Luttons contre le capitalisme en nous réclamant de l’émancipation humaine, de la République sociale et du socialisme (AG de PRS12 le 4/02/06)

mardi 13 août 2019.
 

Rapport de Jacques Serieys lors de l’Assemblée constitutive des Amis aveyronnais Pour la République Sociale le 4 février 2006. Seuls les grands axes en ont été exposés oralement en 20 minutes.

Plan :

1) Quel groupe fondons-nous ?

2) Que se passe-t-il en France aujourd’hui ?

3) Que se passe-t-il au niveau mondial depuis 30 ans ?

4) Que pouvons-nous faire, là où nous sommes ?

5) Nous nous revendiquons de l’émancipation humaine

6) Le processus d’émancipation humaine est un fait

7) Mouvement social et émancipation humaine

8) L’émancipation humaine ne passe pas par un progrès linéaire

9) Emancipation humaine et République sociale

10) Conclusion : émancipation humaine et socialisme

Je vous remercie toutes et tous pour vous être levés tôt, une nouvelle fois, en ce matin du 4 février 2006, malgré tracas familiaux, professionnels ou autres, pour participer à l’Assemblée générale constitutive du groupe Pour la République sociale de l’Aveyron. Durant cette journée, nous aurons un rapport et un débat sur la période politique en France et sur nos objectifs.

Le rapport introductif de ce matin a un autre but : résumer en 20 minutes les fondements de notre combat commun, être le plus clair, le plus franc et le plus complet possible afin de partir sur des bases saines. Des quatre points avancés dans le titre "capitalisme, émancipation humaine, république sociale et socialisme", je n’aborderai aujourd’hui que les deux premiers. Ce rapport, plus complet, écrit, sera en ligne rapidement sur le site comme illustration d’un moment de notre histoire commune, même si d’ici un an nous modifions tel ou tel point.

1) Quel groupe fondons-nous ?

Une moitié des camarades présents ce matin ont déjà une longue expérience collective, en particulier au sein de la Gauche Socialiste. Nous nous entendons bien et avons pris l’habitude d’agir politiquement ensemble ; pour certains nous nous connaissons depuis 20 ou même 40 ans. Nous avons mené au printemps dernier, avec de nouveaux camarades et en grande partie grâce à eux, une magnifique campagne victorieuse sur l’Europe que nous voulons. Nous souhaitons poursuivre cette expérience collective pour résister ensemble aux conséquences de la mondialisation financière transnationale, pour penser le monde ensemble, pour contribuer à refonder une gauche apte à battre électoralement la droite et mettre en pratique la politique que résume notre nom collectif Pour la République Sociale.

Au sein de notre groupe départemental, les nouveaux d’aujourd’hui et de demain n’ont pas à craindre d’être utilisés. Nous nous fixons quatre repères complémentaires : l’intérêt des salariés et des couches populaires, une gauche politique organisée en parti(s) apte à jouer son rôle, l’intérêt public (environnement, services publics...), l’objectif d’émancipation humaine et démocratique pour la France mais aussi pour l’Europe et pour le monde. Pour cela, pas besoin de dégommer un tel ou un tel, pas besoin de manoeuvre d’appareil... au contraire : transparence, franchise, réflexion, respect, fraternité, si possible efficacité. A chaque fois qu’un adhérent souhaitera prendre des responsabilités, il n’aura qu’à le dire. Je le préviens d’avance cependant : l’expérience et la formation sont utiles.

Nous avons toujours poussé à la réflexion, même si elle peut traduire des différences, et essayons d’être utiles ensemble.

PRS est un mouvement d’éducation populaire qui ne présente, ni ne soutient aucun candidat aux élections ; cela n’empêche évidemment pas certains des adhérents de le faire (sans engager PRS). Comme le précise notre Déclaration de principes " Pour la République Sociale regroupe des femmes et des hommes de gauche impliqués dans des engagements associatifs, syndicaux ou politiques différents. Ils font fonctionner collectivement l’association comme un outil de formation, d’élaboration programmatique et d’action militante pour proposer le projet de la République sociale en France, en Europe et dans le monde. Ils contribuent ainsi à la formation d’une culture commune à gauche, à la construction indispensable d’une nouvelle unité de la gauche ainsi qu’à la rénovation du fonctionnement et du programme des partis qui la constituent".

