Vous vous souvenez de 2003... la retraite par capitalisation ? Quelles critiques peut-on adresser à ce système de retraite ?

samedi 27 décembre 2008.
 

J’espère bien. Parce que qu’est-ce qu’on a pu en entendre parler, en 2003, de la “capitalisation”. La capitalisation, c’était la solution magique au problème de financement des retraites. Puisqu’il n’y a pas assez d’argent en vrai, nous aurions tous du mettre notre argent dans une urne magique, appelée la Bourse, qui aurait rendu à chacun, une fois venus ses vieux jours, plus, beaucoup plus que ce qu’il avait mis dedans. On en n’entend plus tellement parler, de nos jours. Pas difficile de chercher pourquoi. Difficile de convaincre les salariés de placer leur argent en Bourse, ces temps-ci. (Pourtant, d’un strict point de vue de rendement, c’est exactement ce qu’il faudrait faire : si vous avez de l’argent, et si vous êtes capables de revendre un titre lorsqu’il a suffisamment monté, c’est le moment d’acheter ! Renault a perdu 75% de sa valeur. ça m’étonnerait fort que le cours de cette action ne remonte pas sérieusement ; suffit d’attendre quelques années)

Mais en 2003, la menace de la capitalisation était sérieuse. Jacques Chérèque explique ainsi que c’est pour l’éviter qu’il a accepté de signer l’accord prévoyant l’augmentation de la durée de cotisation à 40 ans. Je ne sais pas si on peut lui faire entièrement confiance, mais je me rappelle très bien du sérieux avec lequel le passage de la retraite par répartition à la retraite pas capitalisation était discuté, à l’époque.

C’est pourquoi j’ai lu avec gourmandise l’extrait suivant dans Le Monde daté du mardi 18 novembre :

L’Agirc, l’organisme de financement des retraites complémentaires des cadres, aurait enregistré une perte de 100 millions d’euros sur ses placements financiers du fait de la chute de la Bourse (…). Selon La Tribune, le conseil d’administration de l’Agirc aurait été alerté fin octobre de l’impact négatif de ses placements financiers sur ses comptes. Le résultat global du groupe, de 1,5 milliards d’euros en 2007, devrait ainsi s’élever à 70 millions [0,07 milliard] cette année. L’Agirc pourrait avoir à puiser dans ses réserves en 2009 et, à l’avenir durcir les conditions de calcul des pensions.

La retraite par capitalisation fonctionne dans un cas : si les cours de Bourse montent pendant une très longue période beaucoup plus vite que l’économie réelle. Actuellement, même avec la crise, c’est le cas, comme l’a rappelé récemment Jean Gadrey. Mais jusqu’à quand ?

Quelles critiques peut-on adresser au système de retraite par capitalisation ?

L’impossibilité

La retraite par capitalisation repose sur un mirage : la Bourse pourrait augmenter toujours plus, et toujours plus vite que l’économie réelle (dont la croissance est mesurée par la hausse du PIB).

D’une part, cela est très peu probable.

D’autre part, même si cela est vrai pendant 30 ans, mais que la Bourse s’effondre la veille de votre départ à la retraite et bien, hmm.

Ensuite, pour percevoir votre retraite, vous devez revendre vos titres. Les Bourses ont sans doute beaucoup monté ces dernières années parce que beaucoup de salariés achetaient des actions (ils cotisaient à des fonds de pension). Mais que se passe-t-il lorsque tous ces exactifs prennent leur retraite ? Ils revendent leurs titres (vous ne payez pas vos courses au supermarché en actions Google ; vous devez avoir du vrai argent). Les jeunes retraités seront alors nombreux à vendre leurs actions. Mais si en face il n’y a pas assez d’acheteurs, le prix des actions devra fortement baisser, pour équilibrer l’offre et la demande. Autrement dit, les cours de Bourse chuteront. Adieu les rendements mirifiques attendus pour la retraite.

Enfin, les retraites représentent un prélèvement sur la richesse du pays. Mettons que les retraites représentent 15% du PIB. Cela signifie que 15% des richesses produites chaque année devront être versées aux retraités. Il n’est pas possible d’échapper à cette contrainte. Il n’y a pas de trésor en-dehors de l’économie réelle, que l’on appellerait la Bourse, permettant d’éviter ce prélèvement. L’attrait de la capitalisation repose sur ce mirage d’une réserve d’argent évitant d’avoir à affecter une part grandissante de la production annuelle aux retraités, à mesure que la population vieillit. C’est impossible.

Le coût

Les systèmes de retraite par capitalisation sont en fait très coûteux, parce qu’il faut rémunérer (grassement !) les intermédiaires qui passent leur temps à acheter et à vendre les titres sur les marchés financiers. L’argent gagné par ces courtiers est pris sur votre retraite. Ces coûts ont été estimés à 20% du montant de la retraite. Dans un système de répartition, les coûts de gestion sont minimes, de l’ordre de 2%.

Tiens, un système public et centralisé pourrait être plus efficace, et même 10 fois plus efficace (!) qu’un système privé et concurrentiel ?

L’injustice

La capitalisation, c’est plus vous avez, plus vous placez, et donc plus vous avez à la retraite (SI tout se passe bien). Comme tout mécanisme d’accumulation des actifs, la capitalisation rend plus à ceux qui lui donnent plus ; elle accroît donc les inégalités.

La financiarisation de l’économie

La discussion sur les retraites ne doit pas être déconnectée de celle sur le rôle de la finance. Derrière les (effectivement) méchants “fonds de pensions”, il y a de pépères retraités américains, qui attendent gentiment leur chèque sur leur rocking-chair. L’un des fonds de pension les plus importants au monde est celui des retraités de… l’enseignement de Californie. Pas précisément l’idée que l’on se fait de spéculateurs aux dents longues.

Mais lorsque vous placez votre argent en Bourse “pour améliorer votre retraite”, vous vous retrouvez de fait du côté des fonds de pension qui mettent une pression terrible sur les entreprises pour qu’elles leurs versent toujours plus de dividendes, en licenciant, n’augmentant pas les salaires, etc. Ces dividendes, ce sont votre retraite.

La scission du salariat

Le problème (ou le but ?) des retraites par capitalisation, c’est donc que lorsque vous placez votre argent dans ces fonds, vous devenez de fait un ou une capitaliste. Votre intérêt n’est plus l’emploi et l’augmentation des salaires, mais au contraire la maximisation des profits et des dividendes. Lutter contre les retraites par capitalisation, c’est donc maintenir l’unité d’intérêt du salariat.

La possibilité de la répartition

La répartition, c’est simple, c’est facile, et ça rapporte - finalement - gros. Il suffit d’augmenter les cotisations sociales. Est-ce possible  ? Oui, ainsi que le démontre le regretté Jean-Paul Piriou, qui nous propose de cotiser dans la bonne humeur.

Nous avions développé ces points dans l’un des articles de notre classique Petit bréviaire des idées reçues en économie. Sur ces sujets, vous trouverez tout ce qu’il faut dans le dossier Retraites de l’excellent magazine Alternatives Economiques. Enfin, vous trouverez également des tas d’articles défendant le système de retraites par répartition sur le site Vive la Répart’, animé par l’infatigable Michel Husson.


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