Nouveau parti anticapitaliste, faisons un premier pas ensemble (tendance UNIR de la LCR)

mercredi 2 juillet 2008.
 

Les 28 et 29 juin, les comités d’initiative pour un nouveau parti anticapitaliste tiendront leur première réunion nationale. Vous trouverez ci-dessous la contribution rédigée par le courant Unir pour cette initiative.

Le courant Unir, tendance publique de la LCR, a toujours milité pour le dépassement de la LCR, dans l’objectif d’un grand parti pour le socialisme qui rassemblerait toutes celles et tous ceux, courants politiques autant qu’individus, qui n’abdiquent pas devant l’ordre existant, qui veulent refonder une perspective d’émancipation pour le monde du travail. Un tel parti, par sa surface militante, son implantation sociale, la synthèse qu’il favoriserait du meilleur des traditions du mouvement ouvrier, serait à même de changer la donne politique, de briser l’hégémonie dont jouit le Parti socialiste sur la gauche. Pour qu’un semblable parti puisse voir le jour, nous savons qu’il faudra surmonter le poids des défaites du passé, du désarroi que celles-ci ont engendré, des divisions qui opposent entre elles les diverses composantes de la gauche de transformation sociale et écologiste. Pour lever pas à pas ces obstacles, nous pensons qu’il faudra en passer par un front politique et social qui tout en respectant les histoires et les convictions des uns et des autres permettra l’élaboration et l’action commune.

Pour autant, il n’est, bien entendu, pas question d’attendre pour faire un premier pas dans la voie du rassemblement dans une même organisation de toutes celles et tous ceux qui y sont actuellement prêts. C’est dans cette mesure que la proposition de la LCR de construire, dès maintenant, avec celles et ceux qui le souhaitent un « nouveau parti anticapitaliste » peut être un point d’appui d’importance. À la condition que le NPA ne soit pas une fin en soi, qu’il représente une étape vers la réorganisation indispensable de l’ensemble de la gauche et du mouvement ouvrier. Un premier regroupement pluraliste, permettant de faire progresser l’objectif du grand parti pour le socialisme qui s’avère si nécessaire. Un point de départ et non un point d’arrivée.

En effet, nous pensons que si l’objectif est de parvenir, à terme, à ce grand parti pour le socialisme rassemblant toutes les sensibilités antilibérales et anticapitalistes alors le processus menant à la proclamation du « NPA » ne peut se satisfaire d’être adossé à une seule formation politique nationale. Il se doit dès maintenant de regrouper au-delà des seuls militants et militantes attachés à « la transformation révolutionnaire de la société ». L’enjeu est majeur : si le « nouveau parti anticapitaliste » veut réunir les conditions d’une puissante force à gauche dans le futur, il doit dès à présent délivrer un message de diversité politique, s’affirmer disponible à la présence en son sein du plus large éventail possible des traditions et des cultures qui tendent à l’affirmation d’une alternative. Il nous faut donc nous adresser résolument à l’ensemble des forces, courants, militants susceptibles de partager l’idée qu’un pas en avant est d’ores et déjà indispensable et possible.

C’est à la réflexion sur les moyens d’y parvenir et sur l’ambition nécessaire que nous souhaitons contribuer.

Nous sommes confrontés à des défis nouveaux. Il y a un an, Nicolas Sarkozy remportait la présidentielle. Avec lui, s’installait aux commandes une droite ressoudée autour d’un projet d’adaptation brutale du pays aux exigences d’un capitalisme entré dans un nouvel âge de son développement. Depuis ce moment, cette droite s’est efforcée d’infliger au monde du travail une défaite majeure. Dans le même temps, s’inspirant ouvertement du néoconservatisme américain, elle s’est employée à présidentialiser un peu plus le régime et à opérer un tournant atlantiste qui voit la diplomatie française s’aligner sur les desideratas de l’administration Bush. Tout cela va de pair avec une offensive idéologique permanente, une véritable « bataille des idées » pour imposer l’hégémonie du libéralisme, étouffer les résistances qui ont émergé depuis novembre-décembre 1995.

Ces attaques, pour brutales qu’elles aient été, n’ont cependant pas tardé à se heurter à la résistance des salariés, de la population, de la jeunesse. Sarkozy l’avait emporté face à une gauche n’incarnant pas une alternative de changement. La société française ne s’était cependant pas convertie aux préceptes d’un néolibéralisme pressé de lui imposer une régression sans précédent. Si les luttes n’ont pu encore faire reculer gouvernement et patronat, si la confrontation sur les régimes spéciaux s’est même achevée sur un échec à l’automne dernier, Sarkozy a rapidement vu s’affaiblir sa légitimité. Les scrutins municipaux ou cantonaux de mars lui ont infligé une sanction sans appel, et les mobilisations qui se sont depuis développées, dans les entreprises du secteur privé, dans les services publics, à l’école, parmi les travailleurs sans papiers, contribuent à déstabiliser un peu plus son pouvoir.

