Pierre Lambert, 1920-2008 (par Vincent Présumey)

vendredi 9 mars 2018.
 

Un vrai bloc d’histoire sur lequel on raconte beaucoup d’âneries.

La mort de Pierre Lambert, à l’âge de 87 ans ce mercredi 16 janvier, suscite forcément deux types de commentaires. Les uns, hagiographiques, les autres, diabolisant. Il est incontestable que Pierre Lambert représente une page de l’histoire du mouvement ouvrier français.

Son parti, le PT en voie d’être rebaptisé "parti ouvrier indépendant", et son courant qui contrôle en fait le dit "parti", le "courant communiste internationaliste du PT", le présente comme le "dirigeant de la IV° Internationale".

Nous sommes là dans le registre de la mystique et de la mystification, un peu comme ces sectes chrétiennes qui se présentent comme dépositaires du mandat divin : le bon peuple ne sait même pas que ce parti révolutionnaire, indépendant, démocratique, dont la classe ouvrière et tous les opprimés ont réellement besoin, a été proclamé "construit" par les partisans de Pierre Lambert, de même que l’ organisation internationale dont il serait la section française. Oyez, oyez, la bonne nouvelle ... personne ne l’entend puisque c’est un bobard, grossier et, au fond, irrespectueux envers la classe ouvrière.

D’un autre côté les commentateurs journalistiques patentés expliquent que "le mystérieux Lambert" pratiquait l’ "entrisme" et s’embarquent dans de fumeuses spéculations : jusqu’où Lambert avait-il placé ses pions ? Au delà de la rue de Solférino et du siège de FO, allaient-ils jusqu’à l’Elysée ? jusqu’au Vatican ? Carla Bruni a-t’elle été placée par les "lambertos" ? Car ils sont partout, les vrais, les faux, les ex et les pas tout à fait ! Ils ont des signes, ils se reconnaissent entre eux, faites trés attention ... C’est ainsi que dans les salles de rédaction et dans les organisations politiques ou syndicales, se rencontrent des "lambertologues" à la réputation construite sur la connaissance supposée de "qui en est". Soyons clairs : avant de parler de Lambert et d’un éventuel "lambertisme", il faut se déprendre de l’antilambertisme, ce système de fantasmes sur des agents infiltrés tissant leur toile, avatars des théories attribuant des complots à tel ou tel groupe idéologique, ethnique ou religieux, dont on voit bien à quels vieux thèmes ils s’abreuvent, consciemment ou inconsciemment.

Nous avons besoin d’une approche démystifiée, dépassionnée, laïque en somme, de l’histoire de Lambert et de l’organisation qu’il a construite. Beaucoup l’ont chargée de défauts qui étaient en fait aussi en grande partie les leurs : sectarisme, violence latente et parfois ouverte, culte du chef, machisme. La vieille OCI a été, aprés mai 68, le bouc émissaire des gauchistes, des staliniens et de certains chrétiens de gauche. J’ose prétendre que ceux qui sont passés par l’école de la vieille OCI et se sont consciemment défaits du manteau sectaire et affabulateur y ont par contre beaucoup appris et irriguent aujourd’hui, en effet, non comme une bande de comploteurs, mais comme des militants ayant une expérience à échanger, le mouvement ouvrier français. La balance penche du bon côté au solde final de l’histoire : en matière de formation de militants, de combattants, d’intellectuels, Lambert a finalement fait du bon boulot ; au total, si l’on regarde ceux qui ont rompu avec lui ou qu’il a exclus ! Contradictoire ? Bien sûr : la vie est compliquée, la vie est dialectique.

Du jeune Boussel à l’OCI

Pierre Boussel, issu d’un milieu fort pauvre, né le 9 juin 1920 à Montreuil et parfait "titi parigot" de Montreuil avec son ami de jeunesse Essel (le futur patron de la FNAC), est devenu militant trotskyste dans les années 1930, c’est-à-dire au temps où nazisme et stalinisme se dressaient comme deux cauchemars complémentaires barrant l’horizon des magnifiques élans révolutionnaires des ouvriers français et des ouvriers et paysans espagnols et catalans en 36. Il est donc d’une génération qui connaît à la fois les pratiques et les habitus du "vieux" mouvement ouvrier, celui de juin 36, et dans laquelle se sont isolés des outsiders, des fortes têtes opposées au stalinisme et au Front populaire, cette alliance avec la bourgeoisie au motif d’antifascisme qui a finalement ouvert la route au fascisme : des fortes têtes, avec leurs qualités et leurs défauts, hâbleurs et pinailleurs. Passé des Jeunesses communistes au trotskysme, ayant choisi le groupe minoritaire mais activiste de Raymond Molinier et Pierre Frank et ayant tenté de s’insérer dans les rangs de la gauche socialiste pivertiste pour faire connaître ses thèses -assez sommaires : "bâtis ton parti ! bâti ton soviet ! "-, le jeune Boussel n’a pas choisi d’être un militant professionnel : il l’est de fait, dans la clandestinité et la vache enragée, à la suite de son arrestation pour "propagange communiste nuisant à la défense nationale" début 1940 et de sa sortie de prison en pleine débacle de juin 40.

C’est pendant la guerre et l’occupation qu’il prend un profil particulier dans le mouvement trotskyste. Dans les Comités communistes internationalistes dirigés alors par Henri Molinier (tué en 44), il s’oppose aux thèses de ce dernier qui pense que l’ordre du pacte germano-soviétique est installé pour au moins cinquante ans, et il est exclu de ce groupe (pour ses divergences selon la version "lambertiste", pour avoir exposé celles-ci dans une réunion de stagiaires, mettant en danger la sécurité du groupe, selon Michel Lequenne, un militant de cette période qui a beaucoup écrit et qui déteste cordialement Lambert) peu avant la réunification générale à laquelle il participe en 44, donnant naissance au Parti Communiste Internationaliste (PCI), fort d’environ 700 militants. Le camarade Lejeune (son principal pseudo à cette date) a donc été formé par l’école Molinier-Franck, activiste, anti-intellectualiste et souvent sectaire, dont sont issus par ailleurs les fondateurs du futur courant "pabliste" à l’origine de l’actuelle LCR, mais il est à part des courants et fractions du PCI formé en 44. Ce qui est dit là est une première approche pour l’histoire, mais la quantité d’erreurs involontaires ou malveillantes qui circulent dans les papiers des journalistes sur le trotskysme dans la seconde guerre mondiale est impressionnante. Disons simplement ici qu’aucun des courants trotskystes n’est suspect peu ou prou de "collaboration" -à la différence des staliniens du Pacte germano-soviétique.

