Plan banlieues : Critiques par AC le feu, FSU, CFDT et Occupation de la Halde par des associations

mardi 12 février 2008.
 

1) Plan banlieue : des associations prennent la Halde d’assaut par le site Rue 89

“L’opposition, c’est depuis les quartiers qu’elle va venir”, lance Mohamed Mechmache, président du collectif AC le feu. Démonstration à l’appui avec la prise, de force, du siège de la Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité) à l’appel d’une dizaine d’associations œuvrant dans les banlieues. De Devoirs de mémoires à AC le Feu, toutes souhaitaient ainsi manifester leur déception face à l’annonce, quelques heures plus tôt, du Plan banlieue.

La Halde "n’a rien modifié depuis sa création"

Rendez-vous avait été donné aux médias devant le désormais symbolique Ministère des mal logés, rue de la Banque, ce vendredi à 13h00. Le départ est finalement lancé par les organisateurs. Il fait beau et la marche prend rapidement des allures de visite des beaux quartiers... par des habitants de banlieue. Tout se précipite au cœur du très chic quartier de l’Opéra : le cortège s’engouffre brusquement dans le bel immeuble haussmannien abritant le siège de la Halde. Après un bref assaut, son hall est finalement occupé :

La plupart des participants ont écouté Nicolas Sarkozy trois heures plus tôt. Ils en tirent l’amère impression de ne pas avoir été entendus :

"On est dans le flou, on ne nous a pas parlé de moyens financiers ni de méthodes."

C’est pourquoi ils ont choisi d’occuper ce lieu symbolique. La Halde a été instituée en 2004 pour lutter contre les discriminations et "n’a rien modifié depuis", estime Tarek Kawtari, du Forum social des quartiers populaires. Pour lui, "ce énième plan banlieue est dans la même veine". Pour Mohamed Mechmache :

"On est dans le flou, on ne nous a pas parlé de moyens financiers ni de méthodes."

En ce qui concerne le renouvellement urbain, pour lequel l’Etat a budgété 35 milliards d’euros, et la mixité sociale, Jean-Baptiste Eyraud, du Droit au logement, tranche :

"Il faudrait, dans un premier temps, commencer par appliquer les lois existantes. Celle sur la réquisition des logements non occupés par exemple."

Le président d’AC le feu a tout de même retrouvé dans le discours de Nicolas Sarkozy certaines idées forces des cahiers de doléances établis par l’association à l’issue des révoltes urbaines de 2005 : "Mais de là à ce qu’elles soient appliquées..."

"Amalgame nauséabond"

A en croire les habitants de ces quartiers réunis à la Halde, ce nouveau plan ne règle donc pas le sentiment de stigmatisation qu’éprouvent les intéressés. Une blessure réveillée par le discours de Nicolas Sarkozy lorsque ce dernier a brandi en exemple Rachida Dati, Fadela Amara et Rama Yade. Kaïssa Titous est membre de la Coordination anti-démolition des quartiers populaires :

"Si on est là aujourd’hui, c’est pour demander que les habitants de nos quartiers soient traités comme les habitants des centre-ville."

Dans ce vaste et luxueux hall de la Halde, chacun y va de son analyse pour déconstruire les paroles du Président. Nima et Abdel, respectivement lycéens à Gagny et Clichy-sous-Bois, attendent de voir l’efficacité du busing, proposé dans le Plan banlieue pour mener à la mixité sociale dans les écoles. Abdel :

"Les riches sont enfermés derrière leur boulevard périphérique comme les seigneurs dans leurs châteaux forts au Moyen-Age. Je sais pas si ça changera un jour... Mon lycée obtient 85% de réussite au bac STI chaque année sans l’aide de grand lycée parisien. C’est pas de l’excellence ça ?"

La volonté unanime de passer au-delà du discours n’empêche pas Axiome (voir la première vidéo) de regretter "l’amalgame nauséabond entre voyoucratie, quartiers populaires et immigration fait par Nicolas Sarkozy". Ce rappeur avait écrit à l’issue des révoltes de 2005 sa Lettre au président. Deux ans plus tard, il est toujours plus inquiet pour la santé de son pays et compte bien le faire savoir.

Par Thomas Huet (Etudiant et journaliste) 18H25 09/02/2008

2) Plan Espoir banlieues "Ça fait trente ans qu’on vit avec de l’espoir Il nous faut du concret" Interview de Fatima Hani secrétaire nationale de AC le feu

http://hebdo.parti-socialiste.fr/20...

L’association AC le feu, créée au lendemain des émeutes des banlieues de l’automne 2005, a réalisé deux tours de France et rassemblé les propositions de quelque 50 000 concitoyens. Fatima Hani, secrétaire nationale de l’association, revient sur leur diagnostic et réagit au plan « Espoir banlieue » annoncé le 22 janvier par Fadela Amara, secrétaire d’État à la ville.

