Afghanistan : « Il faut changer de stratégie et mettre fin à notre participation » (Emmanuelli)

jeudi 28 août 2008.
 

« Le retrait non, la révision stratégique oui », a déclaré Pierre Moscovici à propos de l’Afghanistan. Partagez-vous cette position ?

La position de M.Moscovici n’est pas celle du PS. Pourquoi dire non au retrait ? La question est d’abord de savoir ce que l’on va faire en Afghanistan. Notre présence militaire est un non-sens en l’absence d’objectifs identifiés. La logique actuelle conduit à un renforcement inéluctable des effectifs. Il faut changer de stratégie et mettre fin à notre participation.

Que nous soyons engagés au côté des forces de l’ONU afin d’aider l’Afghanistan à recouvrer les moyens de sa souveraineté n’est pas critiquable. Mais que nous soyons engagés dans une opération de maintien de l’ordre définie par les Américains dans le cadre de l’OTAN, ça, non. Je demande que l’on respecte la position que nous avions exprimée en présentant une motion de censure contre le gouvernement en avril.

Souhaitez-vous que le PS prenne position en faveur du retrait des troupes françaises en Afghanistan ?

Il y a le PS et il y a l’opinion publique. Déjà, le PS n’a pas tenu compte de l’opinion publique au moment du référendum européen. On a vu les conséquences. Si l’opinion publique ne comprend pas la présence militaire française en Afghanistan, ce n’est pas par lâcheté, c’est parce qu’elle fait preuve de bon sens. J’ose espérer que le PS ne restera pas en deçà du bon sens.

Un retrait ne signifierait-il pas, comme l’a dit Nicolas Sarkozy, « renoncer à défendre nos valeurs, laisser les barbares triompher » ?

C’est une erreur grave de croire qu’on peut imposer la démocratie par la force. Le propre d’une démocratie est d’être l’expression d’une volonté majoritaire. La « lutte contre le terrorisme » est un concept idéologique inventé par George Bush, dont l’objectif est indéterminé et qui relève de l’esprit des croisades. L’axe du bien contre le mal, qu’est-ce que ça veut dire ? Je suis affligé de voir que la France verse dans cette aventure. Il semblerait que le néoconservatisme américain ait réussi à franchir l’Atlantique.

Je crois que l’on nous cache beaucoup de choses sur la réalité en Afghanistan. Que représente le pouvoir central ? Qui est M.Karzaï (le président afghan), une marionnette installée au pouvoir par ses puissants parrains ? Personne n’a jamais gagné une guerre en Afghanistan. Les forces étrangères sont vécues, de plus en plus, comme une armée d’occupation et l’on voit s’organiser les premières manifestations de la population contre leur présence. Quand on nous agite la menace des risques d’attentats sur le territoire français si les talibans reprenaient le pouvoir, c’est hélas l’inverse qui est vraisemblable. La présence militaire française en Afghanistan risque de susciter des vocations.

Propos recueillis par Patrick Roger


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