Thierry Gaubert, ex-collaborateur de Nicolas Sarkozy, a été mis en examen pour " « escroquerie par emploi de fausse qualité auprès des ministères en vue de se faire remettre des fonds »

jeudi 21 février 2008.
 

Le 1 % logement, aubaine pour d’ex-proches de Sarkozy

Thierry Gaubert, ex-collaborateur de Nicolas Sarkozy, a été mis en examen il y a trois semaines pour abus de confiance et escroquerie. Point d’orgue d’une interminable enquête, étouffée au tribunal de Nanterre pendant une dizaine d’années, relancée in extremis par le juge d’instruction Richard Pallain, et typique des liaisons dangereuses entre politique et immobilier dans les Hauts-de-Seine.

Pactole. Gaubert, actuel directeur de cabinet du président des Caisses d’Epargne, est mis en cause comme ancien dirigeant dans le 1 % logement (une cotisation employeur dont le taux a été réduit à 0,34 % de la masse salariale). Dans les Hauts-de-Seine, riches en sièges sociaux et en projets immobiliers, les organismes collecteurs, baptisés CIL (Comités interprofessionnels du logement), se disputent le pactole. Celui créé par Gaubert avec l’homme d’affaires Philippe Smadja, Habitation Française, est en territoire conquis : de 1984 à 1994, Gaubert était parallèlement un conseiller de Sarkozy, secrétaire général de la mairie de Neuilly puis chef adjoint de cabinet au ministère du Budget. Pour ajouter à la confusion des genres, Louis-Charles Bary, maire par intérim de Neuilly, présidait l’Ocil (organisme du Medef qui chapeaute les CIL locaux).

On reproche au tandem Smadja-Gaubert ce qu’un rapport de l’Inspection des finances qualifie de « train de vie excessif non dénué d’aspects somptuaires ». Traduction pénale : mise en examen pour abus de confiance par « prise en charge de dépenses sans rapport avec la finalité non lucrative » du 1 % logement. Outre un salaire annuel de 500 000 francs (76 000 euros) versé par une filiale de droit privé, histoire de contourner le bénévolat associatif, les enquêteurs ont déniché quelques belles perles : 70 000 francs de frais de cocktails, 28 000 francs d’amendes de stationnement, un poste « pourboires et dons » de 30 000 francs, 70 000 francs versés au journal de Didier Schuller à Clichy, une Safrane achetée 300 000 francs et revendue 116 000 francs à Brice Hortefeux - « au prix de l’argus », plaident-ils.

Plus-value. Plus fondamentalement, sont visées des opérations montées avec des élus alto-séquanais, des reventes en cascades de droits immobiliers profitant à une galaxie de sociétés civiles immobilières (SCI) appartenant au tandem. Chez Balkany à Levallois, ils réussissent à empocher une plus-value de 2,4 millions de francs en 24 heures. A Neuilly, un rapport de l’Anpeec (l’inspection du 1 % logement) relève qu’un de leurs biens a été « repris par la ville dans des conditions coûteuses ». A Sarkoville, une société d’économie mixte, la Semine, est une caricature de conflit d’intérêts : présidée par Sarkozy, et administrée par Gaubert et Bary, non pas en tant que collaborateurs du maire mais comme promoteurs.

Le plus gênant pour l’actuel Président est la mise en examen de Gaubert et Smadja pour « escroquerie par emploi de fausse qualité auprès des ministères en vue de se faire remettre des fonds ». Sous la deuxième cohabitation, ils avaient créé une structure associative, Habitation pour tous, destinées à loger les fonctionnaires. Ils recevront 170 millions de francs des ministères de l’Intérieur et de l’Economie (où officient alors Pasqua et Sarkozy) sans droit ni titre, une coquille associative n’ayant pas le droit d’obtenir une telle subvention au logement. On a retrouvé une lettre de 1993 alertant Sarkozy sur l’illégalité de ce financement - manifestement en vain.

Thierry Gaubert souligne à l’AFP qu’il n’y a « aucun enrichissement personnel ». Aux enquêteurs, il a indiqué qu’ il ne « participait pas au montage des opérations », se déchargeant sur Smadja. « L’un faisait le beau, l’autre mettait la main à la pâte », résume un expert immobilier.

Renaud Lecadre


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