Les puissances d’argent mariées à la droite pavanent. Et à gauche ? Du congrès d’Epinay à celui de BHL ?

mercredi 26 mars 2008.
 

Monsieur Bernard Arnault offrait, le 17 septembre dernier, une sympathique réception à l’occasion des 60 ans de Dior. Champagne Dom Pérignon, caviar, « 75 maîtres d’hôtel pour 25 tables », « 14 cuisiniers », « 300 chaises “médaillon” faites pour la soirée », « 4 000 roses pour les centres de tables et les décorations florales », « 8 000 brins de muguet », « 3 800 pipettes d’eau pour les abreuver » : on ne regarda pas à la dépense. Mais les 270 convives n’étaient pas non plus n’importe qui : la ministre de la justice Rachida Dati, le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement Brice Hortefeux « et sa femme, en Dior », le maire de Paris Bertrand Delanoë, « Claire Chazal, en Dior », MM. Hubert Védrine et Jean-François Copé, le chanteur Elton John, « Frédéric Mitterrand et la baronne Ernest-Antoine Seillière », « l’impératrice Farah », « Christine Ockrent, en Dior, à la table d’Hélène Arnault », etc. (1). Egalement présent, le premier ministre François Fillon indiqua quatre jours après la réception : « Je suis à la tête d’un Etat qui est en situation de faillite. Ça ne peut pas durer. »

Le faste ostentatoire des milliardaires ne date pas d’hier. Mais la portée sociale de ces agapes déborde dorénavant le cadre des magazines. Avec l’élection à la présidence de M. Nicolas Sarkozy, une nouvelle configuration du pouvoir paraît se mettre en place qui parachève la fusion de quelques composantes de l’élite française : dirigeants économiques, faiseurs d’opinion, responsables politiques de droite comme de gauche - pourvu qu’ils soient libéraux. Quand ils sont très riches, c’est mieux encore.

Patron du groupe de luxe LVMH, M. Arnault détient la plus grosse fortune de France (17,2 milliards d’euros en 2006). Il est l’ami personnel du président de la République, qui assista, il y a deux ans, aux noces de sa fille Delphine. Ce fut un beau mariage, auquel furent conviés six membres du gouvernement d’alors, dont M. Copé, actuel président du groupe majoritaire à l’Assemblée nationale, et M. Védrine, ancien ministre socialiste des affaires étrangères et membre du conseil d’administration de LVMH. Un long camion avait permis de transporter sans la plier la robe de la mariée.

M. Arnault possède un quotidien économique, La Tribune, qu’il aimerait céder pour en acheter un autre, plus influent, Les Echos. Les salariés des deux journaux s’opposent au projet, mais le chef de l’Etat appuie son ami. En 2006, LVMH a attribué 1 789 359 stock-options, dont 450 000 pour le patron du groupe, soit 25,15 % (2). Enfin, le Parlement vient de lui voter de plantureux avantages fiscaux, peut-être pour le remercier de combattre l’inflation en demeurant toujours aussi vigilant sur le front des salaires de ses ouvrières, souvent payées au smic.

Si le premier ministre travailliste Gordon Brown sollicite les conseils de M. Arnault, ce dernier se perçoit en revanche comme un paria dans son propre pays : « Le problème des patrons en France, explique-t-il, c’est que la France a une difficulté par rapport à l’économie de marché. (...) Je crois que l’influence marxiste existe toujours. Depuis une vingtaine d’années, elle s’est même développée au niveau des discours politiques (3). »

« Influence marxiste » ? Nous ne vivons décidément pas dans le même pays que M. Arnault : son ami est à l’Elysée, l’opposition de gauche parle à son tour, comme au Royaume-Uni, de réhabiliter le libéralisme, l’individu, le mérite, l’argent. Enfin, et ce n’est pas rien, Bernard-Henri Lévy, ami des milliardaires, libéral, proaméricain, gestionnaire avisé de sa propre fortune (immense) et vieux routier du show-business intellectuel, est en passe de devenir un des penseurs les plus écoutés du Parti socialiste (PS)...

