Sondage sur les retraites : tentative de manipulation des citoyens

samedi 10 septembre 2005.
Source : ATTAC
 

Le Monde daté du 16 avril 2003 a présenté la « deuxième vague » d’un « baromètre » censé mesurer l’évolution de l’opinion publique sur les retraites. Réalisé par l’institut de sondage Sofres pour le compte de ce journal, de Notre Temps et de RTL, ce « baromètre » et les commentaires qui lui sont associés font preuve de malhonnêteté, d’incohérence, de partialité, d’absurdité et de désinformation.

Malhonnêteté : la formulation de certaines questions du sondage induit les réponses.

Le sondage contient la question suivante : « Pour la sauvegarde du système de retraite des fonctionnaires, il faut aligner leur durée de cotisation sur celle des salariés du privé (40 ans au lieu de 37 ans et demi) : oui, c’est une question d’équité ; non, cela compense certains désavantages de leur statut ». C’est de la manipulation ! En effet, il n’est nullement besoin de « sauvegarder » le système de retraite des fonctionnaires qui ne connaît aucun problème de financement. Affirmer qu’il faudrait « sauvegarder » ce système est donc particulièrement malhonnête.

Incohérence : l’allongement de la durée de cotisation est-elle nécessaire pour « sauvegarder » le système de retraite des fonctionnaires, ou pour des raisons « d’équité » ?

Lorsque le sondage, dans une des questions, affirme que l’alignement de la durée de cotisation des fonctionnaires sur celle du privé est la condition pour « sauvegarder » le système de retraite, proposer comme réponse « Oui, c’est une question d’équité » est totalement incohérent. Ou bien l’alignement du public sur le privé est nécessaire pour « sauvegarder » le système ; ou bien c’est une mesure « d’équité » qui n’a rien à voir avec les problèmes de financement. Par ailleurs, il faudra que le gouvernement explique un jour par quel miracle l’allongement de la durée de cotisation des fonctionnaires est de nature à résoudre d’éventuelles difficultés financières : chacun sait en effet qu’il est plus coûteux pour le budget de l’Etat de payer des fonctionnaires en activité qu’à la retraite (si les fonctionnaires partant à la retraite ne sont pas remplacés, engagement pris par le Premier ministre)...

Partialité : le sondage ne pose jamais de questions visant à connaître l’opinion des citoyens sur les réformes proposées par les organisations syndicales.

La question suivante est scandaleusement partiale : « En ce qui vous concerne, quelle est la possibilité de réforme du système par répartition la plus acceptable : une forte augmentation de vos cotisations pour partir à 60 ans tout en touchant une retraite pleine ; un allongement de la durée de cotisation de 2 ou 3 ans pour avoir droit à une retraite pleine : le maintien de la même durée et du même taux de cotisation mais une retraite moins importante. »

Les commanditaires du sondage, comme les sondeurs eux-mêmes, semblent avoir totalement intégré les projets du Medef et du gouvernement. Pourquoi n’envisagent-ils pas un seul instant de présenter les propositions de réforme faites par certaines organisations syndicales : augmentation des cotisations patronales ; élargissement de l’assiette de calcul des cotisations aux profits, dont les profits financiers ; égalité entre les hommes et les femmes ; etc.

Absurdité : certaines questions n’ont aucun sens.

Premier exemple : le sondage demande « Le rythme des réformes est : trop lent ; trop rapide ; comme il faut. ». Cette question induit l’idée qu’il n’y aurait qu’une seule réforme possible des retraites, bien entendu celle du gouvernement. Or c’est inexact puisque les organisations syndicales demandent également une réforme des retraites. Ces réformes ont évidemment des sens opposés : celle du gouvernement vise à appauvrir les retraités et salariés ; celle des syndicats à promouvoir le progrès social. Dès lors, celui qui soutient la réforme proposée par les syndicats peut-être tenté de répondre « trop lent » car il considère que les propositions syndicales ne sont pas assez prises en compte ; mais il peut aussi répondre « trop rapide » s’il considère que la politique gouvernementale, depuis la réforme Balladur, casse le système des retraites. Quant à celui qui soutient la réforme proposée par le gouvernement, il peut répondre « trop lent » s’il considère que le gouvernement fait trop de « concertation » avec les syndicats ; mais il peut aussi répondre « trop rapide » s’il considère que Monsieur Raffarin est en train de suivre le même chemin imprudent qu’avait suivi Monsieur Juppé.

Deuxième exemple : le sondage demande « Le gouvernement est actif : oui ; non ». Celui qui soutient la réforme proposée par les syndicats peut répondre « oui » en considérant que le gouvernement agit dans la droite ligne de la réforme Balladur visant à casser les retraites ; mais il peut aussi répondre « non » en considérant que le gouvernement ne fait rien pour mettre en ¦uvre la réforme proposée par les syndicats. Quant à celui qui soutient la réforme du gouvernement, il peut répondre « oui » s’il considère que le gouvernement fait avancer la réforme qui a ses préférences ; et il peut aussi répondre « non » en considérant que la réforme traîne en longueur. Les raisons conduisant les citoyens à répondre sont tellement variées et contradictoires, que le résultat est dénué de toute signification.

Désinformation : le choix des titres et des sous-titres de l’article donne une impression tronquée du résultat du sondage.

Le titre de l’article publié dans Le Monde est « Retraites : 52 % des fonctionnaires contre l’alignement avec le privé ». Cette information n’est pas fausse puisque le sondage donne bien ce résultat. Mais était-ce la conclusion la plus significative donnée par ce sondage ? Il est possible d’en douter lorsque le sondage dit également que 66 % des personnes interrogées se déclarent « plutôt inquiètes » (58 % un mois avant) ; et que 68 % se sentent visées par les « sacrifices » demandés (67 % un mois avant).

D’autres choix de titre étaient possibles, par exemple : « Retraite : le gouvernement perd du terrain ». « Le projet de réforme des retraites du gouvernement inquiète les Français ». « Retraites : Raffarin ne convainc pas les Français ».

Le titre choisit par Le Monde, non seulement ne reflète pas correctement le résultat du sondage, mais alimente la campagne anti-fonctionnaires lancée par le gouvernement et le Medef.

Les organes de presse incriminés ont parfaitement le droit d’avoir une opinion sur les retraites, et que cette opinion soit la même que celle du gouvernement Raffarin. Mais qu’ils la défendent clairement et qu’ils cessent l’hypocrisie qui consiste à manipuler les sondages.

Attac, le 18 avril 2003.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message