Qu’est-ce que la République sociale ? Par Francois Delapierre

jeudi 10 juillet 2008.
 

« Étudions les liens qui rattachent le projet républicain et le combat pour l’égalité sociale, et partant de là, le républicanisme et le socialisme. […] Il n’y a pas d’un côté l’idéal socialiste et de l’autre l’idéal républicain, qui seraient séparés l’un de l’autre, et pourraient au mieux engager un dialogue. Le social-républicanisme dont nous nous réclamons n’est pas cette sorte de mille-feuille, « une couche de socialisme, une couche de République », que bâtissent habituellement ceux qui se piquent de mettre un peu de république dans leur socialisme. Le projet de la République sociale part au contraire de la compréhension du lien intime, vivant, parfois problématique entre des traditions qui se présupposent, s’épaulent, se renforcent, se recouvrent ou se complètent bien plus finalement qu’elles ne s’opposent ou se distinguent.

La Grande Révolution l’annonçait déjà. Moins d’un an après l’abolition de la royauté, la Constitution de 1793 s’ouvre sur la première déclaration des droits de l’homme comprenant, au milieu des droits politiques, la proclamation de droits sociaux : droit au travail ou au secours, non reconnaissance de la domesticité. Les constituants de l’époque n’ont pas jugé bon de séparer en deux parties distinctes droits politiques et droits sociaux. Rédigée au paroxysme de la Révolution, la première constitution républicaine du pays les tient pour indissociables. C’est dans le courant de la contre-révolution thermidorienne, de l’Empire et des restaurations de la « monarchie constitutionnelle » que la bourgeoisie de l’époque va s’attacher à dissocier méthodiquement ces deux dimensions. Faut-il que la vision des révolutionnaires français soit puissante et ancrée dans une réalité indépassable car le peuple par-delà les générations, alors même que ce lien est nié, caché, réprimé, le fait ressurgir un demi-siècle plus tard lors de la Révolution de 1848. Alors est utilisé pour la première fois le terme de République sociale qui annonce et appelle la naissance du mouvement socialiste organisé de manière distincte des républicains bourgeois.

Aujourd’hui, dans le contexte d’un nouvel âge du capitalisme, malgré là encore un travail de déculturation politique qui ne manque pas de relais à gauche, les combats du peuple rappellent ce lien entre l’émancipation sociale et la forme républicaine du pays. Les grèves du printemps 2003 (en particulier contre la décentralisation dans l’éducation), le mouvement lycéen de défense du baccalauréat en 2005, le contenu républicain de la campagne du « non » de gauche à la Constitution européenne (chacun y aura noté la fusion des arguments démocratiques et sociaux ainsi que le poids politique et symbolique des référence à 1789) montrent qu’il y a dans la tradition républicaine et sociale du pays le socle d’une hégémonie culturelle alternative possible face à celle du néo-libéralisme triomphant. […]

Comment la gauche française peut-elle se nourrir de l’histoire particulière du pays pour convaincre et entraîner la grande masse du peuple ? Peut-on revisiter la pensée socialiste pour y intégrer la dimension entière de l’émancipation des personnes et répliquer à un néo-libéralisme qui se présente comme un moyen de la libération des individus ? Le social-républicanisme ouvre des perspectives politiques, stratégiques, programmatiques, idéologiques extraordinairement fructueuses à la gauche française au moment où nombre de ses militants et responsables se sont installés dans un confort impuissant qui consiste à rejeter toute vision globale. […] ».

Édito de revue PRS n°4, septembre 2005 « La république sociale - une histoire, un projet ».


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