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Le retour des otages a révélé une vérité que tout le monde connaissait : le mauvais traitement réservé par Israël aux prisonniers palestiniens a aggravé les conditions de détention des Israéliens retenus captifs à Gaza. Il est désormais clair que le mal a eu un prix.
Nadav Eyal a rapporté mercredi dans Yediot Aharonot que les services de sécurité du Shin Bet avaient averti dès la fin de l’année 2024 que les déclarations du ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir aggravaient les conditions déjà terribles dans lesquelles vivaient les otages, mais personne ne s’en est soucié.
Il est désagréable d’admettre la cruauté israélienne. Mais pourquoi avons-nous dû d’abord apprendre la vengeance des ravisseurs palestiniens pour être choqués par la cruauté des ravisseurs israéliens ? Ce qui s’est passé (et se passe encore) dans la prison de Sde Teiman est une honte, indépendamment des terribles souffrances imposées aux otages.
L’entrée de la base militaire et du centre de détention de Sde Teiman. Crédit : Eliyahu Hershkovitz
Il est regrettable que les mauvais traitements infligés aux otages aient été nécessaires pour susciter l’indignation face au traitement réservé par Israël à ses prisonniers palestiniens, comme en témoigne le titre du Yediot Aharonot de mercredi, qui jusqu’à présent ne s’était pas du tout intéressé à ce que fait Israël.
Le journal britannique The Guardian a rapporté cette semaine qu’au moins 135 corps mutilés et démembrés avaient été renvoyés à Gaza. À côté de chacun des corps mutilés, des notes indiquaient qu’ils avaient été détenus à Sde Teiman. Sur de nombreuses photos, on pouvait voir que leurs mains avaient été attachées derrière leur dos.
Bon nombre d’entre eux présentaient des signes de torture, notamment des traces de strangulation, d’écrasement par un char d’assaut et d’autres moyens. On ne sait pas exactement combien ont été tués après leur arrestation. Sde Teiman était un point de regroupement pour les Palestiniens tués ailleurs.
Le Club des prisonniers palestiniens rapporte qu’environ 80 détenus palestiniens ont été tués en prison, mais ce chiffre est peut-être en deçà de la réalité. Le Guardian n’a vu qu’une partie des corps et a confirmé les traces de mauvais traitements, mais a déclaré qu’il ne pouvait pas les reproduire en raison de leur état. Le corps de Mahmoud Shabat, 34 ans, présentait des traces de pendaison. Ses jambes avaient été écrasées par un char et ses mains étaient attachées derrière son dos. « Le monde est-il indifférent ? », a demandé sa mère.
La situation des Palestiniens vivants qui ont été libérés n’est guère meilleure. Beaucoup avaient même du mal à se tenir debout lors de leur libération, un fait qui n’a guère été relayé par les médias israéliens.
Le Dr Ahmed Muhanna, directeur de l’hôpital Al-Awda à Jabaliya, qui a été arrêté en décembre 2023 et libéré pendant le cessez-le-feu, a déclaré cette semaine qu’il avait été transféré d’un endroit à l’autre pendant son incarcération, y compris dans un lieu qu’il a décrit comme un chenil, où des soldats l’ont torturé avec des chiens féroces.
Le physique amaigri du médecin ne laisse aucun doute sur les conditions de sa détention. Israël détient dix-neuf autres médecins de Gaza dans des conditions similaires.
Rappelons-nous les conditions dans lesquelles Adolf Eichmann a été détenu. Personne ne l’a maltraité physiquement avant qu’il ne soit exécuté sur ordre du tribunal.
Des prisonniers palestiniens libérés portant des fusils à leur arrivée dans la bande de Gaza après leur libération des prisons israéliennes, à la suite d’un accord de cessez-le-feu entre le Hamas et Israël, devant l’hôpital Nasser à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, en octobre. Crédit : Abdel Kareem Hana, AP
Israël était fier de ses conditions de détention à l’époque. Aujourd’hui, le gouvernement se vante de son sadisme, de ses abus et de ses tortures. Il le fait parce qu’il sait ce qu’il y a dans l’âme de ses citoyen.n.e ;s. La majorité des Israélien.ne.s est assoiffée de vengeance et approuve ces sévices.
À l’exception d’organisations telles que Médecins sans frontières, B’Tselem et du Comité contre la torture, presque personne ne s’est élevé contre ce qui se passait. Contre les terroristes de la force Nukhba [unité d’élite du Hamas ndt], tout est permis.
Dans la définition de ceux qui compten comme telst, on inclut tous ceux qui ont osé entrer en Israël le 7 octobre. Le journaliste Ben Caspit a déclaré cette semaine que tous les combattants de la Nukhba devraient être exécutés. Il semble que le Shin Bet, l’administration pénitentiaire israélienne et les Forces de défense israéliennes se soient déjà attelés à la tâche.
La seule préoccupation d’Israël est le préjudice causé aux otages. Tout le reste est pardonné. Dans de nombreux cas, nous sommes même enthousiasmés, nous chérissons et apprécions les abus. Nous voulions du sadisme, nous avons eu du sadisme.
Gideon Levy
P.-S. Traduit pour ESSF par Pierre Vandevoorde avec l’aide de Deeplpro
• Source - Haaretz. 23 octobre 2025, 00h14 IDT :
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