Liens avec l’affaire Fillon, argent au Luxembourg, jets privés… Marc Ladreit de Lacharrière, le capitaliste tous azimuts

mardi 14 octobre 2025.
 

on nom est apparu au moment de l’affaire Fillon, lors de l’élection présidentielle de 2017. Pour avoir accordé un emploi de complaisance à Pénélope Fillon, femme du candidat de LR François Fillon, il est condamné à 8 mois de prison avec sursis et 375 000 € d’amende, fin 2018. Une telle condamnation ne saurait faire oublier tous les méfaits dignes d’un capitaliste tous azimuts tel que Marc Ladreit de Lacharrière. Pollution en jet privé, argent au Luxembourg, plus-values sur plus-values. Il était temps de dresser son portrait. Notre article.

Capitaliste tous azimuts

Marc Ladreit de Lacharrière occupe des postes haut placés dans plusieurs groupes français dont la Banque de Suez et l’Oréal. En 1991, il crée Fimalac, regroupement de sociétés de divers secteurs : industrie, immobilier, outillage… Le groupe entre par exemple au capital de l’institut de sondages Sofres (1992-1998) et du Groupe Barrière, hôtellerie et casinos (2011-2023).

Surfant sur « la dérégulation et la désintermédiation financières », le capitaliste renforce considérablement son pouvoir en achetant des agences de notation financière, dont Fitch en 1997.

Les agences de notation évaluent la solvabilité d’un émetteur de titres de dette, dont les États. En se soumettant à cette évaluation, les emprunteurs cherchent des taux d’intérêt faibles (une « bonne » note permet un placement de la dette plus aisé et moins coûteux). 3 agences dominent ce marché : Moody’s, Fitch et Standard & Poor’s. À partir de 2006, Fimalac revend ses parts, et se désengage totalement de Fitch en 2018.

Plus-values, plus-values, plus-values

La technique de croissance du groupe s’appelle le « build-up » : achat d’une structure puis d’autres, rentabilisation puis revente fructueuse, qu’importe le secteur. Les plus-values des reventes sont considérables : 31 millions € pour la Sofres, 81 millions € pour Facom (outillages), 2 milliards € pour Fitch. Sur les marchés financiers, chaque rachat augmente la crédibilité du groupe, qui peut contracter de nouvelles dettes pour d’autres acquisitions. Indéfiniment ?

Récemment, associé au milliardaire Kretinsky, Fimalac candidate au rachat de Casino et Atos, en difficulté. Ces rachats/reventes s’accompagnent de restructurations, aux conséquences souvent délétères pour les salariés (réorganisations répétées, pression sur les résultats, licenciements). Fimalac est donc un groupe purement capitaliste, sans cœur de métier, au seul but financier.

Investir la culture

Depuis les années 2010, le groupe se tourne vers la culture et le divertissement. Webedia, filiale de Fimalac, se positionne sur le digital : marketing d’influence, sociétés de créateurs de contenus actifs sur les plateformes digitales, sites internet (Allociné, Jeuxvidéo.com), stratégies digitales et publicitaires…

Le groupe se place sur toute la chaîne du divertissement : billetterie, production, salles de spectacles, catalogue musical d’artistes français. En région, il possède le réseau des Zéniths et la gestion des salles du groupe Barrière. A Paris, 25 % de la jauge totale des théâtres privés parisiens (salle Pleyel, Théâtre de la Porte Saint-Martin, Théâtre Marigny…) lui appartiennent.

Tenant du libéralisme économique, le patron sait trouver l’argent public : en 2018, Libération dévoile que l’organisation par Webedia d’une compétition de e-sport – jeux vidéo en ligne – est subventionnée à 100 %, dont 200 000 € du conseil régional d’Ile-de-France, présidé par Mme Pécresse (LR). Le groupe bénéficie de l’argent public par des délégations de service public pour l’exploitation de salles. Un rapport de l’inspection générale des affaires culturelles indique qu’en 2022, « le montant des subventions reçues par les théâtres appartenant au groupe Fimalac s’est élevé à 24 % des montants attribués » (…) « le système assurantiel s’est peu à peu transformé en rente ». Entre 2014 et 2022, le groupe a touché plus de 7 millions d’euros pour ses théâtres parisiens.

