Génocide à l’Uranium Appauvri à Gaza : le dossier (par l’Association Internationale pour la Protection contre les Radiations Ionisantes) et l’ACDN

jeudi 15 janvier 2009.
 

Nous n’avons qu’un seul camp, celui de l’humanité.

Nous ne contestons pas à Israël le droit de se défendre. Nous lui contestons seulement le droit d’attaquer avec les armes qu’il utilise. Quand une offensive militaire prend des allures de génocide, nous refusons de nous taire. Un génocide est l’extermination d’un groupe humain. Les armes à Uranium Appauvri sont des armes d’extermination. Elles frappent de façon indiscriminée une population entière, jusque dans son patrimoine génétique. Le groupe humain qu’elles frappent est la population qui en respire ou en ingère les retombées. Ce groupe ne se limite donc pas selon ses appartenances politiques, nationales, religieuses ou ethniques. S’il en est la victime prioritaire pour des raisons physiques et météorologiques, aucune frontière ne protège ses voisins de partager son sort tragique.

En ce sens, l’utilisation sur la bande de Gaza d’armes à Uranium appauvri, en l’occurrence de bombes GBU-39 et probablement d’autres armes à UA, constitue bien, à double titre, un crime contre l’humanité : l’humanité des Gazaouis, l’humanité en général. C’est pourquoi l’humanité tout entière, à commencer par le peuple israélien, doit se mobiliser pour faire cesser immédiatement ce crime.

Des médecins norvégiens ont déclaré au correspondant de Press TV, Akram al-Sattari, qu’ils avaient trouvé des traces d’Uranium Appauvri dans le corps de certains habitants blessés depuis le début de l’offensive lancée par Israël le 27 décembre sur la bande de Gaza. Ce témoignage vient après que les tanks et les troupes israéliens aient franchi la frontière dans la nuit de samedi à dimanche et lancé une offensive terrestre, après huit jours de bombardements intensifs par l’aviation et la marine israélienne."

La dépêche ajoute que "le ministre de la défense d’Israël, Ehoud Barak, a averti ce dimanche que l’offensive serait "pleine de surprises". Suggère-t-elle ainsi que l’usage d’armes à l’Uranium Appauvri pourrait être l’une de ces surprises ?

En fait, la déclaration des médecins norvégiens citée par Press TV avec quelque retard semble correspondre à l’interview télévisée donnée par le Dr Mads Gilbert et retransmise par la chaîne Al-Jazeera dans la nuit du 31 décembre (http://www.gnn.tv/B30595). C’est dès cette date, en effet, que le médecin norvégien mentionne des traces de radioactivité trouvées chez des blessés, donc chez des victimes de la première phase de l’offensive israélienne, lors des tout premiers bombardements aériens.

Durant cette phase, les autorités israéliennes ont révélé avoir fait usage en nombre des GBU-39, des bombes de fabrication américaine fraîchement livrées (à 1000 exemplaires) début décembre 2008, par les États-Unis à Israël. Les caractéristiques "miraculeuses" de cette bombe d’avant-garde ont largement été vantées dans la presse israélienne : elles sont censées pouvoir opérer des frappes encore plus « chirurgicales » que d’habitude, au beau milieu de la population Gazaouie. Si les Israéliens sont largement prolixes, pour une fois, sur leur arsenal, ils taisent pourtant l’essentiel de l’information, la seule qui soit à même d’expliquer les "performances" de ces nouveaux engins de terreur : le fait qu’ils doivent contenir de l’Uranium appauvri.

Plusieurs questions se posent : comment, dans les conditions aussi difficiles que celles où ils travaillent, le Dr Gilbert et ses collègues ont-ils pu déceler des « traces de radioactivité » ? Ont-ils prélevé les tissus ou les liquides organiques nécessaires ? Ont-ils eu le temps nécessaire pour réaliser des analyses complexes, qui d’ordinaire demandent plusieurs semaines à des laboratoires spécialisés ? Comment des médecins urgentistes ont-ils pu les réaliser ? Personne ne sait.

Alors, pour tenter de vérifier l’accusation du Dr Gilbert, une autre approche s’impose : étudier les armes dont les blessés de Gaza ont été les victimes. Mais pour admettre que les GBU-39 contiennent de l’Uranium Appauvri, pour pénétrer leur secret de fabrication (à chacun sa pénétration...), il faut passer outre la « classification » militaire et le « secret défense ». C’est ce que nous faisons, en raisonnant à partir d’indices épars afin de combler les lacunes des descriptifs techniques.

