Afghanistan : un étudiant jugé blasphémateur est condamné à la peine de mort

mardi 29 janvier 2008.
 

Un étudiant afghan de 23 ans et journaliste de surcroit dans un périodique local (Jahan-e Naw ou Nouveau Monde) était détenu depuis octobre 2007 sous l’accusation de “blasphème�� ?. Sa famille a reçu mardi par écrit sa condamnation à mort prononcée par le tribunal de la province de Balkh, au nord de l’Afghanistan. Perwiz Kambakhsh avait été arrêté le 27 octobre pour avoir distribué à ses camarades d’université un article révélant que Mahomet a négligé les droits de la femme. Ce tract a été jugé par les officiels "d’insultant pour l’islam et interprétant de manière erronée des versets du Coran". Le jeune journaliste n’en serait pas lui-même l’auteur et aurait recueilli cet écrit sur un site iranien. Le procureur adjoint de la province Hafizullah Khaliqyar, assure que “basé sur les crimes commis par P. Kambakhsh, le tribunal de première instance l’a condamné à la plus grave punition ». Et menace tout aussi clairement la presse locale, affirmant que l’étudiant avait "confessé" ses crimes : "J’arrêterai tous ceux qui tenteront de le soutenir après cela".

Pas de juriste pour la défense

D’après le frère du condamné, lui-même journaliste, le procès s’est déroulé à huit clos en l’absence de quelconque défenseur. L’Association afghane des journalistes indépendants (AIJA) avait interpellé la communauté internationale pour lui trouver un avocat, "en particulier les organisations de défense des médias (...) car personne ne voulait le faire". Rahimullah Samandar, président de l’association, certifie que P. Kambakhsh n’est pas l’auteur de l’article incriminé, son soi-disant "crime" ayant été de le lire. Sa détention serait liée à “des articles critiques�� ? écrits par son frère Yaqoub Ibrahimi contre les autorités de Balkh. L’affaire aurait été orientée sur un plan politique pour faire pression sur le frère de Perwiz Kambakhsh, à travers le conseil des Oulémas, des spécialistes de la foi.

D’après une récente déclaration du ministère afghan de l’information, la condamnation à mort du journaliste ne serait pas définitive. La justice traiterait visiblement l’affaire "avec beaucoup d’attention", d’autant plus que le jugement a été prononcé suite à une distribution de prospectus blasphématoires, et non pour des activités journalistiques. Et de conclure rapidement sur la "non-compétence" de ce ministère pour intervenir dans le cas Kambakhsh.

La presse lance un appel au président Karzaï Parmi les organisations internationales de défense des journalistes qui ont vivement protesté mercredi contre la condamnation, Reporters Sans Frontières (RSF) et la Fédération internationale des Journalistes (FIJ) Asie-Pacifique ont interpelé le président afghan Hamid Karzaï ce mercredi 23 janvier, pour "intervenir au plus vite" et faire annuler cette sentence de première instance prise "sans aucun souci du droit et de la liberté d’expression protégée par la Constitution".

"Si Hamid Karzaï ne fait rien, cela voudra dire qu’il ne respecte pas ses propres lois. J’espère que le président va intervenir dans cette affaire, qu’il va nous aider" implore R. Samandar.

Après la chute du régime taliban, la constitution afghane de 2001 entend défendre la liberté d’expression, mais elle repose sur une interprétation de la loi islamique (charia) qui requiert la peine de mort pour des actes jugés contraires à l’islam.

Nathalie Szuchendler


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