Lambert -c’est alors qu’il devient Lambert- s’affirme comme l’un des responsables du travail syndical du PCI à partir de 1945, avec notamment Daniel Renard et Marcel Gibelin. Rétrospectivement il est clair que cette activité syndicale fait partie des aspects du combat du PCI d’aprés-guerre qui ont laissé le plus de traces. Elle a deux principaux faits d’arme à son actif. Le premier est la grève Renaut de 1947 -dont le leader le plus connu, Paul Bois, est membre du groupe ancêtre de Lutte Ouvrière, mais il n’aurait pas joué le rôle d’orateur de masse qu’il joue alors sans la présence d’autres militants membres eux du PCI comme Daniel Renard ; cette grève fit basculer la situation politique française en produisant notamment l’exclusion des ministres PCF du gouvernement d’union nationale. Le second est sa contribution, via la tendance révolutionnaire Ecole Emancipée (qui ne doit surtout pas être réduite au trotskysme mais dans laquelle s’expriment les militants trotskystes) au maintien, contre la scission syndicale entre CGT et CGT-FO, de l’unité de la fédération enseignante de la CGT, la FEN, avec droit de tendance, une option qui est à l’origine de la place longtemps occupée par la FEN puis, plus partiellement, par la FSU dans le mouvement ouvrier français.

Dans la version "lambertiste" officielle, Lambert est alors le "chef" de la "Commission ouvrière" du PCI qui est censée avoir été le foyer de résistance aux "moeurs petites-bourgeoises" de la direction représentée par Pierre Frank, puis de résistance au "pablisme". Cette reconstruction du passé faite aprés coup comporte un noyau de réalité, à savoir que c’est l’ancrage syndical de plusieurs des militants du PCI qui les a conduit à résister en 1951-1952 à l’injonction d’adhérer au PCF faite par Pablo en tant que "secrétaire général de la IV° Internationale" (sic) (c’est ainsi par exemple que le jeune Pierre Broué, qui vient de devenir un combattant syndical défenseur des surveillants d’internats dans les lycées, refuse l’ "entrisme"). Au delà de ce fait, cette version cherche à valoriser le rôle de Lambert en le calquant sur le principal "noyau ouvrier" censé avoir maintenu l’orthodoxie trotskyste dans le mouvement : l’équipe du Socialist Workers Party nord-américain (SWP), avec James Patrick Cannon et avec lui Farrel Dobbs et les dirigeants du syndicat des cammionneurs de Minneapolis, à juste titre légendaires depuis leur grève épique de 1934. La thématique de la "commission ouvrière" qui aurait représenté en somme l’essence pure du combat pour l’organisation indépendante de la classe ouvrière contre le pablisme qui conduisait, effectivement, à la liquidation des positions trotskystes par ralliement aux staliniens sous prétexte de guerre mondiale imminente, est un décalque de la mythologie forgée dans le mouvement autour de l’équipe américaine. Un décalque exactement similaire s’est produit autour de l’équipe anglaise de Gerry Healy, surnommée le "Club", qui prétend s’inserrer dans les profondeurs de la classe ouvrière en entrant dans le Labour Party et en excluant en 1949, en accord avec Pablo et Pierre Frank, tous les autres courants trotskystes britanniques.

Le mythe d’un groupe de valeureux militants menés dans les grèves comme dans la résistance à Pablo par Pierre Lambert est bien entendu faux, et d’ailleurs si un militant pourrait prétendre avec plus de justification à en être l’objet, ce n’est pas Lambert mais Daniel Renard. Inversement, existe une version opposée, antithèse du "lambertisme" officiel, exposée par Michel Lequenne dans plusieurs articles et dans son livre Le trotskysme, une histoire sans fard, et reprise par l’essayiste superficiel Christophe Bourseiller, qui fait de Lambert un odieux magouilleur ayant tenté de gagner les faveurs de Pablo puis obligé de s’allier aux vrais antipablistes représentés notamment par Marcel Bleibtreu. En fait, Lambert, exclu en 1950 de la CGT et qui devient alors employé d’une caisse d’assurance maladie et, assez rapidement, permanent syndical Force ouvrière, anime un regroupement de militants syndicaux antistaliniens mais partisans de la réunification de la CGT sur la base de son indépendance de classe (souvent symbolisée par la référence à la Charte d’Amiens), avec un journal, L’Unité. Ce journal mord sur la CGT et sur des militants du PCF et a un financement provenant en partie de l’ambassade de la Yougoslavie de Tito. La réalité historique est bien que Lambert assiste d’abord avec une certaine réserve à la polémique entre partisans et adversaires de l’ "entrisme" dans le PCF et s’y engage lorsqu’il apparaît que la ligne que Pablo veut imposer au nom d’une soi-disant "discipline internationale" conduirait à liquider ce regroupement syndical. De fait, celui-ci va s’étioler dans les années qui suivent, mais il a favorisé une rencontre et la naissance d’une amitié qui devait s’avérer fructueuse pour Pierre Lambert : celle, en 1952, du dirigeant anarcho-syndicaliste de l’union départementale FO de Loire-Atlantique, Alexandre Hébert.

A mi-chemin en vérité du mythe de la glorieuse phalange des valeureux syndicalistes, et de l’antimythe du sombre magouilleur sans principe, une formule ironique de son vieux camarade qui mettra longtemps à s’éloigner de lui, Claude Bernard dit Raoul, exprime sans doute assez bien ce qu’est alors Lambert : le "contact Man" de l’organisation, un type pas forcément important en lui-même, et certainement pas un théoricien ni un analyste politique, mais un organisateur qui noue des contacts et s’en prévaut, parmi lesquels Alexandre Hébert, mais aussi, temporairement, André Marty lors de son exclusion du PCF, et le dirigeant national algérien Messali Hadj. Or, la majorité du PCI est "exclue de la IV° Internationale" de manière parfaitement autoritaire et bureaucratique, par Pablo, en 1952, à cause du refus de l’ "entrisme" au PCF (notons cela pour les journalistes "experts" : le "lambertisme" naitra du refus de l’ "entrisme" ! ) et est menacée, tout simplement, d’atrophie, d’isolement, national et international. Dans ces conditions les talents du "contact Man" sont décisifs pour ne pas sombrer dans l’isolement total envers le mouvement ouvrier français réel.

Au plan international, cet isolement semble surmonté fin 1953 et les "contacts" sont essentiellement le fait de Daniel Renard, le SWP rompant avec Pablo, entraînant le groupe anglais de Gerry Healy et les uns et les autres formant avec le PCI français un "Comité international de la IV° Internationale". En réalité cette nouvelle alliance internationale est assez illusoire, malgré le poids symbolique et moral du SWP (alors confronté au mac-carthysme). Chacun restera dans un relatif isolement, et c’est alors que le PCI va progressivement tourner autour de la personne de Lambert au point de pouvoir être appelé, aprés 1958, "groupe Lambert". Plusieurs autres personnalités fortes en sont éliminées, Danos et Gibelin dés 1953, Bleibtreu et Lequenne en 1955, et Daniel Renard va progressivement se replier, s’estomper. 1958 est l’année clef, car la défaite ouvrière que constitue la prise du pouvoir par De Gaulle et la mise en place de la V° République, plus le ralliement de Messali Hadj, pris pour cible par le FLN algérien, à De Gaulle, alors que Lambert avait présenté Messali comme le "Lénine algérien", sont des coups durs pour le groupe.