Amitiés politiques et entre-soi

Passé comme il se doit par l’ENA, Marc Ladreit de Lacharrière s’y crée des relations utiles : avec des dirigeants politiques ou financiers : Séguin (RPR), Schweitzer (Renault), Pfimlin (Crédit Mutuel). Ces derniers ont été au conseil d’administration (CA) de Fimalac.

Réciproquement, il est coopté dans nombre de CA (Crédit Lyonnais, France Telecom Orange, Renault, Casino, Fondation Nationale des Sciences Politiques).

Pour avoir accordé un emploi de complaisance à Pénélope Fillon, fin 2018, le patron est condamné à 8 mois de prison avec sursis et 375 000 € d’amende. Il avait indument salarié dans la Revue des Deux Mondes, qu’il possède, la femme de son proche François Fillon. Il entretient aussi des amitiés au PS, selon Radio France, il rachète une maison de ventes aux enchères avec Laurent Fabius, aide la Fondation de Martine Aubry Agir contre l’exclusion, côtoie François Hollande, via sa Fondation Culture et diversité (accessoirement dirigée par sa fille).

Toujours pour cultiver l’entre-soi, Marc Ladreit de Lacharrière pilote des prix éclectiques : audace créatrice (!), photographie, livre d’économie, livre politique… Pour Benjamin Lagues d’Acrimed : « En sponsorisant ce genre de prix, il bénéficie de l’influence de ces milieux politiques, économiques et médiatiques, qui s’auto-consacrent, et de promouvoir plus largement ses idées libérales, comme seule pensée « autorisée ». L’ultra-riche fait aussi partie du comité artistique des musées nationaux. « Ce sont les membres de ce comité qui choisissent les tableaux et les sculptures que vont par exemple acheter le Louvre ou le Musée d’Orsay », relate la sociologue Monique Pinçon-Charlot.

Cooptons-nous, restons entre amis, entre dirigeants, entre dominants, félicitons-nous et rendons-nous de menus services ! Séparatisme de classe.

Pollution en jet privé

Une enquête de Mediapart et de Mémoire vive sur les vols en jets privés français montre que Fimalac est un fort émetteur de CO2 (4ème place avec 3632 tonnes d’équivalent CO2), pour son jet… immatriculé au Luxembourg. Selon Oxfam, les 1 % les plus riches génèrent autant d’émissions de carbone que les 5 milliards de personnes représentant les deux tiers les plus pauvres de l’humanité.

Luxembourg chéri

Les Jours révèle que le groupe – oh surprise ! – échappe à l’impôt, via des holdings au Luxembourg, où le milliardaire a bien entendu localisé l’essentiel de la fortune. Pour les 1 % les plus riches, le taux d’imposition global est régressif : plus on est riche et moins on paye. Le taux d’imposition global passe de 46 % pour les 0,1 % les plus riches à 26 % pour les 0,0002 % les plus riches (les milliardaires).

Pour plus de justice fiscale, le programme de la France Insoumise s’est fixé de taxer les hauts revenus, cibler les patrimoines des riches, rendre plus juste la fiscalité sur les entreprises, combattre la fraude et l’évasion fiscale.

Mécénat chéri

Comme tant d’autres, le capitaliste se fait mécène : financements récurrents pour le Louvre, dons d’œuvres aux musées du Quai Branly et d’Orsay, soutien financier de fondations (Culture & Diversité, Patrimoine, Agir Contre l’Exclusion), dons pour la reconstruction de Notre Dame…

Le mécénat d’entreprise, depuis la loi Aillagon de 2003, permet une réduction de 60 % du don sur l’impôt sur les sociétés, créant un manque d’1 milliard par an pour l’État, les services publics et donc les citoyens. La Cour des comptes dénonce ce dispositif très favorable aux entreprises privées et l’absence d’encadrement clair de « l’intérêt général » justifiant les ristournes. La loi de finances pour 2020 diminue de 60 % à 40 % le taux maximum de réduction d’impôt sur les sociétés.

Le mécénat est un moyen d’échapper à l’impôt et au partage des richesses, d’imposer ses choix quant à l’utilisation de l’argent, de construire une image positive de l’entreprise et de la personne, d’entretenir des relations privilégiées avec d’autres privilégiés.

Par Sandrine Cheikh


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