Et comme la conclusion logique à laquelle conduisent toutes les présomptions se révèle positive, nous estimons devoir la rendre publique immédiatement, sans attendre le « nihil obstat » du « DOD » (Department of Defense) ou la confirmation écrite du ministre de la défense israélien. Au risque de nous voir opposer un démenti cinglant et de subir la bronca de tout ce que le complexe militaro-industriel international peut compter comme partisans ou comme alliés, conscients ou inconscients.

Nous prenons ce risque, l’estimant préférable à celui de voir les Gazaouis - et la population de la région, Israéliens compris - subir ou faire subir sans le savoir un génocide "à retardement", dans le silence complice des chefs militaires, des dirigeants politiques et des savants inféodés au complexe militaro-industriel.

Le lendemain, 5 janvier, dans une autre interview publiée par Press TV, à la question : "Que pouvez-vous dire à propos de ce que vous avez trouvé concernant l’uranium ?", le Dr Gilbert répondra prudemment : "Sur nos découvertes concernant l’uranium, je ne peux pas vous en dire beaucoup, mais ce que je peux vous dire, c’est que la preuve est faite que les Israéliens utilisent un nouveau type d’armes avec un puissant explosif appelé "Dense Inert Metal Explosive" (DIME) composé d’un alliage au tungstène." Il attire l’attention sur un autre aspect des armes utilisées et des terribles blessures qu’elles font. Ce que d’aucuns interprètent, à tort sans doute, comme un désaveu de ses propos précédents.

Dix jours après avoir publié en français et en anglais notre premier article d’alerte sur ce sujet, "A Gaza, le génocide à l’Uranium Appauvri a commencé", alors que celui-ci a été repris par de très nombreux sites francophones et anglophones (à défaut de l’être par la presse française...), nous attendons encore le démenti officiel des autorités. Et pour cause : ce que nous annoncions était vrai. Et nous constatons avec horreur que, malgré la résolution 1860 du Conseil de sécurité de l’ONU exigeant le 9 janvier un cessez-le-feu immédiat, le massacre continue à Gaza. Le génocide aussi.

Uranium il y a. Génocide il y a. Pour permettre aux journalistes et aux intellectuels de s’en convaincre, à tout le moins de prendre la chose suffisamment au sérieux pour mener leur propre enquête, c’est-à-dire faire leur travail, nous allons exposer les pièces du dossier. Puisse l’opinion publique européenne et internationale s’en saisir, prendre le relais, et forcer les hommes politiques à prendre leurs responsabilités et les décisions d’urgence qui s’imposent.

Nos sources

Nos premières sources sont du domaine public. Elles se trouvent sur Internet et sont accessibles à tout le monde. Il s’agit par exemple de sites spécialisés dans les questions de défense, comme GlobalSecurity.com, Defensetech.com, la Federation of American Scientists, globalisation.ca, etc. Il s’agit aussi, tout simplement, des dépêches d’agence et des articles de presse.

Il est vrai que le décryptage des données publiques se trouve facilité par la familiarité avec les questions relatives à l’armement, à la technologie nucléaire et à l’Uranium Appauvri ; par l’expérience des pratiques de dissimulation du complexe militaro-industriel et des lobbies nucléaires ; par l’habitude de repérer la désinformation ou le mensonge pur et simple qui sont si souvent à l’œuvre dans les discours du pouvoir (quel que soit d’ailleurs ce pouvoir, et quelle que soit sa nationalité).

Nous sommes aussi en relations avec d’éminents spécialistes de l’UA. Pour le présent article, nous avons mis en commun nos connaissances et bénéficié plus particulièrement de l’aide précieuse de l’un des meilleurs spécialistes de la pollution à l’Uranium Appauvri. Qu’il en soit remercié. Nous l’appellerons Jim.

Le contexte

Parfaitement décrit par Jim : « Les problèmes de l’uranium appauvri sont à la fois du ressort des scientifiques (filière de la recherche nucléaire) et des militaires. « Les scientifiques sont des physiciens et des chimistes ayant acquis généralement une longue pratique professionnelle ainsi qu’une très forte notoriété. Pour une grande majorité des populations, ce sont des Hommes de Science, qui ont accédé à La Connaissance. De ce fait ils sont considérés comme des responsables qui ne peuvent pas mentir, d’autant plus qu’ils s’appuient sur des analyses a priori objectives et cautionnées par des experts rattachés à des agences internationales.