Il monte en France un fumet d’oligarchie. L’argent est à l’honneur. Le gouvernement fait la part belle aux avocats d’affaires ; des députés influents comme M. Copé affichent leur ambition d’accomplir leur mission publique tout en faisant fortune dans le privé. Les scandales boursiers et financiers (lire « Trop raisonnables, les salariés d’EADS ? »), la pâmoison qui entoure les milliardaires, la banalisation du lobbying évoquent la principauté de Monaco, ses vedettes et ses casinos. Le mariage d’un député socialiste, M. Henri Weber, devient un événement mondain de grande ampleur auquel assistent d’anciens gauchistes devenus, comme M. Kouchner, des ministres sarkozystes (4). Placé par le président de la République à la tête d’une « commission pour la libération de la croissance française », le socialiste Jacques Attali se convertit en dévot de la concurrence et en commis des hypermarchés. La restauration prend ses aises (5).

Le 13 juin 1971, au congrès d’Epinay, François Mitterrand dénonçait à la tribune « toutes les puissances de l’argent, l’argent qui corrompt, l’argent qui achète, l’argent qui tue, l’argent qui ruine, et l’argent qui pourrit jusqu’à la conscience des hommes ». Aujourd’hui, Bernard-Henri Lévy propose au PS « un congrès de refondation, un anti-Epinay ». L’argent, il y voit non pas la corruption, la mort, la ruine, la décomposition, mais « la vertu qu’il a de substituer le commerce à la guerre, la frontière ouverte aux univers fermés ; le temps de la négociation, de la transaction, du compromis, qui succède, grâce à lui, à celui de l’impatience, de la violence, du troc, de la rapine, du tout ou rien, du fanatisme (6) ».

Un rempart contre le fanatisme : cette définition du capital, furieusement dans l’air du temps, n’incommodera pas trop ceux qui le détiennent. Ni le patron de LVMH et de Dior évoqué plus haut, ni M. Arnaud Lagardère, ni M. François Pinault - les deux derniers bons amis de Bernard-Henri Lévy, qui n’a jamais hésité à orienter ses tribunes de presse dans le sens de leurs intérêts d’industriels.

On dira : mais peu importe « BHL » au fond. Depuis trente ans, sa brigade d’acclamation a beau se déployer comme à la parade, et les médias s’agglutiner autour de lui, nul n’aurait l’idée de se procurer un de ses ouvrages une fois achevé le matraquage presque totalitaire de lancement de son dernier produit (7). Le titre de son autobiographie, Comédie, suggère qu’il lui arrive d’en être conscient.

En 1979, le philosophe Cornelius Castoriadis admettait sa perplexité devant le « phénomène BHL » : « Sous quelles conditions sociologiques et anthropologiques, dans un pays de vieille et grande culture, un “auteur” peut-il se permettre d’écrire n’importe quoi, la “critique” le porter aux nues, le public le suivre docilement - et ceux qui dévoilent l’imposture, sans nullement être réduits au silence ou emprisonnés, n’avoir aucun écho effectif (8) ? » Optimiste, Castoriadis ajoutait néanmoins : « Que cette camelote doive passer de mode, c’est certain : elle est, comme tous les produits contemporains, à obsolescence incorporée. » Près de trente ans plus tard, la « camelote » se vend toujours.

Le commerce auquel elle donne lieu est doublement révélateur des temps qui courent. D’une part, la démesure souvent injurieuse des écrits de Bernard-Henri Lévy et de leur mille déclinaisons audiovisuelles ne suscite plus de réaction, comme si ses cibles habituelles (la « gauche de gauche » et les intellectuels les moins soumis aux médias) avaient baissé les bras. Simultanément, les idées libérales et proaméricaines de l’essayiste entrent en consonance avec celles d’un nombre croissant de dirigeants du PS. Moins de résistances d’un côté, plus d’impact de l’autre.

Faire passer la gauche à droite

Une scène culturelle - et par extension un débat public - qui s’accommode que l’on accuse benoîtement Jacques Derrida, Pierre Bourdieu, Etienne Balibar, Noam Chomsky, Slavoj Zizek, etc., d’antisémitisme ou qu’on soupçonne certains d’entre eux de s’être placés « à la remorque » d’un « penseur nazi » (lire « Tous nazis ! »), se porte mal. Quant à une gauche qui s’inspire des analyses de « BHL », elle confirme ne pas valoir beaucoup mieux qu’un « grand cadavre à la renverse ».

L’essayiste, auquel ses amis viennent de réserver leur traitement de faveur habituel (entretiens avec Jean-Pierre Elkabbach et Jean-Marie Colombani, critique immédiate dans Le Monde, Paris Match à ses pieds, la couverture du Nouvel Observateur, etc.), a également recruté de nouveaux comparses, d’autant plus empressés à le servir qu’ils sont plus fringants que leurs aînés. Car comment réagissent le journaliste (cultivé) Nicolas Demorand sur France Inter ou Philippe Val, directeur (érudit) de Charlie Hebdo, quand certaines des figures marquantes de la gauche intellectuelle contemporaine sont traitées de fascistes, d’antisémites ou de nazies ? C’est très simple : ils ne remarquent rien. Mieux, après avoir encouragé son invité « BHL » à manier l’injure et la vulgarité, Demorand le laisse achever son propos d’un : « Nous sommes les gardiens des mots dans cette émission. » La carrière de Demorand sera longue.

