Le financement des régimes de retraite ( Liêm Hoang-Ngoc, économiste, maître de conférences, chercheur au CNRS)

samedi 29 mars 2008.
 

Le problème du financement des régimes de retraite par répartition relève d’un problème classique de « partage du gâteau », dans la mesure où ces régimes sont financés par des cotisations sociales assises sur le salaire. Selon le rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) de 2003, la part du PIB nécessaire pour équilibrer le régime de retraite par répartition doit croitre de 6,5% d’ici 2040 (elle doit passer de 12 à 18,5% du PIB), sous les hypothèses d’une croissance annuelle modérée, de 1,75% et d’un taux de fécondité, relativement faible, de 1,8 enfant par femme, celui-ci conditionnant le niveau de la population active.

Pour parvenir à cet objectif, l’allongement de la durée de cotisation et la baisse des taux de remplacement reviennent à faire porter les efforts sur les seuls salariés. Il y a d’autres solutions possibles. Le relèvement des cotisations sociales (également évoqué par le COR) ou l’élargissement de l’assiette de financement des retraites (à l’instar d’expériences étrangères) sont également envisageables du point de vue de l’équité. Elles reviennent à raboter un tant soit peu la part des profits, grands bénéficiaires du partage du gâteau de ces 25 dernières années, en les faisant contribuer à l’effort national en faveur de nos retraités. Toutefois, l’ « effort » que l’on demanderait ainsi aux actionnaires (ou, à défaut, une nouvelle fois au salarié), pourrait être relativisé car les hypothèses démographiques et économiques retenues par le COR sont des hypothèses si « basses » que le COR a lui-même été amené à les réviser en 2007.

Les projections quant à l’évolution de la population active ont ainsi été revues à la hausse, notamment parce que le taux de fécondité français s’approche désormais du taux irlandais (plus de deux enfants par femme) et que le recours à l’immigration est plus important que prévu. Sous ces nouvelles hypothèses, le rapport actif-inactif se détend et le besoin de financement du système par répartition ne requiert plus que 2 à 5 points de PIB à l’horizon 2050.

Ajoutons à cela que le taux de croissance potentiel (le taux que permettraient d’atteindre les capacités de production en hommes et en machines) est supérieur à 3%. Des investissements dans les secteurs innovants seraient même susceptibles de l’accroitre. Par conséquent, la reprise de l’emploi, liée à une croissance plus soutenue, engendrerait une hausse de la masse salariale qui induit mécaniquement une augmentation des recettes des régimes de retraite. Encore faut-il que la France ne se condamne pas à adopter des politiques économiques incapables de faire décoller la croissance.

En l’état actuel des choses, les régimes par répartition sont en vérité menacés par une croissance molle et par la stagnation, à un niveau trop faible, de la part des salaires dans la valeur ajoutée ; ces deux facteurs réduisent la taille de la part du gâteau à partager entre actifs et inactifs. Doit-on répéter que la part des salaires dans la valeur ajoutée s’est réduite de dix points au cours de ces 25 dernières années et qu’à l’exception des années fastes 1988-1991 et 1998-2001, la croissance annuelle moyenne a difficilement atteint les 2% ? Les politiques dites de « rigueur » monétaire, budgétaire et salariale, poursuivies au cours de cette période, ne sont pas étrangères au creusement du déficit des régimes sociaux et à la montée de l’endettement public...

Liêm Hoang-Ngoc est économiste, maître de conférences à l’université Paris I et chercheur au CNRS. Le texte ci-dessus est extrait de son ouvrage Sarkonomics, publié chez Grasset, qui sortira le 1er avril en librairie.


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