Guerre 1914 1918 Plus jamais ça !

jeudi 4 mai 2023.
 

Je ne prétends pas qu’à l’échelle de l’histoire de la France, les Anciens combattants d’Entraygues de 1914 1918 méritent une mention particulière ; j’affirme seulement que les idées issues de leur vécu de guerre ne doivent pas être gommées par l’histoire "officielle" : Plus jamais ça ! Fraternité universelle ! Hommage à tous ceux qui sont morts par force ! Vive la république et vive la France !

A) Souvenirs personnels

Plus jamais ça ! Après la Première guerre mondiale, ce slogan résumait le sentiment profond des gens du peuple , ceux qui avaient tenu quatre ans dans des conditions infâmes, ceux qui n’avaient pas de plan de carrière autre que le bonheur de tous les enfants, de toutes les familles.

Plus jamais ça ! Voilà ce qui ressort des rares documents qui me restent de mon grand père paternel, de profession menuisier : carte d’adhésion à une organisation pacifiste, cartes postales pacifistes... Né en 1877, il avait été rappelé en 1914 comme artilleur dans l’armée d’Orient. Il avait vu des centaines de blessés rassemblés dans un hôpital, le rôle des médecins étant seulement de choisir ceux qui devaient être évacués, choix peu rationnel ; le médecin connaissant un ami d’Entraygues le rapatria fin 1917 vers l’Afrique du Nord et le sauva. Cependant, le typhus contracté dans les tranchées le fit souffrir une trentaine d’années. Quand je repense à lui, une image m’obsède : le 11 novembre 1962, vieux, épuisé, presque aveugle, drapé dans son éternel costume marron, se redressant en hommage à ses amis décédés durant la guerre et répétant après beaucoup de noms "Mort par force !" Et moi, peut-être trop jeune, peut-être insuffisamment courageux, qui ait lâché sa main pour m’intégrer peureusement dans les rangs de l’école publique. Et lui qui continuait sans ostentation, sans élever la voix, par principe, pour mémoire devant élus et gendarmes : Mort par force !

Plus jamais ça ! répétait ma grand mère paternelle. Aînée de sa famille, elle avait été obligée de quitter l’école pour élever son petit frère Bernard tué ensuite à Verdun, dans des conditions douteuses. Elle conservait dans une petite boite jetée après sa mort, quatre légions d’honneur et une dizaine d’autres médailles que des familles en deuil avaient refusées avant de lui demander de dire quelques mots pour réconforter les survivants. Après guerre, elle organisa sur des positions pacifistes féministes, un Comité de femmes contre la guerre, entretint jusqu’à son décès une correspondance avec des personnalités connues dans ce cadre, par exemple Marcelle Capy et l’UFF. En 1940, devant les nouveaux désastres générés par la guerre, sans nouvelle de ses trois enfants mobilisés, elle faillit devenir folle.

Plus jamais ça ! Voilà ce que répétait mon grand père maternel, petit paysan appelé dans les chasseurs alpins, plusieurs fois cité pour ses actes, plusieurs fois décoré (croix de guerre, médaille militaire), plusieurs fois proposé pour monter en grade... Et pourtant, mutin actif en 1917 tant il avait vu ses amis mourir autour de lui... Et pourtant, exemple de ces hommes de coeur devenus "bolcheviks des tranchées" qui ne manqua jamais d’entonner La chanson de Craonne et La butte rouge lors des repas de famille. Durant la Seconde guerre mondiale, le maquis FTP MOI de la Sagnette (Nord Aveyron) l’intégra dans son équipe dirigeante lors de décisions importantes en raison de sa fidélité éveillée et de sa connaissance du pays.

Plus jamais ça ! répétait ma grand mère maternelle. Née dans une famille catholique profondément croyante et profondément ancrée dans des relations humaines de respect, d’amour, de don... elle ne pouvait admettre que les "gros" jouent aussi facilement avec la guerre. Aussi, à genou sur une vieille chaise basse couverte de numéros de L’Humanité, elle priait souvent la Vierge Marie toujours fleurie afin qu’elle empêche la guerre, celle que décident les gens de peu qui ont beaucoup de pouvoir à Paris.

Oui, plus jamais ça répétaient ceux qui portaient un robinet en métal pour uriner, ceux qui portaient une mâchoire en métal comme le père Dufour, ceux qui n’avaient plus de jambe comme Grandroques de la Rue de l’Horloge, main, plus de bras comme Laurens le facteur...

Jeunes d’aujourd’hui et de demain, n’oubliez pas leur message ! Plus jamais ça !

Oui, Plus jamais ça ! Dans les années 1950 et 1960, des survivants de la Première guerre mondiale formaient pour moi, une sorte de famille large avec lesquels mes grands parents allaient au café, jouaient aux cartes... J’ai eu la chance durant mon enfance de côtoyer chaque heure de chaque jour ces Anciens combattants qui étaient partis à la guerre tout en restant jauressiens, qui avaient largement "fait leur devoir" mais qui avaient voulu pour inscription sur le monument aux morts "A tous ceux qui sont morts par force". Bien sûr, les préfets toujours aussi peu républicains les avaient écrasés.

- > En 1940, ces Anciens combattants locaux avaient refusé collectivement d’adhérer à la Légion de Pétain, avaient clamé leur désaccord, avaient manifesté par la grande rue ; les préfets, toujours aussi peu républicains, n’avaient eu de cesse d’ordonner des perquisitions dans les maisons et d’obtenir une liste des "meneurs".

- > N’empêche qu’en 1942 lorsqu’un commissaire de police du Cantal et un chef de service de la préfecture du Lot voulurent sauver des Juifs qu’ils connaissaient au moment de la rafle, c’est vers ces anciens combattants d’Entraygues qu’ils se tournèrent.

- > Lorsque Paul Ramadier et d’autres francs maçons cherchèrent où se cacher c’est vers ces anciens combattants d’Entraygues qu’ils se tournèrent.

- > Lorsque Londres eut besoin d’une adresse sûre pour officier de la RAF abattu, lorsque Londres eut besoin d’une adresse sûre pour le colonel Journet, c’est encore vers ces anciens combattants d’Entraygues que les regards se tournèrent.

- > En août 1944, l’ordre étant de stopper les colonnes nazies qui remontaient vers la Normandie, eux eurent le courage de les affronter et de stopper net celle qui voulait passer par Entraygues.

Ce n’était donc pas des peureux. Ils ne dédaignaient pas leur patrie républicaine, loin de là et ils savaient se servir d’armes de toutes sortes. Pourtant, ils ne changèrent pas d’avis par rapport à la guerre : Plus jamais ça !

Jeunes d’aujourd’hui et de demain, transmettez leur message à vos enfants et petits enfants ! Plus jamais ça !

N’oubliez pas que la droite, le grand patronat, les géants de la finance et l’extrême droite appelaient à la guerre, au service de 3 ans tout en refusant les impôts qui auraient permis d’équiper l’armée. Ce sont les mêmes qui ont financé les fascistes et créé les conditions de la Seconde guerre mondiale.

Jacques Serieys

Plus jamais ça !


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