Ces objectifs sont ambitieux, presque irréalistes au vu de notre faiblesse numérique. Cependant, la principale caractéristique des adhérents de notre groupe, c’est leur fort ancrage dans un travail de masse : collectivités, syndicats, partis, associations. De plus, l’insurrection civique du printemps 2005 a prouvé la disponibilité du corps social pour promouvoir le progrès humain, l’intérêt public, la démocratie. Nous agissons donc au coeur de la société ; c’est ce qui fait notre force. Pour être efficaces nous essayons de comprendre, au mieux, le monde d’aujourd’hui

Comprendre le capitalisme actuel n‘est pas un souci intellectuel abstrait. Cette compréhension est indispensable pour ne pas se limiter à défendre dos au mur tel ou tel acquis social mais aussi pour construire un rapport de force alternatif, déterminer les marges de manœuvre d’un projet progressiste et les moyens à mettre en œuvre pour lui donner des chances de réussir.

2) Capitalisme et France d’aujourd’hui

6 millions de français en situation très précaire, 1 250 000 Rmistes, 50% de chômeurs non indemnisés, stagnation du pouvoir d’achat, licenciements, délocalisations, conditions de travail souvent de plus en plus dures, remise en cause des 35 heures, démantèlement et privatisation des services publics, menaces lourdes sur les retraites, droit du travail partant en lambeaux avec de nouveaux contrats de plus en plus précaires comme le CNE et le CPE...

Oui, la droite a gagné les élections présidentielles et législatives au printemps 2002. Je n’ai pas le temps d’aborder ce matin les causes de cette défaite. Ceci dit, à mon humble avis, les raisons sont à rechercher sur une période beaucoup plus longue que la campagne de ce printemps-là. La candidature Chevènement ne peut être analysée en dehors de la naissance du MDC entre la guerre du golfe et Maastricht. Plusieurs impasses du gouvernement de Lionel Jospin ne sont pas séparables de la signature du traité de Dublin et du Pacte d’Amsterdam cinq ans plus tôt. La question la plus intéressante à discuter, c’est : qu’aurait pu, qu’aurait dû faire la gauche française depuis 1981, dans le contexte de déferlement du capitalisme financier transnational ? Je souhaite que le cadre national de débat constitué par l’association PRS nous aide à approfondir cette question.

On ne peut analyser l’évolution de notre pays indépendamment de l’évolution européenne et mondiale. Le mouvement ouvrier s’affaiblit ; la gauche ne réussit qu’à modifier ponctuellement et à la marge, la logique libérale ; la puissance et la conscience des forces anticapitalistes sont en recul, indépendamment de quelques évènements ponctuels et malgré une petite remontée ces dernières années. L’essoufflement de la poussée sociale et politique des années 1965-1975 puis l’effondrement de l’URSS ont laissé place à une victoire politique du néo-libéralisme. La mondialisation libérale, fruit de cette victoire et de découvertes technologiques majeures, déferle sur tous les pays, piétinant partout les acquis sociaux. La crise économique, le développement du chômage, l’affaiblissement et les divisions du syndicalisme, l’absence d’alternative crédible au système capitaliste limitent les capacités de résistance du mouvement social.

Ne prenez pas ces constats comme du défaitisme ; je suis persuadé qu’une refondation-recomposition d’une gauche authentiquement socialiste permettrait au minimum de résister puis d’inverser ce processus.

3) Libéralisme, capitalisme financier transnational et victoire des rentiers depuis 30 ans

4) Que pouvons-nous faire, là où nous sommes ?

Dans un tel contexte, le premier objectif de tout militant syndicaliste, politique de gauche ou altermondialiste, le premier objectif de tout groupe local ne peut être que la construction d’un rapport de force syndical, associatif, politique, électoral, institutionnel pour protéger le niveau de vie des couches populaires, pour redonner des marges de manœuvre aux politiques progressistes.

