Le pape Pie XII allié du fascisme et d’Hitler

jeudi 15 février 2024.
 

Le 19 décembre 2009, le pape Benoît XVI a signé le décret ouvrant la voie à la béatification de Pie XII. Il a vanté les "vertus héroïques" de celui-ci dans la lutte contre le fascisme et pour la protection des juifs durant la Seconde guerre mondiale d’où sa proclamation comme "vénérable". Le 18 septembre 2008, Benoît XVI lui avait déjà rendu hommage en affirmant qu’il "n’avait pas épargné ses efforts pour intervenir en faveur (des juifs)". Le 9 octobre 2008, 50ème anniversaire de sa mort, le Synode des évêques avait assisté à une messe en sa mémoire.

J’ai reçu sur ce site des messages critiquant mon sectarisme. Bigre ! Comment pardonner l’aide de Pacelli (futur Pie XII) à Hitler pour son accession au pouvoir puis pour son audience parmi les catholiques du monde ! Comment lui pardonner d’avoir imposé le silence de l’Eglise allemande après l’assassinat par les SS de Klausener, dirigeant de l’Action catholique. Le 1er juillet 1934, l’ambassadeur allemand Diego von Bergen transmet à Berlin : « Cardinal - apaisé par explications données - ne cache pas reconnaissance admirative pour le courage personnel et résolution de fer montrés par le Führer en ce jour. » Les recommandations données à l’époque par le secrétaire d’Etat Pacelli furent les suivantes : taire les conditions de la mort de Klausener, réduire au minimum la célébration du requiem et l’évocation de sa mémoire.

Comment pardonner le télégramme de bénédiction envoyé le 1er avril 1939 à Franco vainqueur au moment où il fait fusiller des milliers de républicains ! Comment pardonner son télégramme de félicitations à Franco du 16 avril 1939 comme représentant de la "partie saine du peuple espagnol qui défendait l’idéal de la foi et de la civilisation chrétienne" ! Comment pardonner le télégramme de la conférence épiscopale à Hitler en 1941 (vu le poids de Pie XII sur l’Eglise allemande) pour le féliciter de sa "croisade" au bénéfice de l’Europe. Comment pardonner son silence devant la Shoah et les persécutions nazies !

1) L’ancienne ligne de défense de Pie XII ("il ne savait pas") a cédé

Pendant des décennies le Vatican a campé sur la position : Nous n’étions pas informés de la Shoah. Ce mensonge ne pouvait passer à long terme auprès des historiens.

Oui, c’est Von Papen, particulièrement bien vu du Vatican, ami du cardinal Pacelli (futur Pie XII) et dirigeant du Parti catholique allemand qui a pris l’initiative du premier coup d’état illégal fascisant à Berlin en faisant arrêter le gouvernement social-démocrate prussien. Voir notre article : 30 janvier 1933 : Hitler devient le chancelier allemand. Responsabilités de Von Papen, dirigeant du Centre catholique

Oui, l’Eglise savait le sort réservé par le nazisme aux Juifs et à la gauche dès 1933, par exemple par la lettre d’Edith Stein "en ayant organisé le boycottage (des magasins et institutions juifs), qui ôte aux personnes leur condition économique, leur honneur de citoyen et leur patrie, il (le nazisme) en pousse beaucoup au désespoir : ces dernières semaines, cinq cas de suicide causés par ces mesures hostiles ont été portés à ma connaissance par des personnes de mon entourage. Je suis convaincue qu’il s’agit d’un phénomène général qui va faire encore beaucoup d’autres victimes... Nous craignons le pire pour l’image de l’Eglise, si jamais son silence durait encore".

Oui, l’Eglise sut très tôt ce qui se passait dans les camps de concentration comme le prouve le reportage d’un journaliste catholique sur Dachau que nous avons mis en ligne sur ce site Document de mars 1934 sur le premier camp de concentration nazi, ouvert en 1933 : Dachau

Oui, l’Eglise a laissé se perpétrer l’extermination des militants syndicaux et progressistes allemands et de nombreux juifs dans les camps de concentration dès 1933, sans réagir. Voir notre article : Génocide de la gauche allemande et des Juifs par les nazis : Nuit de Noël 1933 au camp de concentration extermination de Fuhlsbuettel

Dès 1939, le Vatican est informé par diverses sources, du comportement des troupes hitlériennes en Pologne, de leur cruauté, de leur sadisme, en particulier pour la gestapo. A cette date, une prise de position du pape ne mettait pas en danger les catholiques français, belges... puisque l’invasion de l’Europe n’en était qu’à ses débuts. Pourtant, le pape ne dit rien, ne fait rien qui pourrait affaiblir le fascisme en guerre.

