Ne vous abstenez pas, votons Front de Gauche (intervention de Michèle Dessenne, porte parole du MPEP lors de la réunion publique du Front de Gauche à Orsay)

mercredi 3 juin 2009.
 

A quelques jours du 7 juin, je veux lancer un message à celles et ceux qui sont tentés par l’abstention. Ils sont en effet très nombreux, puisque près de 60% de nos concitoyens ne seraient pas encore décidés à se déplacer pour voter. Peut-être qu’ici même, dans cette salle, certains parmi vous hésitent encore. Et sans aucun doute, dans votre entourage, familial, professionnel, associatif, amical, vous connaissez des personnes qui affirment ne pas vouloir apporter leur voix à ces élections européennes. Les raisons sont diverses et avouons-le, on peut les comprendre.

Je pense à tous ceux qui sont écœurés par le déni de démocratie que signifie l’adoption du traité de Lisbonne par le Congrès de Versailles qui a fait fi du NON au TCE exprimé massivement le 29 mai 2005 par le peuple français.

Car nous savons tous que le traité de Lisbonne est le frère jumeau du traité constitutionnel européen. Qu’il porte les mêmes politiques libérales, la mort du service public, la privatisation sans vergogne. Qu’il induit, par le dogme de la concurrence libre et non faussée gravée au fronton de l’Union européenne, la concurrence entre les peuples, les salariés, les privés d’emploi, qu’il engendre les délocalisations et le dumping social.

Personne n’est dupe du numéro de passe-passe de Nicolas Sarkozy, chantre du capitalisme et ami des multinationales. Il a voulu punir le peuple français qui avait, par son NON retentissant, monté une barricade contre l’eurolibéralisme. Ainsi nous comprenons celles et ceux qui se disent « à quoi sert de voter puisque lorsque notre vote n’est pas conforme aux puissants, il est balayé du revers de la main » ? Nous les comprenons mais nous sommes convaincus qu’ils se trompent de stratégie. J’y reviendrais tout à l’heure.

Je pense aussi à ces travailleurs en lutte pour sauver leur emploi, qui hurlent leur désespoir et affirment ne plus rien avoir à perdre.

Ceux de Continental et de Peugeot Sochaux, qui ont compris qu’ils sont en train de payer la crise engendrée par la folie de toute puissance de la finance, de la spéculation, de la mondialisation du capitalisme néolibéral.

Et même s’ils déclarent ne pas aller voter le 7 juin, ils ne parlent pas moins de la responsabilité de l’Union européenne dans la crise, et surtout de sa responsabilité en faveur du système d’exploitation des travailleurs. Ils connaissent les responsables, ils les désignent mais ils ne croient pas que voter le 7 juin peut avoir un sens.

Je pense à la jeunesse, dégoûtée par le sort qui lui est fait, diplômée ou non, subissant de plein fouet la précarité et la privation d’emploi, méprisée par un gouvernement entêté qui poursuit ses contre-réformes de l’université, du lycée, qui détruit la recherche, méprise les enseignants.

Comment dessiner un avenir quand on vit le présent dans l’angoisse ? Parmi cette jeunesse-là, nombreux aussi sont ceux qui pensent qu’il est inutile de se déplacer le 7 juin puisque leurs luttes ne sont pas entendues, leur vécu ignoré, malgré leur détermination et leur intelligence collective.

Je pense aux habitants des banlieues, des quartiers populaires, à sa jeunesse ciblée par les politiques sécuritaires répressives alors qu’elle souffre d’abord et avant tout de l’insécurité sociale.

Je pense aux salariés de la fonction publique, que le gouvernement insulte, et qui malgré leur résistance pour sauver l’hôpital public, l’éducation nationale, publique et laïque, la Poste, voient leurs rangs s’affaiblir par une politique de diminution drastique de leurs effectifs.

