Plan de sauvetage américain : Comment les démocrates répondent aux ordres de Wall Street

lundi 6 octobre 2008.
 

La version modifiée du plan de sauvetage de Wall Street votée mercredi par le Sénat américain injectera considérablement plus d’argent des contribuables pour soutenir les banques que ce qui avait été prévu dans le plan rejeté lundi par la Chambre des représentants. On retrouve en plus dans la nouvelle version 150,5 milliards $ en baisses d’impôt, essentiellement pour les intérêts de la grande entreprise.

Tous les changements apportés au projet de loi défait à la Chambre des représentants comprennent les propositions avancées par les représentants républicains de droite qui se sont opposés aux mesures initiales, ainsi que des clauses défendues par les lobbyistes des banques et des grandes entreprises.

Par exemple, le projet de loi du Sénat hausse la limite sur les comptes de banque assurés par la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) de 100 000 $ à 250 000 $, une mesure qui favorise principalement les riches et qui offre une plus grande protection aux activités spéculatives des banques.

Les banques n’auront pas à payer de primes pour financer l’augmentation de l’assurance gouvernementale de leurs dépôts. Plutôt, la FDIC se verra accorder une marge de crédit illimitée par le Trésor américain. Ce qui signifie que l’argent des contribuables sera aussi utilisé pour couvrir les milliards de dollars de dépôts dilapidés par les banques en faillite. Cette clause pourrait rajouter de nombreux milliards à la facture refilée au peuple américain.

Le projet de loi du Sénat exhorte que soient changées les règles comptables afin de permettre aux banques d’évaluer leurs actifs au prix qu’elles les ont achetés, plutôt qu’au prix actuel du marché. Les banques ont vigoureusement fait pression pour que soit implémentée cette clause, car cela leur permettrait de camoufler leurs pertes sur leurs bilans, surévaluer leurs titres adossés à des crédits mobiliers et autres holdings spéculatifs, et revendre une partie de ceux-ci au Trésor américain à des prix gonflés.

Les baisses de taxes sont orientées vers divers intérêts commerciaux y compris, selon le Wall Street Journal, « des baisses de taxes liées à la recherche et au développement demandées par les compagnies de haute technologie et les fabricants de médicaments ». D’autres avantages fiscaux rapportés dans la presse concernent des incitatifs à ce que Hollywood produise davantage de films aux Etats-Unis.

Il y a assurément de nombreux autres cadeaux à la grande entreprise enfouis dans le projet de loi de 451 pages. Rappelons que lorsque le secrétaire au Trésor Henry Paulson a d’abord présenté son plan de sauvetage de trois pages aux dirigeants du Congrès deux semaines plus tôt et que certains démocrates avaient demandé que soient ajoutées des mesures pour aider les propriétaires de maison en détresse, lui et le président Bush ont réagi en exigeant un projet de loi « épuré », ne comportant pas d’ajout « sans rapport » ou « controversé ». Les dirigeants démocrates des commissions bancaires de la Chambre des représentants et du Sénat ont rapidement promis de ne pas rendre le projet de loi trop généreux.

Ainsi, répondant aux exigences de Wall Street, les démocrates ont garni généreusement le projet de loi de mesures toutes orientées vers les puissants intérêts financiers.

À l’inverse, pas une seule concession n’a été faite dans le nouveau plan pour accommoder l’opposition populaire massive au sauvetage. Des propositions avancées par des opposants démocrates au projet de loi de la Chambre des représentants pour imposer quelques pénalités sur les spéculateurs à Wall Street et fournir une certaine assistance aux propriétaires de maisons en détresse ont tout simplement été ignorées.

Comme à la Chambre basse, les efforts pour faire passer le plan au Sénat ont été menés par le leadership démocrate, travaillant en étroite collaboration avec l’administration Bush et Paulson, l’ancien PDG de Goldman Sachs qui a rédigé le plan pour utiliser au moins 700 milliards $ en argent des contribuables pour racheter des titres sans valeurs des banques.

La direction du parti démocrate a donc répondu à la défaite du projet de loi original de la Chambre des représentants — en grande partie en raison des congressistes qui craignaient perdre leur poste en novembre aux mains d’électeurs furieux envers le sauvetage des personnes les plus riches du pays — en retravaillant la mesure avant le second vote vendredi à la Chambre afin d’être encore plus généreux pour l’élite financière américaine.

Comment expliquer cela ?

Pas sur la base de la division numérique de la Chambre des représentants entre les deux partis. Les démocrates possèdent une majorité claire de 235 contre 200. Le plan de sauvetage a été défait lundi par un vote de 228 contre 205 voix. La direction pouvait chercher à obtenir les 13 voix manquantes en tentant de convaincre certains des 95 démocrates qui se sont opposés au projet de loi, beaucoup sur la base qu’il s’agissait d’un transfert d’argent trop flagrant vers Wall Street et ne comportant aucune mesure visant à répondre aux besoins criants des travailleurs ordinaires.