Comment la situation des banlieues a-t-elle évoluée depuis les émeutes de l’automne 2005 ?

Depuis le diagnostic que nous avons réalisé en 2005, la situation en est au même point et, dans certains domaines, elle s’aggrave. Nous avons identifié quatre problèmes principaux : l’emploi ; le logement ; l’environnement et le cadre de vie ; le rapport avec la police et la justice. Ce sont vraiment les quatre priorités. Ensuite, il y a l’éducation qui se juxtapose aux autres dysfonctionnements.

Quand on parle de cadre de vie, on parle bien sûr de discriminations ou encore de transports. Mais il existe aussi une autre problématique très importante : la santé. Les problèmes sociaux engendrent dépression, alcoolémie... À 13,14 ans, certains jeunes fument et boivent en même temps, dans les cages d’escaliers. En un an ou deux, ils deviennent dépendants. Il faudrait donc aussi se concentrer sur des politiques de santé. L’enjeu ne se situe donc pas au niveau d’un seul ministère. Il faut une cohérence interministérielle.

Face à cette situation, le plan Espoir banlieue présenté partiellement par Fadela Amara répond-t-il aux besoins des quartiers ?

On nous parle de 45 000 emplois créés en trois ans. Est-ce suffisant ? Certainement pas. Si c’est pour sortir des CES [contrat emploi solidarité] ou des CIE [contrat initiative emploi] et faire travailler ces jeunes trois heures par jour ou par semaine pour les sortir des statistiques du chômage, ce n’est pas la solution au problème. Le diagnostic est erroné dès le départ. Ces problèmes sont loin de ne concerner que les banlieues. On n’entend jamais parler des campagnes qui souffrent. De ces agriculteurs qui vivent bien en dessous du seuil de pauvreté. Il faut utiliser les bons mots. Aujourd’hui la France est pleine de zones fragilisées. Les quartiers sont aussi dans les bourgs, les villages... Parler de plan banlieue en se concentrant sur 50 ou 100 quartiers, c’est discriminer tous les autres.

À Vaulx-en-Velin, la secrétaire d’État à la ville a malgré tout avancé le chiffre d’un milliard d’euros pour ce plan...

Ça ne permettra même pas de désenclaver 50 villes. Alors, d’ici à trouver des emplois... Les villes où sont concentrées des pépinières d’activités sont riches. Pourquoi l’État continue-t-il à leur faire des dotations ? Les taxes professionnelles leur suffisent amplement. Toute la question est de savoir comment on répartit l’argent des contribuables. Un milliard ? On n’en aurait pas besoin, si on répartissait mieux les dotations d’une ville à une autre. Un plan Espoir banlieue ? Il faut arrêter de parler d’espoir. Ça fait trente ans qu’on vit avec de l’espoir. C’est pas ça qui va remplir nos frigos. Aujourd’hui, il nous faut du concret. L’argent est là. Il tourne autour de nous, mais n’arrive pas au point de livraison.

Ce plan n’a donc pas assez d’ambition ?

C’est évident. Rien ne va dans le bon sens. Dans ce plan, on ne veut oeuvrer que pour les moins de 25 ans. Les parents, les personnes âgées, les personnes handicapées n’existent plus ! Pourtant, pour résoudre le problème des enfants, il faut résoudre le problème des parents. Si les mères et les pères vont mieux, ont un travail, réduisent leurs dettes, l’espoir revient. Du coup, quand leur enfant est à l’école, il y est vraiment, et pas seulement physiquement.

Fadela Amara est un pantin. Elle se montre solidaire d’un gouvernement qui lui-même n’est pas solidaire avec elle. Nous avions déjà pu voir la volonté réelle du Président quand il a créé le ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale. Comme si nous avions un problème pour savoir quelle était l’identité nationale de la France. Nous sommes des Français de troisième, quatrième génération. À partir de quelle génération va-t-on être considérés comme des Français à part entière, et pas entièrement à part ? Ce manque de considération devrait davantage interpeller les socialistes. Ils doivent se constituer en vraie force d’opposition et s’affirmer comme un parti social.

Quelles propositions peut-on faire pour répondre au mal être de nos quartiers ?

Tout le monde nous demande de donner les grandes propositions phares. Mais il ne s’agit pas d’une ou deux propositions.Toutes s’imbriquent et permettent de relever la situation des quartiers fragilisés. Il s’agit de créer des pépinières d’activités, de développer une nouvelle manière d’organiser les services dans les villes. Par exemple, beaucoup de mamans gardent les enfants des voisines. Pourquoi ne pas créer des crèches populaires ? Favoriser les agréments ? En même temps, ces mamans pourraient ouvrir à des horaires plus flexibles pour permettre aux autres parents d’aller travailler. C’est ce qu’on a appelé des « emplois parents », dans notre contrat social et citoyen.