En 1940, aussitôt après les victoires militaires nazies, l’Eglise catholique profite de l’occasion pour taper encore plus fort sur les pourchassés responsables de tous les maux : laïques, citoyens de gauche, syndicalistes, immigrés, juifs... Lien vers l’article

Dès 1942, le Vatican est informé de la shoah, mise en application de la "solution finale" consistant à exterminer les Juifs "Les déportés sont mis à mort par différents procédés dans des lieux spécialement préparés à cette fin" (ambassadeur de Pologne). "Les massacres de Juifs ont atteint des proportions et des formes abominables, incroyables. D’incroyables tueries sont exécutées chaque jour" (Mgr Montini).

Ce type d’information continue à pleuvoir au Vatican en 1943, par exemple par l’intermédiaire d’un prêtre en mars "Les Juifs sont massacrés avec des gaz asphyxiants ou à la mitrailleuse ou autrement" puis en mai (Secrétairie d’Etat) : "Juifs. Situation épouvantable. Ils étaient avant la guerre environ 4 500 000 ; on calcule aujourd’hui, avec tous ceux qui sont venus des autres pays occupés par les Allemands, qu’il n’en reste que 100 000". Or, la réaction du Vatican est nulle.

Aujourd’hui Rome n’affirme plus que le Vatican manquait d’informations sur toute l’horreur et l’ampleur de la Shoah. Il est vrai que plusieurs travaux d’historiens ont précisé à quel point Pie XII a été informé de façon précise, exacte et régulière des persécutions et de l’extermination des Juifs. Ce constat en implique deux autres : d’une part le Vatican a menti durant toute la seconde Guerre mondiale en prétendant manquer d’informations sûres, d’autre part les ecclésiastiques défenseurs de Pie XII depuis 1945 ont également menti en choisissant cette ligne de défense.

2) Les trois nouvelles lignes de défense du Vatican pour valoriser Pie XII

Le procès en béatification de Pie XII est en cours au Vatican qui lance tous ses moyens de communication dans la bataille.

L’argumentaire est déjà mis en ligne (voir ci-dessous en annexe) et la presse en reprend de larges extraits.

2a) Première ligne de défense : le silence pour éviter le pire

La nouvelle argumentation du Vatican a été développée le 18 septembre 2008, par Benoît XVI lui-même, recevant la fondation juive américaine Pave the Way, favorable à la mémoire de Pie XII. Il évoque « les nombreuses interventions de Pie XII, sur un mode secret et silencieux, justement parce que, tenant compte des situations concrètes de ce moment historique et complexe, c’était alors la seule manière d’éviter le pire et de sauver le plus grand nombre possible de juifs ».

Cette ligne de défense ne tient pas plus que la précédente. En effet, de 1917 à 1939, le cardinal Pacelli (futur Pie XII) représente le Vatican en Allemagne avec des responsabilités éminentes (cardinal secrétaire d’état à partir de 1929). En 1932 1933, l’Eglise catholique allemande poussée par le Vatican est alliée d’Hitler et l’aide considérablement à accéder au pouvoir malgré les persécutions des Juifs, malgré l’extermination des opposants de gauche, en particulier dans les camps de concentration.

2b) Deuxième ligne de défense : Rome sous la botte du fascisme

Cet argument du Vatican comme quoi Pie XII serait resté "secret et silencieux" dans l’intérêt des Juifs, va de pair avec un autre argument : Rome était cerné par le fascisme italien puis par l’armée allemande. "Enclave autonome depuis les accords du Latran (1929), le Vatican se trouve cerné à l’époque par l’Italie fasciste de Mussolini. De ce fait, l’administration papale est surveillée par la police italienne puis par l’armée allemande d’occupation : les lignes téléphoniques sont mises sur écoute et les valises diplomatiques sont fouillées."

