Plan d’austérité de Sarkozy Fillon Une stratégie made in América (avril 2008)

mardi 21 août 2018.
 

Combien de gadgets et d’attrape-gogos dans la longue liste des 166 mesures présentées par Nicolas Sarkozy pour soi-disant faire des économies et réformer l’État ? Un bon nombre, assurément. Notons pour commencer qu’ils ne sont même pas d’accord entre eux sur le montant des économies à en attendre : de 5 milliards selon Accoyer à 8 selon Arthuis, presque du simple au double selon qui en parle !

En fait, ces 166 gadgets visent à créer un paysage. Et à l’installer dans les têtes. Il s’agit d’abord de fabriquer l’évidence que la réduction des dépenses publiques serait un impératif aussi urgent qu’absolu. Il s’agit ensuite de faire croire que l’effort du pouvoir porte en premier lieu sur la réduction du fameux « train de vie » de l’État, et s’attaque donc en quelque sorte au superflu plutôt qu’au nécessaire.

Or, les chiffres, dont ceux fournis par le gouvernement, démentent ces deux idées. Premièrement, on constate que les économies annoncées représentent moins de la moitié des 15 milliards de cadeaux fiscaux distribués l’an dernier. Non seulement ce plan de rigueur veut faire payer par le plus grand nombre les largesses accordées à une minorité de très riches. Mais en outre, on voit que le levier des recettes fiscales serait bien plus efficace que celui des dépenses pour réduire le déficit budgétaire. Deuxièmement, le pouvoir dit lui-même qu’il escompte que la moitié des économies réalisées proviendront en réalité de la réduction drastique du nombre de fonctionnaires et non de celle du « train de vie » de l’État.

Certains espéreront peut-être que la réduction du nombre de fonctionnaires n’affectera pas la qualité des services publics. Mais savent-ils que la moitié des fonctionnaires travaillent pour l’Éducation nationale ? Or, dans des secteurs tels que celui-ci, on ne peut atteindre des gains de productivité réguliers permettant de faire toujours plus avec toujours moins de personnel, comme dans le reste de l’économie. La plupart des services publics sont même pris dans la spirale inverse : plus le marché du travail devient « concurrentiel », plus les dégâts sociaux sont lourds et plus les moyens pour y faire face doivent être importants. La réduction des effectifs ne signifie donc rien d’autre que la réduction du service public et de sa logique. Les lycéens qui défilent ne s’y sont pas trompés.

Pour réaliser les économies exigées par les baisses d’impôts pour les plus riches (mais aussi sur les bénéfices des entreprises et sur les revenus financiers), le gouvernement doit donc s’attaquer au cœur dur des services publics, notamment l’éducation, surtout si les dépenses militaires et de police sont « sanctuarisées ». Mais cela ne suffira pas, d’autant que les suppressions de postes mettent longtemps pour produire leurs effets sur l’équilibre budgétaire. Le gouvernement devra donc s’attaquer à un deuxième gros gâteau : la Sécurité sociale. Le ministre du budget, Woerth, l’a admis au détour d’une phrase dans un couloir de l’Assemblée : « pour parvenir à l’équilibre d’ici à 2012, il nous faut économiser 40 milliards d’euros. En gros, ça fait 5 à trouver sur le train de vie de l’État et 5 à économiser sur les dépenses de Sécurité sociale tous les ans ». On doit donc s’attendre notamment à une nouvelle augmentation des franchises médicales jusqu’à des niveaux très supérieurs à ceux mis en place au 1er janvier 2008.

Tout ceci a connu un précédent : les États-Unis d’Amérique. La « doctrine économique » de Sarkozy tient en effet en une maigre idée : importer en France le modèle américain dans l’espoir d’obtenir une croissance identique. Reagan puis Bush ont commencé leur mandat par des réductions massives des impôts des plus riches. Le déficit budgétaire s’est alors envolé. Lorsqu’ils se sont résolus à faire mine de le maîtriser, ils ont refusé d’augmenter la fiscalité et s’en sont pris aux dépenses de l’État. Or, au même moment, ils ont orienté le budget militaire à la hausse. Et il paraissait impossible de réduire davantage les dépenses stratégiques en terme de compétitivité économique comme la recherche ou l’enseignement supérieur. Ils se sont donc attaqués violemment aux dépenses sociales. Actuellement, la principale obsession de Bush est d’abattre le mince filet de protection sociale qui subsiste dans ce pays (Medicare et Medicaid) car leurs dépenses doivent beaucoup augmenter dans les prochaines années en raison notamment de la crise des fonds de pension et de la multiplication des travailleurs pauvres.

Une fois encore, Sarkozy ne fait donc que suivre Bush. Le connaissant, le plus étonnant n’est pas qu’il puisse croire que la société française supportera les conséquences de ce modèle économique fondé sur la suprématie absolue de la « création de valeur » pour l’actionnaire : désindustrialisation, pauvreté de masse, explosion des inégalités. Il croit sans doute qu’avec une bonne communication, entre images de Gandrange, casque sur la tête, et caution de Martin Hirsch, charité à la bouche, tout ceci passera sans peine. Non, le plus étonnant est que Sarkozy épouse ce modèle au moment où celui-ci rencontre aux États-Unis mêmes la plus grave crise de son histoire.

François Delapierre


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