Plusieurs embryons de rapport de force mondial sont apparus ces dernières années, par exemple au travers des manifestations comme Seattle et des Forums sociaux mondiaux. Mais ils sont évidemment très ponctuels. Tout ce qui peut permettre d’aller vers des formes de coordination des forces opposées aujourd’hui à la mondialisation libérale est utile, vital même.

En fin d’après-midi, je soumettrai à votre vote un petit texte dont voici la teneur :

« Cette année 2006 a bien commencé pour les opprimés, progressistes et altermondialistes du monde entier avec les victoires électorales symboliques de Bolivie et du Chili, avec les débats approfondis du Forum Social de Bamako en Afrique, bientôt Karachi en Asie. Vendredi 27 janvier, en symbiose avec le forum particulièrement réussi de Caracas en Amérique latine, le président Hugo Chavez a appelé de ses vœux « la création d’un grand mouvement articulé, mondial, anti-impérialiste et alternatif » ; « nous ne pouvons pas perdre de temps ; il s’agit de sauver la planète, en changeant le cap de l’histoire, en construisant un mouvement authentiquement socialiste sur la planète ».

A notre tout petit niveau, nous, 103 adhérents du groupe aveyronnais « Pour la République Sociale » répondons :

* « oui, nous refusons Tous ensemble les injustices phénoménales de notre société.

* Oui, nous voulons Tous ensemble que l’avenir de notre planète soit choisi par la souveraineté populaire en fonction des besoins humains et non dicté par quelques multinationales dont Georges Bush est le gendarme.

* Oui, nous voulons un autre avenir pour notre planète que la souffrance au travail, la faim, la précarité, l’effondrement des politiques de santé et d’éducation, la pollution, les hamburgers, les OGM, l’individualisme et le communautarisme haineux.

* Oui, nous voulons défendre Tous ensemble avec nos syndicats le respect des salariés, des petits paysans, des couches populaires, des enfants, des malades et des personnes âgées, construire un Ordre public social mondial.

* Oui, nous devons Tous ensemble, sans exclusive, construire un mouvement, un projet, une pratique politique, authentiquement socialiste.

Tous ensemble, répondons aux appels de Caracas : Presente ! Hasta la victoria, siempre ! »

Nous connaissons tous, sur nos lieux de travail et de vie, des citoyens prêts à s’engager. Nous les avons parfois déjà contactés, mais ils n’ont pas donné suite parce qu’ils ne savent que faire. Que défendre ? Où aller ensemble ? A notre petit niveau, qu’est-ce qui peut nous grouper, sur le fond ?

5) Nous nous revendiquons de l’émancipation humaine

Nous nous revendiquons de l’émancipation humaine donc de l’émancipation sociale, culturelle, juridique, éthique, individuelle, affective même, de l’émancipation des femmes, des jeunes, des opprimés... Il ne faut surtout pas prendre ce que je dis là comme un bout de programme électoral. L’émancipation est essentiellement et nécessairement l’oeuvre des individus réels eux-mêmes dans la vie réelle. Dans notre courte vie, nous avons vécu par exemple un moment important d’émancipation féminine et sexuelle avec les techniques de contraception.

L’Aveyron est un bon exemple du rôle positif joué par le développement économique depuis le Moyen Age pour sortir de l’enfermement cléricalo-féodal. Ceci dit, la société capitaliste limite aujourd’hui considérablement les possibilités d’émancipation pour l’immense majorité de la population. La logique de son développement et l’objectif majeur de ses décideurs, ce n’est pas l’émancipation humaine mais le profit des profiteurs. Notre rôle se développe au coeur de la contradiction entre d’une part le maintien de ces rapports sociaux profiteurs-exploités et d’autre part le développement de l’instruction, des progrès techniques, des besoins humains.

Ce mot d’émancipation présente beaucoup d’intérêt :

- il signifie libération d’une contrainte, d’un état d’infériorité, d’une domination pour devenir indépendant, apte à conduire sa vie, maître de son destin. Cela résume le souhait de tout humain, de toute collectivité et même de toute l’humanité.