Au sortir de ces crèches, il y aurait des navettes conduites par des jeunes sans emploi, à qui on aurait fait passer des stages de qualification pour emmener les parents vers les bassins d’emploi et les ramener le soir. C’est l’une des façons de briser les cercles vicieux. Il s’agit de recréer le lien. On pourrait aussi développer les microcrédits pour aider à la création d’entreprises. Tout cela semble tellement évident qu’on a parfois l’impression de ne pas parler la même langue.

Fanny Costes

3) Le « plan banlieue » annoncé par le Président de la République n’est à la hauteur ni des attentes ni des besoins.

http://actu.fsu.fr/

Dépourvu de moyens nouveaux et fondé essentiellement sur des redéploiements (cf les financements du plan pour les transports pris sur les moyens destinés au « Grenelle de l’Environnement »), il n’est pas de nature à réduire véritablement les inégalités par une action cohérente et durable. Le renforcement annoncé des forces de police ne palliera pas ce déficit. Par certains aspects ce plan risque même d’aggraver les inégalités et les ségrégations, fruit d’un fonctionnement social et économique qui relègue plutôt qu’il n’intègre. .

Ainsi, les « contrats d’autonomie » qu’il propose pour les jeunes n’offrent aucune garantie de déboucher sur des emplois stables ; ainsi la politique du logement est largement négligée, l’accession à la propriété se substituant à la construction et à la rénovation des logements sociaux ; ainsi rien n’est fait pour assurer concrètement une présence forte des services publics ; bien au contraire, l’accès à l’exercice effectif des droits est souvent subordonné au « mérite » individuel.

La FSU déplore notamment l’absence de toute mesure destinée à mieux lutter contre l’échec scolaire et contre les inégalités en ce domaine : les mesures annoncées sont essentiellement des palliatifs qui ne traitent pas la source des problèmes. L’expérimentation « busing », à l’exception de situations limitées et provisoires ne peut constituer une solution durable pour assurer la mixité dans l’ensemble d’un quartier. En revanche la suppression confirmée de la carte scolaire, combinée avec le développement de pôles d’excellence et des établissements privés, va en fait aggraver les inégalités entre établissements et jeunes.

Une tout autre politique est nécessaire. Pour les enfants et les jeunes, c’est d’abord de « première chance » qu’il doit s’agir : cela doit se traduire par un renforcement des conditions de scolarisation en maternelle dès deux ans, l’allègement des effectifs par classe, la mise en œuvre de pratiques pédagogiques diversifiées...Et c’est en assurant la présence des services publics dans ces quartiers, en encourageant et développant des actions culturelles, en prenant des mesures en terme de logement, de scolarisation, de transport et d’installation d’emplois stables que l’on permettra davantage de mixité sociale et de réussite pour les jeunes de ces quartiers et pour l’ensemble de la population.

Communiqué FSU

Les Lilas le 8 février 2008

4) Le plan “ Espoir banlieue ” doit être accompagné des moyens nécessaires

http://www.cfdt.fr/actualite/presse...

Le volontarisme affiché par le président de la République sera de nature à rendre espoir à la banlieue et à enclencher une véritable dynamique pour sortir les quartiers de la spirale de l’exclusion, si celui-ci est accompagné des moyens nécessaires.

Certaines mesures sont positives, comme le retour de services publics de qualité dans les quartiers ou la priorité faite à la lutte contre l’échec scolaire. Mais l’élan donné par l’affectation de la taxe d’apprentissage aux écoles de deuxième chance, financées jusqu’ici par les Chambres de commerces, nécessite clarification, dans le cadre de la réforme à venir de la formation professionnelle.

De même, la mise en place d’un contrat d’autonomie souhaité par la CFDT, permettant un accompagnement personnalisé de 100 000 jeunes en 3 ans, doit voir précisé son financement et son articulation avec les mesures qui seront arrêtées au Grenelle de l’insertion, notamment le projet de contrat unique d’insertion.

Le contour des mesures doit être également plus précis concernant la réforme de la fiscalité locale, qui doit permettre une meilleure péréquation des moyens entre communes riches et pauvres.

Enfin, la CFDT exprime son désaccord avec l’amalgame fait dans le discours présidentiel, entre les difficultés des quartiers, la maîtrise de l’immigration, la polygamie, l’excision ou le voile à l’école.n

Déclaration d’Anousheh Karvar, secrétaire nationale © CFDT (mis en ligne le 8 février 2008)


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