La tribu des Doublal se soulève au Maroc

vendredi 1er mai 2009.
 

Près de 700 membres de la tribu Doublal d’origine sahraouie dans la région de Tata sur la frontière algéro-marocaine, ont enclenché un mouvement de contestation contre le Makhzen. Ils protestent ouvertement contre la fermeture par l’armée marocaine de la zone de Oued Drâa qui les a privés d’exploiter leurs terres et de faire paître leurs cheptels.

La tribu de Doublal exprime sa colère depuis samedi par des manifestations et des sit-in alors que les éléments de l’armée royale ont empêché une marche sur le poste militaire de Khengat Boukhbar. Des militaires ont été déployés dans le secteur en question et ont dispersé les protestataires en faisant feu dans leur direction.

Des témoins ont rapporté que la situation dans laquelle se trouve la tribu est intolérable depuis que les forces armées royales ont dressé des barrages empêchant les agriculteurs et les maquignons de rejoindre leurs terres sous prétexte que c’est une zone militaire. Les protestataires réclament la réouverture de Oued Drâa pour jouir des terres dont ils sont propriétaires. Ils soulèvent d’autres entraves et difficultés auxquelles ils font face depuis le début du conflit entre le Maroc et le Front Polisario.

L’armée royale s’est emparée des dromadaires des éleveurs à qui elle impose des amendes pour pouvoir les récupérer. Les habitants de Tata sont déterminés à arracher leurs droits et ont refusé de répondre à la demande des responsables militaires et locaux d’arrêter leur mouvement contestataire. Ils réclament un dialogue sérieux avec les hautes autorités, et qui débouche sur des solutions concrètes à leurs problèmes.

La situation est explosive, elle pourrait dégénérer davantage. Les membres de la tribu de Doublal sont marginalisés, n’ont pas droit à l’emploi, à l’éducation ni ne bénéficient de projets de développement. Ils demandent aux autorités leurs droits, des conditions pour un développement réel, et surtout la réouverture inconditionnée de l’Oued Drâa indispensable pour leur survie. Les analystes craignent des affrontements, et le Makhzen pourrait rééditer le scénario de Sidi Afni et user de la violence pour résoudre ce dossier.

La province de Tata est située en milieu désertique : le climat este de type aride, les précipitations sont faibles et irrégulières et les températures souvent très élevées (jusqu’à 48°C en été). Dans ce milieu aux conditions biophysiques extrêmes, marquées par un déficit hydrique accentuée, le mode de mise en valeur principal du milieu est le système oasien. La population est d’origine arabe et les villages sont composées essentiellement de femmes, d’enfants et de personnesd âgées. Le reste se trouve à l’armée ou en Europe.

Jusqu’aux années 70, l’organisation sociale était adaptée au système nomade des populations de la région. L’oasis était plus un lieu de production de dattes qu’un réel lieu de vie. En effet, le territoire de vie et de production des habitants de Tata était alors particulièrement vaste (plusieurs centaines de km²). La période comprise entre janvier et septembre était consacrée au nomadisme. Laissant leurs terres aux soins de leurs khamès (hommes qui ont le savoir-faire de l’abriculture), les familles quittaient le douar pour transhumer vers le Sahara. Les habitants de la région cheminaient lentement vers le sud, à travers les forêts d’Acacia radiana. Ils y faisaient paître leurs troupeaux, tout en fabriquant du charbon de bois qu’ils échangeaient avec d’autres populations. Une fois passée la crue de l’Oued Drâa (entre mars et mai), ils mettaient en culture les terres limoneuses et humides du bord de l’oued. Les céréales principales étaient l’orge et le blé tendre. Pendant 4 à 5 mois, les terres de l’Oued Drâa, situées à près de 50 km de la palmeraie pour la récolte des dattes, la population de Tata reprenait le chemin de la palmeraie pour la récolte de dattes qui a lieu d’octobre à novembre. Une fois les dattes récoltées et séchées, les familles reprenaient le chemin de l’oued et du sahara.

Le territoire de vie et de production était particulièrement vaste, puisque près de 150 km séparaient les deux pôles de production agricole principaux. Entre ces deux pôles se trouvait un élément essentiel au système pastoral : les pâturages à acacias. La vie des habitants de la région s’organisait en fonction de ces trois espaces essentiels. Par ailleurs, les échanges entre les différents clans ou tribus nomades s’organisait alors en fonction de ces trois espaces. Les échanges entre les différens clans ou tribus du sud étaient fréquents. Les oasis de la région étaientt alors résolument tournée vers le sud.

L’année 1975 marque l’invasion par le Maroc du Sahara Occidental et le début d’une sanglante guerre entre le royaume chérifien et le Front Polisario. Les conséquences pour la région de Tata, située à quelques kilomètres de la zone militarisée, furent importantes. En effet, dès le début du conflit, de nombreux jeunes hommes de la province se sont engagés dans les rangs de l’armée marocaine. Ces hommes originaires de la région sont très appréciés pour leur bonne connaissance du désert. Ceci a eu des conséquences fatales : la plupart des villages (douars) furent attaqués et grand nombre des jeunes ont été tués dans les affrontements.

Ceux qui sont restés en vie, envoient la quasi totalité de leurs salaires à leur famille ;. Ces nouveaux revenus sont d’autant plus nécessaires que dès le début du conflit, les terres de l’Oued Drâa sont interdites d’accès et placées en zones militarisées. La partie sud de Tata devient inaccessible. Le territoire est donc amputé de deux ressources essentielles : Le parcous à acacia qui fournissait pâturage et charbon de bois ainsi que les terres fertiles de l’Oued Drâa. Le territoire de production se retrace donc sur les oasis de la région qui, dès lors, doivent subvenir aux besoins alimentaires des familles des douars. A l’enrôlement des jeunes hommes dans l’armée, s’ajoute un autre phénomène : Dès la fin de la décennie 1970, les migrations des jeunes ou parfois même de familles entières se multiplient vers le Nord et vers l’Europe.

De : Yusef Brahim/ Diaspora sahraoui


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