Depuis sa troisième défaite présidentielle consécutive, le PS est tenté par un virage à droite. Sa mue « réaliste » est achevée depuis un quart de siècle, l’idée d’une « rupture avec le capitalisme » ne correspond plus à aucune de ses pratiques politiques (9). Néanmoins, médias et patronat lui demandent toujours d’aller au-delà, d’être plus libéral encore. Au point qu’en août dernier le député PS Henri Emmanuelli s’est cabré : « Comment ose-t-on demander sans crainte du ridicule à un parti dont est issu le directeur de l’Organisation mondiale du commerce - et demain peut-être celui du Fonds monétaire international - d’accepter enfin l’économie de marché (10) ? »

En 1986, puis en 1993, puis en 2002, les défaites électorales du PS avaient entraîné une petite inflexion à gauche de la ligne du parti. Car avec quel sérieux aurait-on pu imputer à des politiques exagérément socialistes les revers essuyés dans les urnes par les gouvernements de M. Laurent Fabius (1984-1986), de Pierre Bérégovoy (1992-1993) ou de M. Lionel Jospin (1997-2002) ? Et ce n’est pas davantage le radicalisme gauchiste qui a caractérisé la campagne de Mme Ségolène Royal, à laquelle Bernard-Henri Lévy fut étroitement mêlé. Dans ces conditions et compte tenu de la politique de combat de M. Sarkozy, un retour, fût-il cosmétique, aux discours militants du PS aurait pu être envisagé.

C’est contre un tel péril que, faisant écho aux démangeaisons « blairistes » de plusieurs dirigeants socialistes, Bernard-Henri Lévy entend déployer sa machine de guerre médiatique. Il veut dicter à un futur gouvernement de gauche la théorisation définitive d’une orientation à la fois libérale et antirévolutionnaire. Après avoir soutenu en 1986 la privatisation de l’audiovisuel, combattu en 1995 les grévistes de la SNCF et de la RATP en dénonçant l’« irresponsabilité » d’un service public « en train de réunir toutes les caractéristiques de ce qu’on appelait, jadis, l’économie à la soviétique (11) », fustigé la « diabolisation de l’argent et de ceux qui en font métier (12) », il adresse un livre à la gauche, pour la délivrer de « ses poisons ». Et il est écouté.

La rupture qu’il propose n’est pas, sur ce point, différente de celle que promeut M. Sarkozy. « Pour des raisons qui tiennent à son passé et à l’histoire de son logiciel national[sic], c’est la France entière qui résiste au libéralisme », déplore l’essayiste, un peu comme le président. Il ajoute : « La question “la révolution est-elle possible ?” a cédé la place à une autre, bien plus troublante et, surtout, plus radicale : “la révolution est-elle désirable ?” (...) La réponse à cette question est devenue “non”, clairement “non”, ou, en tout cas, pour peu de gens. » M. Pierre Moscovici (un proche de M. Strauss-Kahn) a aussitôt fait écho à notre écrivain : « Bernard-Henri Lévy finit par un appel à la “gauche mélancolique” contre la “gauche lyrique”, à une gauche dépouillée de l’utopie révolutionnaire, ce “rêve qui tourne au cauchemar”. (...) Cette gauche-là, c’est aussi la mienne (13). »

Bernard-Henri Lévy est-il vraiment le mieux placé pour imaginer la « réponse » du plus grand nombre aux questions qu’il confectionne ? Son livre ne traite presque jamais d’économie, de finance, d’inégalités, de délocalisations, de maladies professionnelles, de pouvoir d’achat. Hormis un chapitre fluet de dix pages sur les « banlieues », la question sociale n’y figure pas. Quelques idées, qui se résument en général à l’assimilation de ses adversaires à des fascistes, flottent dans l’azote, ou dans le formol, détachées de tout lien avec les conditions sociales qui les auraient propulsées. Cela permet à l’auteur de consacrer la moitié d’un chapitre aux Khmers rouges pour préciser que ces derniers auraient « reniflé les travaux de [Charles] Bettelheim, Althusser, Lacan », mais en omettant de signaler que leur puissance a été décuplée par la guerre américaine au moins autant que par trois intellectuels parisiens...