Or que disent les scientifiques ? L’uranium appauvri n’est pas véritablement un danger ni pour l’environnement ni pour l’Homme, sauf à de très rares exceptions en quelques points de contamination. Pour l’ensemble (ou presque) de cette communauté scientifique, l’uranium appauvri est "40% moins contaminant que l’uranium naturel". « Les militaires (utilisateurs mais aussi chercheurs du secteur de l’armement), appuient leurs connaissances sur les rapports de recherches des scientifiques (cités ci-dessus), reprenant à leur compte leurs affirmations. Mieux, lors des différentes phases de mise en œuvre de ces armements, aucune précaution spécifique n’est utilisée (ni masque de protection, ni combinaison spéciale, ni décontamination par douches ..) encore moins durant les batailles qu’après. Les hommes, en effet, manipulent sans précaution toutes les charges (obus d’artillerie, accrochages de missiles aux ailes des avions, transbordement de pénétrateurs dans les soutes à munitions des chars, chargement des bandes de mitrailleuses à bord des avions ..), comme s’ils manipulaient des charges classiques.

« Ces attitudes, cette gestuelle, relayées par les medias, ne pouvaient que renforcer le sentiment de sécurité des populations civiles et de leurs responsables vis-à-vis de l’opinion publique en général et des populations locales en particulier. Un sentiment d’autant plus profondément ancré dans l’esprit du grand public que les scientifiques tiennent un discours qui se veut rassurant quand ces problèmes sont abordés.

« Et puis, les médias eux-mêmes sont là pour en "remettre une couche". Lorsqu’on voit les envoyés spéciaux devant un tas de décombres fumant à la suite d’un bombardement, sans protection, comment arriver à faire comprendre aux populations civiles les dangers qu’elles courent ? Des dangers qui sont invisibles, inodores, sans saveur... Sans compter que les résultats de ces dangers ne se voient pas toujours immédiatement et qu’ils ne présentent pas d’atteintes physiques directes... Les contaminations conséquences de l’uranium appauvri ne sont pas aussi spectaculaires que des bombes au napalm (la photographie d’une jeune adolescente Vietnamienne, marchant nue, avec la peau qui partait en lambeau à la suite d’un bombardement américain au napalm a été l’une des images choc qui ont réveillé les consciences mondiales et accéléré le processus de paix au Vietnam).

« Pour l’uranium appauvri, point de photo choc... D’autant plus que nous sommes là dans le concept de la "guerre propre", médiatisée et orchestrée d’une main de fer par les services des relations publiques des armées américaines... Aussi est-il facile d’imaginer les difficultés que peut éprouver un simple (citoyen) à venir contrecarrer et mettre en doute les paroles d’experts, de scientifiques ou d’officiers généraux, pour ne citer que ces premiers niveaux hiérarchiques. Que peut représenter le poids d’une parole isolée lorsque, officiellement, les dits experts affirment péremptoirement la quasi-innocuité de ces armements... ».

Les effets de l’Uranium Appauvri

Pourtant, en août 1996, la sous-commission des Droits de l’Homme des Nations Unies classait les armes à uranium appauvri parmi les armes considérées comme produisant « des effets traumatiques excessifs », frappant « sans discrimination les populations civiles » et causant « des dommages graves et durables à l’environnement » selon la Convention sur Certaines Armes Classiques (CCAC), dite Convention sur les armes inhumaines, adoptée à Genève par les Nations Unies le 10 octobre 1980 et entrée en vigueur le 2 décembre 1983. Au même titre que les armes à fragmentation, incendiaires, aveuglantes, ou les mines anti-personnel... Cependant, faute de « protocole spécifique additionnel » à la CCAC, la résolution N° 96-16 n’a eu aucun effet concret.

De plus, ce type d’armement n’entre dans aucun protocole international de déclaration, de limitation ou d’interdiction des armes nucléaires stratégiques car, bien qu’il s’agisse d’uranium, le fait qu’il soit appauvri en U-235, le métal à la base des armes nucléaires, lui permet d’échapper aux contrôles. Ainsi, le seul effet concret de ce classement de 1996, c’est que l’uranium appauvri a disparu du vocabulaire militaire, des catalogues et des notices des fabricants - mais pas des armes fabriquées ni des armes en cours de développement.