Les abandonnant face aux besoins croissants des populations en matière de soins, et en particulier dans les zones rurales. Leur engagement en faveur de l’intérêt général, qui a fondé leur statut d’agents publics, est foulé aux pieds ; ils sont ringardisés et moqués. Et malgré leur persévérance à se mobiliser et à dénoncer les dangers de l’obstination du gouvernement ils ne voient pas encore d’issue.

Parmi elles et eux, nombreux sont celles et ceux qui ne voient pas l’utilité de voter le 7 juin. Je pense aussi aux militants altermondialistes, qui ont mis toutes leurs forces dans la campagne contre le traité constitutionnel européen, aux côtés de la gauche du NON, et qui vivent comme une traitrise impardonnable le bradage qui a été fait de la démocratie.

Par la droite certes, l’UMP en tête, mais aussi par le Parti socialiste qui ne s’est pas opposé à l’adoption du traité de Lisbonne. Forcément, puisque le Parti socialiste était et reste pour le traité de Lisbonne. Forcément, puisque le groupe parlementaire européen auquel il appartient, le PSE, vote régulièrement des directives libérales !

Les altermondialistes abasourdis par le ralliement de José Bové, figure de la lutte contre la mondialisation libérale, qui a rallié le libéral-libertaire Cohn-Bendit, un monsieur qui défend bec et ongle le traité de Lisbonne comme il a défendu le traité constitutionnel européen.

Alors oui, parmi les altermondialistes, il y en a qui pensent que l’abstention est une réponse du berger à la bergère. Et que puisque l’eurolibéralisme est aux manettes, ils croient qu’ils peuvent faire entendre leur refus, en faisant grève du vote afin de décrédibiliser le système. Nous pensons que c’est faire fausse route. Parce que justement l’un des objectifs des libéraux et des européistes de la Commission de Bruxelles est d’affaiblir, voire d’éradiquer les processus démocratiques.

Oui, les raisons sont nombreuses et multiples pour ne pas voter le 7 juin. Pourtant, même si les causes sont justes, et nous les partageons, la réponse par l’abstention est fausse. Elle est fausse car elle n’est pas efficace. Elle est fausse parce qu’elle est dangereuse.

Que se passera-t-il au soir du 7 juin ? Après avoir annoncé le taux de participation, faible et historique – j’entends déjà les commentaires -, les résultats seront proclamés, et le risque est grand de voir l’UMP en tête. Un comble dans un pays qui a dit NON le 29 mai 2005 et qui dit NON chaque jour aux politiques sarkozystes. Je suis sûre que vous imaginez déjà le triomphe immodeste, comme à l’accoutumée, de ces arrogants qui prendront appui sur ces résultats pour justifier la poursuite de leurs contre-réformes. N’oubliez pas le formidable porte-parole de l’Elysée, le sieur Lefèvre, qui a lancé, il y a quelques jours, l’effroyable proposition de faire travailler à domicile les femmes en congé de maternité et les salariés en congés maladie !

J’entends déjà les commentaires nous expliquant la poussée de Monsieur Bayrou, la droite libérale déguisée en humanisme bien pensant, qui apparaîtra comme le seul opposant à Nicolas Sarkozy pour 2012. Car évidemment, ceux qui donnent des leçons d’Europe sont d’abord préoccupés par leur objectif national et personnel : les présidentielles à venir.

Le PS, lui, qu’il obtienne 22 ou 19%, ne sortira pas vainqueur du 7 juin. Et lorsqu’il appelle au vote utile, prétextant qu’il faut renverser la majorité de droite du Parlement, on pourrait en rire si cela n’était pas si pathétique. Vote utile à qui à quoi et pourquoi ? A quoi le Parti socialiste s’oppose-t-il au sein de l’Union européenne ? A ses politiques libérales ? Non.

Rappelons nous que Lionel Jospin, Laurent Fabius, alors Premier ministre et ministre de l’Economie, n’ont jamais été à l’encontre des privatisations ni des dérégulations menées au sein de l’Union européenne. Ils ont dit oui, avec ferveur parfois. Et dans le secret toujours.

Alors imaginons un autre scénario. Et il est encore possible de le réaliser. Nous avons encore quelques jours devant nous. Un temps précieux que nous pouvons mettre à profit.

