Crise du capitalisme financier : l’incendie a atteint le cœur du système. Ils sont dépassés

lundi 6 octobre 2008.
 

Un à un les coupe-feux mis en place pour arrêter la propagation de l’incendie qui ravage la planète financière ont été emportés. Au printemps 2008, Henri Paulson, ministre américain de l’économie, pensait que la seule évocation du soutien de l’Etat aux géants du prêt hypothécaire Freddie Mac et Fannie Mae suffirait : « L’avantage quand vous avez un bazooka et que les gens le savent, c’est que vous n’avez pas besoin d’en faire usage ». Depuis il a dû se servir de son bazooka en nationalisant Freddie Mac et Fannie Mae. Et cela n’a pas suffi. Après avoir annoncé qu’il n’interviendrait pas davantage, l’Etat américain a pris à sa charge le sauvetage de plus d’une dizaine d’institutions financières parmi les plus importantes et les plus prestigieuses de Wall Street.

Maintenant l’incendie a atteint le cœur du système. Chaque jour qui passe rend l’intervention publique plus aléatoire et surtout plus coûteuse. A tel point que l’on peut se demander s’il n’est pas devenu bonnement impossible d’arrêter la crise en rachetant tous les « actifs pourris » qui sont en train de s’enflammer.

Une limite économique est en effet atteinte. Cela fait déjà longtemps que les défaillances ne sont pas limitées aux titres « subprimes ». En réalité, la crise n’a jamais été circonscrite à ces prêts consentis aux ménages américains les moins à même de rembourser. La panique a commencé lorsque l’on a découvert que les défaillances des emprunteurs augmentaient parallèlement dans les catégories « subprime » et « prime » (censées être sûres). Car tous ces emprunts reposaient sur le même pari d’une augmentation continue du prix des maisons. La hausse de l’immobilier permettait jusqu’ici de réaliser une plus-value automatique au moment de la revente. Ainsi les banques étaient assurées du remboursement et les emprunteurs d’une bonne opération financière. Tout a changé avec la fin de la hausse des cours immobiliers. La pyramide d’endettement a commencé à s’effondrer couche après couche, progressant inexorablement des créances les plus fragiles à celles qui étaient considérées comme les plus sûres. Cette propagation est virtuellement illimitée. Si la masse inouïe de papier qui circule dans les rouages de la finance mondialisée devait être ramenée à son équivalent dans l’économie réelle, il y aurait un effondrement colossal. Et totalement inévitable. Car le budget de tous les Etats du monde ne suffirait pas combler la différence entre les valeurs financières en circulation et les biens et services produits dans l’économie réelle.

Une limite politique a également été atteinte. C’est ce que montre le rejet du plan Paulson (700 milliards pour racheter les créances douteuses des banques) par le Congrès américain. Les médias l’expliquent sommairement par le refus idéologique de toute intervention de l’Etat par les républicains. C’est oublier que 40% des représentants démocrates ont voté contre ce plan. Notamment ceux classés à la « gauche » de leur parti, qui n’ont pas suivi Obama (dont il faut rappeler que sa campagne a battu les records de dons de Wall Street). En réalité une forte pression électorale s’est exercée de la part d’électeurs excédés d’avoir à éponger par leurs impôts les méfaits de la finance. Le plan Paulson est ultra impopulaire dans l’opinion. Le pays est déchiré. Le « consensus américain » fondé sur la foi dans la propriété individuelle du logement et dans l’efficacité du marché est doublement en train de se fissurer.

On voit donc se mettre en place les ingrédients déjà vus dans les crises sud-américaines. La crise s’est abattue sur ces pays avant nous et, pour l’instant, plus violemment encore. Cela s’explique par le fait que les exigences de la finance s’y sont imposées de manière plus absolue. Les politiques néo-libérales ont bénéficié de l’appui de régimes politiques oligarchiques ou dictatoriaux qui ont pu « réformer » à leur guise sans crainte de la sanction populaire. Sous la dictature de Pinochet, le Chili devient un laboratoire pour les économistes monétaristes américains qui inspireront Reagan. Avant que la crise n’y éclate, l’Argentine était considéré comme le plus docile et méritant élève du FMI. Dans ces sociétés mises aux normes de la finance, la crise financière emporte tout sur son passage : destruction de l’économie réelle, anéantissement de l’épargne accumulée par les « classes moyennes », ruine de l’Etat, volatilisation des systèmes de protection sociale et notamment des fonds de retraite par capitalisation, mise en péril de services publics vendus à des grands groupes privés dominés par les logiques financières… On peut donc dire que la société elle-même entre en crise.

Nous n’en sommes pas si loin à notre tour. Or l’Amérique latine a réussi à sortir de sa crise au terme d’une révolution démocratique impulsée par une gauche radicalement nouvelle, qui avait un « monde d’avance ». On a raison de dire que la crise actuelle appelle un « retour de la politique » et de la gauche. Ajoutons que c’est une autre politique et une gauche réinventée qui sont devenus nécessaires.


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