L’uranium appauvri est, entre autres et en dépit du fait qu’il n’est jamais cité comme tel, l’une des principales causes du « syndrome de la guerre du Golfe », syndrome désormais officiellement reconnu, du moins aux Etats-Unis. Il a fait parmi les vétérans américains (sans parler des autres, notamment des français...) des milliers de morts post-conflit (au moins 18 000), et quelque 200 000 malades selon le Rapport officiel (minimaliste) du « Research Advisory Committee on Gulf War Veterans’ Illnesses » remis au Sénat des Etats-Unis et publié en novembre 2008. Plus d’un soldat sur quatre... et selon d’autres sources, un sur deux.

Il va sans dire que la population irakienne fait également les frais de l’UA. Ainsi, selon le Dr Jawad Al-Ali, du Centre oncologique de Bassora, les cancers mortels dans la région de Bassora sont passés de quelque 25 en 1988 à plus de 600 en 1998. Les malformations de nouveaux-nés se sont multipliées et ont pris des formes monstrueuses.

Selon Dan Bishop, docteur en chimie et président de l’International Depleted Uranium Study Team (Colorado, USA), “les études de plusieurs vétérans de la guerre du Golfe ont montré une charge initiale du corps égale à 0,34 gramme d’Uranium appauvri, qui a été absorbé et reste en permanence dans les tissus des poumons. Ceci s’élève à 4,3 millions de particules d’un diamètre de 2,5 microns. L’activité alpha pour 0,34 gramme d’UA est de 5,2 Becquerel (5,2 désintégrations alpha par seconde, 160 millions de désintégrations alpha par an), aboutissant à une activité totale (alpha, beta et gamma) égale à 26 désintégrations par seconde, ou 800 millions d’événements radioactifs par an.” Ne pouvant pas être tous « réparés », les dommages causés aux cellules, les coupures chromosomiques, les altérations de l’ADN -tout cela dûment constaté en laboratoire- et leurs conséquences (cancers, leucémies, lymphomes, diabète, stérilité, malformations fœtales...) deviennent irréversibles.

Les enjeux

Reconnaître l’extraordinaire nocivité des armes à Uranium Appauvri aurait d’immenses conséquences - avant tout économiques et financières.

Cette reconnaissance impliquerait que les États responsables de leur emploi versent des indemnités compensatoires aux victimes de ces armes - si tant est que leurs effets puissent jamais être compensés- ou à leurs familles lorsque les victimes sont décédées.

Elle impliquerait de soigner les victimes encore en vie, tant civiles que militaires, ce qui coûterait fort cher ; il est donc préférable qu’elles meurent à petit feu, dans le déni des causes de leur malheur. Car comment prouver aux commissions de pension militaire, des mois ou des années après avoir été exposé à de l’uranium appauvri, que le cancer des reins ou des poumons qu’on développe ou la malformation congénitale de son enfant sont dus à cette exposition ? De nombreux phénomènes peuvent les expliquer. Seuls les militaires blessés (en général par un « tir ami »...) et ayant conservé dans leur corps des particules décelables d’Uranium appauvri ont quelque chance d’en être reconnus victimes.

Cette reconnaissance impliquerait que toutes les armes comportant de l’uranium appauvri -munitions de toutes sortes : balles, obus, bombes, missiles, mines, mais aussi chars blindés à l’UA, comme le char Leclerc des Français (et d’eux seuls : son prix prohibitif lui interdit l’exportation) ou le char Abrams des Américains, des Israéliens, etc.- soient retirées du service, donc remplacées (les armées ont horreur du vide), ce qui coûterait une fortune. De plus, l’uranium « réformé » devrait être rendu inoffensif, ce qui est impossible, ou stocké en lieu sûr et surveillé, ce qui coûterait encore plus cher.

Elle impliquerait aussi qu’on cesse de produire ces armes, ce qui mettrait au chômage nombre de « travailleurs de l’armement », accroîtrait donc la crise du capitalisme avancé. Il est vrai qu’on pourrait recycler lesdits travailleurs dans la production d’armes écologiques. Mais comme chacun sait, l’écologique coûte plus cher, pour un résultat moins destructeur, ce qui n’est justement pas le but recherché par les armes. De plus, il pourrait se trouver des écolos pour prétendre que le concept d’ « armes écologiques » est contradictoire en soi. Ce qui mettrait en péril le « Grenelle de l’Environnement » et autres oxymores du même genre.

Elle impliquerait que l’on procède à la réhabilitation des sites contaminés, ce qui coûterait encore une fortune. A titre d’exemple, les 88 bombes à sous munitions CBU-105 WCMD-SWF, pesant chacune 417 kg, qui ont été larguées par les bombardiers B-1B pendant la guerre d’Irak de 2003 ont dispersé leur uranium sur une surface cumulée de 44 km2. Les 818 CBU-103 WCMD (autres bombes à sous munitions, de 429 kg), l’ont dispersé sur une surface cumulée de 218 km2. Et ce n’est là qu’une toute petite partie de l’uranium appauvri déversé au total en Irak : au moins 350 tonnes en 1991, et certainement plus de 1200 tonnes depuis 2003.