Mais la direction démocrate n’a jamais envisagé une telle option. Au contraire, sa réaction à la défaite du premier projet de loi a été tout à fait conforme à la position inébranlable qu’elle a adoptée depuis que Paulson a présenté son plan de sauvetage de Wall Street. C’est-à-dire qu’elle a appuyé inconditionnellement les fondements du plan de Paulson, malgré quelques actions superficielles pour la « transparence » et de la « supervision », pour de soi-disant limites facilement contournables sur les salaires des cadres, ainsi que pour des mesures symboliques d’aide aux propriétaires de maison, qui ont par la suite été mises de côté à l’insistance de Paulson et Bush.

Pourquoi cette si complète indifférence au sort du peuple américain — plus de 6 millions de personnes ne pourront pas payer leur hypothèque cette année ou l’an prochain — et cette soumission totale à quelques milliers de multimillionnaires et de milliardaires de Wall Street ?

Ce n’est pas un mystère. La direction du Parti démocrate — des candidats à la présidence et à la vice-présidence, Barack Obama et Joseph Biden, jusqu’à la speaker de la Chambre des représentants Nancy Pelosi, au leader de la majorité au Sénat Harry Reid, au président du comité des affaires financières à la Chambre des représentants Barney Frank, au président du comité sénatorial sur les banques Christopher Dodd, Hillary et Bill Clinton et ainsi de suite — ont délibérément œuvré à faire accepter une loi dont le seul but est de protéger les intérêts des sections les plus puissantes de l’élite financière américaine.

Ils se sont même entendus pour incorporer une clause anticonstitutionnelle qui rendra quasiment impossible de contester devant les cours la mise en œuvre du sauvetage, ceux qui le supervisent ou les banques qui y participent, ce qui revient à une autorisation pour la corruption et à s’octroyer à soi-même des sommes importantes.

Ils sont bien au fait que le sauvetage ne va résoudre en rien la crise économique qui s’approfondit de plus en plus chaque jour et menace la classe ouvrière, tant aux Etats-Unis que de par le monde, d’une catastrophe sociale. Mais ce n’est pas le véritable but de ce plan.

En plus de garantir une partie des mauvaises dettes de Wall Street, le sauvetage vise la stratégie plus large d’utiliser la crise financière en tant que moyen pour augmenter le pouvoir économique et politique des plus importantes banques et institutions financières. Un processus est déjà bien enclenché par lequel le pouvoir économique aux Etats-Unis sera concentré dans les mains de quelques titans bancaires, ce qui leur permettra de fixer les taux d’intérêt et les frais bancaires ainsi que d’exercer un contrôle dictatorial sur l’économie.

Les dirigeants du Parti démocrate veulent l’implantation de toutes ces mesures. Ils ont formé un front uni avec le représentant de Wall Street, Paulson, et Bush parce qu’eux-mêmes et le parti qu’ils dirigent, comme l’a noté le World Socialist Web Site le 1er octobre, « sont profondément intégrés au milieu de Wall Street et ils considèrent que leur supporteurs les plus essentiels sont les membres de l’aristocratie financière et les couches les plus riches de la haute classe moyenne ».

A preuve : Rahm Emanuel, le président du caucus démocrate à la Chambre des représentants et un des dirigeants de la campagne pour faire accepter le plan de sauvetage est le membre du Congrès américain qui a reçu le plus d’argent des banques et des sociétés financières. Selon le site web MapLight.org, il a reçu 1 636 000 $ de telles sources au cours des cinq dernières années. Barney Frank, le démocrate qui avait la responsabilité du sauvetage, occupe la quatrième position avec 1 033 000 $.

Le Parti démocrate est un parti de l’oligarchie américaine de la finance. Dans les quarante dernières années il est allé encore plus à droite, s’alignant plus étroitement sur Wall Street en même qu’il répudiait tout programme de réforme sociale. Sa trajectoire a reflété l’évolution de sections de la classe moyenne qui constituent depuis longtemps sa base électorale. Ces couches se sont enrichies, bénéficiant de l’explosion du prix des actions par la spéculation et le parasitisme.

Les démocrates ont cherché à cacher leur position de classe et leur orientation de droite en adoptant des positions libérales sur les soi-disant « questions sociales » — l’avortement, les droits des homosexuels, la discrimination positive — qui font partie de la politique de l’identité. Barack Obama, dont la posture du « changement » et de la « nouvelle politique » est entièrement basée sur son identité et dont la politique de militarisme et la défense des intérêts des grandes entreprises sont pratiquement indiscernables de celle de son adversaire républicain, incarne la nature trompeuse et réactionnaire du Parti démocrate.

Par Barry Grey

4 octobre 2008

Article original anglais paru le 3 octobre 2008

http://www.wsws.org


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