Conséquences de la Première guerre mondiale

jeudi 3 décembre 2020.
 

1) Première Guerre mondiale : A Versailles, la guerre a perdu la paix

Le troisième programme d’aide imposé à la Grèce dans la nuit du 12 au 13 juillet 2015 a été qualifié de « nouveau traité de Versailles » par l’ancien ministre des finances Yánis Varoufákis, lors du débat parlementaire précédant son adoption.

Ce traité, signé le 28 juin 1919, fait l’objet d’un traitement très différent suivant les pays, explique le « Manuel d’histoire critique » du « Monde diplomatique ». Tandis que les manuels scolaires allemands insistent sur la dureté des sanctions infligées à Berlin, les livres de classe britanniques soulignent la position revancharde de la France ; en Russie, on retient surtout que la nouvelle République soviétique ne faisait pas partie des invités. Complémentaires, ces interprétations témoignent de l’influence de la mémoire nationale sur la construction du récit historique.

« Clemenceau voulait abolir l’existence économique de l’ennemi ; Lloyd George, rapporter en Angleterre quelque chose qui soit accepté pendant une semaine ; et le président Wilson, ne rien faire qui ne fût juste et droit. » En écrivant ces lignes en 1919, l’économiste britannique John Maynard Keynes expose les divergences de vues entre les principaux Alliés au sortir de la première guerre mondiale. Il suggère que le traité de Versailles est, davantage encore qu’une « paix des vainqueurs », une paix de compromis.

Un antigermanisme virulent

Ce traité est généralement présenté comme un ensemble de dispositions accablantes pour l’Allemagne, principal vaincu de la Grande Guerre. Il est vrai que ce texte annihile sa puissance militaire, l’ampute d’un septième de son territoire, érode sa souveraineté à l’intérieur même des nouvelles frontières (en imposant la démilitarisation de la Rhénanie) et la désigne comme le seul fauteur de guerre. Il a, de surcroît, été mis au point sans discussion aucune avec le vaincu. Cette « paix dictée » aurait favorisé la montée du nazisme, en fournissant le terrain idéal à sa propagande nationaliste, en condamnant le pays au marasme économique et en affaiblissant le régime républicain, à peine installé et déjà contraint d’endosser des mesures humiliantes.

Souvent abordé à la lumière de ses conséquences supposées, le traité mérite également d’être analysé au prisme de ses conditions concrètes d’élaboration. Le 28 juin 1919, la cérémonie de signature se déroule dans la galerie des Glaces du château de Versailles — là même où fut proclamé l’Empire allemand en 1871. Profondément convaincus de l’iniquité du texte, les émissaires allemands ont hésité à venir, envisageant un moment que leur pays reprenne les armes. Avant qu’ils signent, Clemenceau leur impose la vue de cinq blessés de guerre (les « gueules cassées »). Le « Tigre » — surnom du président du Conseil français — doit tenir compte de l’antigermanisme très répandu dans la population et d’une opposition de droite insatiable – : parce qu’il doit renoncer à l’annexion pure et simple de la Sarre, le « Père la Victoire » est bientôt rebaptisé « Perd la victoire »…

Le gouvernement britannique a d’autres priorités. Si David Lloyd George entend dans un premier temps « presser le citron jusqu’à ce que les pépins craquent », il se montre cependant plus conciliant avec les « Huns » à partir de mars 1919. Considérant que ceux-ci ne représentent plus un rival sérieux sur les plans industriel, commercial et naval, il rétablit la politique extérieure britannique dite « d’équilibre des puissances ». Son principe — empêcher l’émergence d’une puissance continentale capable de contester la suprématie anglaise — exige alors d’entraver les intérêts français, en autorisant le peuple allemand à « se remettre sur ses jambes ». Ce revirement traduit également l’influence croissante des milieux financiers, au détriment d’un monde de l’industrie fervent partisan d’une politique de discrimination à long terme vis-à-vis de l’Allemagne.

Le président démocrate américain Woodrow Wilson traverse l’Atlantique, porté par un idéal chrétien de paix universelle, mais aussi pour s’assurer que le nouvel ordre international ne risque pas de reproduire la domination européenne d’avant 1914. Cette ambiguïté (la paix et la volonté de puissance) préside à la naissance de la Société des nations (SDN), exigée par Wilson et à laquelle les premiers articles du traité sont consacrés. Très marqué par la révolution hongroise de 1918-1919, qui donne naissance à l’éphémère République des conseils, Wilson doute que les pays d’Europe orientale puissent constituer un rempart efficace contre le bolchevisme. C’est pourquoi il lui importe de permettre à l’Allemagne — toute jeune démocratie — de se relever.

Une organisation sans moyens

« Ce fut un fiasco presque total », écrit l’historien Eric Hobsbawm pour résumer la courte existence de la SDN. Dénuée de forces coercitives, l’organisation fut incapable de faire appliquer ses idéaux. Elle a également pâti de la défection de son principal parrain : le Sénat américain (à majorité républicaine) refuse de ratifier le traité de Versailles. Les Etats-Unis ne participeront donc jamais à la SDN.

Manuel d’histoire critique

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Source de cet article 1 : http://www.monde-diplomatique.fr/co...


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