Gauche : Parvenir à « une union politique victorieuse électoralement »

samedi 18 octobre 2025.
 

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C’est justement le message que voulait faire passer Jean-Luc Mélenchon, lundi. Alors qu’aux élections du bureau de l’Assemblée, le 1er octobre, les forces du NFP ont réussi à se mettre d’accord sur des candidatures communes, qu’elles ont été élues sur le même programme et qu’elles votent pour l’essentiel de manière conjointe, leur « devoir » est de « se retrouver, conformément au mandat qu[’elles ont] reçu dans cette élection de 2024 ».

Un peu plus tôt, LFI avait pris la première l’initiative d’inviter les « organisations fondatrices de la Nupes [Nouvelle Union populaire écologique et sociale, formée en 2022 – ndlr] et du NFP » à une rencontre dans l’après-midi, « afin d’envisager toutes les hypothèses ouvertes par cette situation ».

La possibilité d’une nouvelle dissolution est plus que jamais crédible et le risque que le Rassemblement national (RN) l’emporte n’a pas diminué depuis juin 2024. « Je ne saurais conclure sans inviter chacune, chacun, à vérifier qu’il ou elle est correctement inscrite sur les listes électorales. Incessamment, le peuple français sera de nouveau convoqué à donner son avis », a conclu Jean-Luc Mélenchon.

Mais l’urgence du moment n’a pas suffi et l’invitation a plutôt recueilli des réactions contrastées. Les Écologistes ont fait savoir qu’ils souhaitaient, eux aussi, « rencontrer dans les plus brefs délais » leurs partenaires pour « travailler au rassemblement ». Benjamin Lucas, député membre de Génération·s, y est aussi favorable : « L’hypothèse d’une dissolution n’a jamais été aussi élevée. Le départ même du chef de l’État est de l’ordre du possible. Il faut a minima se parler. » Le communiste Stéphane Peu s’est aussi dit disponible.

Nous ne sommes pas en mesure d’être tous ensemble dans une même pièce comme si rien ne s’était passé.

Marine Tondelier, secrétaire nationale des Écologistes Mais le dialogue n’est pas facile. Manuel Bompard a annoncé, en fin de journée, que le Parti socialiste (PS) refusait « à ce stade une telle réunion ». « Nous alertons sur l’irresponsabilité de ceux qui refusent de se hisser à la hauteur de l’histoire au moment où notre pays connaît une crise politique sans précédent », écrit-il sur X, proposant que la réunion se tienne mardi matin.

Tout au long de la journée, des divergences à gauche se sont étalées, par médias ou réseaux sociaux interposés, alors que des réunions internes à chaque parti avaient lieu. « Nous préférons la cohabitation », déclarait dans l’après-midi sur BFMTV Marine Tondelier, secrétaire nationale des Écologistes, quand le député LFI Éric Coquerel lui répondait en direct : « La cohabitation n’aura pas lieu. »

Comme lors des précédents épisodes, une partie des anciens partenaires du NFP appelle Emmanuel Macron à nommer un ou une première ministre de gauche – c’est singulièrement le cas du PS –, tandis que d’autres ne souhaitent plus se faire duper après l’échec répété de cette stratégie.

LFI mise à l’écart « Nous sommes prêts à assumer les responsabilités du pays », a ainsi déclaré le député socialiste Philippe Brun. L’une des raisons de cette obstination réside dans la crainte qu’une dissolution fait peser sur le groupe PS à l’Assemblée, après avoir régulièrement clamé qu’il n’y aurait plus d’alliance avec LFI. « Au moment où nous en sommes, nous n’appelons ni à la dissolution ni au départ du président de la République », a même détaillé Pierre Jouvet, secrétaire national du PS.

Des macronistes ont d’ailleurs tenté des appels du pied en direction du parti d’Olivier Faure, envisageant un futur gouvernement qui s’ouvrirait vers la gauche, mais s’arrêterait bien avant LFI. « Je pense qu’il faut proposer à un modéré de gauche de pouvoir être premier ministre, ça n’a pas encore été tenté, défend ainsi Richard Ramos, député MoDem. Il faut quelqu’un autour d’Olivier Faure, du groupe PS à l’Assemblée nationale. Je ne suis pas sûr que ça réussisse, mais il faut le tenter. »

Le bureau national du PS, qui s’est réuni dans l’après-midi, a décidé que ses cadres rencontreraient plus tard leurs « partenaires de gauche et écologistes, de Place publique au Parti communiste, qui partagent la même volonté de gouverner et agir ». Une liste dont est absente LFI.

