Hommages à Aimé Césaire (Lienemann, Thibaut, Hollande, Buffet, Besancenot, Fondation Frantz Fanon)

lundi 21 avril 2008.
 

1) Hommage, respect, tristesse : Au revoir Aimé Césaire ! Marie Noelle Lienemann

Les hommes immenses nous laissent muets lorsqu’ils nous quittent. Au fond, ils sont immortels, sans doute bien plus que certains académiciens. Ce grand poète, cet humaniste exceptionnel aurait bien mérité de siéger sous la coupole et pourtant, notre République a été bien défaillante avec lui, comme elle l’a été trop souvent avec les antillais. Mais il était plus grand et a su mieux honorer ses valeurs que tant de ceux qui prétendent s’y référer. Aucune injustice ne le laissait indifférent. Aucune oppression n’était pour lui acceptable. Il bannissait l’intolérance, aimait les hommes autant que l’égalité.

La force de mes mots sera bien mince face à celle de cet éveilleur de conscience.

Il suffit d’avoir rencontré Aimé Césaire pour comprendre comment son amabilité, sa modestie, son regard généreux avait un effet démultiplicateur d’énergie, de compréhension, de lucidité et de colère féconde sur vous. Il vous transformait en peu de temps.

Un des moments les plus impressionnants de ma vie a été ma rencontre avec Aimé Césaire, à Fort de France. Ce n’est pas récent, c’était en juin 1992. Ministre du logement, Aimé Césaire m’avait invitée à visiter les quartiers populaires de la Martinique et souhaitait que nous accélérions la lutte contre l’habitat insalubre. Il regrettait que les ministres de gauche n’aient pas suffisamment pris la mesure de l’urgence et de l’enjeu. Il m’avait gentiment dit qu’il savait que je ne me résignerais pas et que jamais je ne baisserais les bras devant l’ampleur de la tâche. Devant ses compliments, je me sentais quelques secondes sur un petit nuage, mais très vite c’est le poids de la responsabilité qui me submergeait. Nommée ministre en Avril, je partais dès juin en Martinique. Aimé Césaire m’a fait visiter « Fond populaire » et d’autres quartiers qui ressemblaient à des bidonvilles institutionnalisés. Personne n’imagine comment Aimé Césaire y était reçu. Comment accepter la lenteur de l’action publique face à la misère et à des conditions indignes de notre pays ? Je n’arrive toujours pas à comprendre et en tout cas à accepter. J’avais vu aussi les belles réalisations qui montraient la voie pour l’avenir. Mais il fallait des moyens et je ne pouvais me dérober à cette exigence.

Aimé Césaire m’a reçue à la mairie. Mais il n’avait pas voulu venir à la préfecture. Il m’avait raconté, et j’ai pu le vérifier sur bien des sujets, l’étrange comportement de l’Etat à son égard et celui de ses compatriotes martiniquais. Une anecdote m’est revenue à l’esprit. Il m’avait dit de regarder derrière la préfecture : je constatai alors avec stupéfaction que si la façade du devant était bien repeinte, l’arrière tombait en lambeaux ! Les ministres et les gouvernants étaient reçus avec des tapis rouges, l’État faisait bonne figure mais la réalité était toute autre et cette réalité, on ne la montrait pas....

Aimé Césaire ouvrait nos yeux. Les siens se referment aujourd’hui mais il demeurera comme l’une des grandes figures de notre histoire. Pour moi et sans doute pour bon nombre de ceux qui l’ont rencontré, il restera comme une voix douce et posée, toujours présente, qui parle au cœur, à l’esprit quand il faut tenir bon et défendre l’Humain.

Marie-Noëlle Lienemann

2) Disparition d’Aimé Cesaire Bernard Thibault salue ses combats et son humanisme

C’est avec une vive émotion et une profonde tristesse que nous avons appris la disparition d’Aimé Césaire. Figure emblématique des Antilles, de tous les combats contre le colonialisme et le racisme, Aimé Césaire a été un infatigable défenseur des droits de l’homme et de la justice sociale.

Comme pour l’ensemble de son œuvre littéraire, la force de ses convictions et son infaillible honnêteté intellectuelle resteront pour longtemps dans la mémoire collective.

La CGT s’associe au deuil de la Martinique et présente à la famille d’Aimé Césaire ses condoléances et sa sympathie attristée.)

3 Communiqué de Francois Hollande Premier secrétaire du Parti socialiste

La France vient d’apprendre avec une grande tristesse le décès d’Aimé Césaire ; le Parti socialiste veut rendre un vibrant hommage au poète, homme de théâtre et au grand homme politique martiniquais qu’était Aimé Césaire.

Aimé Césaire n’était pas seulement l’auteur talentueux du “Cahier d’un retour au pays natal“, il avait aussi, dans son « Discours sur le colonialisme » proposé la critique la plus aboutie d’un système qu’il combattait depuis 1934, quand il avait jeté les bases du concept de négritude, avec Léopold Sedar Senghor, Léon Gratiant et Léon-Gontran Damas.

Il avait été en 1946, le rapporteur de la loi de départementalisation au côté de Léopold Bissol, Gaston Monnerville et Raymond Vergès, Léon De Lepervanche, Rosan Girard et Gerty Archimède.

Césaire était un homme de gauche. Tout au long de ses mandats de maire et de député de Fort-de-France, il a agi aux côtés de ceux qui se battent pour la reconnaissance de leurs droits et de l‘égalité sociale.

François Mitterrand l’avait reconnu comme un des plus grands poètes du XX° siècle ; “mais un poète voué à la gestion des affaires humaines“ ; avait-il ajouté.

Aimé Césaire, leader historique de la gauche martiniquaise d’après-guerre, a toujours été un soutien indéfectible des socialistes lors de chacune des grandes échéances électorales nationales.

