La Rocque, PSF Croix de feu et fascisme

dimanche 10 juillet 2016.
 

Le Parti Social Français du colonel de La Rocque a compté jusqu’à 1 million d’adhérents en 1936 1939, électeurs de droite convaincus et bons catholiques pratiquants. Le 6 février 1934, ses troupes ont participé à l’assaut du parlement. Dans un département comme l’Aveyron, une immense réunion à Flavin en 1938, a bénéficié du soutien et de la présence de tous les conseillers généraux de droite et de presque tous les maires de droite ou dits "apolitiques".

Depuis cette époque, la droite française fait tout pour nier le caractère fasciste de cette formation, sinon ce serait reconnaître que dans un contexte favorable leur papa ou leur mémé n’étaient pas des démocrates, des modérés, des républicains, mais plutôt des libéraux fascisants (comme il y en eut beaucoup alors), des conservateurs musclés partie prenante de la constellation fasciste.

Les historiens français, y compris de gauche, ont généralement cherché, eux aussi, à protéger PSF, Action française... balayant sans réflexion approfondie leur appartenance à la constellation fasciste (mis à part cas rares comme l’équipe de Michel Dobry avec son ouvrage collectif : Le mythe de l’allergie française au fascisme). Heureusement, des historiens de qualité, venus d’autres pays ont travaillé sans idée préconçue ou intérêt personnel. Parmi eux, Robert Soucy a imposé sa large compétence sur le sujet. En caractérisant le PSF du colonel de la Rocque comme une forme française conjoncturelle de fascisme, il a déclenché des réactions outrées dans notre hexagone.

De grands historiens du fascisme ont apporté leur soutien sur ce fascisme français à Robert Soucy. Citons le plus connu, Robert Paxton "« Soucy s’en prend à ceux qu’il appelle « les historiens du consensus » de la droite française de l’entre-deux-guerres. Il avance l’avis contraire qu’il existait un fascisme local fort dans la France de la fin des années 1930. Soucy relève à juste titre que le cœur de la question est de savoir si les Croix-de-feu du colonel de La Rocque, auxquelles succéda, après juin 1936, le Parti social français, peut être légitimement étiqueté comme fasciste... Si La Rocque a acquis plus d’un million de membres en 1936-1939 en devenant modéré, le cas de l’« allergie » au fascisme est renforcé. Soucy a raison d’ignorer les avertissements de ceux qui sont concernés. La plupart de la nouvelle droite musclée française niait être fasciste (Hitler lui-même rejetait cette étiquette)... Les comparaisons judicieuses de Soucy démolissent l’argument selon lequel le PSF n’était pas fasciste parce qu’il a joué le jeu électoral. Il souligne à juste titre que ce critère… exclurait Hitler et Mussolini eux-mêmes. Soucy recherche à juste titre pour une version française du fascisme, qu’elle accepte cette étiquette ou non... Avec son French Fascism : the First Wave, 1924-1933 (1986), Soucy a fourni l’une des vues d’ensemble indispensables des thèmes, des clientèles, et les itinéraires de la Nouvelle Droite française de l’entre-deux guerres, quelle qu’en soit la taxonomie qu’on lui applique. »

Ci-dessous, texte de Robert Soucy en réponse à toutes les critiques qui lui ont été faites concernant le PSF.

Dans un article publié par notre revue (n° 90, avril-juin 2006), Michel Winock revenait sur un débat déjà ancien, en contestant la thèse selon laquelle un fascisme français, incarné par le colonel de la Rocque, aurait existé. Éminent représentant de ce courant, Robert Soucy a souhaité lui répondre dans une intervention qui s’efforce de reprendre, point par point, l’argumentation développée par Michel Winock.

Bien que l’article de Michel Winock récemment paru dans Vingtième Siècle. Revue d’histoire soit principalement une critique de mon livre Fascismes français ? 1933-1939, il s’inscrit dans un débat plus vaste portant sur le fascisme français pendant l’entre-deux-guerres. Plusieurs chercheurs « anglo-saxons » ont, au cours des deux dernières décennies, contesté certaines des suppositions de ce que William Irvine a appelé le « consensus » français, à savoir l’idée selon laquelle le fascisme à la française durant l’entre-deux-guerres n’avait jamais dépassé le stade d’un phénomène marginal. Bien que les tenants de la thèse du consensus considèrent le Faisceau de Georges Valois, la Solidarité française de François Coty et le parti populaire français de Jacques Doriot comme fascistes, ils ont évité d’appliquer ce terme aux Croix-de-Feu/parti social français du colonel de La Rocque, le plus grand mouvement politique français de droite en 1937 – son nombre d’adhérents dépassait celui des partis socialiste et communiste français réunis. Si les Croix-de-Feu/PSF étaient fascistes, alors le fascisme en France n’était pas aussi « marginal » que l’ont affirmé les partisans du consensus.

Les thèses soutenant que les Croix-de-Feu/parti social français étaient ou n’étaient pas fascistes ont tout à la fois évolué et proliféré depuis le « Y a-t-il un fascisme français ? » de René Rémond en 1952. En effet, comme je l’ai mentionné dans un essai sur la thèse de l’immunité, il semble qu’environ tous les dix ans, un tenant de la thèse du consensus ajoute un nouvel élément au corpus croissant des arguments selon lesquels le PSF n’était pas fasciste – en éliminant, dans certains cas, des suppositions plus anciennes au profit de nouvelles –, tandis que ceux qui rejettent l’idée de consensus y répondent avec des arguments et des preuves supplémentaires de leur cru.

Dans mon propre cas, Fascismes français ? constitue la version révisée et augmentée de l’édition américaine publiée neuf ans plus tôt. L’édition française a tiré profit des objections émises par les historiens du consensus après la publication de la version américaine. Les critiques de Fascismes français ? n’ont pas toutes été aussi impressionnantes que celle de Michel Winock, surtout lorsque des critiques français ont parfois déformé, et partant, plus aisément réfuté mes idées (un critique est ainsi parvenu à gauchir six de ces idées dans un seul paragraphe). Bien qu’admirablement tranchant dans ses désaccords, Michel Winock est, de loin, beaucoup plus impartial et rigoureux. En effet, dans l’ensemble, son article constitue peut-être, à ce jour, le meilleur essai historiographique à prendre la défense de l’école du consensus dans le cas de La Rocque, ce qui prouve bien son insistance sur le fait que « le problème du “fascisme français” n’est pas simple ».

Cette réponse à l’article de Michel Winock tente de faire progresser le débat en appliquant aux Croix-de-Feu/PSF certaines des conclusions des études « anglo-saxonnes » de ces dernières années sur les fascismes, non simplement en France, mais dans d’autres pays européens (en particulier l’Italie), en clarifiant les points importants d’accord aussi bien que de désaccord entre Michel Winock et moi-même, et en répondant à certaines critiques précises de mon travail. Au lieu de mettre fin à la discussion (ce que quelques historiens du consensus semblent désireux de faire), j’espère, comme l’a fait Michel Winock, l’amplifier. J’espère également, comme l’a recommandé Jean-Paul Thomas aux futurs participants au débat, « approfondir les faits », y compris ceux portant sur la question de savoir si La Rocque a soutenu la collaboration avec les Allemands en 1941.

La Rocque et l’antisémitisme

Tout d’abord, je souscris pleinement à l’opinion de Michel Winock pour qui « l’antisémitisme n’entre pas nécessairement dans la définition du fascisme », puisque « contrairement au nazisme », l’antisémitisme ne constitue pas « une composante originelle » du fascisme italien. Dans Fascisme français ?, j’ai également attiré l’attention sur les objections de La Rocque au racisme biologique, sur sa défense des juifs français (les anciens combattants notamment), sur son association avec le rabbin Kaplan à Paris, sur la colère de l’Action française et d’autres antisémites français contre son « philosémitisme » et sur le fait que son mouvement a compté des adhérents juifs jusqu’en 1941.

J’ai, en outre, précisé que Mussolini, publiquement opposé à l’antisémitisme pendant sa première décennie au pouvoir, dénonça les théories raciales de Hitler et accueillit des juifs fuyant l’Allemagne nazie, que nombre de juifs italiens adhérèrent à son Fascio avant 1933 et que ce n’est qu’à partir de 1933 que le Duce commença à soutenir sporadiquement l’antisémitisme. Il faut attendre d’ailleurs 1938 pour que son régime promulgue ses premières lois antisémites.

Il est clair que l’antisémitisme ne constitue pas un test de vérification pour tous les fascistes à toutes les étapes de leur carrière [9]. Michel Winock consacre plusieurs paragraphes aux critiques que La Rocque émit sur l’antisémitisme racial dans les années 1930. La comparaison avec Hitler a sûrement son importance mais, dût-on l’appliquer à Mussolini, cela signifierait qu’entre 1919 et 1933, le Duce n’était pas fasciste.

Plus important, néanmoins, est le fait que Michel Winock ne mentionne pas la distinction opéré par La Rocque dans les années 1930 et 1940 entre juifs « étrangers » et « français » ou, pour être plus précis, entre « assimilés », de droite et « patriotes », et non assimilés, de gauche et immigrés [10]. En effet, en 1938, le chef du parti social français a non seulement dénigré des juifs non assimilés mais, emporté par sa haine du Front populaire, s’en est également pris à Léon Blum – assimilé mais socialiste.