Or, l’Eglise catholique a autant aidé Mussolini qu’Hitler à arriver au pouvoir, bien avant la guerre, de 1921 à 1939. Quiconque relit les déclarations papales comme la presse catholique de l’époque peut constater que Mussolini est présenté comme un demi-Dieu envoyé sur terre par la Providence.

Déclaration de Pie XI pour la Noël 1926 (après l’échec d’une tentative d’attentat sur Mussolini) : " L’Italie elle-même, que la nature et la religion Nous rendent si chère à tant de titres, n’a pas échappé aux orages. Nous disons aux orages, ce n’est pas sans intention. Tout d’abord elle fut secouée d’horreur et d’indignation par un fol attentat contre cet homme qui, avec une énergie et une vigueur si rares, tient les rênes du gouvernement ; et l’on tremble à bon droit pour le salut de l’Etat toutes les fois que sa vie videncene Pro est menacée. Mais par une assistance des plus efficaces et presque visible de la divine Providence, ce premier mouvement d’horreur et de colère a pu faire place aux joyeuses acclamations de tout un peuple, aux félicitations, aux actions de grâce ; et l’on a publiquement remercié le Dieu Sauveur d’avoir arraché à la mort sans même qu’il soit blessé, cet homme sur le point de périr. Nous aussi, informé de l’évènement parmi les premiers, Nous fûmes parmi les premiers à offrir de justes actions de grâce à Dieu".

L’Etat fasciste est même posé en synonyme d’Etat catholique par le pape " Etat catholique", dit-on et répète-t-on, mais "Etat fasciste". Nous en prenons acte sans spéciales difficultés, volontiers même, car cela veut dire sans aucun doute que l’Etat fasciste, tant dans l’ordre des idées et des doctrines que dans l’ordre de l’action pratique, ne veut rien admettre qui ne s’accorde avec la doctrine et la pratique catholique, faute de quoi il n’y aurait pas et il ne pourrait pas y avoir d’Etat catholique".

2c) Troisième ligne de défense : valorisation de faits secondaires

* les objets de la synagogue de Bavière sauvés grâce à une voiture du cardinal Pacelli

* deux phrases d’un journal SS critiquant Pacelli

* une lettre aux cardinaux d’Amérique du Nord pour aider les Juifs chassés d’Allemagne

... Liste d’actes tellement insignifiants qu’ils montrent la vacuité du dossier construit par le Vatican.

3) Le Vatican ne pourra aujourd’hui nier l’arrière-plan évident de ce dossier : les points d’accord nombreux entre idéologie nazie et dogme catholique dans les années 1920 1944

Hitler a développé cela plusieurs fois, par exemple le 4 novembre 1936 avec le cardinal Faulhaber "Ou le national-socialisme et l’Eglise seront tous deux victorieux ou ils périront tous deux ensemble."

Plusieurs prélats allemands ont développé dans les années 1930 cette unité idéologique contre les Lumières, pour le Principe d’autorité, contre la démocratie et les droits de l’homme, contre le mélange racial...

* Le cardinal Faulhaber durant l’Avent 1933 : L’Eglise n’a aucune "objection à ce que l’on s’efforce de conserver aussi pur que possible le caractère national d’un peuple et que l’on stimule son esprit national en mettant l’accent sur la loi du sang qui consacre son unité". Notons que l’antisémitisme de plusieurs prélats dont Faulhaber explique qu’ils nient le caractère sacré de l’Ancien Testament, sans réaction significative du Vatican.

* Monseigneur Berning : "L’ère de l’individualisme a cédé la place à une ère nouvelle qui légitimement cherche à faire retour à la communauté du sang"

* Monseigneur Hilfrich déclare que l’Eglise a depuis toujours soutenu le principe d’autorité et qu’elle apporte "avec joie sa contribution afin que l’idée de direction autoritaire soit acceptée avec conviction par le coeur de l’homme".

* Monseigneur Gröber publie un manuel religieux dans lequel on peut lire "La lutte du führer est justement la défense de la civilisation européenne contre la barbarie asiatique."

* Le chanoine Algermissen soutient la "synthèse entre le nazisme et le christianisme".