Nul n’étant maître de sa naissance, on conçoit que l’écrivain n’ait pas souvent éprouvé le poids des inégalités (sauf au titre, moins contrariant, d’ami des riches et des puissants). On comprend plus mal que le sujet soit à ce point absent d’un manifeste adressé « à la gauche ». En 1984, il est vrai, Bernard-Henri Lévy nous avait éclairés sur les conditions de gestation de ses œuvres : « Je n’écris pas dans les cafés, mais dans les hôtels. Ceux du monde entier. A Paris, une chambre du Pont-Royal, la 812, parce qu’elle donne sur les toits et que sa terrasse domine la ville, ou celle du Georges-V, la 911. (...) Mon périmètre va du jardin du Luxembourg, où j’habite, à la rue des Saints-Pères, où nous sommes, ou au Récamier, où je déjeune souvent. L’après-midi, le Twickenham, sinon le Flore, la rue Madame (14)... »

Depuis, le « périmètre » de l’auteur a croisé d’autres univers enchantés, comme les galas des Lagardère ou le mariage de M. François-Henri Pinault, au cours duquel il fit, en 1996, « une arrivée très remarquée en se posant en hélicoptère sur les pelouses du château (15) ». Lorsque notre philosophe épousa l’actrice Arielle Dombasle, « il fallut un avion pour amener les invités à la Colombe d’Or, l’hôtel mythique de Saint-Paul-de-Vence. Paris Match avait négocié l’exclusivité de l’événement, un reportage digne des mariages princiers, étalé sur six pages sans compter la “une” montrant une Arielle émue dans une robe blanche “en crêpe à gorgette, à dos nu, créée par Karl Lagerfeld pour Chanel”, précisa l’hebdomadaire (16) ». Dans la liste des conviés, Mme Liliane Bettencourt (alors première fortune de France), MM. Jack Lang, Alain Carrignon, Philippe Tesson, Védrine. Sans oublier le journaliste Louis Pauwels et l’industriel Jean-Luc Lagardère, dont, dix ans plus tard, l’écrivain prononcera l’hommage funèbre.

Bernard-Henri Lévy estime que nous ignorons ce que nous devons au capitalisme. « On croit s’en prendre à George Soros, avertit-il, et c’est Gavroche qu’on assassine. » Pas seulement Gavroche, d’ailleurs, car le « libéralisme », ce serait aussi « les Ateliers nationaux de 1848 », « l’appel à une presse émancipée », « le libéral Guizot faisant voter, avant la Commune, l’abolition du travail des enfants dans les usines ». Parfois, M. Lévy fait penser, sur ce point aussi, à M. Sarkozy. Quand le second multiplie les « réformes » pour mieux étourdir ses adversaires, incapables de contre-attaquer partout à la fois, le premier empile les noms, approximations ou facéties historiques jusqu’à donner à ses critiques le mal des hauteurs.

L’historien Pierre Vidal-Naquel soulignait la chose dès 1979 : « Qu’il s’agisse d’histoire biblique, d’histoire grecque ou d’histoire contemporaine, M. Bernard-Henri Lévy affiche, dans tous les domaines, la même consternante ignorance, la même stupéfiante outrecuidance (17). » A l’époque, Bernard-Henri Lévy écrivait que Heinrich Himmler, qui s’est suicidé en mai 1945, avait témoigné six mois plus tard au procès de Nuremberg... Là, il voit en François Guizot - un penseur conservateur et libéral de la Restauration - un des précurseurs de la Commune de Paris (dont, naturellement, Guizot appuya la sanglante répression).

Le dernier essai de Bernard-Henri Lévy a été louangé par M. Lang - « La gauche à réinventer devra s’inspirer de cet ouvrage, dont j’aime par-dessus tout la fraîcheur, la juvénilité, le souffle qui le portent (18) » -, mais aussi par MM. Vincent Peillon, Moscovici et Manuel Valls, tous trois candidats à la direction du PS. Le dernier cité, que M. Sarkozy a invité à rejoindre son gouvernement - ce qui, même si la chose ne se fit pas (ou ne s’est pas encore faite), ne témoigne guère de l’existence de divergences irréductibles entre les deux hommes -, avait successivement salué le discours de politique générale de M. Fillon « à la hauteur des attentes du pays », envisagé de faire un « bout de chemin avec la majorité à condition qu’elle nous entende » et soutenu l’abrogation des « régimes spéciaux » de certains salariés. Il réclame à présent que son parti change de nom.

