hui âgée de 71 ans, ce moment est à la fois une victoire et une blessure. "Même si on parvient à identifier quelques restes, cela n’apportera pas la paix à tout le monde", a-t-elle notamment souligné. Mais pour l’Irlande, c’est une étape cruciale : reconnaître ses fautes, rendre hommage aux disparus et tirer un trait, enfin, sur une page sombre de son histoire.
Article de Juliet Faure, Entre nous
Date | Nom | Message |