« Sous l’influence de Moscou, la France, par une fausse et criminelle conception du droit d’asile, a livré l’accès de ses frontières à une multitude indésirable. Par milliers, des Israélites sans feu ni lieu ont envahi l’Alsace, la Lorraine, les faubourgs parisiens au plus grand préjudice de nos populations laborieuses et de la moralité publique. D’autre part, Léon Blum et ses équipes frelatées ont littéralement encombré les cabinets ministériels, les postes importants et rémunérateurs d’une clientèle israélite le plus souvent révolutionnaire, parfois allemande ou naturalisée de fraîche date et indiscrète. Devant le maintien d’un tel état de choses, aucune force humaine, aucune générosité française ne pourrait éviter le soulèvement de la fureur populaire [11]. »

En octobre 1940, La Rocque a défendu l’idée d’« un double critère » pour les juifs français et étrangers, et félicité le régime italien pour l’application de ce principe à sa propre législation antisémite, un principe, écrivit-il, qui semblait répondre à « un état d’esprit analogue au nôtre ». Il exprima son approbation en ces termes : « Les Israélites anciens combattants, ayant adhéré au fascisme [italien] pendant les années de lutte, ayant rendu au pays des services incontestés, échappent à toutes mesures d’exception. » [12]

Michel Winock défend La Rocque en citant le jugement de Jean-Paul Thomas et de Philippe Machefer pour qui l’antisémitisme de La Rocque, dans les premiers mois du régime de Vichy, peut avoir été « modéré » en comparaison à celui des antisémites français plus acharnés de cette période. Mais, pour l’époque, ses commentaires n’étaient pas anodins. En octobre 1940, il évoque la « purulence » juive entretenue par les francs-maçons et, en 1941, accuse les juifs « chassés d’Europe centrale et d’Europe de l’Est » d’avoir sapé la « moralité » et la « santé » française et d’avoir – toujours de concert avec les francs-maçons – cherché la « déchristianisation » et la « déspiritualisation » de la France, contribuant ainsi « aux vices mortels » de la France [13]. Naturellement, La Rocque est loin d’avoir été le seul partisan de l’État français à appliquer un « double critère » aux juifs de France. L’historienne américaine Donna Ryan a montré, par exemple, que lorsque les autorités de Vichy commencent, durant le génocide, à rassembler les juifs et à les déporter de Drancy vers l’Est, elles n’arrêtent d’abord que les juifs étrangers (certains juifs français se sentirent par conséquent en sécurité) jusqu’à ce que les quotas établis par les Allemands les obligent en 1943 à mettre un terme à cette distinction [14]. Cela ne signifie pas que La Rocque ait approuvé les déportations, mais beaucoup de fonctionnaires de Vichy chargés de « la question juive » – ainsi que quelques juifs français – partageaient sa défense d’une idée de « double critère ». Ses propos relatifs à la « purulence » juive et autres « vices mortels » ont fait le jeu de l’antisémitisme très répandu à cette époque. L’historien américain Richard Millman a non seulement établi un relevé des réactions à géométrie variable de La Rocque à l’antisémitisme public (allant de son opposition au début des années 1930 à ses divers « compromis » après 1936), mais également décrit la popularité de l’antisémitisme dans certaines sections provinciales du parti social français, particulièrement en Alsace et en Lorraine, dans le Midi et en Algérie. « Avec le temps, les dirigeants du PSF de Paris s’opposent de moins en moins à cette judéophobie. » En outre, dans l’article « Une émeute antijuive à Constantine », Charles-Robert Ageron nous enseigne que les personnages éminents des Croix-de-Feu Stanislas Devaud, futur député du PSF, et Claude Martin se distinguaient à Constantine dans la propagande antisémite « au nom des Croix-de-Feu [15] ».

Quid des modérés ?

Michel Winock écrit : « [La Rocque] est de droite, il est bien de droite. Est-il fasciste pour autant [16] ? » La réponse, bien évidemment, est non, pas uniquement sur cette base. Je suis tout à fait d’accord avec Michel Winock sur les distinctions importantes à opérer entre les Français antimarxistes, les conservateurs sociaux et les catholiques qui étaient fascistes dans les années 1930 et ceux qui ne l’étaient pas. Je partage également sa vision selon laquelle « le seul fait d’être par excellence le parti des classes moyennes ne constitue pas mécaniquement le PSF en parti fasciste [17] ». Dans Fascismes français ? et ailleurs, j’ai montré que les idées fascistes n’ont pas séduit, après 1936, tous les membres des classes moyennes françaises et toutes les sections de la droite française. Il en va de même, bien entendu, en ce qui concerne les membres des classes moyennes soutenant le Front populaire en 1936, les adhérents les plus démocratiques du parti radical français ainsi que deux des principaux partis de centre-droit, l’Alliance démocratique et le parti démocratique populaire. Comme je l’ai écrit en 2005, « Tout comme la grande majorité des Italiens n’était pas fasciste en 1922 et comme la grande majorité des Allemands n’était pas nazie en 1932, la grande majorité des Français n’était pas fasciste en 1937 [18]. » Toutefois, des minorités fascistes non négligeables et bien organisées sont arrivées au pouvoir en 1922 en Italie et en 1933 en Allemagne. Et, si Daladier n’avait pas dépossédé en 1938 le parti social français d’une partie de ses effets en appliquant certaines de ses idées politiques et si la guerre n’avait pas empêché les élections de 1940, le PSF (alors le plus grand parti français de droite) aurait pu connaître encore plus de succès. Dans l’ensemble, la France n’était pas fasciste entre 1936 et 1940, mais les idées fascistes attirèrent des milliers de conservateurs des classes moyennes, souvent catholiques ou membres de certaines professions, autant d’individus devenus plus autoritaires en réaction au Front populaire [19].

Non seulement je reconnais, dans Fascismes français ?, que des conservateurs français sont restés « modérés » dans les années 1930, mais j’explique que La Rocque n’a, quant à lui, reconnu leur existence que pour leur reprocher de succomber au « compromis et à l’hésitation » – ce qui l’amène en 1935 à inviter les Français à « se lever contre la révolution et son alliée sordide la modération » [20]. En 1935, La Rocque accuse également les modérés de préparer le terrain au communisme et menace ces « gardiens indignes de leurs responsabilités » de se retrouver en tête de la liste des coupables lors du grand soir. De même, une brochure du parti social français critique en 1936 les employeurs français et les autres bourgeois qui ont répondu avec « pusillanimité » aux grèves sur le tas [21]. Plus tard, en tant que défenseur du régime de Vichy, La Rocque critiquera « les mièvres » qui avaient « reculé devant l’évolution nationale » et rappellera : « Combien de fois, jadis, n’avons-nous pas condamné les “modérés” ? » « Ce sont gens de mignardise. » « Ce sont les gens de mollesse. » [22]

De même, des modérés, dès 1934, se sentiront nettement moins modérés, ainsi lorsqu’ils s’estiment menacés par la révocation de Jean Chiappe, le préfet de police de Paris et homme de droite. Ceux-là afflueront aux Croix-de-Feu après les émeutes du 6 Février et la chute du gouvernement Daladier. Selon l’historien britannique Brian Jenkins, les historiens du consensus n’ont pas tenu compte des conséquences du 6 Février qui ont eu pour effet d’affaiblir plutôt que de renforcer la démocratie en France. « Nombre de gens de droite furent impressionnés par la démonstration disciplinée de force latente des Croix-de-Feu. Son développement spectaculaire ultérieur doit beaucoup à la force de cette image. » « Le 6 Février constitue également un tournant pour la droite autoritaire française dont la majorité abandonna l’ancienne stratégie du coup d’État au profit d’une stratégie plus sophistiquée de renversement de la démocratie de l’intérieur. » [23] Une réaction encore plus considérable se produisit en 1936 lorsque des milliers d’anciens modérés rejoignirent les rangs du parti social français après l’arrivée au pouvoir du Front populaire. L’historien canadien Sean Kennedy a décrit comment les nouvelles recrues du PSF cherchaient non un parti conservateur plus démocratique (plusieurs existant déjà), mais un parti conservateur moins démocratique, un parti plus mobilisé et plus autoritaire que la Fédération nationale. « Les bouleversements sociopolitiques de 1936-1937 radicalisèrent et politisèrent plusieurs modérés qui considérèrent alors le PSF comme le meilleur moyen de s’opposer au Front populaire, même s’ils avaient auparavant considéré les Croix-de-Feu comme répugnants [24]

Définition du fascisme, fluidité et fusion

J’ai, depuis 1995, élargi ma précédente définition du fascisme afin d’attirer plus d’attention sur cette dynamique politique, puisqu’elle existait également dans d’autres fascismes européens. Cette définition diffère de celles de Michel Winock et d’Emilio Gentile, puisqu’elle n’insiste pas sur le fait que tous les fascistes adoptèrent le totalitarisme avant leur arrivée au pouvoir ou même qu’ils le pratiquèrent systématiquement dans les pays où ils prirent le pouvoir, comme l’historien américain Alexandre De Grand l’a montré pour l’Italie fasciste, comme le sociologue britannique Michael Mann l’a souligné pour la dictature « plus polycratique » de l’Allemagne nazie [25]. Cette définition considère en outre les lignes séparant les conservateurs fascistes des conservateurs non fascistes comme plus mouvantes que fixes dans les situations de crise. En d’autres termes, cette définition considère les deux conservatismes de l’entre-deux-guerres moins comme des dichotomies absolues que (dans certaines situations) comme des synthèses qui s’interpénètrent et que séparent des différences de degré plus que de nature. Je préfère une explication moins essentialiste, une explication admettant que, quand la gauche française est apparue plus menaçante (en 1924, 1932, 1934 et particulièrement en 1936), quelques anciens modérés subirent l’attirance du « champ magnétique » du fascisme européen, retournant, pour nombre d’entre eux, avec le recul de ces menaces à leur « modération ». Tel fut l’itinéraire des modérés qui rejoignirent le Faisceau de Georges Valois en 1925 en réaction à l’élection du Cartel des gauches en 1924, mais le quittèrent avec le retour au pouvoir de Poincaré en 1926 [26]. Ce mouvement a également été démontré dans l’ascension des Croix-de-Feu/parti social français, réponse à la victoire électorale du Front populaire. En effet, la conscience de cette fluidité peut être l’une des leçons de l’entre-deux-guerres que nous ignorons à nos risques et périls, avertissement qui s’applique aussi aux « Anglo-Saxons ».