J’exprime ma solidarité à l’égard de tous les Martiniquais, profondément meurtris par cette disparition, mais fiers d’avoir été représentés par un homme aussi exceptionnel qu’Aimé Césaire.

4) Hommage de Marie-George Buffet

"Aimé Césaire est mort. Je salue l’ami qui nous quitte, avec tous ceux des Antilles, des Caraïbes, d’Afrique, de France et du Monde qui le pleurent.

Je repense à la rencontre que nous avons eue le 24 novembre 2006. Un mot me vient : dignité.

Aimé Césaire restera pour moi un homme qui a regardé tout le siècle passé en face, l’homme de toutes les révolutions, poétiques et politiques.

Contre l’oppression du système colonial et l’exotisme de bon aloi, il a forgé, avec ses camarades, Léopold Sédar Senghor et Léon Gotran Damas, le concept de négritude. Aimé Césaire disait : « ce mot désigne en premier lieu le rejet. Le rejet de l’assimilation culturelle, le rejet d’une certaine image du Noir paisible, incapable de construire une civilisation. » Le discours du président à Dakar montre, ô combien, l’actualité de ce combat.

Aimé Césaire, ouvrant des chemins d’une identité debout, ne faisait pas de ce combat une affaire fermée. Il concevait son humanisme actif et concret à destination de tous les opprimés de la planète.

Sa poésie, dont André Breton disait qu’elle était « belle comme l’oxygène naissant », son théâtre, ont inventé une langue d’une grande puissance incantatoire jamais coupée de son idéal.

Fondateur du PPM, député de la Martinique, président du Conseil général et Maire de Fort de France, il a engagé sa pensée, comme élu, dans des actes utiles aux Martiniquaises et aux Martiniquais.

Tous les progressistes auront à coeur de faire vivre le poète, l’anticolonialiste, le progressiste dont l’oeuvre est encore bien nécessaire.

Lors de notre rencontre de mai 2006, nous avons échangé sur les raisons de son départ du PCF en 1956. Je lui ai remis un duplicata de sa lettre à Maurice Thorez dans laquelle il écrivait : "Je crois en avoir assez dit pour faire comprendre que ce n’est ni le marxisme, ni le communisme que je renie, que c’est l’usage que certains font du marxisme et du communisme que je réprouve". Il me redisait ce qu’il avait écrit quelques mois plus tôt à l’occasion du débat en France sur la loi du 23 février 2005 vantant les bienfaits du colonialisme : « Je reste fidèle à ma doctrine et anticolonialiste résolu ».

Un grand homme part. Mais Aimé Césaire marquera pendant longtemps les communistes et tous ceux pour qui émancipation et libération ne sont pas des mots vains.

Je transmets mes sincères condoléances à sa famille et à ses proches, aux militantes et militants qui ont agi avec lui, et à nos amis du PC Martiniquais. Une délégation du PCF se rendra à ses obsèques."

Marie-George Buffet Ancienne ministre Députée de la Seine St Denis Secrétaire nationale du PCF

Paris, le 17 avril 2008.

5) Déclaration d’Olivier Besancenot

Aimé Césaire vient de mourir à 94 ans à l’hôpital de Fort-de-France. Ecrivain, homme politique, il a joué un rôle considérable dans l’histoire de la Martinique et des Antilles.

Sa revendication de la négritude, conjointement avec L.S.Senghor et L.G.Damas, a ouvert la voie à la revendication identitaire et rejeté l’esclavage dans la poubelle des infamies de l’histoire.

Jusqu’au bout, il est resté fidèle à ses convictions. Ainsi, en 2005, il s’est dressé contre la loi reconnaissant le rôle positif de la colonisation, ce qui l’a conduit, alors, à refuser de recevoir Sarkozy.

La disparition d’Aimé Césaire est une grande perte pour l’histoire de l’humanité progressiste. Je partage, ainsi que la LCR, la tristesse et la douleur des Martiniquais, des Antillais devant la disparition de « papa Césaire », qui restera le symbole de la lutte en faveur des pauvres, des exploités, des descendants d’esclaves ignorés et bafoués dans leur propre pays par les colons pendant des décennies, le symbole de la lutte contre le racisme, pour l’émancipation et la dignité.

Le 17 avril 2008.

6) Disparition d’Aimé Césaire Fondation Frantz Fanon

En ce 17 avril 2008, les peuples opprimés du monde, la Martinique mais aussi tous les hommes et les femmes qui luttent pour un monde basé sur la justice sociale et le respect de la dignité humaine se trouvent orphelins avec le départ d’Aimé Césaire.

Poète des mots, il a représenté pour les peuples colonisés et opprimés une pensée ouverte vers de nouvelles voies. Avec Aimé Césaire se sont rencontrés le rêve, les mots au service de la lutte pour la liberté et la libération. Eveilleur des consciences, Aimé Césaire reste aujourd’hui à côté de toutes celles et ceux qui se voient refuser les droits humains fondamentaux et qui sont soumis à l’arbitraire des lois pensées pour assurer la domination.

Aimé Césaire laisse, à tous ceux qui veulent le saisir, le flambeau de la lutte afin de construire un monde de paix et de fraternité. Il laisse aussi l’héritage d’une humanité qui cherche à en finir avec les discriminations, le racisme et la domination.

La Fondation Frantz Fanon, qui remercie profondément Aimé Césaire pour avoir accepté d’assumer la charge de Président d’honneur, exprime sa profonde douleur en ces tristes moments pour les familiers et amis d’Aimé Césaire.

pour le Bureau de la Fondation Frantz Fanon

Mireille Fanon-Mendès France

Sonia Dayan-Herzbrun

Hugo Ruiz Diaz Balbuena


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