C’est alors, en 1959, et non pas en 1969 à la suite de la décision de voter Non au référendum gaulliste, que Lambert et Hébert votent pour la première fois pour le rapport moral au congrés de la CGT-Force ouvrière. C’est là un évènement inconnu, ignoré, des "lambertistes" évidemment, mais aussi des antilambertistes patentés qui généralement ne savent pas déméler, dans leur hostilité mélangée à FO et au trotskysme, ce qui est insertion normale dans une organisation syndicale réformiste et ce qui est caution des aspects les plus droitiers, les plus dangereux, de la politique de ses dirigeants. Or en 1959, à la surprise des autres courants anarchistes, syndicalistes révolutionnaires ou socialistes de gauche, Hébert et Lambert, représentants reconnus de l’opposition de gauche dans FO, votent pour le rapport moral d’une direction confédérale qui vient de refuser de voter Non au premier référendum gaulliste, celui sur la constitution de la V° République, comme l’ont par contre fait la FEN et la CGT. Pas un mot, par exemple, de ce premier et décisif ralliement, dans le livre de Lambert et Gluckstein Itinéraires, qui explique que ce qu’ils présentent comme l’alliance entre révolutionnaires et réformistes pour sauvegarder le "syndicalisme indépendant" de FO date de 1969. La vraie raison en est que la direction de FO a exclu d’anciens opposants socialistes "de gauche" mais "Algérie française" autour de Raymond Le Bourre (un ancien pivertistes qui finira au Front national ...) surpris par la presse dans un ascenseur avec ... les hommes du général, Michel Debré et Jacques Soustelle. Cette rupture est censée garantir l’ "indépendance syndicale" même en soutenant en fait De Gaulle ! Hébert et Lambert deviennent alors l’opposition officielle, intégrée dans l’appareil de la confédération.

Un autre fait peu connu mérite d’être rapporté ici, car il souligne des évolutions parallèles entre organisations dont la culture militante et la culture tout court finissent à long terme par diverger : c’est aussi en 1958 que le groupe Voix ouvrière et le groupe La Vérité dit "groupe Lambert" entrent en contact, sans aucun doute sous la forme d’un "dialogue de chef à chef" qui conforte chacun des deux chefs dans son propre groupe, Lambert d’une part, Robert Barcia dit Hardy d’autre part, et que des diffusions communes sont organisées devant les entreprises avec des mesures de protection contre les agressions staliniennes : selon Robert Barcia, "Grâce à Lambert, nous nous sommes ouverts sur la province" (entretien dans La véritable histoire de Lutte Ouvrière, 2003), autrement dit le "joint venture" a surtout profité à Voix Ouvrière et Lambert a contribué de manière décisive au développement national de ce courant rival !

L’OCI et sa plus éminente médiocrité

La physionomie du noyau dirigeant de ce qui sera l’OCI se dessine donc de manière durable en ces années, et Lambert en est le personnage central, le dirigeant reconnu. Cette physionomie est double. Elle repose en effet sur deux piliers.

Celui d’une groupe de quelques dizaines de militants à la fin des années 1950, puis quelques centaines à la fin des années 1960, basé sur une solide formation marxiste et trotskyste, caractérisée par la dimension internationale de ses analyses, enrichies par les contributions d’intellectuels comme les historiens Pierre Broué et Jean-Jacques Marie, d’une part, les théoriciens Stéphane Just et Gérard Bloch, d’autre part, qui cherche à résoudre la "crise de la direction révolutionnaire internationale du prolétariat à laquelle se résoud la crise de l’humanité" par des interventions unitaires, des débats historico-théoriques au couteau, et des regroupements internationaux combinant "reconstruction de la IV° Internationale"’ par alliance avec des courants trotskystes antipablistes -SWP américain jusqu’en 1962, organisation britannique de Healy, une alliance orageuse, jusqu’en 1970, Parti Ouvrier Révolutionnaire bolivien de Guillermo Lora de 1967 à 1979, pour ne citer que les principaux- et campagnes de défense des militants, syndicalistes ou intellectuels persécutés aussi bien dans le Chili de Pinochet qu’en URSS ou en Chine ...

L’organisation de ce groupe est "tenue" par Pierre Lambert qui est en même temps l’homme clef du second pilier, un réseau amicalo-syndicaliste qui devient l’opposition officielle, alliée à la direction, dans FO, tout en étant bien présent aussi à la FEN. Ce réseau repose sur des compromis avec les appareils syndicaux et n’est pas, en fait, fondamentalement différent de ce que l’on peut voir aujourd’hui de la part de secteurs de la LCR par exemple dans la FSU. Son développement n’est pas contrôlé par l"organisation, mais par Lambert personnellement ; mais tous les autres responsables politiques, Stéphane Just comme Pierre Broué, acceptent qu’Alexandre Hébert assiste fréquemment aux réunions du Bureau politique de ce qui devient l’OCI (Organisation Communiste Internationaliste) en 1965 alors qu’il ne se considère absolument pas comme trotskyste et ne s’en cache pas. Progressivement, le "premier pilier" (construction d’un parti révolutionnaire) sera adapté et sacrifié au "second pilier" (le réseau bureaucratico-amical dont Lambert est le centre), mais probablement sans plan préconçu à l’avance.

Cette évolution progressive s’effectue en effet en même temps que l’OCI, et son organisation de jeunesse l’AJS (Alliance des Jeunes pour le Socialisme) à partir de 1968, devient l’une des grandes organisations d’ "extrême-gauche" en France, bien qu’elle récuse le terme, à la fin des années 1960, et, dans la seconde partie des années 1970, la plus importante numériquement, l’apogée d’environ 6400 militants ayant été atteint finalement vers 1982. Dans l’extrême-gauche, l’OCI et l’AJS sont alors les organisations "anti-gauchistes", qui préconisent le front unique ouvrier, défendent le syndicalisme traditionnel, en sauvent littéralement l’existence dans le milieu étudiant en maintenant une "UNEF Unité syndicale" autour de laquelle se formera l’UNEF-ID en 1980, et rejettent les discours sur le "pouvoir dans la rue", la "pédagogie" et la "révolution sexuelle" au risque de revêtir un profil faussement "puritain" voire machiste (Lambert, avec l’aide de Just et de Bloch, élimine de l’OCI, en 1967, le responsable à la formation qu’il avait lui-même intronisé dix ans auparavant, Boris Fraenkel, grand introducteur de Reich en France et homosexuel revendiqué, au motif qu’il avait imprimé une traduction de Reich sur les presses de l’organisation sans l’en avoir avisée ...). Quand les grandes années du gauchisme post-soixante-huitard se nuancent et s’éloignent, à partir en gros de la dissolution de la Ligue en 73 et des présidentielles de 74, l’OCI a pendant quelques annés le vent en poupe. Il est alors question de mettre en avant le passage au "parti des 10 000" (les 10 000 militants, chiffre symbolique du franchissement d’un seuil qualitatif) en relation avec le combat pour la "reconstruction", ou "recomposition", voire "réunification", de la IV° Internationale, l’OCI semblant être engagée aprés 1973 dans un débat offensif en direction du "Secrétariat unifié de la IV° Internationale" (SU) formé en 1962 par les héritiers de Pablo, inspirés par le dirigeant et théoricien économique Ernest Mandel, et le SWP nord-américain, dont la Ligue communiste puis LCR est la section française.