Michel Winock avance également que La Rocque n’était pas fasciste parce qu’il n’a pas eu recours, comme certains fascistes français, au slogan « ni droite ni gauche ». La partie « ni de droite » de ce slogan est néanmoins contredite par l’écrasant conservatisme social et économique de la majorité des fascismes français et européens de l’époque, Faisceau de Valois, Solidarité française de Coty et parti populaire français de Doriot inclus [27]. Le conservatisme social de La Rocque ne fait pas moins de lui un fasciste que la plupart des autres fascistes. À cet égard, je partage l’opinion du sociologue britannique Michael Mann pour qui le fascisme de l’entre-deux-guerres représente généralement une « extension » ou une « variante » du conservatisme autoritaire et appartient à la même « famille », que ses partisans en soient originaires ou qu’ils y entrent ultérieurement. Selon Michael Mann, beaucoup de « mélanges », de « flou » ou de « fusion » se sont produits dans cette famille, dont les membres fascistes « luttaient pour la domination absolue ». Les conservatismes autoritaires pouvaient être « plus ou moins » fascistes. Les fascistes ont adhéré « plus ardemment » au nationalisme, l’« intensité » du message qu’il délivrait composant l’un des principaux attraits du fascisme [28].

Les preuves ne manquent pas de conservateurs non fascistes passant dans le camp des conservateurs fascistes pendant l’entre-deux-guerres, en partie, entre autres facteurs, en fonction de la menace qu’ils sentaient peser sur leur fortune, leurs biens, leur carrière ou leur statut social, selon leur jeunesse ou leur zèle, selon l’ardeur de leur opposition à la « décadence [29] ». Dans mon article sur la « thèse de l’immunité », je décris neuf caractéristiques distinguant les fascistes des autres conservateurs autoritaires, allant de la tendance plus marquée du fascisme à appliquer des valeurs militaires à la vie civile à son goût plus marqué pour la répression des individus « antipatriotiques » [30]. Dans Fascismes français ? j’ai démontré comment le mouvement de La Rocque a présenté à divers moments chacune de ces neuf caractéristiques.

Un catholicisme très divers

Michel Winock affirme également que La Rocque n’était pas fasciste parce qu’il était un « bon catholique » et parce qu’il partageait les vues de Léon XIII sur le catholicisme social et que l’encyclique de Pie XI de mai 1931 « coïncide largement avec la doctrine Croix-de-Feu/parti social français [31] ». Pour à nouveau citer Michael Mann, le problème est que Pie XI a remercié Mussolini d’avoir appliqué en Italie le catholicisme social ; bien que le Vatican ait de prime abord « regardé de travers » les fascistes, il en vint à les considérer favorablement après qu’ils eussent accepté de protéger ses intérêts institutionnels : « Le Vatican les préférait à la démocratie si celle-ci incluait les socialistes [32]. » Michael Mann observe également qu’en Autriche à partir du milieu des années 1920, les gouvernements sociaux-chrétiens empiétèrent sur les droits constitutionnels, purgèrent les socialistes de l’armée et de l’administration, s’engagèrent dans une répression sélective et coopérèrent avec le Heimwehr, une milice patriotique paramilitaire fasciste qui avait elle-même « des relations étroites avec le clergé ». En Italie, en Autriche et ailleurs, le catholicisme s’infiltra également dans le fascisme : « En se développant, le fascisme a absorbé une influence catholique croissante [33]. »

Le 14 janvier 1933, La Croix, principale voix du catholicisme conservateur en France, avait critiqué Hitler pour ses méthodes brutales, particulièrement contre les catholiques allemands. Cependant, le 14 février 1933, elle fait son éloge comme force contre le communisme : « Si Hitler s’élève contre le communisme et manifeste l’intention de le supprimer ou, du moins, de le combattre vigoureusement, un tel projet ne peut que rencontrer l’approbation générale. » Le 3 juillet 1934, La Croix approuve l’élimination des éléments de gauche des SA et félicite le Führer de s’être rendu « maître de la situation » grâce à « une remarquable rapidité de décision et une volonté audacieuse ». L’historien américain Paul Mazgaj a décrit comment les intellectuels catholiques de la Jeune droite comme Henri Massis et les néothomistes Jean de Fabrègues et Jean-Pierre Maxence ont succombé dans les années 1930 à l’« attrait du fascisme ». Massis considéra Mussolini comme un modèle de « l’Homme chrétien » et Maxence adhéra à Solidarité française de François Coty et devint l’un de ses principaux porte-parole lors des événements du 6 Février [34]. Un autre historien américain, John Hellman, libéral catholique, a décrit l’admiration que les intellectuels catholiques français d’Ordre nouveau portaient dans les années 1930 au national-socialisme allemand « pur » ou au « fascisme blanc ». Même s’ils s’associaient également au catholicisme social du Vatican et critiquaient le populisme « vulgaire » de Hitler, ils défendaient « une forme virilisée de christianisme ». Un des fondateurs d’Ordre nouveau, Alexandre Marc, écrivait également pour Sept, une revue qui était « sans équivoque antinazie », mais qui avait « une attitude plus nuancée envers le fascisme italien ». Dans les années 1930, Robert Loustau de l’Ordre nouveau était un conseiller de premier plan de Doriot et de La Rocque [35].

Absoudre La Rocque de fascisme parce qu’il était « bon catholique » est donc peu convaincant si son type particulier de catholicisme politique est minimisé. Comme l’ont noté Stanley Payne et d’autres historiens américains, dans les années 1930, il existait, à travers toute l’Europe et le monde, nombre d’exemples de fascistes « soi-disant » chrétiens. En Espagne, la Phalange prétendait défendre l’Église catholique contre les marxistes athées et les libéraux anticléricaux, tout comme les mouvements fascistes en Pologne, au Portugal, en Autriche, en Hongrie, en Roumanie, en Croatie, en Bolivie, en Argentine, au Pérou, au Chili et au Brésil [36]. Le fait d’être « nationalistes et chrétiens » n’empêchait pas ces mouvements, comme le suggère Michel Winock pour les Croix-de-Feu/parti social français, d’être fascistes [37]. En Italie, où des versions concurrentes de fascisme existaient, un grand nombre de conservateurs fascistes étaient catholiques pratiquants. Les accords du Latran furent suivis d’un afflux de catholiques dans le parti mussolinien qui, comme l’a écrit Alexandre De Grand, « a créé un fascisme clérical [qui a rivalisé] avec d’autres idéologies pour s’attribuer la véritable identité fasciste [38] ».

Naturellement, aucun de ces faits ne diminue l’honneur des catholiques restés insensibles au fascisme et au nazisme pendant l’entre-deux-guerres, que l’on songe à Heinrich Breüning, le chef du Zentrum qui, en 1933, plaida infructueusement auprès des membres de sa formation pour qu’ils ne signent pas la loi accordant les pleins pouvoirs à Hitler ou au docteur Erich Klausner, président du mouvement de jeunesse Action catholique allemande, assassiné par les chemises brunes de Hitler en 1934. En France, le 14 janvier 1933, des journalistes de La Croix critiquèrent également le Führer pour ses « méthodes agressives et meurtrières » contre les catholiques allemands et invitèrent leurs « frères catholiques » à voter contre lui aux prochaines élections. Le catholique libéral Robert d’Harcourt dénonça également les nazis pour leur « goût pour la violence » et écrivit à propos de la politique étrangère : « On ne parle pas avec Caliban. » [39] À cette époque, La Rocque pensait que la France devrait « bavarder » avec Hitler. Au demeurant, Michael Mann a montré que parmi les électeurs allemands inscrits en juillet 1932, seuls 16 % de catholiques votèrent pour les nazis, contre environ 38 % de protestants, « différence considérable [40] ». Il est patent que nombre de catholiques européens résistèrent aux sirènes du nazisme ou du fascisme dans les années 1930. Mais ce ne fut pas toujours le cas.

De sorte qu’il importe moins de savoir si La Rocque était ou non « un bon catholique » que de savoir à quelle tendance politique du catholicisme il se rattachait. Michel Winock cite plusieurs circonstances où La Rocque proclame sa fidélité à la légalité, aux principes, aux libertés et aux institutions de la république [41]. Je précise également, dans Fascismes français ?, qu’en 1936, il déclare être « fermement attaché aux libertés républicaines » et rejeter « l’absolutisme hitlérien ». Il affirme en 1937 que la conduite fasciste est « contraire au tempérament français », et être opposé « à toute imitation servile du totalitarisme fasciste » et « férocement hostile à toute imitation des régimes dictatoriaux » [42]. Ces proclamations sont toutefois difficiles à prendre pour argent comptant ; car hormis lorsque La Rocque prend ses distances avec le fascisme hitlérien, ces affirmations sont contredites par d’autres, émises avant 1936 et après 1939. On ne trouve pas trace de son attachement aux libertés républicaines en 1933, lorsqu’il écrit qu’aucune élection ne devra avoir lieu sans une « purification » préalable des commissions gouvernementales et de la presse et que « notre intervention initiale consistera à réduire au silence les fauteurs de troubles » [43]. En juin 1936, il réclame une « réconciliation » qui « éliminerait » les forces nocives de la vie politique française et « proscrirait » ceux dont la vie privée ne se conformerait pas à leurs déclarations publiques [44]. Dans Disciplines d’action (1941), il exige l’« extirpation intégrale des éléments contaminés » de la société française pour laquelle il préconise « une résolution impitoyable ». Il dénonce également la « dégénérescence » française et réclame une « France régénérée » en des termes caractéristiques d’autres fascistes français de l’époque, y compris Pierre Drieu La Rochelle, Robert Brasillach et Bertrand de Jouvenel [45].