Imaginons que le Front de Gauche, qui dit NON à l’eurolibéralisme et au capitalisme, qui dit OUI à une société d’égalité et de fraternité, qui inscrit la solidarité dans ses programmes et l’incarne par son identité et son histoire, imaginons que ce Front de Gauche là, qui réunit le Parti communiste, le Parti de gauche et la Gauche unitaire, soutenu par le M’PEP et d’autres organisations de gauche, des courageux qui ne mettent pas le genou à terre, qui ont en bannière, et au cœur, la coopération entre les peuples et pas la concurrence, un Front de Gauche qui place l’unité comme condition indispensable pour répondre aux aspirations des catégories populaires, des ouvriers, des salariés, des étudiants, des agents du service public, mais aussi des paysans écrasés par le jeu spéculatif et les multinationales de la grande distribution, et des artisans broyés par la sous-traitance.

Imaginons donc que le Front de Gauche démontre au soir du 7 juin que le peuple de France a décidé de reprendre son destin en main.

En proclamant son désir et sa volonté de renouer avec le volontarisme politique. Imaginons que le Front de Gauche crée la surprise en obtenant un résultat significatif.

Alors les commentaires seraient bien différents. Et les conséquences aussi. Nous aurions des élus au Parlement européen, des élus qui ne se compromettent pas dans des alliances sans principe mais construisent les bases du changement.

Alors, le Front de Gauche apparaîtrait, avec celles et ceux qui auront voté pour lui, comme de puissants désobéissants.

Désobéissants à l’ordre de la fatalité qui a remplacé la raison et la critique, désobéissants aux dogmes libéraux, désobéissants aux pronostics des sondages, désobéissants aux grands médias qui font la promotion des partis pro-système, de l’UMP, du PS, des Verts, du MoDem, et qui ont préféré choyer la figure joviale d’un Olivier Besancenot dont ils savent bien qu’il n’est qu’un amuseur puisqu’il ne prétend pas à gouverner !

Désobéissants au sein du Parlement européen parce que le Front de Gauche, lié au mouvement social, multiplierait ses alertes.

Et demain, si une vraie gauche accédait au gouvernement en France, nous serions encore des désobéissants en refusant de transposer des directives européennes libérales. Au nom de l’égalité, au nom du peuple qui aurait élu cette gauche, pour mener à bien une révolution sociale et politique.

Car au soir du 7 juin, si le Front de Gauche créait la surprise, c’est une autre étape qui s’ouvrirait. Celle qui permettrait de construire en France une force politique de gauche, fière et combattive, ouvrant un nouvel espoir pour la transformation sociale dont nous avons tous besoin.

A chaque fois que nous parvenons à faire entendre notre voix, un pas supplémentaire est franchi.

A nos difficultés, à nos peurs, à nos doutes, ne peuvent répondre que des projets collectifs, démocratiques, politiques. La croyance dans l’individualisme dans lequel nous avons été plongés est un leurre. Le chacun pour soi est un piège alléchant tendu par les idéologues du libéralisme. La liberté qu’ils prônent n’est qu’un masque tragique : eux seuls exercent leur liberté qu’ils ont mise au service du pillage de la nature, de l’exploitation des femmes, des hommes, et des enfants, à leur seul profit.

Voter le 7 juin, voter Front de Gauche le 7 juin, c’est exprimer notre conviction que s’unir est une nécessité et une force.

Et que nous ne nous résignerons pas à laisser la main invisible du marché régir nos vies et notre Cité.

Car, en tout état de cause, n’oubliez pas que « même si tu ne t’intéresses pas à l’Union européenne, l’Union européenne s’occupe de toi » !

Alors, il nous reste quelques jours pour convaincre, sans relâche, que ce scénario est possible et qu’il peut changer le paysage politique. A nous toutes et tous, tout reste possible. Soyons les messagers convaincants et déterminés, jusqu’au dernier moment, du vote Front de Gauche.


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