Le scandale de l’émission " Mots Croisés " : huit invités sur le plateau, huit partisans du OUI !

jeudi 28 mai 2009.
 

Lundi 25 mai, c’était ravioli politique sur France 2, la seule chaîne qui ose encore, Yves Calvi s’en est vanté toute la soirée, parler politique avant une heure du matin. Quel plateau pour parler de l’Europe, mes aïeux !

Du lourd, comme on dit, Barnier, Sarnez, Cohn Bendit, Désir, plus la fine fleur du commentaire politique, de gauche à droite (enfin c’est une manière de parler) par ordre alphabétique, Alexandre Adler, Claude Askolovich, Jean Quatremer et Brice Teinturier de la Sofres (huit invités, huit partisans du oui à la Constitution européenne et au traité de Lisbonne). A 22h45, la pelouse était dans un état impeccable et l’arbitre, un certain Yves Calvi, pouvait donner le coup d’envoi. Quel festival ! Du très beau football. Jugez plutôt :

Au coup de sifflet libérateur, Yves Calvi donne le ton de la première mi-temps : il s’agit de savoir pourquoi les Français ne s’intéressent pas à l’Europe, et, accessoirement, de savoir si ces vilains ne sont pas en train de transformer le magnifique scrutin en un-banal-enjeu-de-politique-intérieure. Car voyez-vous, nos concitoyens sont si égoïstes, si terre à terre, qu’ils s’inquiètent pour le chômage, la crise et semblent se moquer comme d’une guigne d’une Assemblée, qui, comme la racontera bien l’avant-centre gauche Harlem Désir, peut passer trois heures à débattre de la taille d’écartement des rétroviseurs sur les cinq tonnes.

A la cinquième minute, Michel Barnier emmène tout le monde sur l’aile gauche en proclamant : « Nous, à l’UMP, on a dépassé le clivage entre le oui et le non. » En effet, Rama Yade, stigmatisée comme souverainiste (infiltrée ?), a voté non en 2005. D’un tir superbe, le chef de l’UMP, que l’on aurait cru plus utile à gérer la question du lait (mais ça, personne ne le lui a dit) a affirmé que « la crise montre qu’il faut être tous ensemble » (Ouais, ouais, tous ensemble tous ensemble !). Mais comme il l’a dit quatre fois dans la soirée, on va s’intéresser à d’autres phases du jeu.

A la quinzième minute, Dany Cohn Bendit prend la balle et se lance dans une série de jongleries au milieu du terrain, dont il ressort que les gens ne comprennent rien à l’Europe parce que les politiques et les médias n’en parlent pas assez. Sans doute influencé par une conversation téléphonique avec son frère Gabriel Cohn Bendit, un adepte de la « secte pédagogiste » Montessori, Dany n’a plus que le mot pédagogie à la bouche, qui sied magnifiquement à sa chevelure grise.

Yves Calvi reprend la balle au bond et interpelle alors Marielle de Sarnez : « Les élections doivent-elles servir à sanctionner Nicolas Sarkozy ? Le livre de Bayrou ne devait-il pas être édité à un autre moment ? » (Vas-y c’est bon là coco, tu l’as dit bouffi, on dirait presque du Alain Duhamel). La représentante du Modem s’en défend. Qui pourrait douter de l’engagement européen de sa formation ? Mais elle rétorque que le débat européen oppose les partisans de la république à ceux de la société néolibérale (enfin, elle n’a pas prononcé le mot, mais on l’a compris).

Brice Tenturier, distributeur de jeu racé portant le maillot de la Sofres, intervient alors – nous sommes déjà à la 38ème minute – pour donner une analyse en quatre points (Duhamel, lui fait ses analyses en trois points, c’est la différence entre un expert et un journaliste). Il constate notamment le manque de « traçabilité » des listes (ah bon, comme le bœuf ?), le déficit démocratique (alors là tu m’intéresses). Et là, le malheureux s’emmêle les pinceaux et expédie le ballon… dans les filets de son équipe en expliquant que les électeurs, qui ont voté non au référendum sur le TCE en 2005, se demandent si voter sert encore à quelque chose puisque l’on est passé par le Parlement pour faire adopter ce qu’ils ont refusé par référendum. Il ajoute ensuite que les électeurs connaissent le Parlement européen depuis trente ans et que l’abstention ne cesse de monter, et qu’il ne s’agit donc pas de « pédagogie » comme le prétendait Daniel Cohn-Bendit. Mais tout le monde a fait comme si la question était hors sujet.

Calvi en a profité pour siffler la mit-temps et appeler un premier coupeur de citrons, Nicolas Dupont-Aignan. Ce dernier s’est propulsé à l’avant et a enchaîné une série de dribbles. Au lieu de se défendre, Cohn-Bendit pouffe de rire : il ne va quand même pas s’abaisser à lutter contre un joueur souverainiste qui ne pèse même pas 2 % des voix à la Sofres, non ? Un silence consterné a accueilli les propos du jeune footballeur. Barnier s’est cru en train de regarder Good Bye Lénine…

Plus lyrique, Claude Askolovitch, Asko, comme on dit dans la tribune du Kop, ose une comparaison entre les révolutionnaires des Etats Généraux de 1789 et les députés européens qui doivent renverser la Commission et devenir les révolutionnaires du XXIème siècle.

La joueuse de Lutte Ouvrière Nathalie Arthaud s’impatientait dans les vestiaires.

Alexandre Adler crache le morceau : « Même en cas de raz-de-marée socialiste, les deux grands partis PPE et PSE continueront à s’entendre. Les jeux sont déjà faits, Barroso sera président. »

Jean Quatremer venait alors au secours de Adler en rappelant que les députés européens du PS et de l’UMP votaient ensemble dans 70 % des cas.

Harlem Désir en pleurait de rage dans le rond central. Il était temps de conclure le match : il n’y avait plus qu’une seule équipe sur le terrain, celle des partisans du oui au Traité constitutionnel européen. C’était pareil en 2005. Ce qui ne l’a pas empêché d’encaisser une sévère défaite. Mais là, sans adversaire déclaré dans les urnes (ou si peu), il n’y a pas vraiment de risque…Bah, rendez-vous en 2014, il y aura peut-être un vrai débat. Et Daniel Cohn Bendit sera enfin à la retraite....

Philippe Cohen.


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