L’instabilité de la situation française fait écho aux contradictions qui assaillent un capitalisme mondialisé. Crises financière, sociale, alimentaire, énergétique, écologique viennent s’enchevêtrer et frapper tour à tour toutes les zones de la planète. Ce à quoi tente de répondre l’offensive néoconservatrice qui se déploie, à partir des Etats-Unis et à l’échelle du globe. Cette offensive se traduit tout à la fois par des interventions impérialistes armées (Irak, Afghanistan, demain peut-être Iran...) et par la volonté de démanteler les résistances du mouvement social et altermondialiste.

Ne nous y trompons pas : la droite à l’initiative ne pourra être contenue et défaite que si s’oppose à elle une gauche « décomplexée », porteuse d’une réponse alternative globale. Faute de quoi, les défaites accumulées des dernières années viendront faire le lit de postures démagogiques tendant à faire croire aux exploités et aux exclus que le marché et ses valeurs, l’idéologie du mérite et de la compétition, sont une réponse à leurs problèmes. Le retour en Europe, par exemple en Italie, de droites profitant - au moins partiellement - du désarroi populaire atteste des dangers du moment. 1- Battre le sarkozysme et le libéralisme, c’est possible !

Dans ce contexte, la première urgence est de faire converger les conflits engagés avec le pouvoir et le Medef. L’objectif d’un « tous ensemble » doit se construire à travers la défense de perspectives qui tendent à unifier les résistances, à contrecarrer les tentatives d’isoler chaque lutte dans une posture défensive. Sur chacun des dossiers où se noue la confrontation sociale, à partir de chaque secteur en butte aux attaques, au plan national autant qu’à l’échelon local, il convient de travailler à la construction de cadres unitaires les plus larges. Des cadres associant forces de gauche, organisations syndicales, associations, mouvements de jeunesse, structures démocratiques, féministes, altermondialistes, antiracistes, écologistes.

Cela doit permettre de s’opposer à la logique du libéralisme sur l’ensemble des terrains, celui des retraites, de l’assurance-chômage, de la santé, du temps de travail, des sans-papiers. Sans oublier ce domaine essentiel qu’est la politique européenne, au moment où Nicolas Sarkozy accède à la présidence de l’Union. Le « nouveau parti anticapitaliste » se devra d’en être à l’initiative, chaque fois que nécessaire...

Le syndicalisme se voit aujourd’hui menacé par les logiques d’adaptation aux contre-réformes libérales. Les militantes et militants attachés à la transformation radicale de la société sont dès lors concernés par ce qui s’y passe, et ils ne peuvent réduire leur engagement à la construction d’un nouveau parti. Il leur appartient aussi de contribuer à faire des syndicats les premiers instruments de la résistance et de la contre-offensive sociales, d’une réorganisation générale et unitaire des forces du salariat, de la formation d’une conscience commune à la classe des travailleurs. Dans le respect scrupuleux de l’indépendance syndicale, car rien ne serait pire que de reproduire la subordination désastreuse du mouvement social aux stratégies de partis, il leur faut donc militer dans les organisations syndicales, aider à leur développement sur une base d’unité et de lutte de classe et favoriser la convergence des équipes et expériences syndicales les plus combatives, inquiètes de la politique des directions syndicales nationales. 2- Regrouper une gauche de gauche, c’est l’urgence !

Deux grandes logiques traversent la gauche. La première est exprimée par la direction du Parti socialiste. Celle-ci entend pousser les feux de la « modernisation » libérale de la gauche, dont elle s’emploie à satelliser autour d’elle les composantes essentielles. Elle se trouve engagée dans une mutation qui la mène - à l’instar des autres sociales-démocraties d’Europe - à n’être plus qu’un centre gauche à la Blair, à la Schröder ou à la Veltroni. Elle cherche sur sa droite le chemin de son retour au pouvoir. Elle ne s’oppose plus que sur la forme aux projets de Sarkozy. Faute de répondre aux attentes et revendications populaires, elle ouvre ce faisant la voie à une désintégration comparable à celle de l’Italie.

L’autre logique est celle de l’affirmation d’une gauche de résistance qui se tourne vers les classes populaires et réponde à leurs aspirations, qui ne se dérobe pas à la rupture avec l’ordre établi parce qu’elle entend faire renaître l’espoir du changement social, qui prenne appui sur la redistribution radicale des richesses et la démocratie pour ouvrir un chemin à l’alternative au capitalisme libéral. C’est celle que nous défendons.