La Rocque et la démocratie

Avant 1936, La Rocque ne cachait pas son mépris pour la démocratie politique. Le 5 février 1934, lorsqu’il parle en tant que chef des Croix-de-Feu, organisation alors majoritairement composée d’anciens combattants, il réclame le remplacement du gouvernement Daladier par une équipe « sans aucun politicien quel qu’il soit » et il rejette, par la suite, le gouvernement conservateur mais démocratique de Doumergue comme n’étant qu’« un palliatif sans avenir », « un emplâtre provisoire contre la gangrène » [46]. Dans Service public, édité en 1934 et réédité en 1935, il soutient que les politiciens sont forcément corrompus par l’« électoralisme » et il qualifie les futures élections nationales d’exercice de « décadence collective ». Évoquant le « génie » de Mussolini et précisant que « l’admiration qu’il mérite est indiscutable », il en appelle à une « solidarité continentale » avec l’Italie fasciste. Il affirme également en 1935 qu’afin de concurrencer efficacement l’Allemagne, la France a besoin d’institutions « saines » et d’un peuple « ordonné » [47]. En 1934, La Rocque indique aussi que la France devrait rechercher une entente avec Hitler, ajoutant : « Faudrait-il donc que nous “bavardions” avec les Allemands ? Oui, un million de fois oui. Mais seulement à condition, tout d’abord, d’être maîtres chez nous, d’avoir mis un terme en France aux entreprises révolutionnaires [et] d’avoir mis sur pied une armée de terre, une armée de l’air et une marine solides et bien coordonnées [48]. » En janvier 1936, six mois à peine avant de fonder le parti social français, parti prétendument démocratique, il leur confie que : « La seule idée de briguer un mandat me donne des nausées : c’est une question de tempérament [49]. »

Il serait difficile d’expliquer les contradictions saisissantes dans les écrits de La Rocque en s’appuyant uniquement sur ses déclarations invoquant son engagement en faveur de la démocratie électorale et des libertés républicaines entre 1936 et 1940. En effet, les historiens du consensus ne sont pas tous aussi convaincus que Michel Winock de la sincérité des déclarations démocratiques de La Rocque entre 1936 et 1940. Une des tendances de l’historiographie du consensus de ces dernières années – celles, par exemple, que l’on trouve dans les écrits de Philippe Burrin, Antoine Prost et Robert Paxton – est de considérer La Rocque comme un « conservateur autoritaire », mais non comme un conservateur autoritaire fasciste.

Il est également difficile de croire que les Croix-de-Feu restés dans le mouvement après juillet 1936 aient pu penser qu’il avait vécu une soudaine conversion. Auraient-ils, eux et les nouveaux venus du parti social français, été victimes d’amnésie ? Si l’on considère l’antiparlementarisme qui caractérisait La Rocque avant 1936, les pressions de la crise sociale et économique provoquées par la dépression, la crainte, la colère et l’humiliation ressenties dans les milieux conservateurs suite à l’élection du Front populaire et aux grèves qui s’ensuivirent, si l’on considère, enfin, l’incapacité des modérés à empêcher le Front populaire d’accéder au pouvoir, il semble peu probable qu’un désir accru de modération ait motivé la croissance phénoménale du PSF entre 1936 et 1939. Après tout, si ces « modérés » avaient cherché à soutenir cette tendance, pourquoi ne rejoignaient-ils ou ne restaient-ils pas dans l’un des partis modérés bien établis comme la Fédération nationale, l’Alliance démocratique, le parti démocrate populaire ou, en Alsace, l’Union populaire républicaine ?

Ne faut-il pas plutôt admettre que le Front populaire déplaisait tant à ces « modérés » qu’ils étaient désormais prêts à se rapprocher de ceux qui n’étaient pas « gens de mignardise », « gens de mollesse » ? « Il n’est pas douteux, souligne Sean Kennedy, que les Croix-de-Feu ont attiré un grand nombre de personnes qui apparaissaient comme modérées et éminemment respectables aux yeux de leurs concitoyens. […] Il est cependant important de ne pas oublier que ces modérés sont attirés par les Croix-de-Feu dans une période d’âpre conflit politique […]. » Faisant écho aux sentiments du public, la rhétorique des orateurs locaux ne visait pas uniquement à convertir des individus à un programme. Dans l’Aisne, on parlait aux adhérents éventuels de « la vie intense du groupe », mais on ajoutait aussi que son but était de « reconstruire l’État français en installant une république autoritaire ». À Nantes, un orateur réclama une « France vraie, armée, militarisée, disciplinée » [50]. Selon Sean Kennedy, les rapports de police montrent que non seulement la plupart des membres des Croix-de-Feu sont demeurés fidèles à La Rocque en 1936 (dans le Nord, par exemple, « la police a estimé que l’immense majorité des membres des Croix-de-Feu sont passés au parti social français »), mais que beaucoup d’anciens membres de l’Action française, des Jeunesses patriotes et de Solidarité française ont également rejoint le parti social français, des « gens généralement considérés comme des adversaires acharnés de la Troisième République ». « L’empressement des membres des autres ligues à rejoindre le PSF en 1936-1937 et la concurrence de ce parti avec le PPF dans le recrutement des adhérents, suggère que non seulement les extrémistes étaient toujours les bienvenus au PPF mais qu’on les recherchait activement. » [51] Kennedy conclut que même si tous les membres du parti social français n’étaient pas des « extrémistes » et même si la rhétorique et la tactique du PSF étaient plus démocratiques que celles des Croix-de-Feu : « Les Croix-de-Feu et les PSF étaient fondamentalement identiques [52]. »

Quant à la conversion présumée de La Rocque à la démocratie en 1936, Michel Winock ne mentionne ni la pression qu’il subit début 1936 pour éviter l’interdiction des Croix-de-Feu si le Front populaire prenait le pouvoir (ce qui se produisit effectivement en juin) ni les raisons qu’il donna à ses adhérents pour justifier la nécessité d’entrer dans la vie politique électorale. Dans un communiqué à ses troupes pendant l’hiver 1935-1936 (soit six mois avant la victoire du Front populaire), il indique clairement que sa décision n’a pas grand-chose à voir avec une conversion aux principes de la démocratie. Au contraire, il les assure que l’idée même d’une urne l’« écœure » et qu’il est tout à fait conscient de la « véritable répugnance » qu’éprouvent beaucoup de membres des Croix-de-Feu à l’égard des élections. Il explique ensuite pourquoi, si leur mouvement doit finir par triompher, l’engagement dans l’« électoralisme » si longtemps abhorré par les Croix-de-Feu s’impose. D’abord, dans un pays où les élections revêtaient une « importance incontestable » et où les gens avaient tendance à confondre les groupes qui « fuient » les urnes avec l’« illégalité », il était risqué de ne pas changer de direction. Ne pas le faire serait un manque de réalisme et de vision : « Mépriser le suffrage universel, s’en remettre uniquement à un coup de force romantique pour s’emparer du pouvoir, c’est là une conception qui, dans un grand pays occidental, ne résiste pas à l’examen. Ni Mussolini ni Hitler, en dépit de l’outrance de leur doctrine, ne sont tombés dans cette erreur. […] L’hitlérisme est devenu une force politique prépondérante seulement le jour où, en [1930], il a fait entrer cent sept des siens au Reichstag. » [53]

L’idée que l’esprit des Croix-de-Feu survivait au parti social français fut ultérieurement défendue par le slogan de ce dernier : « Le parti social français égale les Croix-de-Feu plus la politique électorale [54]. » Avec le début du régime de Vichy, La Rocque rebaptise une nouvelle fois son mouvement en lui donnant un nouveau slogan : « Progrès social français égale parti social français sans la politique électorale. » Dans Disciplines d’action (1941), il se remet à dénoncer la démocratie avec le même fiel qu’auparavant, en suggérant diverses solutions autoritaires au « problème des masses [55] ». Comme l’a fait observer Philippe Machefer, c’était un « véritable retour aux sources [56] ». La Rocque était redevenu le même qu’avant 1936, si tant était qu’il avait jamais changé.

Même dans les années 1930, les positions de La Rocque sur la réforme constitutionnelle ne sont pas aussi anodines que le suggère Michel Winock, étant étonnamment semblables, dans leurs principes et dans leurs buts, à la « réforme de l’État » proposée en 1933 par Solidarité française. François Coty aurait certainement été d’accord avec la proposition de La Rocque de 1934, selon laquelle l’exécutif gouvernemental ne devait pas être « envahi » par le législatif et qu’il fallait donner au « chef de la nation » la « rude autorité » pour remplir ses fonctions. En novembre 1935, La Rocque appelle à reconstruire un État qui servirait ses citoyens « sans être esclave de leurs caprices » [57]. De même, l’argument de Michel Winock d’après lequel La Rocque était, « contrairement aux fascistes », un « partisan de la liberté de l’enseignement » doit être révoqué en doute. Si le parti social français a bien défendu les écoles catholiques contre le « monopole laïc » en 1936, il a également rejeté le principe de la « neutralité » de l’enseignement, pensant que l’État devait « interdire » tout sujet d’étude pouvant nuire à la santé de la nation [58].