La perspective d’une réunification partielle des courants se réclamant du trotskysme a été éloignée par la formation, fin 1979, d’un "comité paritaire" entre le courant animé par l’OCI française et le courant dirigé par le révolutionnaire argentin Nahuel Moreno, suivie d’une rupture entre Lambert et Moreno en 1981, dépourvue d’explications politiques sérieuses de part et d’autre, et dont le troisième courant qui en était partie prenante -la petite "TLT", tendance léniniste-trotskyste du SU, entrainant vers l’OCI environ le quart de la LCR de l’époque mais qui comportait aussi des groupes en Amérique centrale- a fait les frais. L’arrière-plan de cet épisode, le dernier moment où les grandes "familles" historiques du trotskysme ont tenté de se rassembler et de discuter sur un plan international, est constitué par la révolution nicaraguayenne. Je l’ai examiné plus précisément dans mon article sur Pierre Broué (http://site.voila.fr/bulletin_Liais...).

C’est dés 1983 que Lambert commence à expliquer que maintenant que le SWP est devenu le parti pro-cubain, et non plus trotskyste, des Etats-Unis, la "continuité de la IV° Internationale" représentée jusque là par les "noyaux ouvriers" du SWP américain et du PCI français, ne l’est plus que par le noyau français, c’est-à-dire par lui-même. Autrement dit : je suis la IV° Internationale ! Dans le cas de Lambert, il ne s’agit pas vraiment de grosse tête, mais d’une résignation tranquille : plus la peine de s’embêter avec des opérations de discussions, de scissions, de regroupements, avec d’autres courants comme celui de Moreno avec lesquels on est forcés, chose trés ennuyeuse, contrariante et qui oblige à garder la main posée sur le porte-monnaie, tout doit se faire autour de moi et de mes hommes à moi, point à la ligne. La transcroissance vers une nouvelle internationale, une IV° Internationale rétablie allant réellement de l’avant, avec un débat démocratique et plusieurs courants, comme la transcroissance vers un parti ouvrier révolutionnaire de 10 000 militants en France, ne se fera pas. Fondamentalement, Lambert n’en voulait de toute façon pas (comme sans doute, chacun chez eux, les dirigeants des autres courants internationaux impliqués dans ces débats) car cela aurait exigé de modifier radicalement le train-train, l’institutionnalisation tranquille désormais acquise par la "boutique"", par "notre affaire qui tourne et qui rapporte" ainsi qu’il l’écrira lui-même ou le fera écrire dans des circulaires internes de la fin des années 1980 ...

Ce qui a permis cette évolution, c’est le régime intérieur de l’organisation. Au nom du centralisme démocratique qui admet le droit théorique de débats de tendances et de fractions, celles-ci étaient en réalité impossibles, puisque la direction fonctionnait elle-même comme une fraction taisant ses divergences devant les militants, merveilleux moyen pour forger et entretenir le pouvoir d’une sorte d’oligarchie, elle-même dominée par un chef charismatique dont il est patent qu’il a éliminé les uns aprés les autres, en relation avec les débats politiques du moment, toute autre personnalité indépendante -faisons ici la liste rapide des purges nationales, sans parler des purges et mini procés staliniens locaux : Jacques Danos et Marcel Gibelin en 1953, Marcel Bleibtreu et Michel Lequenne en 1955, Robert Chéramy et Charles Cordier en 1960, Boris Fraenkel en 1967, Balasz Nagy dit Michel Varga en1973 -la plus violente-, Charles Stobnicer dit Charles Berg en 1979, Stéphane Just en 1984, Pierre Broué en 1989, André Lacire dit A.Langevin et Michel Panthou en 1991, Pedro Carrasquedo en 1992 (je dirai plus loin pourquoi je ne mets pas Cambadélis dans cette énumération) ..., sans oublier des militants étrangers, odieusement calomniés comme l’infatigable révolutionnaire péruvien Ricardo Napuri, accusé -en France car au Pérou personne n’y aurait cru ! -de garder pour s’enrichir son indemnité parlementaire alors que Lambert vivait dans un confort incontestable de ses émoluments de permanent à vie dans un pays industrialisé ...

Il ne faudrait pas croire pour autant que ces purges n’ont eu d’autres motifs que la nécessité de "faire de la place au chef". Il est même possible que, subjectivement, Lambert les ait autant subies que provoquées (les purgés de demain était d’ailleurs souvent ses agents purgeurs d’aujourd’hui comme Stéphane Just envers Varga puis comme Pierre Broué envers Stéphane Just) ; elles ont eu à chaque fois des raisons politiques aussi, qu’il faudrait développer dans une histoire argumentée de l’OCI-PCI, que cet article ne prétend pas être. Mais justement : ces débats aurait dû, dans une organisation révolutionnaire et donc démocratique, être légitimes car leurs enjeux étaient finalement la manière de construire un véritable parti révolutionnaire de la classe ouvrière. Le parti bolchevik, dans les conditions de la clandestinité, puis de la révolution et de la guerre civile, sans avoir été forcément toujours un asile idéal de démocratie, a été sans conteste un lieu de débat ouverts, riches et âpres, sans lesquels il n’aurait pas permis la révolution d’Octobre. Rien de tel dans l’organisation construite par Lambert, alors même que la formation politique et intellectuelle que l’on y recevait, riche et dense, et les qualités qu’elle exigeait pour agir, des qualités d’altruisme, d’énergie et de réactivité, poussaient au débat et à la confrontation : dans un tel système les meilleurs deviennent soit des chefs, soit des marginaux, et le commun est peu à peu fatigué et routinisé, ce qui caractérise la vie de cette organisation depuis la fin des années 1980. Par rapport à la longue liste des personnalités qu’il a éliminées, sans oublier celles et ceux qui sont partis sur la pointe des pieds, Lambert est généralement moins "brillant" que chacun d’eux. C’était une figure terne, un bon conteur, attachant dans ses numéros de gouaille parisienne, mais répétitif et, au fond, assez ennuyeux. Mais excellent pour coordonner et contrôler les relations entre personnes.

En un certain sens, et toutes proportions gardées, Lambert, pour reprendre une formule employée par Léon Trotsky dans une conversation avec Skliansky pour essayer de répondre à la question "Qu’est-ce que Staline ?", était, comme encore auparavant un Ebert dans la social-démocratie allemande, "la plus éminente médiocrité de notre parti". Ces défauts étaient le revers d’une grande ténacité et d’un tempérament patient qui a certainement eu son utilité dans l’adversité. Mais, il faut le dire et ce n’est pas là cruauté de ma part : Lambert n’était ni Cannon, ni Moreno, ni Ted Grant. ll n’a d’ailleurs rien laissé de conséquent comme oeuvre théorique, ce qui n’est pas un reproche en soi mais qui doit être dit envers ses adulateurs qui seraient pourtant bien en peine de citer ce qu’il a pu apporter en la matière, comme envers ses conchieurs qui seraient eux-mêmes bien en peine de dire ce que peut bien signifier ce mot en "isme" qu’est "lambertisme". Il avait par contre quelques talents pour faire écrire les autres et utiliser les talents des autres.