- il vient du latin juridique, a été repris aux limbes de la Renaissance comme terme de droit, a conservé le sens d’une aspiration validée par des lois qui actent la création d’un espace public commun supérieur aux anciens contrats de subordination individuelle. En ce sens, ce mot est symbolique d’une transcroissance de l’idéal humaniste par l’idéal républicain et socialiste. Il est contradictoire avec la logique du libéralisme.

- la notion d’émancipation humaine est apparue avec les Lumières. On la trouve par exemple chez Kant (malgré ses limites par ailleurs) dans le texte "Qu’est-ce que les Lumières ?" Ce philosophe y définit l’émancipation comme la sortie de sa minorité par l’humanité, y fait le lien entre liberté et émancipation, entre émancipation individuelle et collective. " Voilà la devise des Lumières, écrit-il : Ose penser".

-  Ceci dit, la morale kantienne valide une démarche émancipatrice de type individuel. Le socialisme a précisé les conditions socio-économiques la permettant.

- la nouvelle poussée progressiste mondiale emploie fréquemment ce concept d’émancipation humaine, comme dénominateur commun de toutes les aspirations : émancipation sociale, émancipation nationale, émancipation culturelle, émancipation féminine, émancipation sexuelle, émancipation individuelle... Cet objectif, ce drapeau collectif d’émancipation généralisée nous convient.

6) Le processus d’émancipation humaine est un fait

Depuis l’aube de l’humanité, chaque être humain est dépendant de besoins collectifs, dépendant de ses semblables, du bébé naissant à la personne âgée tout aussi dépendante. Durant la plus grande partie de l’histoire humaine précarité alimentaire, précarité physique et sauvagerie ont dominé ; chaque individu ne pouvait survivre que par le groupe auquel il participait pour chasser, se défendre... L’organisation sociale des communautés primitives limitait nécessairement le développement des privilèges individuels et des inégalités sociales car ces privilèges auraient nui à la survie collective indispensable à chacun. Ainsi, l’humanité est passée de l’animalité et de la barbarie à une vie plus civilisée par sa capacité à se développer dans le cadre de groupes de plus en plus nombreux. La parole, les émotions, la pensée, l’art, la médecine, les sciences, les techniques élaborées ... sont des produits et des instruments du lien social.

Plus le groupe humain concerné était vaste et ses besoins complexes, plus le lien social était facteur de progrès, même si cela développait en même temps la division du travail et d’énormes injustices sociales. Ainsi, les grands travaux nécessités par l’irrigation, la densité de population et le besoin de protection face aux peuples nomades environnants ont poussé au développement de l’organisation collective prés des grands fleuves et leurs deltas (Nil, Euphrate, Tigre, Indus, Halil Roud, Gange, Fleuve jaune, Fleuve rouge, Yang Tsé Kiang). A l’époque protohistorique puis antique, ces bassins fluviaux ont vu ainsi vu naître les sociétés berceaux de l’agriculture, des premières grandes cités, des premiers Etats, de l’écriture, des mathématiques, du droit, des premières formalisations d’une éthique, des premières religions et idéologies...

Par la suite, l’émancipation humaine a résulté beaucoup plus de l’action concrète des hommes pour améliorer leurs conditions de vie que de leurs idées. Elle a pris des formes diverses liées aux contextes économiques et sociaux favorables. La Grèce antique a fourni un cadre dans lequel par exemple les sciences, la littérature, l’histoire, les mathématiques, des formes de citoyenneté ont pu se développer. Plus tard, le développement d’une économie marchande a permis l’éclosion de la Renaissance, des Lumières, de nombreux progrès scientifiques. Même le développement des échanges par l’argent n’a pas présenté que des aspects historiquement négatifs ; loin de là.

Les conditions économiques et sociales d’une société ont donc parfois fourni un contexte favorable, mais ce contexte n’a jamais occasionné automatiquement un progrès continu de l’émancipation humaine et de l’intérêt public. Un mouvement social des classes populaires a toujours été nécessaire pour cela. Ce serait trop long de le développer ici mais c’est déjà le cas dans l’Antiquité pour la Grèce, pour Rome, pour la Chine sous une autre forme.