* En 1936, l’épiscopat allemand émet des directives concernant l’instruction religieuse : "La race, le sol, le sang, le peuple sont de précieuses valeurs naturelles que le Seigneur Dieu a créées et dont il nous a confié la garde à nous, Allemands."

L’accord idéologique entre nazisme et catholicisme s’est retrouvé aussi dans le soutien de l’Eglise allemande à Hitler lors des grandes étapes du processus qui mène à la Deuxième guerre mondiale :

* En 1934, soutien du grand théologien Otto Schilling à la nécessité d’un Lebensraum (espace vital) pour le peuple allemand. Un autre théologien réputé, Karl Adan fait de Hitler en 1934 "un instrument de Dieu appelé à triompher du judaïsme".

* Les cloches des églises sonnent après le référendum de la Sarre en janvier 1935 ; les cloches sonnent après l’Anchluss (annexion de l’Autriche) et le cardinal Bertram explique dans ses instructions destinées à tout le clergé "les intentions de l’Eglise lorsqu’elle ordonne de faire carillonner les cloches".

* Après l’occupation du territoire des Sudètes en Tchécoslovaquie (1er octobre 1938) le même Bertram (président de la conférence des évêques) fait sonner "le carillon de fête" et envoie un télégramme de félicitations et de remerciements à Hitler.

* En 1938 encore, après la "Nuit de Cristal" où les SS ont attaqué synagogues et magasins appartenant à des juifs, l’évêque de Freiburg, Monseigneur Gröber, déclare : « On ne peut refuser à quiconque le droit de sauvegarder la pureté de sa race et d’élaborer les mesures nécessaires à cette fin. »

* Le 20 avril 1939, devant la guerre menaçante, le cardinal Bertram envoie un nouveau télégramme de félicitations à Hitler, fait célébrer des fêtes votives en l’honneur de l’archange Saint Michel "afin que la bénédiction de Dieu descende sur le führer et sur le peuple."

* Fin août 1939, l’armée nazie s’apprête à attaquer la Pologne. La conférence épiscopale approuve une lettre dans laquelle elle "exhorte les catholiques à faire leur devoir de soldat et à être prêts à tout sacrifice d’eux-mêmes en obéissant au führer".

4) Mensonges en série du Vatican, particulièrement par omission : l’année 1933

Voici le début de l’argumentaire vaticanesque "Soutenons le Saint-Père en reprenant des arguments qui sont en faveur de Pie XII. En 1933, Adolf Hitler arrive au pouvoir en Allemagne. Les premières condamnations de l’antisémitisme par le Vatican datent, elles, de 1928". Ces phrases et d’autres sont mensongères par leur fond (présenter l’Eglise comme ayant joué un rôle antifasciste net) et par leurs omissions ; un lecteur non informé pourrait croire que l’Eglise s’est opposée depuis 1928 au nazisme ; or, la réalité est inverse.

* L’argumentation du Vatican cache la campagne menée en 1932 par l’Osservatore romano lui-même pour un accord politique entre catholiques allemands et hitlériens ;

* L’argumentation du Vatican cache le rôle des prélats catholiques allemands pour aider Hitler à arriver au pouvoir (par exemple l’appel de Monseigneur Kaas, président du Parti Catholique, pour le premier de l’an 1933 à se réunir autour du "chef envoyé par Dieu")

* L’argumentation du Vatican cache par exemple le titre de La Croix au lendemain de l’accession au pouvoir d’Hitler (30 janvier 1933) " La constitution du cabinet Adolf Hitler résout une phase importante de la crise politique intérieure en Allemagne. Quant à l’Osservatore romano, il y voit "une victoire personnelle de Von Papen" (dirigeant politique du Parti catholique allemand devenu vice-chancelier d’Hitler)

* L’argumentation du Vatican cache qu’après l’incendie du Reichstag (28 février 1933), le début du génocide de la gauche militante allemande et le début de la persécution massive des juifs, l’Eglise catholique a mené une campagne publique de masse au chant du Deutschland über alles" pour un "grand ralliement d’Hitler jusqu’au Centre".