Ce militant de valeur formé et sélectionné dans les années les plus difficiles n’a donc été ni un théoricien, ni un grand dirigeant de masse, ni un meneur ouvrier, mais avant tout un monteur d’organisation, type nécessaire mais qu’il faut encadrer par la démocratie. Dans un petit appareil se prenant pour une phalange bolchevique en acier trempé, l’accession de ce type là au premier plan, la prééminence de la "plus éminente médiocrité" est le signe psychologique de ce que le petit appareil est en train de faire de l’objectif révolutionnaire le sujet de causerie des dimanches et jours de fêtes, et de s’intégrer à l’ordre capitaliste et bureaucratique réellement existant. Que ses membres de la base au sommet se considèrent comme d’ardents révolutionnaires ne remet pas en question cette réalité, mais lui permet au contraire de se reproduire.

Une parenthèse obligée : et non, Lambert n’a pas fait d’"entrisme" !

Ce phénomène de micro-bureaucratie, sorte d’annexe et de singerie des grandes bureaucraties existantes dans le mouvement ouvrier, a comporté en outre un autre aspect mal connu en son temps, sauf par rumeurs, et depuis étalé sur la place publique, celui des "sous-marins". Ouvrons ici une brève parenthèse, puisqu’on parle sans arrêt, principalement à cause de Lambert, de l’ "entrisme" des "trotskystes".

En réalité, celui-ci n’a rien d’un complot et a eu des formes différentes de ce que Lambert a essayé de piloter dans la social-démocratie française. C’est pourquoi avec Lambert le terme correct n’est pas du tout "entrisme", mais "sous-marinage". Il s’agit de quelque chose de différent de l’ "entrisme" tout à fait transparent, ouvert et public, que préconisait Trotsky dans la social-démocratie en 1934, comme des autres cas d’entrisme se réclamant de Trotsky que sont celui de l’entrisme dit "sui generis", d’un genre particulier puisqu’il impliquait de se renier, demandé par Pablo dans les partis staliniens en 1952, de l’"entrisme organique" mis en oeuvre par Moreno en Argentine qui consistait à se faire passer pour péroniste à la fin des années 1950 tout en essayant de former un vrai courant politique à partir de là, et enfin de l’entrisme à perpétuité mis en pratique par Ted Grant et ses disciples d’une part dans des partis issus du mouvement ouvrier comme le Labour party britannique, d’autre part dans des partis bourgeois populistes comme le Parti du Peuple Pakistanais, et d’essayer d’y former des courants de gauche et des militants marxistes. Le sous-marinage à la Lambert, source involontaire de sa réputation journalistique, n’a rien à voir avec tout cela, et au risque de surprendre je dirai que de sa part cela n’a été rien d’autre qu’un pis-aller hasardeux résultant de la force des idées et des orientations politiques que portait malgré tout son organisation, l’OCI.

La possibilité d’organiser un courant socialiste ou social-démocrate de gauche existait (autre chose est de dire que c’est "ce qu’il aurait fallu faire") et méritait un débat qui, comme les autres, ne pouvait se développer librement dans une organisation telle que l’OCI, qui était pourtant bien placée pour influencer des militants socialistes ou réformistes poussés vers la gauche. Cette question s’est posée beaucoup plus tôt qu’on ne le pense en général, puisque c’est entre 1958 et 1960, dans la crise provoquée dans les milieux socialistes par la victoire gaulliste, lors de la genèse de ce qui sera le PSU (Parti Socialiste Unifié) que des militants du groupe "Lambert" tentent d’y intervenir -un véritable "entrisme" au départ, donc. Ces militants sont par ailleurs fort bien inserrés dans le SNES-FEN, le syndicat des professeurs de l’enseignement secondaire. Mais ce qu’ils font au PSA (Parti Socialiste Autonome, qui existe de 1958 à 1960 et donne naissance au PSU) échappe à Lambert, qui se demande quel type de courant pourrait en sortir ; en tous cas, un courant qu’il ne contrôlerait pas. En 1960 il fait exclure -confidentiellement, puisqu’officiellement ces militants ne sont pas membres de son groupe- Robert Chéramy, Louis-Paul Letonturier et Charles Cordier, qui deviendront tous des dirigeants syndicaux à la FEN et, pour le premier, un conseiller de François Mitterrand. Le motif de l’exclusion est qu’en suivant les militants du PSA dans le nouveau PSU ils cautionnent la liquidation d’un courant issu du mouvement ouvrier par la prise de contrôle du PSU par un politicien bourgeois, l’ancien président du conseil de la IV° République Pierre Mendés-France. Les débats dans la mouvance PSA-PSU-UGS-UPS (Union de la Gauche Socialiste et Union Pour le Socialisme) ont d’ailleurs permis la venue à la future OCI de deux militants importants par la suite, Jean-Jacques Marie et Jean Ribes. Mais ce véritable "entrisme" a été stoppé net, on le voit, par Lambert.

Dix ans plus tard, mais à une bien plus grande échelle, la problématique de la naissance du nouveau PS entre 1969 et 1971 est en partie la même. Des cadres politiques, des intellectuels, des responsables syndicaux radicalisés par mai 68, sont à la fois en contact avec l’OCI et l’AJS et avec les milieux où le nouveau PS cherche à puiser des cadres. Rentrer dans le parti d’Epinay et prendre la tête de ses jeunes n’était pas forcément stupide pour des révolutionnaires ... encore une fois je ne dis pas que c’est ce qu’il aurait fallu faire, mais que la question devait être débattue comme telle, ce qui n’a pas été le cas dans l’OCI comme telle. A ce moment là en fait Lambert pratique un double jeu : officiellement il sera de l’avis d’Alexandre Hébert, à savoir que la prise en main du PS par le politicien bourgeois Mitterrand est une tentative de le détruire comme parti issu du mouvement ouvrier (Hébert pensera que cela a été fait à Epinay), donc il ne faut surtout pas aller dans cette opération, encore moins qu’au PSU avec Mendés en 1960. Mais en même temps il accepte qu’une recrue de valeur, le jeune Lionel Jospin, soit intégrée sur la base de ses relations directement dans l’équipe rapprochée de François Mitterrand. D’un côté, pas de combat politique ouvert qui aurait pu (ou non, cela aurait dû se débattre) servir de base à un véritable entrisme, mais de l’autre, installation d’un "sous-marin" aux plus hauts niveaux, en cachant naturellement la chose aux militants de base de l’OCI.