Elle impliquerait que les responsables de ces crimes à l’Uranium appauvri soient traduits en justice. Elle exigerait enfin que soit remis en cause l’ensemble de l’industrie nucléaire civile et militaire, grande pourvoyeuse d’Uranium appauvri dont on ne sait que faire et que l’on « recycle » dans le secteur militaire. C’est là le « cauchemar de Darwin » des nucléocrates du monde entier.

Dans ces conditions, on comprend que certains dirigeants préfèrent conduire insidieusement la population du globe à sa perte. Avez-vous un cancer ? Si ce n’est pas de votre faute (vous fumez trop, vous stressez trop, vous mangez mal, vous avalez trop de médicaments, vous avez une prédisposition génétique...), c’est la faute à pas de chance. Et puis, si vous êtes Gazaoui, vous ne l’avez pas volé ! Jamais vous n’auriez dû voter pour le Hamas. Ou vous auriez dû résister davantage lorsque, en juin 2007, le Hamas a éliminé par la violence ses concurrents du Fatah. (Et si vous êtes Israélien, vous n’auriez pas dû soutenir « Plomb durci »... On vous expliquera bientôt pourquoi.)

La GBU-39

Fabriquées par Boeing, les GBU-39 (Guided Bomb Unit-39) sont des bombes (sans réelle autonomie de vol, à la différence des missiles qui ont leur propre moyen de propulsion). La GBU-39, également désignée sous le nom de SDB1, est la première des SDB (Small Diameter Bomb), des bombes de petit diamètre conçues pour être bon marché, à dommages collatéraux réduits, mais à hautes possibilités de pénétration des aciers et des bétons spéciaux. Malgré ses dimensions modestes, c’est un authentique « bunker buster », un « casseur de bunker » (de bunker enterré), vendu comme tel à Israël.

On dispose dans le public de deux notices : l’une signée par les bureaux d’études du constructeur Boeing, l’autre accessible sur le site de GlobalSecurity, qui ne reprend que certaines données du constructeur. Ces notices se complètent, mais se contredisent sur un point : le poids total de la bombe, qui serait de 250 livres britanniques (113 kg) selon GlobalSecurity (GS), mais qui est de 285 livres (130 kg) selon Boeing. On préférera la version constructeur (GS a sans doute retenu que la SDB1 était « de la classe » des bombes de 250 livres).

Boeing indique le poids de la « tête explosive » ("Warhead") : 206 livres (93 kg), et précise qu’elle est « pénétrante, à souffle et à fragmentation » ("penetrating blast fragmentation"). GS ne donne pas ces précisions mais en donne d’autres : la tête aurait une « enveloppe pénétrante en acier » ("steel case for penetration") et elle comprendrait 50 livres d’explosif de grande puissance ("50 lbs of high explosive"). Cet explosif n’est autre que le DIME (Dense Inert Metal Explosive), un explosif connu depuis plusieurs années, mais qui entre véritablement et massivement en action avec cette offensive sur Gaza (même s’il semblerait que des GBU aient déjà été expérimentées... sur Gaza et peut-être au Liban). Le Dr Mads Gilbert, entre autres, a décrit ses effets horribles sur les corps des victimes (notamment dans une interview que vient de publier Le Monde ). Outre ses effets immédiats, cet explosif est jugé hautement cancérigène, de sorte que les victimes qui survivent à l’explosion ont de bonnes chances de finir avec un cancer. De telles caractéristiques devraient entraîner son interdiction pure et simple par la CACC.

La GBU-39 ressemble à un grand crayon. Elle mesure selon Boeing 70,8 pouces (1,80 mètre) de long, pour 7,5 pouces (19 centimètres) de diamètre seulement. Elle a un système avancé de guidage laser et de positionnement par GPS, capable de résister aux brouillages. Elle est « intelligente » : une fois larguée par l’avion porteur, elle se cale sur la cible qui lui a été désignée et corrige sa trajectoire, un peu comme un planeur, grâce à son empennage et à des ailes qui se déploient sitôt après le lancement.