Savoir laquelle de ces deux orientations l’emportera est décisif. Mais aucune force ne peut, à elle seule, incarner un début d’alternative crédible au sarkozysme et au social-libéralisme. L’éparpillement, les logiques du repli identitaire ou de la concurrence délétère les menacent toutes d’impuissance, voire, pour certaines, de ralliement au Parti socialiste. C’est la raison pour laquelle le rassemblement de toutes les énergies anticapitalistes et antilibérales se révèle déterminant.

Comme en Allemagne, au Portugal, en Grèce, dans d’autres pays d’Europe encore, les forces existent pour y parvenir. On l’a bien vu à l’occasion des dernières municipales : ce sont les listes qui rassemblaient le plus largement des forces d’origines diverses, sur des propositions de changement radical, qui ont obtenu les scores les plus importants, à gauche du social-libéralisme. Au demeurant, la question de l’alternative est demeure posée dans certains courants du PS ou chez les Verts, mais aussi au PCF, au sein des collectifs antilibéraux, par nombre de syndicalistes ou de militants associatifs, parmi les réseaux qui agissent dans les quartiers populaires ou dans la jeunesse... Comme pour confirmer toutes ces disponibilités, le récent appel de Politis, « L’alternative à gauche, organisons-la ! », se trouve maintenant rejoint par des milliers d’hommes et de femmes, militants politiques, acteurs du mouvement social ou inorganisés.

Concrètement, l’émergence d’une véritable alternative à la droite sarkozyenne et au social-libéralisme passe par la construction de fronts politiques unitaires cherchant à rassembler les différentes composantes de la gauche de transformation : PCF, courants de la gauche du PS et des Verts, collectifs antilibéraux etc, ainsi que les dizaines de milliers de milliers de militants syndicalistes ou associatifs à la recherche d’une alternative politique. 3- Clarifier la démarche stratégique, c’est indispensable !

Dans ce mouvement de reconstruction unitaire, le débat sur les conditions d’une majorité et d’un gouvernement de rupture est évidemment fondamental. Chacun connaît les raisons des défaites et de la désorientation qu’a connues la gauche ces 25 dernières années, comme de sa crise présente : la domination d’un PS poussant toujours plus loin sa démarche d’adaptation au capitalisme libéral. Les forces qui, à l’instar du Parti communiste ou des Verts, ont choisi de s’allier à lui dans ces conditions, en prétendant qu’elles parviendraient ainsi à infléchir à gauche sa politique, n’ont cessé d’échouer. Elles en subissent même, jusqu’à ce jour, les conséquences destructrices.

Il s’impose d’ouvrir une nouvelle voie au combat pour la transformation sociale. Celle-ci suppose de faire le pari résolu de l’indépendance envers le Parti socialiste et l’orientation qui le domine. D’affirmer, en conséquence, une proposition de nature à faire bouger les lignes au sein de la gauche, à y bouleverser les rapports de force, à mettre un terme à l’hégémonie dont y dispose le social-libéralisme.

Des coalitions gouvernementales ou parlementaires, sous la domination d’un PS qui a renoncé à défendre une alternative au libéralisme conduiraient immanquablement à des catastrophes similaires à celles du passé. En prendre acte ne peut, cela dit, s’apparenter à une indifférence envers les débats traversant le reste de la gauche, voire à une posture qui, sous prétexte de « saine méfiance libertaire » envers les dérives institutionnelles passées, ne répondrait pas à la question centrale du pouvoir. Cela laisserait les dirigeants du PS renvoyer la gauche de gauche à la pure incantation - ou à la protestation, comme ils aiment à le dire - pour conserver le monopole d’une posture « responsable ». Le « nouveau parti anticapitaliste » devra donc, pour cette raison et sans atermoiements, ouvrir la discussion publique sur les termes du problème : ou l’on gouverne aux conditions du libéralisme et du capitalisme ; ou l’on gouverne à gauche, en s’appuyant sur les aspirations des salariés et en prenant une série de décisions rompant avec la logique libérale.

Une gauche de transformation sociale et écologiste se doit donc d’affirmer qu’elle soutiendrait un gouvernement s’engageant dans la voie d’une semblable rupture radicale, mais que, à l’inverse, elle s’opposerait à un gouvernement, autant qu’à une majorité parlementaire, qui tourneraient une fois de plus le dos aux intérêts des travailleurs et de la jeunesse. 4- Un grand parti pour le socialisme, c’est l’objectif !

À terme, la question est posée d’une nouvelle représentation politique pour le monde du travail. Cette dernière ne saurait toutefois procéder de la volonté ou des décisions d’une seule organisation. Elle émergera nécessairement à la faveur d’une redistribution générale des cartes à gauche. Elle devra sortir de la convergence de courants politiques héritiers d’une série de traditions du mouvement ouvrier organisé, de secteurs porteurs de l’expérience du mouvement social, de militantes et militants issus des nouvelles générations, de forces actives sur les nouveaux terrains de mobilisation. Elle résultera de débats de fond, de la vérification concrète des accords existants entre ces diverses réalités.