La question de la violence

Michel Winock affirme que La Rocque ne saurait être tenu pour fasciste en raison de son opposition à la violence politique (sauf pour défendre la société « en cas de tentative de révolution communiste »). Il remarque, par exemple, que dans l’affaire de Clichy, un groupe de partisans de La Rocque furent les victimes et non les auteurs de violences, en l’occurrence de la violence d’une foule de communistes et de socialistes en colère. Les victimes « n’avaient à aucun moment participé à l’affrontement sanglant [59] ». Ce compte rendu oublie cependant de préciser que la police dut protéger les partisans de La Rocque pour leur éviter d’être écharpés parce que ceux-ci s’étaient retrouvés en nombre inférieur. La Rocque et ses adhérents se montraient bien moins « scrupuleux » dans les situations où ils avaient l’avantage du nombre. Si La Rocque affirme en juillet 1936 « j’ai toujours été opposé à la provocation comme à la violence : mes écrits, mes paroles, mes actes l’attestent », il s’agit d’une contrevérité [60]. n novembre 1931, un de ses premiers actes publics en tant que nouveau chef des Croix-de-Feu avait consisté à inciter plus d’un millier de ses militants à perturber un congrès pacifiste au Trocadéro, provoquant un tel chaos que la police, appelée, fit évacuer la salle. Entre 1931 et 1933, les militants des Croix-de-Feu, avec l’approbation de La Rocque, troublèrent plusieurs réunions pacifistes. Selon Sean Kennedy, en novembre 1933, après l’attaque par les Croix-de-Feu d’une réunion d’objecteurs de conscience à Laon, le 29 octobre, « La Rocque remarqua que cette action, ainsi que de “nombreuses” autres dans l’histoire de l’association, montrait comment une force préparée et disciplinée – qu’elle soit “préventive” ou “curative” – pouvait, grâce à l’avantage de la surprise, dominer un ennemi supérieur en nombre [61] ».

Pendant les émeutes de février 1934, les Croix-de-Feu furent en effet beaucoup moins violents que l’Action française, les Jeunesses patriotes et Solidarité française, mais ceci n’empêcha pas La Rocque de se vanter le lendemain que les Croix-de-Feu avaient encerclé la Chambre des députés et « forcé les députés à fuir [62] ». Même le 4 octobre 1936, soit trois mois après la création du parti social français, La Rocque envoie de quinze à vingt mille militants du PSF perturber un rassemblement communiste au parc des Princes où ils affrontent quelque vingt mille policiers et gardes mobiles et jettent des pierres sur les autobus transportant les militants de gauche vers le stade. Trente policiers, ainsi qu’un nombre ignoré de manifestants du PSF, furent blessés. Un mois plus tard, La Rocque salue l’événement comme une « levée en masse », qui a bloqué l’« arrivée au pouvoir d’un complot communiste ». Le gouvernement Blum répliqua en menaçant d’interdire le Parti. La police ayant effectué une descente au siège parisien du PSF et perquisitionné le domicile de cinquante de ses dirigeants, y compris celui de La Rocque, celui-ci exhorta alors ses troupes à cesser toute violence. Le PSF, poursuit Sean Kennedy, commit des épisodes postérieurs de violence, mais aucun n’atteint l’ampleur prise par l’affaire du parc des Princes [63].

Michel Winock est sur un terrain plus ferme lorsqu’il compare la violence des Croix-de-Feu/PSF à celle beaucoup plus répandue que les chemises noires de Mussolini exercèrent contre les hommes de gauche dans la vallée du Pô et ailleurs dans les années 1920-1921 (« une véritable conquête territoriale ») et à l’utilisation par Hitler des SA comme « instrument de terreur » sous la république de Weimar – même si, comme Bernd Weisbrod l’a noté, « les SA n’ont presque jamais osé pénétrer dans les quartiers de classes ouvrières hostiles sans une forme de protection ou une autre par la police » [64]. Cette distinction n’est pas sans importance, mais elle omet les risques plus considérables auxquels se serait exposé La Rocque s’il avait opté pour plus de violence. Après la répression policière qui suivit l’affaire du parc des Princes, il avait de bonnes raisons pour être plus prudent. N’oublions pas également que les chefs fascistes français précédents avaient également mis leurs troupes en garde contre le « piège » donnant au gouvernement l’excuse dont il avait besoin pour les interdire s’ils encourageaient la violence de rue, le genre de violence que Georges Valois considérait en 1925 comme « puérile et contre-productive ». Selon Sean Kennedy, « personne n’a soutenu que le Faisceau était en quelque sorte non fasciste parce que George Valois trouvait la bagarre contre-productive » [65]. Personne n’a affirmé non plus que le Faisceau n’était pas fasciste, parce qu’il avait moins recours à la violence que le parti social français.

Pour ce qui est de Pozzo di Borgo et de ses partisans, Michel Winock parle d’« une imprégnation fasciste » subie par les Croix-de-Feu avant 1936, mais il soutient, comme d’autres tenants de la thèse du consensus, que l’abandon du mouvement par ce groupe en 1936 ne fait que prouver l’attachement de La Rocque à la démocratie et au légalisme [66]. Ce raisonnement ne tient pas compte du fait que di Borgo avait été vice-président des Croix-de-Feu avant 1936 : si di Borgo était « fasciste » et La Rocque ne l’était pas, pourquoi di Borgo avait-il pu exercer jusque-là une fonction aussi élevée au sein des Croix-de-Feu ? En réalité, les raisons de la rupture de di Borgio avec La Rocque en 1936 sont beaucoup plus tactiques qu’idéologiques. La Rocque s’était rendu compte que l’élection du Front populaire et les grèves massives qui suivirent rendaient un coup d’État paramilitaire irréaliste. En février 1937, La Rocque revint sur ce point devant ses partisans : « Comprenez-vous aujourd’hui que si je vous avais ordonné en juin de descendre dans la rue, vous auriez été écrasés [67] ? » En 1941, il ajoute : « Nous aurions eu à supporter le double choc de foules grisées par la démagogie et de la force publique aux ordres gouvernementaux : la victoire des “rouges” était certaine [68]. » Il s’agissait donc d’une défense du réalisme paramilitaire et non de la légalité républicaine. Ne pas souhaiter commettre un suicide politique ne constitue pas un certificat de non-fascisme. Comme l’a montré l’historien britannique Ian Kershaw, même Hitler, pour éviter d’offrir au gouvernement une excuse pour interdire son mouvement pour la deuxième fois, procéda en 1931 à l’exclusion de quelque cinq cents SA qui parlaient ouvertement de renverser par la force la république de Weimar. Ce discours allait à l’encontre de l’« engagement en faveur de la légalité » précédemment souscrit en public et sous serment. Hitler « mit en garde contre les “provocateurs” au sein de son propre mouvement : ils fournissaient au gouvernement une justification pour “persécuter” le Parti [69] ».

La Rocque ne refusa pas de rejoindre le Front de la liberté en 1937 en raison d’insurmontables différences idéologiques le séparant de Doriot (les programmes du PSF et du PPF étaient pratiquement identiques) ou parce que Doriot prônait davantage la « liberté de parole ». Selon les rapports de police, c’est au contraire parce que leurs mouvements avaient beaucoup en commun que La Rocque redoutait de voir Doriot lui « voler » ses troupes si celles-ci s’alliaient, d’où le slogan du parti social français à l’époque : « On n’annexe pas les Croix-de-Feu, on les suit [70]. »

Réconciliation ?

Michel Winock souligne que La Rocque croyait – apparemment à la différence des fascistes – non à la lutte, mais à la réconciliation des classes, citant la remarque de Gabriel Marcel en 1938 selon laquelle le parti social français cherchait à créer un « climat spirituel d’amitié » en France. Mais Georges Valois en 1925 et Jacques Doriot en 1936 ont également proclamé qu’ils étaient des partisans de la réconciliation des classes, de même que la plupart des fascistes dans l’ensemble de l’Europe d’alors (même si leur rhétorique ne correspondait pas à leurs actes). Lorsqu’il s’agit de répondre à la « main tendue » du Front populaire, La Rocque se montra plus farouche que conciliant. En 1941, il associera le Front populaire à la « dégénérescence », déplorant la lenteur du procès de Riom et accusant Blum et Daladier de trahison. Il écrira, en 1941, que « le culte de la raison » et « les excès de l’humanitarisme » figuraient parmi les causes de la décadence française. « La glorification de l’égalité conduit à la haine des classes [71]. » Cette approche de la « réconciliation » était pour le moins fort sélective.

La Rocque ne se montre guère plus conciliant dans Le Flambeau du 16 mars 1941, lorsqu’il réclame l’« élimination des éléments étrangers non assimilables ou non assimilés » de la société française ou, le 8 juin 1941, lorsqu’il félicite Pétain de ses efforts dans cette voie : « Une malodorante nuée de métèques et de politiciens a été salutairement balayée de notre territoire, de nos affaires publiques. » Toujours dans Le Flambeau du 27 avril 1941, il compare les francs-maçons à un « bacille ». C’est dans ce contexte qu’il exhorte Vichy à entreprendre avec « une résolution impitoyable » « l’extirpation intégrale des éléments contaminés » de la société française [72]. Comme d’autres fascistes français de l’époque, La Rocque encouragea « un climat spirituel d’amitié » en France, de pair avec une démonologie punitive [73].