Les GBU-39 appartiennent aux nouvelles générations d’armements qui utilisent des aciers "très spéciaux" mais dont les usineurs et les autorités taisent la composition. Or, pour obtenir à des prix de plus en plus serrés pour des performances de plus en plus importantes, il est indéniable que l’Uranium appauvri a les meilleurs atouts. En effet, la capacité de pénétration d’un projectile dans une cible dépend de la conjonction de quatre facteurs : elle est directement proportionnelle à sa masse (son poids), à sa vitesse, à sa dureté - et inversement proportionnelle à la surface de sa section (l’aiguille pénètre plus facilement dans un tissu que le dé à coudre...). On le conçoit sans peine : un lourd javelot à pointe dure et mince, lancé à pleine vitesse, a plus de chance de pénétrer en terre qu’une balle de pingpong tombant par terre. L’uranium appauvri remplit tous ces critères : il est lourd, très dur -contrairement au plomb-, et sa densité permet d’obtenir une masse maximale dans un minimum de volume, donc aussi une surface de choc réduite au minimum.

La capacité de pénétration attribuée par Boeing à la GBU est « supérieure à trois pieds [près d’un mètre] de béton armé renforcé » (« >3 feet of steel reinforced concrete ») . GS laisse le choix entre deux citations : « more than three feet of steel-reinforced concrete » (la même chose, donc) et « six feet of reinforced concrete » (six pieds, ou deux mètres, de béton renforcé).

Contrairement aux apparences, ces deux citations qui font passer la capacité de pénétration du simple ou double, ne sont pas forcément contradictoires. Elles pourraient correspondre à deux types de béton : les bétons à Ultra Hautes, et à Très Hautes Performances.

En France, les BFUP (Bétons Fibrés à Ultra-hautes Performances), ainsi nommés par l’AFGC (Association Française du Génie Civil), ces nouveaux bétons sont apparus dans les années 1990, sous l’impulsion conjuguée d’Électricité de France et des entreprises Bouygues et Eiffage, sous-missionnaires des travaux de réfection des tours de refroidissement des centrales nucléaires de CATTENOM et de CIVAUX. Issus des recherches scientifiques, ces bétons ont comme particularité d’avoir de très hautes résistances (8 à 10 fois celles du béton classique), de ne pas avoir besoin d’armatures passives, sources de corrosion, d’être étanches à l’eau, et d’être d’une durabilité exceptionnelle. Il existe aujourd’hui une gamme étendue de formules, développées et brevetées par les industriels de la construction.

Les Bétons à Très Hautes Performances (BTHP) et les Bétons à Ultra Hautes Performances (BFUP) résultent d’une synthèse des progrès réalisés ces trente dernières années par l’optimisation du squelette granulaire, l’apport d’adjuvants et l’utilisation de renforts de fibres. Concernant la résistance à la compression et selon la définition donnée dans les recommandations de l’AFGC, les BFUP dépassent 150 MPa (Mégapascal, une unité de résistance). Par définition, les performances des BTHP se situent entre celles des Bétons à Hautes Performances (BHP) et celles des BFUP. Les résistances mécaniques des BTHP sont donc comprises entre 100 et 150 Mpa.

Voici comment IsraelValley, le site officiel de la Chambre de Commerce France/Israël, se référant à une revue de presse de l’Ambassade d’Israël en France, annonçait l’achat des GBU-39 dès le 16 septembre 2008 -

(http://www.israelvalley.com/news/20...) :

« Le ministre américain de la Défense a approuvé la vente à Israël de 1000 bombes pénétrantes de type GBU-39, fabriquées par la société Boeing et considérées comme les plus modernes au monde, rapporte le Maariv. Ces bombes sont capables de pénétrer une couche de béton armé de 90 centimètres d’épaisseur de manière très précise (un périmètre de 3 mètres). Le journal note toutefois qu’avant d’être entérinée, cette vente doit encore être approuvée par le Congrès américain. Selon une source militaire israélienne citée par le journal, la combinaison de ces bombes avec les futurs avions de chasse de Tsahal, les F-35, devrait renforcer de façon considérable les capacités de l’armée de l’air israélienne. » Les "90 centimètres de béton armé" que les GBU-39 sont capables de transpercer représenteraient en fait au moins 4 ou 5 mètres de béton du mur de l’Atlantique.

