![]() |
Sorti au cinéma le 1er octobre, le docu-fiction Sacré-Cœur est à nouveau au cœur des polémiques. Des membres du Collectif catholique P.A.I.X (Pour un accueil inconditionnel dans l’église) dénoncent les soutiens liés au film, symboles pour eux de la banalisation croissante des idées d’extrême droite au sein de la communauté chrétienne.
En tant que catholiques, nous considérons qu’un documentaire traitant de l’amour inconditionnel du Christ devrait être un bien culturel protégé de toutes les idéologies de rejet, de haine et de discriminations qui fracturent et divisent actuellement notre société, mais aussi notre communauté catholique.
Malheureusement, le film Sacré-Cœur, notamment par ses soutiens, les personnalités qu’il met en avant et par les choix faits dans sa promotion médiatique, participe à la banalisation de ces idées. Il ne s’agit pas ici de faire la critique d’un film mais de montrer ce que ses soutiens disent de lui.
Le soutien financier du milliardaire Vincent Bolloré inscrit cette création dans un mouvement identitaire, cet identitarisme dont le journaliste Jean-Pierre Denis dit qu’il « est la maladie sénile d’un christianisme occidental déjà profondément sécularisé ».
Le problème que pose la participation des deux milliardaires à la production de ce film, c’est qu’elle l’inscrit, que ce soit ou non la volonté des réalisateurs, dans le cadre de ce que Yann Raison du Cleuziou appelle « une politique des “racines” », à savoir un « national catholicisme » contre lequel le pape François lui-même mettait en garde les chrétiens : « Au sein de l’Église catholique, le pape François a formulé un avertissement très clair contre le risque d’instrumentalisation de la foi que la mention des “racines catholiques” comporte ».
D’une part, nous constatons que le film bénéficie du soutien de nombreux médias très marqués à droite de Vincent Bolloré tels le JDD, CNews, C8, France Catholique, etc. D’autre part, nous constatons la présence du Fonds du bien commun de Pierre-Édouard Stérin, celui qui souhaite aider financièrement l’extrême droite à remporter les prochaines élections grâce à un projet nommé Périclès : Patriotes, Enracinés, Résistants, Identitaires, Chrétiens, Libéraux, Européens, Souverainistes.
Voilà le Sacré-Cœur de Jésus mis au service d’une politique dont une des obsessions est bien la réaffirmation de l’identité chrétienne de la France. Le pape François avait raison d’être inquiet. Même la société de distribution, Saje Production, montre la volonté d’inscrire ce film dans une vision politique identitaire. Elle est détenue à 15 % par une structure protestante évangélique nommée Ze Watchers dont une dirigeante, Chantal Barry est une amie de longue date de Vincent Bolloré.
On n’est donc pas surpris de la participation de l’abbé Matthieu Raffray qui, avec ses plus de 178 000 abonnés sur Instagram, est le prêtre traditionaliste le plus influent de France, bien aidé par Pierre-Édouard Stérin. Comment comprendre qu’un documentaire proposé par tant de prêtres et de diocèses mette en avant ce prêtre qui entretient des liens avec de nombreuses personnalités et des organisations d’extrême droite et pour lequel Éric Zemmour était le candidat le plus compatible avec la foi catholique en 2022.
L’abbé Raffray est un homme qui conspue régulièrement l’immigration et ce qu’il nomme le « gauchisme » ou « le lobby LGBT ». Comment ne pas voir, par le simple fait de sa présence, une volonté d’attirer des spectateurs vers un catholicisme identitaire ? Le Sacré-Cœur subit, là encore, un projet politique qui, s’il dépasse peut-être les créateurs du documentaire, n’échappe pas à un bon connaisseur des mouvances catholiques d’extrême droite.
D’ailleurs, les réalisateurs sont-ils si étrangers à ce projet idéologique contraire à l’enseignement du Christ ? Ils n’ont pas hésité à se rendre sur des médias proches de l’extrême droite comme CNews, Tocsin, Valeurs actuelles ou sur la chaîne YouTube d’Academia Christiana, afin de faire leur promotion, inscrivant un peu plus encore leur travail dans un milieu politiquement très marqué.
Comment ne pas se désoler, enfin, de voir la communauté de l’Emmanuel embarquée dans ce grand mélange des genres, entre foi catholique, cinéma et projet idéologique d’extrême droite ? Plusieurs membres et prêtres de l’Emmanuel sont présents au sein du documentaire et la communauté est partenaire officiel du film.
Comment s’étonner, avec de telles initiatives qu’une proportion croissante de catholiques vote pour des partis d’extrême droite ? Ce n’est pourtant pas une fatalité. C’est le résultat d’un long travail de fond d’acteurs et d’actrices, externes, mais aussi internes à l’Église, qui tentent par tous les moyens de banaliser ces idées au sein de notre communauté. Pour nous, « Sacré Cœur » et les acteurs qui l’entourent participent activement à cette propagande en faveur d’un catholicisme identitaire qui conduit aux pires choix politiques.
À nos frères et sœurs catholiques tentés d’aller voir ce film, et aux prêtres qui organisent des projections pour leurs paroissiens : ne participons pas à travers ce film, à renforcer le lien entre l’extrême droite et le catholicisme.
Benjamin Salesse, membre du Collectif catholique P.A.I.X
Manon Segur, membre du Collectif catholique P.A.I.X
Thomas Mandroux, membre du Collectif catholique P.A.I.X
Jean-Christophe Boucly, membre du Collectif catholique P.A.I.X
Lydia Withers, membre du Collectif catholique P.A.I.X
Jessica Petiot, membre du Collectif catholique P.A.I.X
Émilie Lledos, membre du Collectif catholique P.A.I.X
Marie-Hélène Duwattez, membre du Collectif catholique P.A.I.X
Laurence Jamin, membre du Collectif catholique P.A.I.X
Pascale Eymery, membre du Collectif catholique P.A.I.X
Ambre Guilloux, membre du Collectif catholique P.A.I.X
Blandine Parc, membre du Collectif catholique P.A.I.X
| Date | Nom | Message |