Michel Winock exonère également La Rocque de l’accusation de fascisme en affirmant que « la volonté fasciste de créer l’homme nouveau a pris d’emblée un caractère belliciste », que l’« esprit de conquête » de l’homme nouveau devait s’accomplir par des conquêtes coloniales et que « la France, victorieuse en 1918, et forte d’un empire colonial, n’avait, répétons-le, plus d’ambition territoriale » [74]. Mais n’existait-il aucun autre exutoire à l’esprit de conquête ? Pour le mouvement de La Rocque, comme pour les fascismes italien et allemand, il y avait également des ennemis intérieurs à conquérir : communistes, socialistes, francs-maçons et conservateurs « décadents ». C’est précisément à écraser de tels ennemis que les chemises noires de Mussolini et les chemises brunes de Hitler, les premiers spécimens de l’« homme nouveau », avaient consacré le plus clair de leur caractère belliciste avant 1935. Calqué sur le modèle des anciens combattants décorés de la première guerre mondiale, l’« homme nouveau » de La Rocque, un homme qui incarnait l’« esprit des Croix-de-Feu », un esprit martial, devait encore supprimer le Front populaire. Au surplus, La Rocque signale en juillet 1941 qu’il reste une bataille coloniale à livrer en Syrie : « Nos soldats, nos aviateurs et nos marins du Levant viennent d’écrire avec leur sang la préface de notre résurrection nationale [75]. »

Michel Winock s’oppose catégoriquement à ce que j’applique à La Rocque le terme « hitlérien ». J’y ai effectivement eu recours une fois, quand je rappelle que le colonel exige une obéissance aveugle de ses troupes, notamment lors de leurs entraînements de « mobilisation » paramilitaire en 1935. Ce que Winock oublie de mentionner, c’est que, tout au long de mon ouvrage, j’associe bien davantage le La Rocque des années 1930 au fascisme italien qu’au nazisme. Je précise d’ailleurs que s’il fait l’éloge de Mussolini dans les années 1930, il a bien soin, du moins avant 1941, de prendre ses distances avec Hitler [76]...

Michel Winock discrédite l’idée que le mouvement de La Rocque était fasciste en soutenant que cette notion même constituait une ruse du Front populaire pour unir les communistes, les socialistes et les radicaux précédemment divisés. Mais l’un n’exclut pas l’autre et il est tout à fait possible que cette notion ait simultanément servi d’instrument et correspondu à la vérité, moyen d’unir les partis de gauche et proclamation véridique.

La collaboration continentale

En conclusion, je suis heureux de pouvoir répondre dans les pages de Vingtième Siècle. Revue d’histoire à Michel Winock qui affirme que j’aurais « inventé » que La Rocque a soutenu « la collaboration continentale » avec les Allemands en 1941 (Jacques Nobécourt parle à ce sujet d’« imputation dont il est aisé de vérifier l’inanité »), puisque la phrase dans laquelle le colonel emploie cette expression ne contient pas « avec les Allemands ». J’ai effectivement ajouté ces trois mots. La phrase en question est tirée de Disciplines d’action (juillet 1941) publié six mois avant l’entrée en guerre des États-Unis. Elle se rapporte au commentaire de La Rocque selon lequel la renaissance de la France exigerait un « appareil militaire fondé sur la doctrine d’unité nationale et de collaboration continentale ainsi que sur la conception d’un équilibre intercontinental [77] ». Michel Winock et Jacques Nobécourt soutiennent que La Rocque ne se référait pas à une collaboration continentale avec l’Allemagne nazie d’alors mais à la France d’après sa « renaissance » dans une Europe d’après-guerre excluant vraisemblablement l’Allemagne nazie comme partenaire. Cette prédiction aurait pu avoir un sens en 1945, mais elle n’en aurait guère eu pour beaucoup d’Européens en juillet 1941, moment où nombre d’experts militaires pensaient que l’Allemagne allait remporter la guerre contre une Grande-Bretagne assiégée.

La Rocque évoquait effectivement la future renaissance de la France après la guerre, mais il est clair qu’il était ouvert à une collaboration avec l’Allemagne nazie tant que la France serait une associée traitée d’égal à égal. Il écrivit qu’« une “collaboration” entre deux grands peuples comme le peuple français et le peuple allemand serait dérisoire pour les deux intéressés, mortelle pour notre nation vaincue, si elle représentait une expérience de fortune », mais que « nos anciens écrits nous donnent licence d’affirmer ici la certitude que cette collaboration est susceptible d’enrichissements réciproques. Les résultats obtenus par la paysannerie nationale-socialiste ne sont-ils pas de nature à nous inspirer, suivant les voies propres à nos traditions et à notre tempérament, les moyens de mettre en pratique chez nous les doctrines de Le Play […] et de La Tour du Pin ? La théorie des “familles-souches qui ont leur tige en terre” conduit à des conclusions non lointaines des conclusions présentées par Walter Darré, ministre de l’Agriculture du Reich. On pourrait citer d’autres exemples [78] ».

En 1941, La Rocque salua également « l’ardente vitalité des régimes fasciste et hitlérien » dont le système éducatif combinait les études et l’athlétisme et dont la jeunesse préférait faire ses preuves par l’action plutôt « que par des examens » [79]. À une époque où le parti social français n’exprime qu’amertume envers l’Angleterre, un article du Flambeau du 17 décembre 1941 compare le projet d’invasion de l’Angleterre par Hitler à celui de Napoléon.

La Rocque a également exprimé, dans Disciplines d’action, son admiration de longue date pour l’Italie fasciste. Dans une section du livre intitulé « L’Europe de demain », il loue la défense par Mussolini de « l’égoïsme sacré » de son pays, le jugeant légitime pour « un État vivant et fort » [80]. En outre, il se réfère à un article écrit en 1935 au nom de « la solidarité continentale » avec l’Italie, alors qu’il ne nourrit aucune sympathie de ce genre envers l’Angleterre non continentale dont il dénonce le « faux humanitarisme » et la trahison à « Mers-el-Kébir, Dakar, Gibraltar » [81]. Il accuse également de Gaulle d’« abandon de poste » et affirme que les gaullistes sont les alliés des communistes « depuis le début ». « Nous ne voulons pas d’une “France libre” qui serait un dominion. Nous ne voulons pas d’une France asservie [82]. » Si ajouter « avec les Allemands » à la phrase de La Rocque en 1941 au sujet de la collaboration continentale est une « invention », qu’en serait-il d’ajouter « avec les Anglais » ? Ce n’est qu’une fois persuadé que l’Allemagne nazie n’avait aucun intérêt à traiter la France sur un pied d’égalité que La Rocque a monté son propre réseau de résistance et pris contact avec les services secrets britanniques. L’entrée en guerre des États-Unis après Pearl Harbor a pu, également, influencer sa décision.

L’aversion de La Rocque pour l’Angleterre démocratique en juillet 1941 coïncide également avec ses attaques contre les principes démocratiques de l’époque en général. Déclarant son « aversion à l’égard des mandats électifs », il déplore que l’excès de l’usage fait auparavant du terme « démocratie » ait créé de « regrettables malentendus à Rome, à Madrid et ailleurs » et il rappelle à ses lecteurs qu’il a mis en garde en 1936, avant l’arrivée du Front populaire au pouvoir, contre « la prochaine manifestation de notre suffrage universel » qui pourrait causer un « naufrage ». Il se lamente sur l’« affreuse année 1936 » qui a déclenché une « guerre civile » en France et il critique amèrement la « décadence » des institutions et des mœurs françaises qui a culminé avec le Front populaire. Non seulement « vingt années de dégénérescence » étaient responsables de cette situation mais l’origine de cette dégénérescence remontait à « l’époque des Encyclopédistes » [83]. On chercherait en vain son « ferme » attachement d’antan aux libertés républicaines lorsqu’au nom de « l’harmonie française » sous Pétain, La Roque écrit que « nulle dissidence ne serait légitime, supportable » [84]. Ce ne sont sûrement pas des convictions démocratiques qu’exprime La Rocque dans Le Flambeau du 16 mars 1941, lorsqu’il appelle de ses vœux « une République autoritaire, hiérarchique, décentralisée » et qu’il déclare le 20 avril dans le même journal (malgré l’expression antérieure de son penchant en faveur de la décentralisation) : « La volonté de l’État doit s’imposer à tous en vue de l’intérêt commun. » Disciplines d’action n’était ni une recette pour une Europe antifasciste d’après-guerre ni pour une France antifasciste d’après-guerre.

Plus d’un historien du consensus a suggéré que le débat sur le fascisme français, ayant fait long feu, devrait être clos. Mais faut-il le faire sans avoir accordé plus d’attention à la recherche des divers chercheurs « anglo-saxons » sur les fascismes français et les autres fascismes européens dont les résultats contredisent certaines thèses du consensus [85] ? Ne faudrait-il pas, en effet, prendre en considération le conseil de Jean-Paul Thomas : « Plutôt que de concepts, il s’agit de faits à approfondir », même si l’accent porté par les participants au débat sur certains faits plutôt que sur d’autres continue à les séparer ? L’article de Michel Winock représente un événement important dans le débat sur le fascisme français, semblable dans ses objectifs à l’article de Serge Berstein critiquant Ni droite ni gauche (1984) de Zeev Sternhell, mais ni l’article de Michel Winock ni ma réplique ne devraient constituer le dernier mot sur la question.