Le communiqué du parti ne fait d’ailleurs aucune mention de la proposition de Jean-Luc Mélenchon. Seul son porte-parole, Arthur Delaporte, a estimé sur BFMTV que ce n’était « pas à Jean-Luc Mélenchon de convoquer » les autres partis. Le conflit qui traverse la gauche depuis qu’une partie des anciens partenaires du NFP s’est engagée, sans LFI, dans un processus de candidature commune à la présidentielle de 2027 ne s’est donc pas éteint.

Illustration 2Agrandir l’image : Illustration 2 Boris Vallaud, président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, et Nora Mebarek, députée socialiste au Parlement européen devant l’hôtel Matignon, à Paris, le 3 octobre 2025. © Photo Xose Bouzas / Hans Lucas via AFP « Nous ne sommes pas en mesure d’être tous ensemble dans une même pièce comme si rien ne s’était passé », a fait valoir Marine Tondelier. « L’objectif est de nous réunir à quatre, mais après les moments de tension que nous avons vécus, il faudra d’abord rencontrer le PS et LFI pour établir un cadre qui permettra de les avoir tous autour de la table », explique aussi à Mediapart Cyrielle Chatelain, présidente du groupe écologiste à l’Assemblée.

Ces réticences suscitent toutefois des tensions, entre une ligne favorable à la rupture avec LFI, qui s’est exprimée récemment aux journées de rentrée de Raphaël Glucksmann, et une ligne qui considère impératif de retrouver le périmètre du NFP pour affronter l’extrême droite en cas de dissolution.

La menace de la « bascule » vers l’extrême droite « Si Les Écologistes défendent vraiment l’union, alors ils doivent pousser pour une réunion de l’ensemble du NFP. Sinon, ce ne sont que des mots », prévient ainsi déjà la députée écologiste Sandrine Rousseau. Lucie Castets, l’ancienne candidate du NFP pour le poste, une nouvelle fois vacant, de chef·fe de gouvernement, appelle, elle aussi, « toutes les forces de gauche » à « dialoguer et se tenir prêtes ».

« Il faut éviter que la confrontation démocratique au sein du camp du progrès ne se transforme en paralysie au moment même où toutes les droites sont dans une grande panique », s’inquiète aussi le député écologiste Pouria Amirshahi.

Personne à gauche n’ira se faire la béquille du macronisme finissant.

Cyrielle Chatelain, présidente du groupe écologiste à l’Assemblée Au sein du PS, la députée Fatiha Keloua-Hachi rejette en bloc l’idée d’un gouvernement de coalition avec des macronistes. « Aujourd’hui, l’alliance avec les macronistes est impossible, car ils sont radioactifs », assure-t-elle, estimant qu’« ils se sont totalement salis » depuis que « le “bloc central” s’est tourné vers le RN » pour renouveler le bureau de l’Assemblée, en y faisant revenir deux vice-présidents d’extrême droite.

Cyrielle Chatelain est de toute façon très sceptique sur les intentions d’Emmanuel Macron. En fin de journée lundi, celui-ci a chargé Sébastien Lecornu d’« ultimes négociations » pour trouver une « plateforme d’action et de stabilité ».

C’est un peu, commente-t-elle, « un éternel recommencement : Michel Barnier et François Bayrou avaient aussi annoncé l’ouverture à la gauche avec le PS ». « Mais ça n’est pas possible, personne à gauche n’ira se faire la béquille du macronisme finissant », veut croire l’écologiste.

« L’extrême droite est extrêmement forte, une potentielle bascule est possible en cas de dissolution ou de présidentielle – anticipée ou non –, on ne peut pas avoir les yeux rivés sur nos divisions, s’inquiète-t-elle encore. Ce serait médiocre. »

Il y a quatre jours, lors d’une de ses conférences régulières diffusées sur YouTube, Jean-Luc Mélenchon semblait préparer le terrain à des rencontres à gauche. Évoquant les discussions au moment de la rupture du programme commun de la gauche, en 1977, il rapportait : « Dans ces moments-là, on ne s’est pas injuriés. » Et de lancer un appel « à ce qu’on revienne sur le terrain de la discussion des divergences, car elles existent », pour parvenir à « une union politique victorieuse électoralement ». Les événements précipitent à nouveau ces – difficiles – retrouvailles.

Mathieu Dejean et Sarah Benhaïda


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