Guerre d’Algérie : Le manifeste des 121 (6 Septembre 1960)

samedi 7 septembre 2019.
 

La guerre d’Algérie (1954-1962) n’a cessé d’interroger et de diviser la société française. Les clivages vont s’accentuer avec l’amplification des mouvements de contestation. Dès 1955, des milliers de jeunes rappelés sous les drapeaux expriment leur refus de s’engager par des actes d’indiscipline.

Le 6 septembre 1960, alors qu’après six ans d’affrontements le conflit s’enlise, un manifeste invoquant « le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie » est publié. Signé par 121 intellectuels, universitaires et artistes (parmi lesquels Simone de Beauvoir, André Breton ou Jean-Paul Sartre) il va profondément marquer l’opinion.

Dénonçant l’impérialisme, l’obstination de l’armée, le rôle politique que lui font jouer « plusieurs de ses hauts représentants » ou encore l’usage de la torture, les signataires se prononcent pour le droit à la dignité et à l’autodétermination du peuple algérien. Mais le manifeste des 121 est avant tout un texte de soutien envers les français agissant en faveur de la résistance algérienne. Il n’est d’ailleurs pas anodin que celui-ci soit publié le lendemain de l’ouverture du procès du « Réseau Jeanson » (groupe de militants français, aussi surnommé « porteurs de valises », ayant soutenu le FLN). En effet, les signataires du manifeste jugent « justifié le refus de prendre les armes contre le peuple algérien » ainsi que le fait de lui apporter « aide et protection ». Ils font de la cause algérienne « la cause de tous les hommes libres ». Ce texte vise aussi à rendre compte de la mobilisation contre la guerre, alors passée sous silence dans les médias : « une résistance est née, par une prise de conscience spontanée, cherchant et inventant des formes d’action et des moyens de lutte en rapport avec une situation nouvelle ».

Le manifeste parait dans le journal Vérité-Liberté. Cependant, la censure s’abat. Sa publication est interdite et le journal saisi. En parallèle, l’Etat réprime les signataires. Les inculpations se multiplient. Parmi les 121, les artistes sont interdits d’antenne sur la RTF. Certains fonctionnaires, comme Pierre Vidal-Naquet, sont suspendus voire même révoqués. La publication divise par ailleurs profondément l’intelligentsia française. Trahison pour les uns, acte courageux et clairvoyant pour les autres, l’engagement des 121 est loin de laisser indifférent. Un contre-manifeste, signé par 185 intellectuels sera même publié dès le mois suivant.

Matthieu Lépine


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