Dans son livre, Bernard-Henri Lévy lui rend hommage sur ce point : « Même si nombre de socialistes continuent de s’accrocher à leur socialisme comme un vieil acteur à un rôle de répertoire, les plus lucides d’entre eux - je pense au jeune député de l’Essonne, Manuel Valls - savent qu’il n’y aura pas de salut pour la gauche sans un acte de rupture qui la fera trancher dans le vif de son histoire, donc de son nom. » Sans tarder, ledit député rédigea dans Les Echos la critique du « plaidoyer brillant » de l’essayiste, mais en omettant pudiquement de préciser que son compliment faisait « écho », justement, à celui qu’il avait reçu. M. Valls distingua le passage précis du livre qui le louangeait : « J’ai aimé cette idée selon laquelle il n’y aura pas de salut pour la gauche sans un acte de rupture qui la fera trancher dans le vif de son histoire, et donc de son nom (19) »...

Le jeu de miroir se prolongea quand le député d’Evry, que certains de ses camarades soupçonnent d’être un peu droitier, ajouta : « Ceux qui diront que ce livre est seulement une célébration du libéralisme et d’une gauche droitière n’auront pas voulu voir qu’il est la tentative sincère d’introspection d’un intellectuel dont on ne peut douter, un seul instant, qu’il appartienne à la famille de gauche. » M. Valls relevait néanmoins que, « s’il est un terrain que le philosophe laisse en jachère, c’est bien celui du social ». Il y a peu, se déclarer comme « BHL » « un peu sourd à la question sociale (20) » eût écarté un intellectuel de la « famille de gauche ». Un tel ostracisme passe aujourd’hui pour archaïque - « marxiste », dirait M. Arnault.

Promouvoir le libéralisme et pourfendre le « radicalisme », le projet de Bernard-Henri Lévy est clair. M. Sarkozy à l’Elysée, il lui confectionne la « gauche morale » dont ce dernier ne peut que rêver. Celle des « grandes âmes » du théâtre de l’indignation. Elle ne gênera pas beaucoup un gouvernement qui s’emploie, selon les mots d’un ancien vice-président du patronat, à « défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance (21) ».

Serge Halimi.

(1) Pour le récit de cette soirée, cf. « L’ère monarchic », Point de vue, Paris, 26 septembre 2007.

(2) Challenges, Paris, 13 septembre 2007.

(3) France 2, 11 décembre 2006.

(4) Ariane Chemin, « La gauche à la noce », Le Monde, 3 octobre 2007.

(5) Lire « Les droites au pouvoir », Manière de voir, n° 95, octobre-novembre 2007.

(6) Bernard-Henri Lévy, Ce grand cadavre à la renverse, Grasset, Paris, 2007, p. 190. Sauf indication contraire les citations suivantes de cet auteur sont tirées du même ouvrage.

(7) Lire « Cela dure depuis vingt-cinq ans », Le Monde diplomatique, décembre 2003.

(8) Cornelius Castoriadis, « L’industrie du vide », Le Nouvel Observateur, Paris, 9 juillet 1979. C’est Castoriadis qui souligne le « n’importe quoi ».

(9) Lire Grégory Rzepski et Antoine Schwartz, « A gauche, l’éternelle tentation centriste », Le Monde diplomatique, juin 2007.

(10) « Le PS bouge encore », Libération, Paris, 3 septembre 2007. M. Strauss-Kahn est devenu depuis directeur général du Fonds monétaire international.

(11) Le Point, Paris, 2 décembre 1995.

(12) Le Point, 29 mars 1997.

(13) Pierre Moscovici, « La gauche mélancolique de Bernard-Henri Lévy », Le Monde, 12 octobre 2007.

(14) VSD, Paris, 8 novembre 1984.

(15) Le Nouvel Observateur, Paris, 20 juin 1996.

(16) Philippe Cohen, BHL, Fayard, Paris, p. 366-367.

(17) Lettre du 12 juin 1979 au directeur du Canard enchaîné. Texte intégral sur : www.monde-diplomatique.fr/doss iers/bhl/

(18) Paris Match, 11 octobre 2007.

(19) Les Echos, Paris, 8 octobre 2007.

(20) Libération, Paris, 8 octobre 2007.

(21) Denis Kessler, Challenges, Paris, 4 octobre 2007.

Voir aussi le courrier des lecteurs dans notre édition de décembre 2007.


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