Lionel Jospin transférera de sa formation trotskyste beaucoup de l’énergie et de l’ardeur critique anticapitaliste et antistalinienne aux jeunes loups du PS d’Epinay des années 1970 et accédera à la tête de ce parti en 1981, quand Mitterrand devient président. Ce n’est qu’en 1983 qu’il s’oppose aux conseils de Lambert, avec lequel les relations sont serrées et régulières, qui voulait qu’il engage le PS dans l’opposition à la politique d’austérité incarnée dans le gouvernement Mauroy par Jacques Delors, Jospin arguant contre cela du danger représenté par la droite et les débuts du Front national. Et ce n’est jusqu’en 1987 que Lionel Jospin cessera de payer ses "phalanges" (cotisations) à l’organisation. L’année suivante, il est ministre de l’Education nationale dans le gouvernement de Michel Rocard et met en oeuvre avec son conseiller le réactionnaire Claude Allègre une politique d’autonomie des établissements fragilisant le service public et la laïcité, combattue férocement par les syndicats enseignants de FO que contrôlent les militants de l’ancienne OCI ... Mais de part et d’autre le secret est gardé, les rumeurs démenties. Même les exclus de l’OCI qui sont dans la confidence, et il finit par y en avoir pas mal, gardent le silence. Ce n’est que lorsque l’intéressé, devenu premier ministre (et son âme damnée Allègre, qui lui n’a jamais été trotskyste de prés ou de loin, ministre de l’Education nationale ! ) que les choses filtreront vraiment, obligeant pour leur part Lambert et Gluckstein à pondre un petit livre d’autojustification, Itinéraires. Avec le cas Jospin, Lambert substitue ses méthodes personnelles de roublardise et d’entregent, expérimentées dans les milieux syndicaux, à la bataille politique (entriste ou non) vis-à-vis du parti qui finalement capitalise la poussée à gauche de mai 68 et des années 1970, et qui est le PS. Le vrai vainqueur et le plus roublard a été Mitterrand, c’est évident, mais le militant Jospin a été poussé dans cette situation. Car Lionel Jospin est au départ un militant discipliné de l’OCI -et même un militant qui a donné un gage initial, puisque, formé par Boris Fraenkel et ayant une amitié intellectuelle avec lui, il a cautionné son exclusion. Chose très remarquable, Jospin n’a jamais été sanctionné pour indiscipline alors qu’il a été, à son corps défendant et au moins à partir de 1983, le plus indiscipliné des militants de l’OCI eu égard aux enjeux de son action ! Là ou Chéramy, Cordier et Letonturier ont été mis à la porte en 1960, Jospin a pu continuer à figurer dans les effectifs des "phalanges spéciales" jusqu’en 1987 ! La raison en est que Lambert a compté le plus tard possible sur son influence en dehors de tout poids politique réel dans les hautes sphères du PS et du pouvoir.

Parallélement, en une sorte de chassé-croisé intéressant, Lambert se faisait "piquer" sa jeune équipe parisienne d’étudiants brillants animateurs de l’UNEF-ID autour de Jean-Christophe Cambadélis par Mitterrand, sans qu’il y ait eu d’interférence entre cette opération et la position particulière de Lionel Jospin. Tout simplement cette équipe, entraînée par les conseils de Lambert à "négocier" postes, fonds et places dans l’UNEF et la MNEF (la mutuelle étudiante), a trop bien retenue ses leçons et, se trouvant un nouveau "parrain" qui, de leur propre aveu, présentait une séduction analogue à celle de Lambert, mais qui était un homme de pouvoir nettement plus haut placé puisqu’il s’agissait du président de la V° République en personne, a changé de cheval et a rallié PS et Elysée. La rupture de 1986 a autant été un vaste cocufiage de Lambert par Mitterrand qu’une "purge lambertiste" analogue aux autres. Complétée au plan international, l’année suivante, par le départ-exclusion de Luis Favre, un conseiller du dirigeant pétiste brésilien Lula, et au plan confidentiel par l’éloignement définitif de Lionel Jospin également en 1987, elle affaiblit sérieusement Lambert, de son point de vue à lui, qui n’est pas la construction réelle d’un parti révolutionnaire, mais le développement d’un réseau d’influence politique dont la finalité ne devait d’ailleurs plus être trés évidente pour lui. Ni parti révolutionnaire indépendant, ni contrefort d’un courant socialiste de gauche de masse, le "lambertisme" s’installe alors une fois pour toute dans une place circonscrite et réduite, mais confortable : celle d’un petit appareil politique de défense et illustration du "syndicalisme confédéré" version Force Ouvrière, et de coups de coudes entre ses membres pour monter dans l’appareil confédéral.

A la fin des années 1980, de nouveaux horizons s’ouvrent, le Mur de Berlin s’effondre ; l’horizon de Lambert, lui, se rétrécit une bonne fois pour toutes.

Le "PT" français, ectoplasme politique.

En 1991 est donc proclamé un "Parti des Travailleurs" en France, rien que ça, par transformation de l’ancienne OCI-PCI en une fédération illusoire et artificielle de "courants", le courant communiste internationaliste, le courant du vieil allié d’Alexandre Hébert dit "anarcho-syndicaliste" et les courants fictifs "socialiste" et "communiste" du PT. Ce "PT" arbore ce nom à la suite du PT brésilien, vrai parti de masse depuis porté au pouvoir et qui est devenu le soutien d’un gouvernement social-libéral, mais il a quant à lui trois ou quatre fois moins de militants que le PCI de 1982 ...

L’année suivante est reproclamée la IV° Internationale, "refondée" et qui, donc, comme si de rien n’était, se remet à numéroter ses congrés à partir du 4° puisque trois congrés mondiaux s’étaient officiellement tenus jusqu’à celui qui vit éclater la crise dite pabliste, en 1951. De toutes ces bonnes nouvelles la classe ouvrière ne sait rien. L’auto-hypnose politique, ne dupant que ceux qui veulent bien faire semblant, est totale. En fait, décréter que le "parti des travailleurs" est construit en France a une signification bien précise : cela veut dire qu’il n’est plus à construire, qu’il n’y a plus de combat à mener contre les vieilles directions, de combat unitaire pour aider aux luttes de classe (le front unique ouvrier), que les problèmes sont réglés puisque le parti des travailleurs est là : derrière l’auto-affirmation sectaire, c’est l’acceptation du "à chacun son espace politique", qui est, notons-le bien, une caractéristique non seulement du PT, mais de l’extrême-gauche française en général, même si cela revêt ici des formes particulières. De même, la proclamation de la "IV° Internationale" soi-disant reconstruite a le même sens au plan international. De même que le "CCI du PT" elle est enchâssée dans une fumeuse "Entente Internationale des Travailleurs et des Peuples". Au moment où le Mur de Berlin tombe, c’est la fermeture politique d’un courant qui portait quand même un héritage, celui du combat contre l’ordre mondial de Yalta et de Potsdam, contre le capitalisme et la bureaucratie. "Silence, rideau, on ferme", tel est le message de Pierre Lambert à l’issue de toute une période historique de plusieurs décennies.

Le PT est en fait la couverture politique d’une installation désormais totale dans les plis et les replis de l’appareil confédéral de la CGT-Force Ouvrière, et subsidiairement dans la direction de la Libre Pensée et dans certains milieux francs-maçons. A partir de 1969 -où ce vote était justifié, car cette année là la confédération a bel et bien appelé à voter Non à De Gaulle, avant la CGT, encore que l’accord officieux passé entre Lambert, Hébert et Bergeron, qui supposait que le Oui l’emporte, prévoyait qu’il y aurait participation au Sénat gaulliste ... (ces faits sont exposés dans la revue La Révolution prolétarienne parue après le congrés FO de 1969)- tous les rapports moraux de Bergeron sans exception seront votés par Hébert et Lambert.

D’autre part, les positions de l’OCI sont importantes aussi à la FEN, où l’on constate que sur la durée, l’organisation a oscillé entre la participation à la tendance devenue syndicaliste révolutionnaire de l’Ecole Emancipée (EE), qu’elle a tenté de liquider en 1969, la "montée" dans l’appareil réformiste (dés les années 1950 dans le SNES "classique et moderne"), où la promotion de sa propre tendance, l’EE-FUO (Ecole Emancipée pour le Front Unique Ouvrier).