* L’argumentation du Vatican cache le rôle de la papauté dans le ralliement massif et enthousiaste de la grande majorité des catholiques allemands à Hitler (par exemple unanimité pour l’adhésion au Parti nazi lors du congrès des enseignants des écoles catholiques). Ce rôle est incontestable ; François Charles-Roux, ambassadeur de France auprès du saint-Siège en a informé ainsi son gouvernement "...Le pape est donc content de trouver dans le chef du gouvernement du Reich un allié..." Propos confirmé devant des évêques allemands par Mgr Faulhaber après son voyage à Rome "Adolf Hitler... l’homme d’état qui, après le Saint-Père, a élevé la voix contre le bolchévisme".

* L’argumentation du Vatican cache le fait qu’Hitler avait besoin de toutes les voix du Parti catholique pour obtenir les pleins pouvoirs légalement le 21 mars 1933 et lancer son programme de camps de concentration ; ces voix, il les a obtenues. D’ailleurs, la veille, l’Osservatore Romano avait annoncé l’ouverture du "premier camp de concentration près de Dachau... destiné à accueillir 5000 communistes et des ennemis du peuple allemand" sans aucune remarque ou critique.

* Les assassinats de militants politiques ou syndicaux, les persécutions abominables contre des démocrates des Juifs ou des Témoins de Jéhovah, l’occupation des locaux syndicaux, des dizaines de milliers de livres brûlés en place publique n’entraînent pas une réprobation de l’Eglise catholique mais au contraire une approbation de plus en plus enthousiaste. Citons Mgr Gröber, archevêque qui appelle à "prêter leur collaboration" à "l’Etat nouveau" "dans l’intérêt même de la foi... Je soutiens sans réseve le nouveau gouvernement et le Reich." Citons l’Osservatore Romano lui-même en date du 26 juin 1933 pour qui le gouvernement d’Hitler et des nazis "méritent la joyeuse approbation des catholiques."

* L’argumentation du Vatican cache le fait que Monseigneur Pacelli, futur Pie XII, a joué un rôle central dans le Concordat avec Hitler signé en juillet 1933...

5) Le concordat Hitler Vatican de 1933

Dès son accession au pouvoir (mars 1933), Hitler veut signer un Concordat avec le Vatican. Dans un entretien avec deux évêques, entretien qualifié par ceux-ci (Mgr Berning et Mgr Steinmann) de "cordial et franc", Hitler développe l’argumentation suivante quant aux fondamentaux communs entre catholicisme et nazisme "On m’a reproché la manière dont je traitais les Juifs... Depuis 1500 ans, l’Eglise a considéré le Juifs comme des parasites et les a relégués dans des ghettos. Elle savait ce que valaient les Juifs... J’apporte ma contribution à ce qui a été fait depuis 1500 ans. Peut-être suis-je en train de rendre un des plus grands services au christianisme."

Début avril, Hitler envoie pour négocier les bases d’un Concordat au Vatican, son vice-chancelier Von Papen. Voici le compte-rendu rédigé par celui-ci : "Le secrétaire d’Etat, Eugenio Pacelli, m’a reçu avec une grande gentillesse. Personne ne connaissait mieux que lui la situation dans le Reich et les Etats... Après que j’eus discuté à fond les problèmes avec le secrétaire d’Etat, Pie XI m’a reçu. Sa Sainteté nous a reçus ma femme et moi, avec une paternelle bonté, en exprimant il était heureux de voir à la tête du gouvernement allemand une personnalité comme Hitler qui a inscrit sur son drapeau la lutte contre le communisme et le nihilisme."

La Documentation catholique (bimensuel officiel de l’Eglise) ajoute que "le Pape aussi bien que le Secrétaire d’Etat ont manifesté un grand intérêt pour le changement de régime en Allemagne... le cardinal Pacelli a chargé le vice-chancelier de transmettre ses voeux au président du Reich."

L’alliance entre Hitler et l’Eglise catholique est alors tellement radieuse que les sinistres SA qui ont déjà plusieurs milliers de morts sur la conscience assurent le service d’ordre de la grande procession solennelle lors de l’inauguration de la Sainte tunique à Trêves.

Le Concordat entre Hitler et le Vatican est signé le 10 juillet 1933. L’organe officiel du parti nazi en explique aussitôt toute l’importance "Par la signature du concordat avec le Reich, l’Eglise catholique a reconnu le national-socialisme en Alemagne de la façon la plus solennelle... Cet état de fait représente un énorme renforcement du gouvernement national-socialiste et de son prestige."