Ce grand parti indispensable devra s’identifier par sa contestation conséquente du capitalisme libéral. Il aura à tirer les leçons de la double faillite des régimes bureaucratiques de l’Est européen et de la social-démocratie. Il combattra les logiques d’accompagnement sociales-libérales. Il se trouvera fondé sur l’indépendance de classe, illustrera sa vision du changement social par un ancrage sans cesse renouvelé dans les mobilisations populaires, refusera de subordonner sa politique aux contraintes de la participation aux institutions. Il sera résolument internationaliste car, moins que jamais, face à la mondialisation du capital, une transformation radicale n’est possible dans le seul cadre des nations. Il fonctionnera de manière transparente et démocratique, garantissant le pluralisme des opinions et courants en son sein.

Un tel parti aura pour mission fondamentale d’œuvrer à la renaissance d’une perspective socialiste pour le siècle qui s’ouvre. Un socialisme qui remette à l’ordre du jour l’appropriation sociale des grands moyens de production et qui fasse en sorte que le travail cesse d’être une marchandise. Qui pousse la démocratie jusqu’au bout et organise le transfert massif des pouvoirs vers l’autogestion, et non plus simplement vers l’État Qui libère les aspirations à l’autonomie des individus, intègre les apports du féminisme dans une lutte résolue contre la division sexuée du travail, récuse le productivisme dont l’humanité a pu mesurer les dégâts.

Révolutionnaires, nous restons convaincus que le capitalisme ne peut être dépassé graduellement. Mais nous considérons, aujourd’hui comme hier, que cela n’interdit en rien de faire l’expérience loyale d’une formation politique avec d’autres courants, dès lors qu’existerait une vision commune des enjeux du moment et des tâches qui en découlent.

C’est dans cette mesure que le rassemblement unitaire d’une gauche de gauche, la reconstruction d’une gauche de combat, un front politique et social constitué au départ sur une série d’objectifs communs dans le but d’affirmer une de gauche, un rassemblement de forces et de militants voulant agir ensemble dans les luttes et les élections doivent permettre de faire mûrir la perspective de ce grand parti pour le socialisme. 5- Le NPA doit être un levier pour y parvenir !

Si le but, à terme, est de parvenir à un tel parti, si une politique de front politique et social des sensibilités antilibérales et anticapitalistes peut en poser les jalons, il ne saurait être question d’attendre. C’est en ce sens que le « nouveau parti anticapitaliste » peut être un levier précieux.

Pour autant, nous ne pensons pas qu’il soit une fin en soi, une proposition par laquelle la LCR s’efforcerait simplement de rassembler autour d’elle pour élargir son audience. Il ne peut donc résulter de la simple rencontre entre la LCR et ceux qui, « en bas », aspirent à « se représenter eux-mêmes ».

Le « NPA » doit permettre de franchir un premier pas. Il devrait donc être pensé comme un point de départ, et non un point d’arrivée. Une étape vers la réorganisation indispensable de la gauche et du mouvement ouvrier. Un moyen de faire bouger les lignes au sein de ces derniers et d’ouvrir le débat sur l’avenir. Une construction permettant de faire progresser l’objectif du grand parti pour le socialisme qui transformera durablement les rapports de force à gauche. Le « nouveau parti anticapitaliste » doit donc faire, dès maintenant, de son fonctionnement démocratique, du respect des courants d’opinion en son sein, de son pluralisme revendiqué une force mobilisatrice.

En d’autres termes, le « nouveau parti anticapitaliste » doit s’affirmer comme une organisation qui dès le départ veut rassembler au-delà des seuls « révolutionnaires ». Pour faire partager ce projet au plus grand nombre, les comités d’initiative doivent s’adresser à toutes les organisations et à tous les courants politiques, nationaux ou locaux, prêts à s’engager avec eux dans cette direction. Simultanément, il leur appartient d’en appeler à toutes celles et tous ceux, militants du mouvement social, ex-organisés ou inorganisés, jeunes ou militants agissant contre toutes les discriminations, hommes et femmes soucieux de réveiller l’espoir d’un changement de société. Nous n’avons rien à craindre à ouvrir toutes les discussions : sur la forme de l’organisation à bâtir, sa stratégie, son fonctionnement. C’est même la condition si l’on veut commencer à regrouper celles et ceux qui, sans se dire nécessairement « révolutionnaires », attendent une gauche parlant et agissant enfin... à gauche.

Ensemble, nous pouvons initier une dynamique qui bousculera tous les statu quo !


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