(traduit de l’américain par Francine Chase et Loïc Thommeret)


Notes

Notes [1]

Michel Winock, « Retour sur le fascisme français. La Rocque et les Croix-de-Feu », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 90, avril-juin 2006, p. 3-27 ; Robert Soucy, Fascismes français ? 1933-1939. Mouvements antidémocratiques, préf. d’Antoine Prost, Paris, Autrement, 2004. [2]

Mentionnons, parmi ceux qui ont directement remis en cause certaines suppositions du consensus, William Irvine, John Hellman, Sam Goodfellow, Sean Kennedy, Zeev Sternhell, Paul Mazgaj, Brian Jenkins, et Robert Soucy. René Rémond, Philippe Machefer, Serge Berstein, Pierre Milza, Jacques Nobécourt, Philippe Burrin, Antoine Prost, Julian Jackson, Stanley Payne, Robert Paxton, Albert Kechichian et Michel Winock représentent à l’inverse les principaux porte-parole du consensus. [3]

René Rémond, « Y a-t-il un fascisme français ? », Terre humaine, 7-8, juillet-août 1952, p. 37-47. [4]

Robert Soucy, « Fascism in France : “Problematizing the Immunity Thesis” », in Brian Jenkins (dir.), France in the Era of Fascism : Essays on the Authoritarian Right, New York, Berghahn Books, 2005, p. 65-104. [5]

Jean-Paul Thomas, « Fascisme français : faut-il rouvrir un débat ? », in Guillaume Piketty et alii, Un professeur en République. Mélanges en l’honneur de Serge Berstein, Paris, Fayard, 2006, p. 297 ; Jean-Paul Thomas, « Comptes rendus », Revue historique, 907, octobre 2004. [6]

Michel Winock, op. cit., p. 14. [7]

Robert Soucy, Fascismes français ?…, op. cit., p. 226-230, 234. [8]

Robert Soucy, « Fascism in France… », op. cit., p. 68, 94. [9]

Non seulement les gouvernements clérico-fascistes de Kurt von Schuschnigg et d’Engelbert Dollfus en Autriche n’étaient pas antisémites avant que les nazis autrichiens ne les renversent mais, dans une étude récente des fascistes européens, Michael Mann a conclu que « seule une poignée de chefs nazis est venue au nazisme par antisémitisme et que beaucoup de nazis ont été profondément troublés par la violence des SA et les lois antijuives au cours des années 1930 ». (Stanley Payne, History of Fascism 1914-1945, Madison, University of Wisconsin Press, 1995, p. 250 ; Michael Mann, Fascists, Cambridge, Cambridge University Press, 2004, p. 184, 185, 229) [10]

Georges Valois avait également procédé, dans Le Fascisme (1927), à cette distinction lui permettant d’être antisémite envers les juifs « indésirables » et anti-antisémite envers ceux qui étaient acceptables. Voir Robert Soucy, Le Fascisme français 1924-1933, Paris, PUF, 1989, p. 239-240. Même Jacques Doriot déclara en novembre 1936 : « Notre parti n’est pas antisémite. C’est un grand parti national qui a mieux à faire que se battre contre les Juifs. » Bien entendu, il revint par la suite sur cette déclaration. (Cité dans Robert Soucy, Fascismes français ?…, op. cit., p. 385) [11]

Le Petit journal, 7 avril 1938, rééd. 5 octobre 1940. [12]

Ibid., 5 octobre 1940. [13]

Cité dans Robert Soucy, « Fascism in France… », op. cit., p. 68. [14]

Donna F. Ryan, The Holocaust and the Jews of Marseille, Chicago, University of Illinois Press, 1996, p. 199. [15]

Richard Millman, « Les Croix-de-Feu et l’antisémitisme », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 38, avril-juin 1993, p. 47-61, p. 60 ; Charles-Robert Ageron, « Une émeute antijuive à Constantine », Revue de l’Occident musulman et de la Méditerranée, 13-14, 1er sem. 1973, p. 23-40 ; voir également Charles-Robert Ageron, Histoire de l’Algérie contemporaine, Paris, PUF, 1979, t. II, p. 369, 374, 426. (Je suis reconnaissant à Richard Millman de m’avoir indiqué les écrits de Charles-Robert Ageron.) Même en 1934 la position de La Rocque sur la « question juive » ne devait pas empêcher le très antisémite partisan de l’Action française et des Jeunesses patriotes Louis Darquier de Pellepoix, futur commissaire aux questions juives de Vichy, d’adhérer aux Croix-de-Feu après les émeutes du 6 Février. Son biographe précise que, dans les années 1930, « cela n’avait rien d’inhabituel pour un homme comme Darquier d’adhérer à la fois à l’Action française et à ses rivales » (Carmen Callil, Bad Faith : A Forgotten History of Family. Fatherland and Vichy France, New York, Knopf, 2006, p. 102-103, 110, 114, 435-437). [16]

Michel Winock, op. cit., p. 9. [17]

Ibid., p. 8, 20, 23, 27. [18]

Robert Soucy, « Fascism in France… », op. cit., p. 92. [19]

Robert Soucy, « Fascism in France… », op. cit., p. 92 ; Robert Soucy, Fascismes français ?…, op. cit., p. 195-205, 435, 454. [20]

Cité dans Robert Soucy, Fascismes français ?…, op. cit., p. 72. [21]

Cité dans ibid., p. 440, 263. [22]

Le Flambeau, 15 et 29 juin 1941. [23]

Brian Jenkins, « The 6 Février 1934 and the “Survival” of the French Republic », French History, 20, septembre 2006, p. 351. [24]

Sean Kennedy, « Reconciling the Nation Against Democracy : The Croix-de-Feu and the Parti Social Français, 1927-1945 », thèse de doctorat d’histoire, York University, 1998, p. 211-213. Voir également Zeev Sternhell, Ni droite ni gauche, Bruxelles, Complexe, 2000, p. 92. [25]

Alexander De Grand, Italian Fascism : Its Origins and Development, Lincoln, University of Nebraska Press, 2000, p. 71-72, 73, 77-78, 84, 90, 109, 148-152 ; Michael Mann, op. cit., p. 14. [26]

Robert Soucy, Le Fascisme français…, op. cit., p. 142, 261-263. [27]

Alexandre De Grand, op. cit., p. 30, 31, 35, 43-51, 58-77, 81-83 ; Michael Kater, The Nazi Party, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1983 ; Richard Bessel (dir.), Fascist Italy and Nazi Germany, Cambridge, Cambridge University Press, 1998, p. 1-77 ; Michael Mann, op. cit., p. 43, 79. Sur le conservatisme social de Solidarité française et du parti populaire français, voir Robert Soucy, Fascismes français ?…, op. cit., p. 142-148, 303-309, 347-352, 358-373. Quant au « socialiste » national Georges Valois, il déclare dans Le Fascisme (1926) que la bourgeoisie a pour tâche principale d’« amasser la richesse » et que la principale mission des chemises bleues du Faisceau était de « veiller à sa conservation ». En 1935, il ajouta : « Les hommes de droite accepteront la nécessité de parler le langage de la gauche, mais uniquement pour éviter cela [le succès de la gauche]. » (Cité dans Robert Soucy, Le Fascisme français…, op. cit., p. 232, 269) Par ailleurs, le père de Jean Boissonnat peut constituer un bon exemple de quelques ouvriers des années 1930 que leur appartenance à l’« aristocratie ouvrière » conjointe au nationalisme et à une aversion pour la laïcité du parti radical, a amené à soutenir les Croix-de-Feu/PSF (Jean Boissonnat, « Mon père était Croix-de-Feu », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 90, avril-juin 2006, p. 29-31). Pour ce type d’ouvriers au PSF, voir Robert Soucy, Fascismes français ?…, op. cit., p. 197-198. [28]

Michael Mann, op. cit., p. 75, 77, 83, 91, 257, 236, 238, 17, 365, 1, 364. [29]

Ibid., p. 3, 79, 89, 220, 222, 254 ; Bernd Weisbrod, « The Crisis of Bourgeois Society in Interwar Germany », in Richard Bessel (dir.), op. cit., p. 25-34. Comme l’a noté l’historien canadien Michael Kater, l’intégration de jeunes aristocrates prussiens dans la direction du parti nazi (où ils finirent par être surreprésentés) s’effectua sans grand conflit avec leurs prédécesseurs qui étaient souvent d’origine populaire. « Il y avait trop d’éléments de compromis, de fusion et d’absorption. Ne serait-ce que sur le plan de la composition sociale, les deux groupes se recoupaient et s’imbriquaient à un point tel qu’ils étaient plus proches de la collusion que de la collision. Les limites étaient souvent si floues que personne ne savait quels étaient ceux qui avaient retourné leur veste. » (Michael Kater, The Nazi Party : A Social Profile of its Members and Leaders 1919-1945, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1983, p. 232-233). [30]

Robert Soucy, « Fascism in France… », op. cit., p. 89-90. [31]

Michel Winock, op. cit., p. 9, 25. [32]

Michael Mann, op. cit., p. 126. [33]

Ibid., p. 229, 84-85. [34]

Paul Mazgaj, « Engagement and the French Nationalist Right : The Case of the Jeune Droite », European History Quarterly, 32 (2), 2002, p. 207-232. [35]

John Hellman, The Communitarian Third Way : Alexandre Marc and Ordre Nouveau 1930-2000, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2002, p. 189, 195, 199, 188, 146, 106. Voir également John Hellman, Emmanuel Mounier and the New Catholic Left 1930-1950, Toronto, Toronto University Press, 1979 ; et id., Knight-Monks of Vichy France : Uriage 1940-1945, Montréal, McGill-Queens University Press, 1993. [36]