Hitler profite aussitôt de ce prestige en interdisant dès le 14 juillet les partis politiques, en revenant sur des naturalisations... Le cardinal Beltram, président de la conférence épiscopal assure au "Très honoré Monsieur le chancelier du Reich" de "sa profonde vénération". En France, La Croix publie une adresse dans laquelle "les catholiques du diocèse de Berlin, se serrent en masse derrière leur Fuhrer et chancelier..."

6) Relais inattendus de la propagande du Vatican

Je lis dans un bulletin de l’ Association Départementale des Anciens Résistants, Déportés et Amis de la Résistance de l’Aveyron un texte que je ressens comme un mensonge devant l’histoire et une offense pour les millions de personnes persécutées par l’alliance du fascisme et du traditionalisme dans les années 1930 (jusqu’en 1945). En voici le contenu :

Le dimanche des Rameaux de 1937, dans toutes les églises d’Allemagne, était lue l’encyclique MITBRENSENDER SORGE, préparée en secret par Pie XI et par Mgr Pacelli, le futur Pie XII.

Le Français Robert d’Harcourt, qui était à Berlin ce jour-là témoignera : "Nous avons entendu tomber, dans le silence absolu d’une foule figée par la grandeur de l’heure, les mots terribles de l’acte d’accusation dressé devant la conscience du monde par le père des fidèles contre le gouvernement du IIIème Reich".

Jean Chaunu, dans un travail érudit, reconstitue les prises de position, les actes et les réseaux de l’antinazisme chrétien, en France de 1930 à 1940, en montrant sa connaissance de la réalité allemande et ses liens avec Rome. La moisson de l’auteur est si abondante qu’il n’est pas permis d’en douter : dès avant la guerre des catholiques et des protestants ont été à la pointe du combat contre le racisme et le paganisme d’Hitler.

Je suis resté troublé toute la journée par un tel texte dans un bulletin souvent utilisé par les élèves dans le cadre scolaire, par exemple pour préparer le concours de la Résistance. Le plan de communication du Vatican réussit-il, même dans un bulletin d’anciens Résistants ?

Et aujourd’hui, je lis qu’un certain rabbin David Dalin veut faire nommer le pape Pie XII "Juste parmi les Nations ».

Presque aussi surprenant : le compte-rendu dans la presse et sur les sites internet. Je lis par exemple sur Rue 89, qu"on peut espérer au moins un frémissement de réhabilitation" ; ce site développe les arguments de David Dalin vantant Pie XII comme le protecteur du plus grand nombre de Juifs de 1940 à 1945. "Selon Pinchas Lapide, historien et théologien juif, le rôle de Pie XII a été déterminant pour sauver au minimum 700 000, si ce n’est 860 000 juifs, d’une mort certaine aux mains des nazis. Pour Sir William Gilbert, historien juif de renom, Des centaines de milliers de juifs [ont été] sauvés par l’Eglise catholique, sous la conduite et avec le soutien du pape Pie XII"... Quelle est l’institution, quel est le pays, la diplomatie qui peut faire état d’autant de protestations contre les persécutions des juifs ? Lesquels ont ainsi caché des juifs, ou contribué activement à leur protection ?

En lisant des âneries pareilles, je me sens con, trop gentil, désespérément trop rationnel. Lorsque la Commission aveyronnaise d’histoire de la Seconde Guerre Mondiale (dans le cadre d’un travail avec le CNRS, Institut du Temps Présent) m’avait demandé un avis sur une centaine d’Aveyronnais pétainistes et collaborateurs, j’avais été très gentil, individu par individu, insistant sur le fait que leur rôle d’alliés objectifs du fascisme provenait surtout de l’attitude générale de l’Eglise catholique à cette époque.

La vérité sur le fascisme et la Seconde Guerre mondiale peut-elle être effacée si les puissants de cette terre décident aujourd’hui de faire de l’Eglise catholique la principale force de résistance antifasciste ? Si la réalité est ainsi déformée, mes propos relèveront-ils du sectarisme pour ces amoureux du consensus et de "la tolérance" ; pire, la Justice ne risque-t-elle pas de me condamner pour diffamation ? Je sais que les morts resteront silencieux et ne pourront même pas se retourner dans leur tombe.