Est-ce que je fais mienne l’affirmation républicaine : "l’homme peut être bon ; il l’a prouvé dans son histoire". Oui, au fil des millénaires, d’innombrables barbaries ont été commises par nos ancêtres mais le genre humain a aussi porté sous diverses formes une aspiration au don, à la justice, à la paix, à des relations humaines fraternelles et respectueuses de la dignité d’autrui, à un droit écrit protecteur, à la connaissance, à une organisation collective efficace, juste et démocratique, à une maîtrise du destin, en des lendemains meilleurs. Des valeurs humanistes sont présentes de Mazdak à Confucius, du taoïsme au dernier messianisme juif, du dharma boudhiste à Aristophane, du christianisme à l’Islam, de l’Océanie à l’Amérique, même si souvent les religions ont servi des intérêts profondément réactionnaires. Cependant, chacun de ces moments de l’histoire humaine ne peut être compris indépendamment de son contexte historique.

Ce point de vue est contradictoire avec un matérialisme primaire qui analyserait l’histoire comme une succession de 3 modes de production bien séparés dans le temps (esclavagisme, féodalité, capitalisme), bien spécifiques, avec un "homme" chaque fois différent, aussitôt après la révolution qui a permis le passage d’un rapport social à un autre. Je suis toujours convaincu de la validité du matérialisme historique et d’un de ses fondements : les habitudes et manières de penser d’une époque sont liées au type de société dans lesquelles elles naissent. A condition de prendre en compte toute la réalité historique dans sa globalité mais aussi dans sa complexité.

7) Mouvement social et émancipation humaine

Pourquoi les humains ont-ils lutté pour plus de justice ? Au moins parce que la soif des pauvres, des exploités et des opprimés à améliorer leur situation, à croire en un bonheur ultérieur relevait de leur intérêt primaire, d’un besoin vital.

Se réclamer d’une continuité dans la lutte des opprimés, c’est donc aussi s’inscrire dans la continuité des luttes pour l’émancipation humaine : des esclaves insurgés dirigés par Spartacus aux Guaranis du Paraguay, des Turbans jaunes aux Taborites, des paysans de Thomas Muntzer à ceux de Jean Petit, des insurrections rurales vietnamiennes à l’héroïque résistance des femmes du Dahomey contre l’invasion coloniale française.

Cette longue marche de l’humanité vers la civilisation a été accompagnée, parfois devancée par l’idéal émancipateur de nombreux politiques ou philosophes de Confucius et Aristote à Marx et Jaurès en passant par Descartes, Spinoza, Locke, Diderot, Kant, Robespierre, Feuerbach, Hegel... Cette longue marche a aussi été combattue par les plumitifs au service des puissants, des Anti-Lumières aux néos-cons étatsuniens d’aujourd’hui.

Le fleuve du progrès a ainsi grossi, même si ce fut de façon chaotique. Depuis plus de 200 ans, l’histoire de l’humanité est rythmée par des marées renouvelées, plus ou moins fortes, plus ou moins longues, des opprimés, des progressistes qui ne supportent pas la misère des estomacs et des cœurs, la précarité, les oppressions, le conservatisme, l’obscurantisme, les vies gâchées par une société fondée sur la loi du profit.

-  Années 1770-1820 Insurrections populaires. Révolutions, sans-culottes et soldats de l’an 2. Insurgés de Bolivar et Riego, Carbonari, décembristes

-  Années 1848 Ouvriers parisiens, paysans hongrois et aveyronnais, les étudiants viennois, insurgés vénitiens et sans-terre d’Ezequiel Zamora.

-  Années 1870 Vive la Commune, la 1ère République espagnole suivies d’une puissante avancée des droits démocratiques et sociaux

-  Années 1917-1927 Révolution russe et vague communiste. Victoires électorales social-démocrates en Grande-Bretagne, Suède...