A la lecture de toutes leurs caractéristiques techniques, il est clair que ces armes sont à base d’UAm (Uranium Appauvri métal), ou plus brièvement, d’UA. De l’acier, même de qualité exceptionnelle, ne pourrait faire l’affaire. Le mot « steel » (acier), absent de la fiche technique de Boeing et ajouté par GS pour décrire l’enveloppe de la tête explosive (« steel case for penetration ») est donc impropre -à moins de désigner un alliage métallique non précisé (qui se dirait alloy). Il sert à combler une lacune manifeste et certainement délibérée dans la notice du constructeur.

Il est vrai qu’en dehors de l’acier, l’UAm pourrait avoir un concurrent sérieux : le tungstène. Mais il a sur lui un double avantage. D’une part, il est beaucoup moins cher et on ne sait pas quoi en faire (50 000 tonnes en sont produits annuellement dans le monde, comme résidu de l’industrie nucléaire civile et militaire), alors que le tungstène reste est un métal précieux. D’autre part et surtout, contrairement au tungstène, il est pyrophore.

C’est à dire qu’il a la propriété de s’enflammer. Ainsi, non seulement un corps de bombe usiné en UA va-t-il voler en tout petits éclats sous l’effet de l’explosif, mais en plus il va brûler en carbonisant l’intérieur de la cible atteinte. La caractéristique pyrophorique permet au "pénétrateur à l’UA" de s’enflammer par simple frottement de ses parois au passage du "trou de perforation" qu’il réalise, avant que les systèmes de mise à feu de l’explosif ne soient activés.

Ainsi, le premier effet de ces armements est-il de déclencher "un feu d’enfer", à près de 1200°C. Les occupants d’un char transpercé par un obus à UA ne meurent pas déchiquetés, mais carbonisés. Les expertises (Kosovo, Afghanistan, Guerre d’Irak...), sans oublier les photos et vidéos publicitaires des GBU, confirment cette donnée.

En résumé, des bombes à qui l’on demande : une ultra haute capacité de pénétration (bétons très haute performance, aciers spéciaux) ;

un poids très important proportionnellement à leur volume (donc sous forme compacte) ;

un impact local resserré (pour amuser la galerie en parlant de "frappe chirurgicale", de "guerre propre", de « bombes à effets collatéraux réduits) ;

un effet incendiaire ;

un prix compétitif (« low cost ») ont toutes les chances d’être à l’UAm, dans des proportions situées entre 75% et 85%, le reste pouvant être du tungstène (aussi présent dans l’explosif DIME), du titane, du molybdène... des métaux spéciaux et précieux.

Nous sommes aujourd’hui en mesure d’affirmer que : les 1000 bombes livrées début décembre 2008 par les Etats-Unis à Israël sont des bombes GBU-39B ;

elles sont de la classe des bombes de 250 livres britanniques (113 kg) mais pèsent en fait chacune 130 Kg (285 lb)

leur partie explosive (« warhead ») pèse 93 kg (206 lb) ; le reste, soit 37 kg, correspond à la coque extérieure en carbone, au système de navigation inertiel comprenant l’empennage, les deux ailes, le système électronique, le GPS, les capteurs, une batterie, des servomoteurs électriques...

la partie explosive (« warhead ») se compose de deux éléments : l’explosif et le corps de bombe ; l’explosif est du DIME (Dense Inert Metal Explosive) et pèse, jusqu’à preuve du contraire, 55,8 kg (60 %) ; le corps de bombe est en métal et pèse 37,2 kg (40 %) ; ce métal est constitué d’un alliage Ti-UA, 20/80, soit 20% de titane pour 80% d’Uranium ; l’uranium appauvri incorporé dans la bombe pèse 29,7 kg.

Au total, il y a donc près de 30 kg d’uranium par bombe GBU-39B. Autres armes à uranium mises en œuvre à Gaza

S’il n’y a pas de raison que la « petite dernière » ne soit pas dotée d’un « pénétrateur » à l’UA comme ses grandes sœurs de génération précédente, il n’y en a pas non plus pour que les dirigeants et les chefs militaires israéliens se soient interdit l’emploi d’autres armes radioactives, par exemple de munitions d’artillerie, de chars, de mitrailleuses, renforcées à l’UA, et à plus forte raison l’emploi de « bunker busters » plus puissants, comme les GBU-28, d’un poids global supérieur à 2 tonnes. Même si officiellement Israël n’en est pas doté, on imagine sans peine qu’elles aient pu être utilisées contre les tunnels de la ligne « Philadelphie », entre Gaza et l’Egypte. En tout cas, dès le 1er janvier, des sources parlaient « de dizaines de couloirs souterrains détruits par les GBU-28 de 5000 livres »

Comme nous venons de l’expliciter, toutes ces bombes contiennent de l’uranium. Lors de l’explosion, de l’ignition, elles répandent autours d’elles un nuage de fumées composé de milliards de très fines particules radioactives qui s’oxydent au contact de l’air et vont, pour partie, se (re)déposer sur place après avoir contaminé les gravats et la terre arrachés lors de l’explosion, et pour partie, se mélanger aux poussières que les vents transportent et se mêler à l’atmosphère que nous respirons.