Fin 1983, à la demande d’André Bergeron, le dirigeant de FO, une décision importante est prise et imposée par Lambert : faire sortir de la FEN la grande majorité des militants de l’OCI-PCI pour leur faire prendre en main la fédération FO de l’enseignement. Véritable coup historique porté à l’unité de la FEN, cette décision, qui n’a pas réellement bouleversé le paysage syndical enseignant, apparaît aprés coup comme ayant ouvert à la voie à la tentative de "recomposition syndicale" de la FEN par ses propres dirigeants, mettant en cause leurs anciennes traditions (objectif de réunifier le mouvement ouvrier, forts syndicats de métiers et droit de tendance) et montant ce qui sera l’UNSA. Elle signifie un alignement profond de toutes les positions syndicales de l’OCI-PCI sur les intérêts de l’alliance bureaucratique entre Lambert et Hébert avec Bergeron. Elle conduit l’OCI-PCI à renier un de ses fondements : le combat pour la réunification syndicale du mouvement ouvrier français sur la base de l’indépendance de classe. C’est exactement au même moment que, politiquement, sont lancés les "comités pour un parti des travailleurs". Est ici exploitée et détournée l’idée -défendable- de mettre en avant le fait que les travailleurs n’ont pas une représentation politique qui soit véritablement la leur, et qu’il faut s’unir pour débattre de ce problème entre militants des diverses tendances du mouvement ouvrier, dans le sens de l’affirmation que ça y est, PS et PCF ne sont plus rien pour les travailleurs, qui conduira à la proclamation du "PT". Les militants qui s’opposent à ce tournant, ainsi qu’au passage de la FEN à FO, ou qui auraient voulu les discuter, sont souvent exclus avec Stéphane Just.

Sur la voie de la proclamation du PT, s’inserre l’affligeante campagne des élections présidentielles de 1988 : pour la première et dernière fois de sa vie, Pierre Lambert sous son nom de Pierre Boussel apparaît dans les médias nationaux, excluant tout propos autre que défensif sur les revendications ouvrières, ne posant ni la question du pouvoir, ni celle de la révolution (vous n’y pensez pas ! ), se présentant non comme trotskyste, ni même comme militant, mais comme petit retraité de la Sécurité sociale ...

Le succés réel, y compris n’en doutons pas sur un plan personnel, pour Lambert, n’est assurément pas sa campagne des présidentielles, mais l’accession du poulain des milieux amicalo-syndicalistes de FO, couvé depuis des années dans la Fédération des Employés et Cadres, à la tête de la confédération FO fin 1989, à la suite d’une vraie bataille contre les partisans d’un rapprochement à terme avec la CFDT et l’UNSA et de la poursuite renforcée de la collaboration organique avec le patronat. L’aile gauche de l’appareil syndical, qui signe elle aussi des accords pourris mais qui veut s’arrêter en chemin, prend le pouvoir dans FO avec Marc Blondel, fils spirituel indéniable de Lambert et d’Hébert (mais je ne me risquerai pas à dire qui est le papa et qui est la maman ! ).

De la campagne présidentielles de Boussel, le seul "acquis" durable, ce sont les signatures des 500 maires que Gluckstein retrouvera en 2002 et Schivardi en 2007 ; petits maires ruraux de gauche pour beaucoup d’entre eux, gagnés sur le thème de la défense des services publics et de la laïcité, ce qui n’est pas sans valeur, mais aussi maires divers droites ou souverainistes qui veulent défendre "la nation" contre "l’Union européenne". La défense de la démocratie contre la V° République, mise en avant pour lancer les sections pour un parti des travailleurs en 1983-84, est devenue la défense de la nation contre l’Union européenne, cette nation française censée porter avec elles les conventions collectives, la Sécurité sociale, les services publics et la laïcité, et pour ces raisons, attaquée par Bruxelles : sur cette thématique des accointances droitières sont possibles et pratiquées par Lambert, et plus encore par Hébert, qui n’a pas une image de chef de parti trotskyste à préserver un petit peu et qui ne cache pas ses contacts du côté de Pasqua et de Le Pen. Cette histoire de menace de l’impérialisme, "réaction sur toute la ligne", non seulement sur les libertés démocratiques conquises par les révolutions du passé, mais sur l’ "existence des nations" en fait assimilées aux Etats existant, innovation "théorique" de Lambert et de Daniel Glukstein, sert à justifier une orientation politique qui, si elle rappelle souvent les revendications fondamentales de la classe ouvrière de manière défensive, ne veut plus poser la question du pouvoir, ce qui est l’essence même du marxisme, du bolchevisme et du trotskysme : partir des revendications quotidiennes pour conduire les travailleurs à la prise du pouvoir et à la centralisation, à l’unification de leur combat contre l’Etat bourgeois. Le fait (réel) de la formation d’alliance internationales institutionnalisées entre Etats bourgeois, comme l’Union Européenne mais aussi l’OCDE, l’ALENA, le Mercosur ... sert ici à substituer le combat contre le pouvoir réel de l’Etat réel (dont ces institutions, qui doivent être combattues, sont des émanations) par le combat fictif contre un ennemi "transnational" qui "menace les nations". A quel point ce discours peut conduire à des dérives douteuses, un exemple l’illustre cruellement : celui de la seule section de la IV° Internationale reproclamée par Lambert à avoir une base significative dans son pays en dehors de la France, à savoir la section algérienne, qui est elle aussi un "PT", avec une figure emblématique, Louiza Hannoune. La "défense de la nation" a conduit le PT algérien à s’opposer frontalement aux mouvements de masses qui, en Kabylie, ont à plusieurs reprises affronté le pouvoir capitaliste et militaire du régime algérien, et à participer à des élections boycottées par tous les autres partis d’opposition ... ce qui lui a valu la "grande victoire" d’une vingtaine de députés, octroyés par la SM -la Sécurité Militaire algérienne de sinistre réputation ... Et aprés ça on vient faire la leçon sur l’ "indépendance de classe" ?

Attention, toutefois : le "PT" français n’est pas une pure curiosité politique. Beaucoup de militants de l’extrême-gauche actuelle et des mouvements altermondialistes, lorsqu’ils en connaissent l’existence, se contentent d’une moue dédaigneuse à son sujet. Cependant sa posture n’est pas sans analogie avec la leur, elle ne fait que l’accentuer sur certains points. L’idée selon laquelle aprés la fin de l’URSS le monde est à la dérive et que seuls des combats défensifs sont envisageables est une idée bien commune. Le caractère "nationaliste" qui indigne certains militants, dans le cas du PT, est l’extrémité d’une conception défensive se détournant de tout combat sérieux pour poser la question du pouvoir et la résoudre et ramenant tout à la "défense des acquis" sans autre perspectives, avec une bureaucratie syndicale qui, en effet, n’a pas d’autre perspective -ce qui ne peut que la conduire à brader les dits acquis ...