-  1936 Grève générale ouvrière en France et combat héroïque des républicains espagnols

-  1944 1949 Mouvements anti-fascistes, anti-colonialistes. Victoires électorales nombreuses

-  Années 1968 Première marée vraiment mondiale, qui touche à la fois Dakar au Sénégal et San Francisco aux Etats Unis, Hué au Vietnam, Mexico et Rio de Janeiro en Amérique latine, Paris, Berlin, Francfort, Bruxelles, Rome, Milan, Madrid, Barcelone, Prague, Varsovie ... puis le Portugal et la Palestine.

Victor Hugo a vanté dans un poème célèbre :

« Ceux qui vivent ce sont ceux qui luttent. Ce sont

Ceux dont un dessein ferme emplit l’âme et le front...

Ceux dont le cœur est bon, ceux dont les jours sont pleins

Ceux là vivent, les autres je les plains

Car le plus lourd fardeau c’est d’exister sans vivre...

Accablé d’être en ne pensant pas. « 

8) L’émancipation humaine ne passe pas par un progrès linéaire

Je souhaite que notre groupe, en se fondant aujourd’hui, se réclame d’abord de la continuité historique des marées de celles et ceux qui ont cru en la nécessité et l’actualité d’une société plus juste, plus douce, plus démocratique, plus régulée. L’origine d’une telle aspiration à plus d’humanité, de dignité et d’égalité dans les rapports sociaux, à l’intérêt collectif, à la citoyenneté, à la connaissance trouve des racines sur tous les continents, toutes les civilisations et toutes les époques depuis bien longtemps.

Toutes ces luttes, tous les sacrifices parfois désespérés prouvent que la volonté de combattre n’a pas manqué, depuis deux siècles en particulier. Ces combats n’ont pas été vains. Je n’ai pas honte de me réclamer encore d’une croyance dans le Progrès humain. Sans tomber dans le déterminisme mécaniste, je constate que le 20ème siècle a plus apporté pour l’émancipation humaine que le 19ème, le 19ème que le 18ème, le 18ème que le 17ème, le 17ème que le 16ème, le 16ème que le 15ème. Cependant, en ce début de 21ème siècle, il manque à tous ceux qui veulent lutter plusieurs atouts : un rapport de force international un minimum organisé, un projet émancipateur, un début de réussite concrète de ce projet pour dépasser tant le stalinisme que les impasses social démocrate et mouvementiste.

Depuis 1994-1995, nous assistons à la fin de la période de recul commencée vers 1975, au moins aux prémisses de contrefeux significatifs. 2005 marque peut-être le début d’une nouvelle marée. Mais depuis 1994, les vagues paraissent s’épuiser les unes après les autres ; la mer elle-même des masses humaines paraît reculer devant l’avancée des digues bétonnées du capitalisme financier international. Nous devons participer aux vagues mais notre rôle est aussi de réfléchir, de chercher les points faibles dans les digues. Nous ne sommes pas seuls à réfléchir au cœur des vagues : les syndicalistes, les adhérents des partis de gauche, les participants des Forums Sociaux, des associations comme ATTAC... Quant à la campagne contre le Traité constitutionnel européen du printemps 2005, elle a bien représenté une insurrection citoyenne de grande ampleur.

Le capitalisme n’empêchera jamais les printemps de renaître régulièrement, même les printemps sociaux comme le dit la chanson : "Mais un jour viendra où le printemps refleurira..." Notre but, notre horizon, notre printemps collectif, c’est l’émancipation globale de la personne humaine

9) Emancipation humaine et République sociale

Je ne peux conclure cette réunion de fondation du groupe PRS de l’Aveyron sans établir un lien entre émancipation et république sociale.

La République sociale n’est pas un slogan. Ces deux mots expriment la volonté de traduire les grands principes philosophiques issus de la Renaissance, des Lumières, de la Déclaration des Droits de l’Homme dans la réalité humaine. De la grande Révolution française de 1789-1793 jusqu’aux années 1880, se revendiquaient en Aveyron de la République sociale ( parfois République rouge) ceux qui voulaient traduire la devise Liberté, Egalité, Fraternité en terme d’éducation, de protection sociale, de droit du travail, d’émancipation concrète. A Entraygues, ils s’étaient donnés un beau nom collectif : "Les avançats" (les avancés).

