La question sociale est de retour pour tout le monde

samedi 1er mars 2008.
 

Inutile de chercher un quelconque complot dans l’invraisemblable succession de ratages et provocations présidentiels des derniers jours. Il y a tout simplement le feu à la maison Sarkozy. Bien sûr, à deux semaines des municipales et cantonales, peu de dirigeants UMP choisiront en kamikazes de désavouer publiquement le président de la République et sa politique. Mais on constate que tous les candidats de droite aux élections s’efforcent de se tenir à bonne distance de lui. Le symbole de la victoire de 2007 est devenu porte-poisse.

Plus la machine médiatique ramène les difficultés du président de la République à un problème de personnalité, d’attitude et d’apparence, plus il faut à l’inverse en chercher les causes politiques. Car la racine du mal qui ronge le pouvoir en place est bien politique. La personnalité de Sarkozy n’était-elle pas vue comme un atout il y a moins d’un an ? Quant à la référence nostalgique au « style » de ses prédécesseurs, oublie-t-elle le désastre des présidences Chirac ? Non, le problème de la droite est d’abord sa politique. En fait, la droite ne s’est pas relevée de l’acte inaugural qui a plombé le début du quinquennat : les fameux 15 milliards de cadeaux fiscaux distribués aux riches.

Ces largesses ne sont pas le signe de l’exubérance sarkozienne. C’est la simple application de la politique de droite en ces temps où la bourgeoisie estime ne plus rien devoir à l’Etat. La droite procède ainsi sous toutes les latitudes. Sarkozy n’a rien fait d’autre que Bush ou Berlusconi. D’ailleurs même Schröder et Blair ont mis en œuvre ces mesures qu’exige le capitalisme de notre époque ! C’est pourquoi la majorité parlementaire de droite l’a voté comme un seul homme. On ne peut même pas parler d’erreur tactique : il valait mieux pour la droite le faire tout de suite, pendant l’été, plutôt qu’au moment de la rentrée sociale ou à la veille des échéances électorales. Alors pourquoi ça ne passe pas ?

L’injustice fiscale est particulièrement révoltante dans le pays qui a inventé l’impôt progressif sur le revenu. La France n’est pas le Liechtenstein, l’égalité des citoyens devant l’impôt est constitutif de son identité politique. De même, la remise en cause des services publics ou de la laïcité provoque une résistance qui touche un front de catégories sociales extrêmement large. Mais ce cadeau aux riches passe d’autant plus mal que le pays connaît un mouvement de radicalisation chez les salariés autour de la question du salaire et du partage des richesses que les moulinets de Fillon sur les abus des distributeurs ne parvient pas à étouffer.

Il est ainsi frappant de constater la multiplication des grèves sur les revendications salariales, qui touche des entreprises et des secteurs souvent éloignés de l’action collective. Première grève à l’Oréal depuis 2000, grève longue et dure de caissières à Carrefour suivie d’une journée nationale de grève dans la grande distribution, mouvements à Conforama, Sanofi, Air France, à la Snecma, mobilisation touchant les journalistes à Prisma Presse, Mondadori France, au Moniteur, au Point...

Une telle multiplication de conflits à la veille d’un scrutin mérite d’être soulignée. Habituellement, les veilles d’élections se traduisent pas un reflux des grèves. Ce n’est donc pas un processus habituel. Il peut avoir un double effet. D’abord, favoriser une victoire de la gauche. Pour peu que celle-ci apparaisse comme un vote sanction efficace. Ce qui implique donc une campagne politique assumant une confrontation nationale ave la droite. Mais ensuite, cela signifie que le mouvement à l’œuvre ne se donne pas comme perspective une simple victoire électorale.

Un succès de la gauche aux élections municipales et cantonales peut donc précipiter l’incendie chez Sarkozy qui sera quoi qu’il fasse tenu responsable de la défaite. Dès lors toute sa construction politique se retourne. Pour durer comme Bonaparte, il faut ramener des victoires. Sinon le régime autoritaire devient rapidement intolérable. A commencer par les premiers auxquels il s’applique : ses propres amis. Sarkozy cherche déjà d’autres soutiens dans le pays, par exemple dans les secteurs religieux qui pourraient être tentés de prendre leur revanche sur la loi de 1905 (voir au dos). Mais ceux-ci sont minoritaires. Et une telle politique risque d’aggraver le choc avec la majorité de nos concitoyens attachés à la laïcité. L’assise du pouvoir s’en trouverait alors amoindrie et non pas renforcée.

Ce succès dans les urnes représenterait aussi un défi pour la gauche. Il lui faudrait répondre à cette attente d’un autre partage des richesses sans lequel aucune réponse ne peut être trouvée aux difficultés de la majorité travailleuse du pays. Il lui faudrait aussi entendre l’urgence sociale et politique qui monte plutôt que de se caler dans l’attente confortable de la prochaine échéance présidentielle. Bref loin de se satisfaire d’un bon cru électoral, il faudrait que la gauche, même victorieuse, sache se remettre en cause.


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