Là réside à terme la contradiction finale du PT. Par rapport à la vieille OCI, ce parti dans les années 1990 est étonnamment terne et calme, grisâtre et ennuyeux comme l’URSS de Brejnev. Au sommet de ce royaume des aveugles, brille par ses sophismes et son érudition "marxiste" celui qui, finalement, par élimination, fut le "dauphin" de Lambert, occupant la place laissée vide par les purges antérieures et les absences croissantes du vieux chef vieillissant, bien conservé au frais dans ses locaux tel un vieux calife : le vizir Glucsktein dont le pseudo était Seldjouk. Quand au vieux chef vieillissant, il était devenu une sorte d’étendard avec son accent avalant ses mots, ses mégots (il est le "pépé mégot" d’un vieux sketch d’Alex Métayer), son pif un peu rougissant, sa bonne bouille de vieux renard finalement pas si malin et peut-être pas si autosatisfait ...

Gluckstein n’est évidemment pas Lambert, ni par ses qualités, ni par ses défauts. Il a veillé sur l’appareil, sur le local du 87 rue du Faubourg Saint-Denis, et sur l’attachement à la lettre de Marx et de Trotsky dans les formations internes, dont l’intérêt aux yeux du "retraité de la Sécurité sociale" Boussel était devenu assez relatif. L’un et l’autre s’amusaient sans doute de leur réputation sulfureuse faite par les journalistes dits d’investigation, une réputation en effet trés au dessus de leurs vertus et de leur habileté réelles. Mais culturellement et pour ainsi dire physiquement, l’un et l’autre ne représentent pas la même chose dans le mouvement ouvrier. Qu’on le veuille ou non, Lambert portait en lui, en sa faconde, le style et une sorte d’âme d’un monde militant, et tout à la fois d’une sphère bureaucratique en osmose avec ce monde. La force de la vieille OCI, dissipée par les purges et les reniements, dispersée dans le monde réel, l’avait abandonné lui et son organisation, mais s’y était substituée une imagerie et un esprit issus du vieux mouvement ouvrier, drainant des bribes de Jaurés, de Pelloutier et de Pivert, sous une forme très abâtardie mais pouvant encore impressionner un jeune, surtout avec son décorum. Lambert parti, cette fausse magie part avec lui.

Le PT était devenu une organisation trés triste. Je me souviendrai toujours de Karim Landais, ce jeune bien représentatif de la recherche honnête d’une issue révolutionnaire et de la soif de savoir des étudiants de la fin du XX° siècle, et qui n’avaient à se mettre sous la dent que ces organisations au lourd passé. En deux ans il avait mesuré toute la tristesse du monde, du manque d’issue politique alors que la crise de l’humanité, et de la planète, sont là, et c’est sa traversée du PT qui la lui avait fait mesurer. Il s’y est brûlé les ailes. Aprés nous avoir légué des recherches du plus grand intérêt sur pourquoi les organisations bâties pour l’émancipation ne sont pas émancipatrices, Karim s’est supprimé. C’est aussi cela, le bilan de Lambert et des "chefs" de sa génération. Certes, ils ont transmis. Mais un héritage est mort et mène à la mort si on ne le fait vivre.

2007, l’année qui précède la mort de Lambert, a mis en cause la continuité de l’illusion nommée PT. La campagne Schivardi, succés politique dans son versant droitier (les signatures de maires apparentés UMP ou MPF ! ) fut un échec évident dans son résultat électoral. Elle condamnait déjà implicitement le "PT" puisqu’elle ne se présentait pas comme une campagne du PT, mais comme une campagne d’un mouvement de maires pour " la défense de la République (la Cinquième ? ! ) contre l’Union Européenne". Son fiasco a conduit la direction du PT, c’est-à-dire l’équipe formée par Lambert et dirigée par Glucsktein, à virer de bord et à annoncer qu’ils allaient bientôt fonder un "parti ouvrier et socialiste" qui, aux dernières nouvelles, s’appellerait un "Parti ouvrier indépendant". Ces métamorphoses du serpent qui change de peau pour devenir toujours le même et finit par se mordre sérieusement la queue montrent bien l’impasse que sa propre direction reconnaît implicitement, et dans laquelle se trouve le PT. Mais il y a sans doute plus important qui pousse le PT s’il veut exister à faire semblant de se transformer : depuis l’arrivée de Marc Blondel à la tête de la CGT-FO il y avait une solide position de pouvoir dans le mouvement ouvrier à laquelle il était en réalité attachée. Mais le pouvoir pour quoi faire ? Les poulains de Lambert dans FO gèrent le syndicat, son appareil, point à la ligne, comme le feraient d’autres fonctionnaires syndicaux. N’ayant pas de perspective politique révolutionnaire ils ne peuvent que s’adapter à l’évolution du capitalisme. Un "brave réformiste" qui résiste sur la défense des acquis, ça peut durer quelques années, mais assurément pas pendant toute une période historique. Vient le moment où il signe, qu’il ait été ou non élevé sur les genoux de Lambert. Surtout que dans le cas de Blondel, il n’en était tout de même à sa première signature !

Blondel s’est retiré sur le confortable Aventin de la présidence de la Libre Pensée, laissant son héritier programmé Jean-Claude Mailly prendre les rênes de FO en 2004. Depuis, les amis d’Alexandre Hébert le disent : Mailly glisse vers le corporatisme ! Tout dernièrement, il a signé l’accord sur la "modernisation du marché du travail". Cette signature, qui n’est pas à ce jour dénoncée en tant que telle dans Informations Ouvrières, le journal du PT (et autrefois de l’OCI-PCI) signe non seulement un recul social, mais participe pleinement du "corporatisme" à la façon de la CFDT historiquement dénoncé par Lambert, Hébert et Blondel, puisque le texte signé par Mailly doit servir de base au projet de loi présenté par le gouvernement Sarkozy à l’Assemblée nationale.

Les amis du père Hébert, eux, sont déjà dans l’opposition, ce depuis le congrès de Lille en juin 2007 où ils se sont comptés en allant au vote contre l’adhésion à la CSI (Confédération Syndicale Internationale), faisant 9% et ayant un succès d’estime autrement plus profond parmi les délégués. L’histoire est décidemment impitoyable : elle aura attendu quelques mois avant la mort de Lambert pour voir le courant de son vieil allié, qui lui avait servi à corseter l’OCI, à la mettre au service de la montée dans l’appareil bureaucratique comme but en soi, se séparer de lui ... par la gauche !

Les responsables PT dans l’appareil de FO (à commencer par le fils d’Alexandre, Patrick Hébert, en Loire-Atlantique) ont couvert l’évolution perceptible de Mailly et de la direction confédérale lors du congrès de Lille. Que vont-ils faire à propos de ce dernier accord ? L’histoire n’est pas écrite d’avance.

Elle comporte parfois des symboles : la même semaine, Lambert meurt et sa politique d’implantation dans l’appareil de FO fait faillitte dans la mesure où les militants avaient encore besoin d’une justification. Le "lambertisme" n’aura été en politique qu’une catégorie purement négative, un espèce de champignon posé sur le trotskysme et sur le syndicalisme français, épouvantail utile et fétiche maladif de la part de ses adversaires parfois obsessionnels. Les militants ouvriers, ceux du futur ex-PT comme les autres, lui survivront. Avec eux nous voulons nous retrouver, tous ensemble dans le respect mutuel, dans la lutte des classes, pour en finir avec les patrons et avec l’Etat, contre toutes les bureaucraties. Paix aux mânes de Boussel-Lambert et ni Dieu ni maître !

Vincent Présumey, le 20 janvier 2008.


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