Lorsque le socialisme a commencé à se développer, il s’est logiquement situé dans cette continuité. C’est ce qu’exprime la phrase de Jaurès qui introduit notre site : "Le socialisme proclame que la république politique doit aboutir à la république sociale". Le Conseil National de la Résistance va lui aussi nommer ainsi la France nouvelle qui doit naître de la victoire sur le fascisme après toutes les honteuses capitulations de la république d’avant guerre.

Vous me permettrez ici d’insister un peu au nom des adhérents de notre groupe départemental qui ont été actifs dans ce combat de la Résistance au fascisme pour fonder une république sociale. Je pense en particulier à André Grès, très affaibli, qui s’excuse de son absence, mais aussi à notre camarade anglo-australien Norman Marchington, ici présent. A une époque où tout était à reconstruire, ils ont posé en France des bases qui scellent notre ligne de front face au libéralisme :

- droit de vote et d’éligibilité pour les femmes

- création de la Sécurité sociale qui consacre le principe de gestion collective des risques sociaux en organisant la solidarité nationale ( entre actifs et inactifs, entre générations, entre professions...)et une certaine redistribution des fruits de la croissance

- généralisation des retraites

- création des comités d’entreprise

- lois sociales agricoles

- lois de protection de l’enfance

- création des grands services publics. Nationalisation des mines, électricité, gaz, transports maritimes et aériens, aéronautique, construction mécanique et automobile, banques et assurances.

- constitution de 1946 Reconnaissance du droit de grève, du droit au travail ( comme condition de dignité et d’existence sociale), du droit à la culture la plus large, du droit aux loisirs et au repos, du droit à l’existence ("tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique, de la situation économique se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’exister"). "L’organisation de l’enseignement public gratuit et laîque à tous les degrés est un devoir de l’Etat". Pourquoi nous nous revendiquons de la république sociale ?

Nous nous revendiquons héritiers de révolutions (révolution française en particulier) qui ont balayé l’ordre féodal, contribué au développement des sociétés bourgeoises mais aussi esquissé un possible dépassement démocratique et social de celles-ci.

Pourquoi revendiquer cet héritage ? parce qu’il est ancré dans la culture collective comme un moment fondateur et positif ( enseignement public, protection sociale, suffrage universel...).

Nous nous revendiquons de la république sociale parce qu’à chaque grande époque de montée du mouvement social (1848, 1871, Jaurès, 1905, 1944) c’est ainsi qu’a été nommé l’objectif de transcroissance de la révolution politique en société prenant en compte les besoins sociaux réels des citoyens, en société plus apte à concrétiser liberté, égalité, fraternité.

Nous nous revendiquons aussi de tout le combat républicain contre les cléricaux et conservateurs en matière de civisme, de citoyenneté, de laïcité, de démocratie, de justice sociale, d’éthique, de droits de l’homme civiques et sociaux, de la possibilité de progrès partiels et transitoires dans le cadre de la société actuelle...

10) Conclusion : émancipation humaine et socialisme

J’en termine par le socialisme. Pour moi, il s’agit du mot qui résume le mieux notre identité, même s’il peut être complété : socialiste républicain, socialiste internationaliste...

Nous nous revendiquons du socialisme, donc du mouvement historique qui, depuis plus d’un siècle et demi, s’est positionné au coeur des luttes sociales, de l’internationalisme, d’un dépassement du capitalisme par un mode de production fondé sur l’intérêt public universel, de la propriété collective des grands moyens de production, la satisfaction des besoins humains, le développement durable.

Cette perspective du socialisme a connu bien des déboires au cours du 20ème siècle, avec en particulier les goulags staliniens s’élevant sur les terres de la Révolution d’Octobre. Mais cette période historique est à présent en cours d’achèvement ; une autre peut s’ouvrir aujourd’hui de Bogota à Tokyo, du Cap à Pékin, de Londres à Paris, Budapest et Berlin .

Nous en sommes !

Jacques Serieys


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