Les milliards de particules issues des "bunker buster bombs" transportent une radioactivité multi-millénaire. Une partie de ces particules fines s’élève dans les airs et finira dans les poumons de toutes les populations environnantes d’abord, et du monde ensuite. En bombardant la Bande de Gaza avec ces engins à l’uranium, l’Etat d’Israël contamine inéluctablement ses propres cultures vivrières, ses propres exportations, ses propres soldats et sa propre population. Les engins atomiques, quels qu’il soient, ont des effets directs et « collatéraux » plus ou moins « limités » selon la puissance de l’explosion, mais ils ont aussi et toujours des effets collatéraux « contaminants », illimités dans l’espace et dans le temps.

Conclusion

Aujourd’hui, la charge de la preuve n’appartient plus aux simples citoyens ou aux observateurs civils. C’est aux armées israéliennes, américaines, françaises, russes et autres de démontrer qu’aucune des armes qu’elles emploient n’est radioactive. Car ce sont, répétons-le, des armes triplement criminelles : en tant qu’armes de guerre ; en tant qu’armes génocidaires ; en tant qu’armes écocidaires.

Et c’est aux journalistes, aux scientifiques, aux institutions internationales d’enquêter sur place pour faire la lumière. En fait, on devra chercher à Gaza, une fois revenue « la paix », non seulement de l’U238 (qui compose à 98 % l’Uranium appauvri) mais encore plusieurs autres actinides (y compris du plutonium) présents dans les déchets de combustion, car il apparaît que l’uranium appauvri dont se sert l’armée américaine pour fabriquer ses armes à UA n’est pas de l’UA issu directement du processus d’enrichissement. Alors, si nos hypothèses se confirment, l’opération « Plomb durci » se révélera pour ce qu’elle est : une opération employant des armes radioactives - des armes génocidaires.

Pour qui ne se pose pas les bonnes questions, le nom même de l’opération représente une énigme. Pourquoi donc « Plomb durci » ? Etrange, non ? Pourquoi pas « Stop Hamas », « Gaza Freedom » ou « Peace for Ever » ? Et qu’est-ce que pourrait bien être le « Plomb durci » ?

La bonne question est :

Qu’est-ce qui peut être aussi lourd que du plomb, voire davantage, mais bien plus dur ?

Réponse : De l’uranium Comme pour la « lettre volée » d’Edgar Poe, invisible car posée sur la cheminée sous les yeux mêmes des enquêteurs, il arrive que la signature du crime soit donnée en même temps que le crime. Il arrive que les stratèges s’amusent beaucoup. Leur cynisme est sans borne.

Aux dernières nouvelles, ce 13 janvier 2009, selon Serge Dumont, envoyé du Temps à Tel-Aviv, « l’armée israélienne affirme avoir détruit 225 souterrains. Il en existerait plus de 1000 » sur le « corridor de Philadelphie ». Les 1000 GBU-39B leur étaient-elles donc destinées ?

Dans ce cas, à raison d’au moins une bombe par souterrain, 225 bombes GBU-39 auraient déjà été larguées, libérant à elles seules 6,7 tonnes d’uranium - près de 30 kg par bombe. On ignore combien de GBU-39B sont tombées sur la ville de Gaza et sur le reste du territoire, mais quand le stock aura été épuisé, il y aura 30 tonnes d’uranium appauvri dans la nature de Gaza et de ses environs. On ignore combien d’autres « bunker busters » et combien d’autres types de munitions à uranium auront été utilisées. On l’a vu un tiers de gramme d’UA inhalé peut rendre gravement malade un militaire américain et le faire mourir.

Il n’en faut pas davantage pour tuer à petit feu un homme, une femme ou un enfant, à Gaza, à Sderot ou ailleurs. Il arrive que les stratèges s’amusent beaucoup. Leur cynisme est sans borne.

Le 14 janvier 2009

ACDN (Action des Citoyens pour le Désarmement Nucléaire) Jean-Marie Matagne, président

A.I.P.R.I Association Internationale pour la Protection contre les Radiations Ionisantes) Paolo Scampa, président


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message