7) Faire de l’Eglise catholique une grande force de résistance antifasciste est une honte. C’est surtout une contre-vérité.

Je ne nie pas qu’il y ait eu des différences d’intérêt entre le parti nazi et l’Eglise allemande, par exemple en ce qui concerne l’encadrement des jeunes. Cependant, fondamentalement, sans le parti catholique allemand et la grande majorité de la hiérarchie catholique allemande, le parti nazi n’aurait pu accéder au pouvoir aussi facilement ; pire, ils se sont alliés pour écraser la gauche allemande. Fondamentalement, l’Eglise a contribué, dans toute l’Europe a renforcer les partis fascistes et traditionalistes fascisants ; là est l’essentiel.

Je ne suis pas un spécialiste de Pie XII. Ceci dit, je suis certain de son militantisme guerrier des années 1930 pour pousser à écraser les infidèles et les sans-Dieu.

En 1936, à qui s’attaque le futur Pie XII au Congrès de la Bonne Presse ? A l’extrême droite et au fascisme ? Pas du tout ! "En face et au milieu de cette civilisation sans-Dieu... comme Charlemagne, vous êtes venus retremper vos armes près du tombeau de Saint Pierre et leur consacrer de nouveau votre épée".

Si Pie XII avait à coeur de lutter contre le fascisme, pourquoi a-t-il lancé en 1938 lors d’un Congrès eucharistique de Budapest bouillonnant de combattre les Rouges : " En face de nous se dresse le lugubre front des Sans-Dieu brandissant contre le Ciel et ce que nous avons de plus sacré le poing fermé de l’Antéchrist. Au spectacle de ce duel, notre foi fait jaillir le Credo de nos lèvres... comme l’hymne viril des jours de combat". A l’époque, tout le monde (par exemple L’Union catholique aveyronnaise) a compris cette phrase comme une attaque contre les laïques, le socialisme, le communisme, les républicains. Ce type de déclaration a pesé, à mon avis, dans l’alliance objective qui va se développer entre les Eglises nationales et le fascisme, par exemple en Espagne, en Hongrie, en Slovaquie, en Croatie....

De 1940 à 1945, les influents journaux catholiques français s’alignent sur La Croix pour soutenir Pétain et stigmatiser les antifascistes. Or, le père Merklen a confirmé où il prenait ses ordres : "Pour la politique, mes directives, je les prenais directement à Rome".

Mon billet d’humeur est déjà assez long. J’espère que nous serons nombreux à dénoncer une telle imposture.

Jacques Serieys

Bibliographie :

* L’Eglise catholique face au fascisme et au nazisme ; Henri Fabre ; Editions EPO, 1995

* Golias n°29 Printemps 1992

Annexe 1 : Les arguments du Vatican

Voici l’article du site Eucharistie miséricordieuse jouant un rôle officiel

http://eucharistiemisericor.free.fr...

Vénérable Pie XII : Soutenons efficacement Benoît XVI

Le 21 décembre 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde - Au nom de l’Eglise, le pape Benoît XVI reconnaît les mérites de Pie XII... Soutenons le Saint-Père en reprenant des arguments qui sont en faveur de Pie XII.

En 1933, Adolf Hitler arrive au pouvoir en Allemagne. Les premières condamnations de l’antisémitisme par le Vatican datent, elles, de 1928.

Le 14 mars 1937, Pie XI publie l’encyclique Mit brennender Sorge (en français) pour dénoncer la persécution et les camps de concentration, ainsi que les manœuvres visant à un processus d’extermination. Le rédacteur principal de ce document n’est autre que le cardinal Eugenio Pacelli, ancien nonce apostolique en Allemagne et futur pape Pie XII. Les démocraties occidentales semblent ne pas s’en soucier : plus d’un an après l’encyclique, elles en sont encore à faire des concessions à Hitler, ainsi qu’il ressort de la conférence de Munich des 29/30 septembre 1938.

Le 9 novembre 1938, les Nazis usent de représailles pour l’assassinat d’un diplomate allemand à Paris par un Juif : ils organisent la "Nuit de Cristal" au cours de laquelle 30.000 Juifs sont arrêtés, leurs biens pillés et incendiés. Le grand Rabbin de Bavière parvient à sauver les objets de la synagogue grâce à la voiture du cardinal Pacelli, mise à sa disposition.