Stanley Payne, op. cit., p. 112, 261-262, 341, 343-346, 348, 405, 408-410 ; S. J. Woolf (dir.), European Fascism, Madison, University of Wisconsin Press, 1968, p. 89-95, 99, 101-102, 105, 108, 110, 115-116, 152, 154-158, 180, 183, 294, 296, 298-299, 315, 317. [37]

Michel Winock, op. cit., p. 23. [38]

Alexander De Grand, Fascist Italy and Nazi Germany : The Fascist Style of Rule, Londres, Routledge, 1995, p. 56. [39]

Robert Soucy, « French Press Reactions to Hitler’s First Two Years in Power », Contemporary European History, 7, mars 1998, p. 27-28, 33-34. [40]

Michael Mann, op. cit., p. 186. [41]

Cité dans Michel Winock, op. cit., p. 8, 11, 14, 23. [42]

Robert Soucy, Fascismes français ?…, op. cit., p. 209. [43]

Cité dans Robert Soucy, « Fascism in France… », op. cit., p. 80. [44]

Cité dans ibid. [45]

Colonel de La Rocque, Disciplines d’action, Clermont-Ferrand, Éd. du Petit Journal, juillet 1941, p. 146, 16, 53, 58, 86-87, 50, 94-95. Pour d’autres auteurs fascistes français sur la « décadence », voir Robert Soucy, Fascismes français ?…, op. cit., p. 389-424. [46]

Cité dans Robert Soucy, Fascismes français ?…, op. cit., p. 66, 68. [47]

Cité dans Robert Soucy, « Fascism in France… », op. cit., p. 72. [48]

Cité dans Robert Soucy, Fascismes français ?…, op. cit., p. 211. [49]

Robert Soucy, « Fascism in France… », op. cit., p. 96, n. 42. [50]

Cité dans ibid., p. 74. [51]

Cité dans ibid., p. 75. [52]

Cité dans ibid. [53]

Archives nationales (AN) 451 AP 129, 2 janvier 1936, « Les Croix-de-Feu devant le problème des élections ». [54]

Cité dans Robert Soucy, Fascismes français ?…, op. cit., p. 174. [55]

Colonel de La Rocque, op. cit., p. 126-140, cité dans ibid., p. 185. [56]

Philippe Machefer, « Sur quelques aspects des activités du colonel de La Rocque et du Progrès social français pendant la seconde guerre mondiale », Revue d’histoire de la deuxième guerre mondiale, 58, avril 1965, p. 38-39. [57]

Voir Robert Soucy, Fascismes français ?…, op. cit., p. 136-138, 140-142, 238-239. Mais, bien entendu, ni l’un ni l’autre ne pouvaient être aussi autoritaires que les fascistes des autres pays après leur arrivée au pouvoir – et même avec le second, la prise des pleins pouvoirs s’effectua par étapes progressives et à la suite de duplicités. Comme l’a précisé l’historien américain Charles Maier, avant le coup d’État fasciste en Italie, Mussolini affirmait que le fascisme signifiait la fin de l’étatisme et, en 1923, le Duce indiqua qu’il ne souhaitait pas saborder le Parlement mais le renforcer. (Charles Maier, Recasting Bourgeois Europe, Princeton, Princeton University Press, 1975, p. 341-348 ; cité également dans Robert Soucy, Fascismes français ?…, op. cit., p. 53-54) [58]

Robert Soucy, Fascismes français ?…, op. cit., p. 289. [59]

Michel Winock, op. cit., p. 7. [60]

Cité dans Robert Soucy, Fascismes français ?…, op. cit., p. 443. [61]

Cité dans Sean Kennedy, op. cit., p. 227. À ce jour, la thèse de doctorat de Sean Kennedy est l’étude américaine la plus complète sur les Croix-de-Feu/PSF. [62]

Cité dans Robert Soucy, Fascismes français ?…, op. cit., p. 68. [63]

Voir Robert Soucy, « Fascism in France… », op. cit., p. 78. [64]

Michel Winock, op. cit., p. 6 ; Bernd Weisbrod cité dans Robert Soucy, « Fascism in France… », op. cit., p. 79. [65]

Cité dans Robert Soucy, « Fascism in France… », op. cit., p. 80. [66]

Michel Winock, op. cit., p. 25-26. [67]

AN F7 12966, 20 février 1937. [68]

Colonel de La Rocque, op. cit., p. 29-30. [69]

Ian Kershaw, Hitler 1889-1936, New York, W. W. Norton, 1998, p. 349-350. [70]

Robert Soucy, Fascismes français ?…, op. cit., p. 182. [71]

Colonel de La Rocque, op. cit., p. 88. [72]

Ibid., p. 146. [73]

Robert Soucy, « Functional Hating : French Fascist Demonology Between the Wars », Contemporary French Civilization, 23 (2), été-automne 1999, p. 158-176. [74]

Michel Winock, op. cit., p. 21. [75]

Colonel de La Rocque, op. cit., p. 85. [76]

Peut-être aurais-je dû utiliser le terme de « mussolinienne », au lieu d’« hitlérienne », pour qualifier l’insistance de La Rocque sur l’obéissance absolue. Mais en pratique, le Duce « totalitaire » n’exigeait pas toujours, comme l’a montré Alexandre De Grand, l’obéissance totale de ses squadristi pendant les premières années de son mouvement. De même, il se montra, pendant les premières ainsi que les dernières années, bien plus « totalitaire » envers la gauche que la droite. (Alexandre De Grand, op. cit., p. 20, 71-73, 78). De toute façon, il n’y avait pas grand-chose de démocratique, de légaliste ou de républicain dans l’insistance des Croix-de-Feu sur l’obéissance absolue à son « chef ». [77]

Colonel de La Rocque, op. cit., p. 88-89. [78]

Colonel de La Rocque, op. cit., p. 155-156. [79]

Ibid., p. 118. [80]

Ibid., p. 78. [81]

Ibid., p. 79, 85. [82]

Cité dans Philippe Machefer, op. cit., p. 48, 85. [83]

Colonel de La Rocque, op. cit., p. 15, 127, 58, 31, 29, 145, 105, 16, 55-56, 86-87. [84]

Ibid., p. 134. [85]

Voir notamment les travaux de certains chercheurs « anglo-saxons » mentionnés dans cet article : Michael Mann, Ian Kershaw, S. J. Woolf, Michael Kater, Alexandre De Grand, Charles Maier, Donna Ryan, William Irvine, John Hellman, Sam Goodfellow, Brian Jenkins, Sean Kennedy et Paul Mazgaj. [*]

Professeur émérite d’histoire à Oberlin College, Robert Soucy a notamment publié Fascism in France : The Case of Maurice Barrès (University of California Press, 1972), Fascist Intellectual : Drieu La Rochelle (University of California Press, 1979), Le Fascisme français 1924-1933 (PUF, 1986), Fascismes français ? 1933-1939 : mouvements antidémocratiques (Autrement, 2004). (bobsoucy@ earthlink. net) Résumé

Français

Cet article s’intègre au débat sur l’étendue du fascisme dans les années 1930 en France. Robert Soucy présente des arguments qui s’opposent à la thèse de Michel Winock selon laquelle les Croix-de-Feu/parti social français ne fut pas fasciste du fait de la position du colonel de La Rocque sur des sujets tels que l’antisémitisme, le catholicisme, la démocratie, la réconciliation, la légalité, la violence, la collaboration. Robert Soucy cite aussi les écrits de plusieurs historiens « anglo-saxons » qui entendent récuser certaines positions de Michel Winock quant au fascisme européen. Il incite les chercheurs français à ne pas négliger les résultats de recherche d’historiens américains, britanniques et canadiens. Alors que dans sa propre définition du fascisme, Robert Soucy reconnaît sa « fluidité » et « fusion », il entend décrire la variété du fascisme du colonel de La Rocque comme plus proche du fascisme italien que du nazisme – malgré, selon Soucy, l’éloge de ce dernier auquel le colonel procéda, sur certains points, en 1941.

Mots-clés

fascisme français Croix-de-Feu parti social français colonel de La Rocque antisémitisme

English

This article integrates the debate over the extent of fascism in the 1930s in France. Robert Soucy presents arguments against Michel Winock’s thesis that the Croix-de-Feu/parti social français was not fascist because of Colonel de La Rocque’s position on such subjects as anti-Semitism, Catholicism, democracy, conciliation, legality, violence and collaboration. Robert Soucy also cites the writings of several “Anglo-Saxon” historians who intend to make objection to a number of Michel Winock’s assumptions about European fascism. He encourages French scholars not to neglect the research findings of American, British and Canadian historians. While in his own definition of fascism, Robert Soucy recognizes its “fluidity” and “fusions”, he intends to describe colonel de La Rocque’s variety of fascism as more akin to Italian than to German fascism – despite, according to Soucy, the praise of the latter that the Colonel did, on certain points, in 1941.

Plan de l’article

La Rocque et l’antisémitisme

Quid des modérés ?

Définition du fascisme, fluidité et fusion

Un catholicisme très divers

La Rocque et la démocratie

La question de la violence

Réconciliation ?

La collaboration continentale

Soucy Robert, « Enjeux - La Rocque et le fascisme français. Réponse à Michel Winock », Vingtième Siècle. Revue d’histoire 3/2007 (n° 95) , p. 219-236

URL : www.cairn.info/revue-vingtie....

DOI : 10.3917/ving.095.0219.


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