Le 24 novembre 1938, le journal des S.S., Das schwarze Korps, écrit que le cardinal Pacelli s’est allié "à la cause de l’internationale juive et franc-maçonne" (sic) tandis que Hitler déplore que le Vatican soit devenu "le pire foyer de résistance" à ses plans.

Le 10 janvier 1939, le cardinal Pacelli adresse une lettre à ses confrères des Etats-Unis et du Canada pour attirer leur attention sur le sort des savants et professeurs juifs chassés d’Allemagne et que l’administration américaine refuse d’accueillir dans ses universités.

Pie XI meurt le 10 février 1939. Les cardinaux réunis en conclave choisissent comme nouveau pape le cardinal Eugenio Pacelli. Celui-ci prend le nom de Pie XII le 2 mars 1939.

Enclave autonome depuis les accords du Latran (1929), le Vatican se trouve cerné à l’époque par l’Italie fasciste de Mussolini. De ce fait, l’administration papale est surveillée par la police italienne puis par l’armée allemande d’occupation : les lignes téléphoniques sont mises sur écoute et les valises diplomatiques sont fouillées. Pie XII et ses collaborateurs sont épiés et leurs messages censurés. Le pape utilise alors la radio du Vatican ; mais lorsqu’en 1939 il dénonce les atrocités commises en Pologne, la réaction des Nazis est d’une violence telle que les évêques de ce pays supplient le Souverain Pontife de ne plus faire part de son indignation. Pie XII modère alors ses propos pour dénoncer la politique de Hitler. Dans son message radiodiffusé de Noël 1941, il condamne "l’oppression, ouverte ou dissimulée, des particularités culturelles et linguistiques des minorités nationales".

Le 20 janvier 1942, les Nazis mettent en œuvre la "solution finale". Dans son message de Noël de cette même année, Pie XII fait observer que "tout ce qui en temps de paix demeurait comprimé, a éclaté dès le déchaînement de la guerre en une lamentable série d’actes en opposition avec l’esprit humain et l’esprit chrétien". Il ajoute que les peuples doivent faire le vœu de ne s’accorder aucun repos jusqu’à ce que tous se dévouent au service de la personne humaine. Il précise que ce vœu, "l’humanité le doit aux centaines de milliers de personnes qui, sans aucune faute de leur part, et parfois pour le seul fait de leur nationalité ou de leur race, ont été vouées à la mort ou à une extermination progressive".

Le 2 juin 1943, Pie XII tient un discours devant le Collège des cardinaux et exprime sa sollicitude envers ceux qui, à cause de leur nationalité ou de leur race, sont "livrés à des mesures d’extermination" dont il veut fustiger toute l’ignominie par des termes forts. Il déclare cependant : "toute parole de notre part à l’autorité compétente [allemande], toute allusion publique doivent être sérieusement pesées et mesurées, dans l’intérêt même des victimes, afin de ne pas rendre leur situation plus grave et plus insupportable". Les évêques hollandais, avaient fait l’expérience de la violence des Nazis après avoir, en juillet 1942, protesté contre la persécution des Juifs : aussitôt les Nazis organisèrent une fouille minutieuse des monastères et des couvents pour procéder à la rafle de très nombreux Juifs cachés là.

Le 26 juin 1943, radio Vatican fait savoir que "quiconque établit une distinction entre les Juifs et les autres hommes est un infidèle et se trouve en contradiction avec les commandements de Dieu. La paix dans le monde, l’ordre et la justice seront toujours compromis tant que les hommes pratiqueront des discriminations entre les membres de la famille humaine." Le New York Times cite ce message le jour suivant.

Le 25 octobre 1943, Pie XII laisse éclater son indignation dans L’Osservatore Romano ; aussitôt les Allemands font saisir le journal et menacent de reprendre les perquisitions dans les monastères pour y débusquer les Juifs cachés.

Dès le 29 novembre 1944, une délégation de 70 rescapés juifs vient, au nom de la United Jewish Appeal (organisme dirigeant du mouvement sioniste mondial), exprimer à Pie XII la reconnaissance des Juifs pour son action en leur faveur.=


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